l’adieu à la croissance

La croissance ne fait pas l’emploi quand la productivité augmente plus vite que le PIB. En fait, à population active identique, c’est l’augmentation de la productivité du travail qui fait la croissance. Mais il ne s’agit que d’une productivité apparente car les travailleurs sont accompagnés d’un capital technique (machines…) et de l’utilisation du capital naturel (énergie, eau, matière premières…). Le PIB comme la productivité du travail ne considèrent pas l’épuisement ou la détérioration du capital naturel. Comme l’activité humaine a dépassé les capacités de la planète, nous sommes en décroissance et le PIB comme la productivité sont incapables de nous l’indiquer. Les économistes orthodoxes inventent alors l’idée de substituabilité, le capital et le travail technique pourraient compenser les pertes de capital naturel. C’est une complète illusion. C’est notre énergie physique qui remplacera l’énergie fossile et créera des emplois… si nous sommes raisonnables !

De plus en plus d’économistes reconnaissent maintenant que nous dépendons d’une réalité biophysique. Denis Clerc, fondateur du magazine Alternatives économiques, reconnaît qu’on ne peut plus être favorable à la croissance à court terme et critique dans le long terme*. Jean Gadrey reconnaît les imperfections de l’indicateur PIB qui ne mesure ni le bien-être, ni la soutenabilité écologique**. Nous donnerons le dernier mot à René Passet *** :

 » Comme système, je ne vois rien d’autre que la bioéconomie. Les menaces qui pèsent aujourd’hui sur la biosphère, c’est-à-dire l’ensemble des êtres vivants et des milieux où ils vivent, conditionnent tout le reste. Incluse dans cette biosphère, les organisations économiques doivent en respecter les lois et les mécanismes régulateurs, en particulier les rythmes de reconstitution des ressources renouvelables ».

Nous ajoutons qu’il ne  faudrait pas utiliser de ressources non renouvelables de manière non recyclable.

* L’écologie, c’est l’emploi d’Hervé Kempf (leMonde du 22 octobre 2010)

** Adieu à la croissance de Jean Gadrey (les petits matins, 2010)

*** René Passet dans Télérama 3171 (20 octobre 2010)

8 réflexions sur “l’adieu à la croissance”

  1. La décroissance des pays gaspilleurs (occident mais aussi une partie de la chine de l’inde et autres émergents) est inévitable, alors autant s’organiser pour ne pas avoir à puiser dans des ressources naturelles qui sont inévitablement vouées à la déplétion.

  2. Nicolas sarkozy aime les jeux de miroirs : c’est un décroisssant.Ses résultats sont bons, regardez en 2009, PIB = -2,5%

  3. Pour tous les anti-décroissance, je vous conseille vivement de lire l’ouvrage fondateur de cette idée, Demain la décroissance (Lausanne, Favre, 1979) en ligne, ou mieux la nouvelle édition La décroissance (Sang de la Terre, 2005). Vous comprendrez alors que nous sommes déjà en décroissance, terme qui nous fait peur, mais qui est moins fort que celui de l’auteur lui-même qui parlait de « Decline » en anglais. Il faut être optimiste, mais pas aveugle.

  4. Je ne sourscris pas a votre these pour deux raisons :
    Ce n’est pas la planete qu’il faut considerer mais le systeme planete + soleil. Or le soleil est une source phenomenale d’energie libre (au sens thermodynamique du terme). A 2% de croisssance par an, on en a encore pour des millenaires avant de l’epuiser. Bien sur, si on se borne a utiliser uniquement les mecanismes « naturels » (en gros, photosynthese et cycle meteo de l’eau et du vent), le rendement en « ressources renouvelables » de l’energie solaire est tres faible. Mais on sait deja faire bien mieux aujourd’hui. Par exemple Klaus Lackner de l’Universite Columbia a mis au point des capteurs de CO2 dans l’air 100 fois plus efficace que la biomasse (en terme de volume de materiaux). Idem pour les panneaux solaires dont le rendement energetique augmente regulierement. Ce n’est pas encore competitif avec les energies fossiles (meme avec prise en compte des externalites), mais ca le deviendra vite.

    Par ailleurs, il n’y a rien de mal a utiliser des ressources non renouvelables pour se constituer un capital d’actifs permettant d’exploiter des ressources renouvelables. Nous n’aurions pas pu passer directement des moulins a vent du XVIeme siecle aux eoliennes d’aujourd’hui sans utiliser des energies fossiles dans l’intervalle. Ces ressources fossiles sont un capital : il ne faut pas le dilapider dans des consommations futiles, certes. Mais ne pas l’utiliser du tout est egalement stupide.

