la ville n’est pas l’avenir de l’homme

Des responsables politiques et économiques se sont mis d’accord* pour considérer la ville, malgré toutes ses contradictions et ses périls, comme l’avenir de l’homme. Avec 120 villes de plus d’un million d’habitants, la Chine est en première ligne. Yang Jiechi, le ministre des Affaires étrangères chinois déclare : « Les agglomérations sont d’importants relais de croissance pour dynamiser l’économie et élever le niveau de vie de l’ensemble de la société. » … « Une augmentation d’un pour cent de la population urbaine est synonyme de création d’emplois, de hausse de la consommation et de nombreux investissements ». Le magnat mexicain des télécoms Carlos Slim a précisé que la migration urbaine, avec les économies d’échelle qu’elle induit pour les infrastructures, est même la seule réponse à la croissance exponentielle de la population : « S’il n’y avait pas de grandes villes, la plupart des gens ne pourraient s’offrir le coût d’accès à nos services de télécommunications ». Comment en sommes-nous arrivés à nous constituer les prisonniers des Chinois et d’opérateurs téléphoniques ? La terre fertile d’une famille de cultivateurs exige davantage d’espace que l’ordinateur d’un trader boursier !

L’idée de la ville comme avenir de l’homme renvoie à celle des réserves d’Indiens, zoos humains conçus par des Blancs dont la règle fut l’exploitation des hommes et de la Nature. En 1800, 3 % de la population mondiale seulement habitait en ville contre 50 % aujourd’hui et 70 % dans 40 ans, avec la poursuite du développement tentaculaire de mégalopoles. La mégalopole, c’est un espace urbanisé polynucléaire formé de plusieurs agglomérations dont les banlieues et couronnes périurbaines s’étendent tellement qu’elles finissent par se rejoindre, et cela sur de longues distances. La mégalopole européenne est un complexe urbain étalé sur plus de 1 500 km et dont l’effectif est de plus de 70 millions d’habitants. Il s’étend ainsi depuis Londres jusqu’à Milan, traversant le Benelux et la Rhur. Cette dorsale métropolitaine médiane pour l’Europe a reçu le nom de « banane bleue » en raison de sa forme qui apparaît sur une image satellite. Si vous résidez dans cette « banane », vous avez tout de même droit à quelques bois aux allées policées ou à un petit jardin, ersatz d’une nature défunte et dont la valeur écosystémique est à peine supérieure à celle de pots de géraniums sur balcon ! Le surpeuplement de l’homme est un antagonisme à la biodiversité.

Il s’agit d’une ultra-urbanisation motivée par une fonction politique, et ce en opposition à une idée de cité bucolique. Mais les mégalopoles nous vont comme un gant. Grégaires tout en nous haïssant, nous aimons la fureur, la promiscuité, la consommation. Nous sommes en deuil de l’Arcadie, ce pays de discrets villages qui, dans la poésie bucolique hellénique, illustrait le pays du bonheur, le pays idéal.

condensé d’un texte de Michel Tarrier, Les mégalopoles, futures réserves de Terriens !

* Conférence annuelle de la Fondation Bill Clinton à New York, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, le 22 septembre 2011