L’appel au sabotage relève de la liberté d’expression

L’action contre les grands travaux inutiles coûte cher. Le tribunal de Turin a condamné, mardi 27 janvier, 47 militants opposés aux travaux de construction de la ligne de TGV devant relier Turin à Lyon à l’horizon 2030 à des peines qui varient d’une amende de 250 euros à un maximum de 4 ans et demi de prison*. Un procès s’ouvre le 28 janvier devant le même tribunal contre Erri De Luca qui a pris fait et cause pour les militants du « No TAV ».
Voici ce qu’a dit ou écrit l’écrivain italien Erri De Luca :
« Le Lyon-Turin doit être saboté. C’est pour ça que les cisailles étaient nécessaires. Il ne s’agit pas de terrorisme. Elles sont nécessaires pour faire comprendre que la ligne à grande vitesse est un ouvrage nuisible et inutile. Le dialogue avec le gouvernement a échoué, les tentatives de médiation ont échoué : il ne reste donc que le sabotage ».
« Du moment que je suis poursuivi pour avoir incité à commettre des délits, j’aimerais bien savoir quels sont ces délits et qui sont les personnes incitées. Mais je serai déçu, car les témoins contre moi qui seront présents au tribunal, un fonctionnaire de la préfecture de police et des représentants de la LTF, ne seront pas capables de me donner une réponse ».
« On m’accuse d’un délit d’opinion. Il s’agit d’un procès issu d’une plainte déposée par une société privée qui n’aurait pas dû être prise en compte par les magistrats. Je crains donc qu’il y aura une volonté de condamnation et de censure contre la liberté d’expression ».
« être inculpé de résistance, c’est comme obtenir une médaille de la valeur civile ».
« Il y a certainement des limites à la liberté d’expression, qui sont imposées par la loi. Il s’agit de la calomnie et de la diffamation. Mais je ne suis coupable ni de calomnie, ni de diffamation. Je me suis exprimé librement contre le projet et j’ai exprimé mon soutien à la population du Val de Suse, qui est opprimée par cet ouvrage et par l’occupation militaire de la vallée ».
« Si mon opinion est un délit, je vais continuer à le commettre. Je subis un abus de la part de ceux qui veulent détruire ma liberté d’expression. Moi, au pire, je peux être coupable d’incitation à la lecture, et, en étant optimiste, d’incitation à la formation d’opinion. Je ne suis qu’un écrivain. L’alpiniste Reinhold Messner faisait de l’incitation à l’escalade, mais on ne peut pas le considérer responsable des morts en montagne ! Même la Marseillaise dit ‘Aux armes citoyens’, mais je ne crois pas que cela scandalise les Français ».
« Si je suis condamné, j’irai en taule, mais dans ma carrière et dans ma vie j’ai défendu à de nombreuses reprises les mots des autres. Je suis bien entraîné, et je vais défendre aussi les miens ».**
Lors du mouvement luddite de bris des machines au début du XIXe siècle, une loi avait permis la peine de mort contre de tels actes. A partir de ce moment, les machines et leurs infrastructures ont acquis la prépondérance sur la vie humaine et la liberté de résister à cette mégamachine. Cette situation est-elle tolérable ?
* LE MONDE du 29 janvier 2015, Italie : lourdes peines pour des opposants au TGV Lyon-Turin
** http://www.reporterre.net/Erri-De-Luca-On-m-accuse-de-delit

1 réflexion sur “L’appel au sabotage relève de la liberté d’expression”

  1. Eric de Luca précise dans un bref ouvrage :
    « Si j’avais employé le verbe « saboter » dans le sens de la dégradation matérielle, après l’avoir dit je serais aller le faire ». Eric revendique l’emploi de ce mot au sens « d’entraver » et de « faire obstruction ».
    In « La parole contraire », Gallimard, 48 pages, 8 euros

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