  5. Pierric Calenge

    Intéressant les réactions que suscitent la simple évocation de la décroissance :
    1. Il y a ceux qui considèrent que cela signifie sacrifier les populations du sud à l’archaïsme et à un travail d’esclave
    2. ceux qui pensent que « de toute façon c’est pas possible parce que les gens ne voudront pas renoncer à leur niveau de consommation » (ne vous inquiétez pas, si ils ne le font pas tout seul, l’augmentation des prix de l’énergie s’en chargera)
    3. ceux qui pensent que cela met en péril l’avenir du socialisme égalitaire radieux (un vil complot néo(libéral, il fallait y penser)
    4. que c’est pas réaliste et que de toute façon c’est une façon de masquer les injustices parce que les plus riches s’en sortiront mieux (le scoop)
    Toutes ces critiques sont franchement infondées, et encore plus celle qui consiste à dire que les « théoriciens » de la décroissance ne seraient pas prêt eux mêmes à payer le prix de leurs idées…Je ne pense pas pourtant qu’il s’agisse d’un sacrifice hors du commun de se déplacer en vélo, d’éteindre la télé, ou de se contenter d’une ampoule plutôt que d’un lustre halogène, mais certains mettent le niveau du sacrifice à un seuil très bas. En attendant, si quelqu’un a une meilleure idée que de consommer un peu moins n’importe quoi et de valoriser la production de proximité, que de remettre en avant les biens et services collectifs porteurs de plus de bien être commun, qu’il le dise… je ne vois pas en quoi pousser ceux qui en ont les moyens à posséder plus de voitures, plus de maisons, plus d’écrans, résoudra nos problèmes, ce qui revient à dire qu’il faut allouer différemment les richesses.

  6. Comparez la consommation de carburant de l’Ecologiste Arthus Bertrand et celle d’un facteur a velo.

    Dites-moi quel est le plus adepte de la « decroissance »?

    Soyons serieux,la decroissance, c’est une notion initiée pour justifier les inégalités., et aussi l’incapacité de l’economie liberale à produire des biens pour le plus grand nombre.


    Remarque de biosphere :

    « Il est amplement démontré que c’est la recherche de la croissance qui a permis de justifier les inégalités : on nous a fait croire que plus le gâteau sera grand, plus les pauvres auront de miettes. »

  7. Merci pour votre blog, je partage tout à fait votre analyse et considère qu’il est fondamental d’expliquer ce point de vue pour que la société puisse s’adapter à la nouvelle donne changeante et préserver la démocratie. Nous sommes aux limites à la croissance et l’on sait qu’une décroissance forcée autrement plus choquante va suivre. Ce qui est tragique c’est que l’on s’évertue à investir (en s’endettant) dans notre passé alors qu’il faudrait faire des investissements stratégiques pour notre futur. On ne fera pas l’économie d’une prise de conscience des limites à la croissance.

  8. sur lemonde.fr à propos de l’article de Kempf :

    Cdc : Plus créatrice d’emploi… Oh certes ! Allez voir au Viêt Nam et en Chine les gens qui travaillent dans les rizières ! C’est merveilleux ! Sans compter les reins cassés par le repiquage… Bonne chance aux décroissants ! C’est pas eux qui vont travailler dans les champs !

    Frateco Tutmonda @ cdc
    Vous ferez partie des décroissants vous aussi, que vous le vouliez ou non ! Comme disait Kenneth Boulding, « celui qui croit qu’une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est un fou, ou un économiste ». Heureusement, il y a de moins en moins d’économistes qui y croient…

    Bof : La réalité c’est qu’une majorité de la population n’acceptera pas de renoncer à son niveau de vie matérielle. L’idéologie décroissante, si on cherche à la mettre en place, connaîtra une évolution semblable au communisme.

    ArhhPasNet : Pas forcément décroissance mais meilleure croissance quant aux ressources utilisées. Chacun d’entre nous peut déjà y contribuer par exemple en réparant ou en faisant réparer certains biens (donc effectivement plus de temps passé mais moins de ressources). Problème : de plus en plus de produits et de services ne sont pas conçus/pensés pour cela (ex : formats de vis « exotiques », Bouygues Tel qui promeut le changement annuel de mobile…) sans parler du nombre de réparateurs qui diminue.

    Frateco Tutmonda : La décroissance n’est pas une idéologie, c’est une loi physique. Le pétrole, le charbon, le gaz naturel, l’uranium, les métaux… sont en quantité limitée et, pour ces derniers, pas recyclables indéfiniment. C’est une conséquence de la 2ème loi de la thermodynamique : dans un système fermé comme la Terre, le désordre (l’entropie) ne peut que croître sauf pour ce qui est compensé par les apports solaires. Pour le comprendre, lire ou relire Georgescu Roegen…

Les commentaires sont fermés.