La vie sauvage dans notre jardin, c’est possible

On peut, à notre échelle, restaurer le vivant en créant des refuges sur nos parcelles. Mon terrain, ma petite réserve écologique. Une volonté de sanctuariser émerge, chez nombre de Français, pressés de protéger, au moins à l’échelle de leur propriété, cette biodiversité dont l’effondrement affole. Après les mobilisations des années 1980-1990 pour sauver pandas et ours blancs, voilà les Français « conscients qu’il faut préserver la biodiversité de proximité ».

Pascale Krémer  : Ils font un refuge Aspas proscrivant la chasse (1 200 hectares sont protégés, sur tout le territoire, contre 425 hectares en 2016), ou un refuge LPO au bénéfice des oiseaux – depuis 2020, 22 000 refuges ont été créés, pour atteindre 51 000, sur 70 000 hectares. Une obligation réelle environnementale (ORE) de 2016 – un dispositif inventé par la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages –, spécifie que la nature laissée en libre évolution n’y sera nullement exploitée, échappant aux engins à moteur, pesticides, aménagements en dur, déboisements. On peut aussi empêcher la chasse sur ses terres et forêts. Si ces derniers ne sont pas clos et se trouvent sur le territoire d’une association communale de chasse agréée, il faut écrire à celle-ci ainsi qu’à la fédération départementale de chasse à une date très précise, tous les cinq ans. Ensuite seulement, on peut afficher « Refuge Aspas-Chasse interdite » à chaque entrée du terrain.

A l’entrée de certaines propriétés, les panneaux s’accumulent : « Chasse interdite », « Refuge LPO », « Havre de vie sauvage-Aspas ». On passe le message à ses enfants : « Chaque être vivant a son utilité. »

Le point de vue des écologistes enherbés

La situation actuelle est désespéante, si ce n’est désespéré. L’homme a commencé son travail de destruction de la nature depuis longtemps, mais la destruction de la vie sauvage a été amplifié avec la force mécanique procurée par les ressources fossiles. Le remplacement des chevaux de trait par les tracteurs a nécessité les grandes surfaces, d’où le remodelage mortifère des paysages par le remembrement. L’évolution est désastreuse dans bien d’autres domaines. Les dernières fleurs sauvages disparaissent du fait du fauchage bisannuelle des bords de route aux moments des floraisons. A cause des chats du voisinage, on ramasse les plumes et les cadavres d’oiseaux. Autour de nous trop souvent les jardins impeccables, avec piscine, et entouré de fanatiques de la tondeuse. C’est la mode. Et il y a la réaction courante devant des herbes folles, « ça fait pas propre ! ». Les jardins sont parfois goudronnés, gazon est en plastique et les arbres seulement d’ornement. Les surpopulations de cervidés et de sangliers justifient les chasseurs. Et les agriculteurs sont souvent adeptes du glyphosate à outrance et ennemis de la moindre haie. Qu’en est-il d’ailleurs de la compatibilité des territoires laissés à eux-mêmes à l’égard des diverses réglementations qui imposent de couper les broussailles pour éviter la propagation des incendies ? « Il faut domestiquer la nature » est devenu un leitmotiv.

Notons aussi que la nature ne parvient à s’auto-réguler que si un véritable écosystème complet s’installe sur une vaste échelle : le rêve de Francis Hallé par exemple et sa forêt primaire européenne. Mais les mentalités évoluent, chacun peut créer son propre univers de vie sauvage, et c’est là l’essentiel…

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de la vie sauvage (novembre 2007)

extraits :  Chateaubriand écrivait : « les forêts précèdent les hommes ; les déserts les suivent. » Triste réalité ! Notre égoïsme fait que nous sommes devenus tout à fait inaptes à prévoir. « Après nous le déluge ! » entend-on souvent d’homme ayant procréé. Ils n’auraient donc fait des enfants que pour eux-mêmes ? (Pensées d’Alain Saury, le manuel de la vie sauvage – revivre par la nature)

Avons-nous encore besoin de rivières sauvages ? (juin 2013)

extraits : Il n’existe plus en France une seule rivière totalement naturelle. Après 15 kilomètres de parcours souterrain, la résurgence de la Vis près du cirque de Navacelles était occupée depuis près de mille ans par un moulin maintenant abandonné qui fournissait la farine aux villages environnants. Aujourd’hui une partie de l’effluent est captée par un canal qui court au flanc de la montagne pour alimenter une centrale hydroélectrique à Madières. Où est la sauvagitude, le wilderness diraient les anglo-saxons ?….

Trop d’humains, pas assez d’éléphants et de vie sauvage (mars 2015)

extraits : La pression démographique humaine, qui limite les habitats naturels nécessaires à la vie sauvage, doit être mise sur le banc des accusés. Il faut donc limiter la fécondité humaine, vaste programme. Mais restreindre la propension des humains à s’étaler dans l’espace avec tout leur appareillage de routes et de LGV, de magasins et de parkings, de villes tentaculaires et d’habitats dispersés semble encore plus difficile que de prôner le planning familial…

Des éléphants ou des hommes, qui choisir ? (mai 2022)

extraits : Il est plus que probable que si les effectifs de la population humaine ne sont pas réduits dans des proportions importantes, la vie sauvage disparaîtra complètement de la surface de la Terre et les humains s’entre-tuerons dans leurs territoires faits de béton et de goudrons…

L’ ASPAS et les Réserves de Vie Sauvage (juillet 2024)

extraits : Grâce à l’action de l’ASPAS, la première « Réserve de Vie Sauvage » a été créée au Grand Barry le 17 septembre 2012, aujourd’hui 130 hectares au cœur d’un vaste massif boisé à la biodiversité exceptionnelle. Créé par l’association pour la protection des animaux sauvages, ce label correspond au plus fort niveau de protection de la nature en France. C’est un espace dont la gestion est la non gestion, la libre évolution, le laisser faire : la nature peut s’y exprimer pleinement et librement. Seule la promenade à pied, et seulement sur les sentiers, est autorisée.

