hausse du baril et limites de la démocratie

« Le spectre de la pénurie durable ». Tel est le titre du Monde* en première page. Mais difficile d’économiser l’énergie pour une économie de croissance et des mentalités accros au pétrole. Le gouvernement espagnol vient d’adopter en urgence 20 mesures** visant à faire face à la hausse du baril. Mais le plan d’économies d’énergie adopté à l’été 2008 était resté au stade des bonnes intentions. La commission européenne*** vient de refuser un objectif contraignant d’efficacité énergétique. Pourquoi ? A cause des lobbies et de la lâcheté des politiques. Les distributeurs de pétrole, de gaz et d’électricité n’ont pas d’intérêts financiers à promouvoir la baisse de la consommation, donc ils ne le font pas. Les politiques, qui n’ont jamais entendu parler de pic énergétique mondial et de déplétion pétrolière, font ce que les lobbies industriels exigent. Les journaux, y compris LeMonde, minimisent les perspectives de pénurie. Tout juste si on reconnaît que « dans les deux prochaines années les marchés voient se profiler un déséquilibre offre-demande »****. Pourquoi deux années seulement ? Parce que l’avenir pour le marché, les journalistes et donc les politiques se limitent aux événements de la veille.

                La démocratie n’existe pas dans nos sociétés, tout n’est que résultat d’un rapport de force. Les humains ne connaissent dans une société complexe que la volonté de domination et le conflit ; c’est pourquoi il n’y a que la force qui peut limiter le force. D’où le principe de séparation des pouvoirs dans un régime politique démocratique. En économie, c’est la loi du renard libre dans un poulailler libre. Comme  il n’y a pas de lobby des économies d’énergie, il n’y a donc pas d’économies d’énergie. Face au système de production actuel, soumis à des intérêts financiers, les consommateurs, l’avenir et la biosphère ne font pas le poids. Bien sûr on peut connaître le scénario Négawatts, on peut se prendre pour un No impact man ou vivre adepte du locavore… mais les bonnes intentions et les initiatives individuelles ne font pas le poids ! Seul un baril à 300 dollars pourra commencer à nous faire réfléchir sur ce qu’est vraiment une pénurie durable.

* LeMonde du 9 mars 2011, Prix du pétrole : le spectre de la pénurie durable (page 1)

** LeMonde du 9 mars 2011, En Espagne, des trains moins chers et des voitures ralenties

*** LeMonde du 9 mars 2011, L’Europe publie sa politique d’économies d’énergie

*** LeMonde du 9 mars 2011, Le scénario d’un prix durablement élevé du pétrole se confirme

7 réflexions sur “hausse du baril et limites de la démocratie”

  1. L’Etat ne doit pas agir sur les taxes ou alors uniquement de manière limitée, cela ne fera que retarder l’échéance.

    Même les mesures pour des économies d’énergies sont dépassées: nous sommes déjà dans une hausse continuelle des prix de l’énergie, ce qui va mécaniquement obliger les ménages à faire des économies: l’investissement pour faire des économies d’énergie est automatiquement rentabilisé par la baisse de la consommation et ce d’autant plus vite que les prix augmentent.

    Il faut dès maintenant prévoir le moment où la pénurie arrivera, cela vise 2 objectifs: 1) l’indépendance énergétique notamment en terme de chauffage, 2) le relocalisations des activités.

    Pour l’indépendance, c’est simple, il faut réduire le besoin en énergie hors Europe voire hors France en visant un développement du thermique solaire et du chauffage via la biomasse. L’Etat doit s’engager dans ces 2 filières, car il y a du dévoppement à faire (amélioration des rendements, limitation de la pollution, développement de réseau) alors que dans l’isolation des bâtiments, la technologie existe, seule son application reste à faire.

    Mais où l’Etat a le plus de pouvoir, c’est dans la relocalisation des activités, notamment via l’aménagement du territoire afin de localiser les activités industrielles et commerciales à côté des habitations, tout cela pour réduire le besoin de transports. Il faut éviter la concentration d’un type d’activité sur un seul lieu. De plus, il faut que chaque secteur commercial, industriel et d’habitation soit relié via un réseau de transports publics.

    En visant principalement 2 produits issus du pétrole, l’essence et le fioul de chauffage, on peut réduire l’impact de la pénurie en produits pétroliers. L’avantage de cette optique est qu’elle est basée sur des technologies existantes au contraire de l’hydrogène, de la fuel cell ou de l’électricité qui sont en développement.

    L’électricité n’est pas l’énergie la plus cruciale en terme de pénurie, même si son coût va augmenter fortement dans le futur. Le développement du photovoltaïque était une bonne idée du point de vue technique et industriel, mais pas du tout du point de vue de l’indépendance énergétique.

  2. Daniel,
    Modifier le comportement de dépendance envers le pétrole est en effet difficile. Informer ne suffit pas. Sensibiliser le public est d’une importance cruciale, mais il suffit de regarder un paquet de cigarettes pour en voir les limites.