8 réflexions sur “La vie sauvage dans notre jardin, c’est possible”

  1. Du côté de chez moi, sur le piémont, il n’y a pas longtemps un village a subi de graves dommages lors d’un orage. En amont, le petit ruisseau qui traverse ce village avait été entravé par des arbres morts et la végétation, qui avait formé un barrage. Et lorsque ce barrage à cédé, c’est un énorme torrent qui a dévalé. Aujourd’hui en montagne les friches montent de plus en plus haut. Et en même temps le coq de bruyère est en déclin. Autrefois il y avait plus de monde qui vivait en montagne, tout le monde chassait et il y avait plus de coqs de bruyère, va comprendre. Autrefois les arbres tombés à cause du vent étaient vite débités, à la main, les bords des ruisseaux et des rivières entretenus, notamment par le bétail.
    La nature sauvage, comme on dit, n’existe pratiquement plus. Et en France pas du tout.
    Sauf en jouant sur les mots.
    – En cartes, les dernières régions sauvages en France (futura-sciences.com)

  2. Didier BARTHES

    Oui c’est une voie essentielle, chacun doit faire un peu.
    Quant au projet de Monsieur, oui c’est vraiment un très beau projet, il faut le soutenir, car nous devons rendre la main à la nature au lieu de vouloir la « gérer ».
    Même chose pour ce que fait l’Aspas.
    Hélas autour de chez moi les écologistes et les services de l’environnement font exactement le contraire.

  3. Esprit critique

    – « Mais les mentalités évoluent, chacun peut créer son propre univers de vie sauvage, et c’est là l’essentiel… » (Les enherbés)

    Oui elles évoluent, tout évolue, reste à voir dans quel sens. On replante des haies, on limite les fauches, on sème et on laisse pousser des fleurs pour les papillons, et aussi pour faire joli.
    Très bien, mais… les insectes continuent de disparaître, comme les petits oiseaux, les reptiles, les hérissons, les poissons et j’en passe. Et en même temps toujours de béton, de goudron, et de saloperies en tous genres.
    En fait ON se rend compte du Désastre, tout le monde s’en rend compte, et depuis un moment déjà. Qu’ON arrête déjà de dire qu’il faut réveiller les consciences. Ou alors allons plus loin, parlons de décolonisation des imaginaires etc. Vaste programme ! (à suivre)

    1. (suite) En attendant, ON bichonne son jardin, pas une herbe qui dépasse, et surtout pas une sur la terrasse de la piscine !
      Mais vu qu’ON est écolo, comme tout le monde, ON installe un nichoir pour les oiseaux. Et puis un composteur, voire une cabane… au fond du jardin.
      Et après ON accroche le VTT au cul de la Bagnole, direction le bois… à peine à quelques kilomètres. Si ce n’est la montagne, ou le bord de mer. Encore mieux, ON prend l’avion pour aller décompresser et se «ressourcer» à l’autre bout de la planète. Le Costa Rica est à la mode, ça tombe bien en ce moment 0N fait de bons prix.
      Bref, et là 0N profite enfin de la Nature. De ce qu’il en reste… mais qui en fins de comptes semble convenir à tout le monde. Ou presque.

  4. MICHEL Croquettes

    – « Les dernières fleurs sauvages disparaissent du fait du fauchage bisannuelle des bords de route aux moments des floraisons. A cause des chats du voisinage, on ramasse les plumes et les cadavres d’oiseaux. » (Les enherbés)

    Et c’est donc pour ça que certains zécolos voudraient les voir disparaître. C’est vrai qu’ils chopent des oiseaux, et même des lézards, et même pas pour les bouffer. Comme quoi leurs croquettes doivent être meilleures.
    En attendant ce ne sont pas les chats qui sont responsables du déclin des hérissons.
    Il y a encore quelques années ces charmantes petites bêtes venaient dans mon petit jardin, et rentraient même dans la maison pour manger les croquettes du chien.
    Et là plus rien, plus aucun hérisson en vue, où sont-ils ?
    Et qu’ON ne me dise pas qu’ils se sont empoisonnés avec les croquettes !

    1. Le fauchage des bords de routes ne fait pas seulement disparaître les fleurs sauvages.
      Les lézards, les verts, les gris, les serpents et les hérissons en font également les frais.
      Je me souviens jadis des cantonniers qui fauchaient les fossés à la main. Une activité qui les occupait la moitié de l’année. À peine fini d’un côté ils recommençaient de l’autre, l’herbe avait eu le temps de repousser. Aujourd’hui ON fait ça en un rien de temps avec une saloperie de machine qui déchiquette tout. L’herbe, les lézards, les hérissons etc. sans oublier les ordures jetées là par des salopards.
      ON dira qu’ON n’a pas de sous pour payer des types pour nettoyer proprement les fossés, les rivières, les chemins etc. Les impôts trop chers et blablabla.
      ON dira qu’ON n’est plus au Moyen-Âge, qu’il faut vivre et saloper avec son temps.
      Le Rendement, la Productivité, le temps c’est de l’argent et patati et patata !
      Et pour tout c’est pareil… le Pognon !

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