    Une bonne méthode pour sortir de cette dépendance, organiser sur son territoire d’appartenance un collectif pour la Transition. Pour en savoir plus, le manuel de Rob Hopkins

  3. Daniel MACREZ

    Certains de mes proches ne se posent pas autant de questions que nous. Leur monde est simple qui a pourvu à tout, jusqu’à la nuit des temps. Le pétrole jaillira toujours des entrailles de la terre pour la bonne et simple raison que leur voiture en a besoin.
    Notre planète est gérée comme ces terrasses de la place des Vosges que je voyais jeudi dernier pleines à craquer en dépit d’un froid glacial et par le miracle de la multiplication des braseros: le gaspillage reste rentable.

  4. Christophe Touret sur lemonde.fr :
    « Il est urgent de se désintoxiquer du pétrole en mettant en place une taxation progressive et continue qui donnera aux agents économiques la visibilité nécessaire. Sinon ? Ces chers ménages que l’on souhaite protéger (et maintenir dans l’aveuglement) n’en souffriront que davantage. »

    La biosphère approuve !

  5. christian scholtès sur lemonde.fr : Les taxes sur l’essence sont exorbitantes, elles permettent des rentrées d’argent à bon compte et des impôts directs plus faibles ; mais elles touchent les plus pauvres c’est une TVA à 60 %. La gauche si elle veut la justice devrait remédier à cet impôt bien plus injuste que l’ISF !

    remarque de biosphere : La taxation des carburants permet d’amortir une augmentation du prix du baril puisque la répercussion ne se fait que sur une petite partie du prix à la pompe. Par contre pour le kérosène des avions, détaxé, ou pour l’automobiliste américain, un choc pétrolier entraîne un véritable choc sur les porte-monnaie. N’oublions pas aussi que pour contrer le réchauffement climatique, il faudrait, si on était logique, instaurer une imposition supplémentaire, la taxe carbone.

    La question n’est donc pas la TIPP ou toute autre taxe, mais la situation de précarité énergétique des plus pauvres. A cela il existe des réponses. Etablir un revenu maximum, redistribuer toutes les plus-value tirées des augmentations du baril par les compagnies pétrolières, imposer des quotas carbone qui soient les mêmes pour tous… sachant qu’un jour ou l’autre il n’y aura plus de pétrole et qu’il faut s’y préparer… en augmentant le prix de l’essence !

  6. ANDRE WANDOCH sur lemonde.fr : L’arrêt de la production de pétrole en Libye représente 1 % de la production mondiale. Elle provoque une augmentation du prix du baril de 50 %. Il faudrait nous réexpliquer les lois du marché et de la concurrence libre et non faussée. On a l’impression que les spéculateurs font des heures supplémentaires. + Nicotine : La hausse du pétrole c’est du super profit pour les spéculateurs. Le reste c’est du blabla.

    remarque de biosphere : La spéculation est une cible facile qui nous cache l’essentiel. La spéculation ne fait qu’amplifier dans un sens ou dans l’autre les mouvements prévisibles du marché, elle n’agit qu’à la marge. La spéculation n’est donc qu’une conséquence, ce n’est pas la cause. De toute façon le prix du marché n’est déjà qu’une convention qui couvrent les frais d’extraction auxquels s’ajoutent le résultat des rapports de force entre producteurs, intermédiaires et consommateurs. Ce processus de fixation des prix par le marché est par essence irrationnel et le comportement des acteurs intrinsèquement contingent. En août 2005, le baril avait atteint 71 dollars à New York à cause du cyclone Katrina, demain le simple décès du roi d’Arabie Saoudite pourrait déclencher un affolement du marché pétrolier qui n’a jamais vu plus loin que le petit bout de son petit nez. Il n’y a pas de juste prix du baril.
    En fait le baril n’est pas payé à qui l’a fabriqué. Le pétrole est un cadeau unique de la géologie, qui nous a permis d’utiliser l’énergie accumulée par des millions d’années d’insolation. Pour obtenir un litre d’essence, il aura fallu que 23 tonnes de matières organiques soient transformées sur une période d’au moins un million d’années. Alors, à combien la Nature nous offrirait-elle le litre de super si elle était une marchande capitaliste ?

    Lorsque nous aurons achevé de brûler le pétrole, il aura disparu à jamais ; des millions d’années de travail géologique gaspillées. En 1892 Mendeleïev, l’inventeur de la classification périodique des éléments, écrivait d’ailleurs au tsar : « Le pétrole est trop précieux pour être brûlé. Il faut l’utiliser comme matière première de la synthèse chimique ». Il nous faut donc non seulement supprimer les spéculateurs, mais aussi les voitures…

  7. Bernard ANDRE

    Absolument d’accord (hélas). Nous vivons en effet dans une dictature économique mondiale qui veut de la croissance, de la croissance et encore de la croissance à n’importe quel prix écologique, humain, animal. La catastrophe est que nous sommes, nous Européens « riches » et Américains LES modèles. Les peuples pauvres aspirent à vivre comme … nous, même les révolutionnaires sympathiques du Maghreb. L’exploitation de la Planète et celle, abjecte, des animaux d’élevage, n’en est qu’à ses débuts. Demain 10 milliards de personnes voudront suivre notre abominable modèle. Il faudrait cinq ou six planètes… Tant pis, on ira jusqu’au bout, jusqu’au bout du bout, et nous continuerons à consommer en carburant dans un seul voyage en avion ce qu’il faudrait consommer en trois mois…. et nous continuerons à nous gaver de viande et de produits animaux cinq fois plus que de raison. Jusqu’où ? Jusqu’à quand ?

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