Mobiliser la société face au défi pétrolier

La prépondérance de l’événementiel fait oublier l’essentiel.  Huit pages autour de Mohamed Merah dans LE MONDE papier du 23 mars, mais   une tribune* formidable, exceptionnelle, cosignée par les rares qui réfléchissent encore en France, n’a pas été retenue pour une publication dans la version papier du MONDE ; elle n’a pas été considérée comme étant au « coeur » de l’actualité.  A vous de juger de son contenu à l’heure où le prix du carburant décolle :

« Après plus d’un siècle d’augmentation importante de la production et de la consommation de pétrole, la Terre s’essouffle et la notion de « pic de production », autrefois ignorée, s’impose comme une réalité inéluctable. Cette tension se manifeste d’ores et déjà à travers le déploiement de techniques d’extraction demandant toujours plus d’investissements, d’énergie et de matériaux. En effet, lorsque des réserves sont limitées, le rythme de leur exploitation suit une courbe croissante, puis elle plafonne à son maximum en formant un plateau, avant de décroître. C’est le cas du pétrole facilement accessible et bon marché dont la plupart des experts, y compris, désormais, l’Agence internationale de l’énergie, admettent qu’il a atteint son pic de production mondial il y a quelques années.

Malgré les découvertes de gisements récemment médiatisées, le monde continue de consommeer beaucoup plus de pétrole qu’il n’en trouve par l’exploration. L’extraction du pétrole difficile, appelé non-conventionnel (sables asphaltiques, pétrole de roche-mère, grands fonds marins…) sera beaucoup plus coûteuse et surtout beaucoup plus lente. Elle ne permettra donc pas d’éviter la baisse de la production mondiale après un plateau qui ne devrait durer que jusqu’en 2015-2020. Les énergies alternatives, même si elles sont développées à un rythme soutenu, ne pourront pas compenser le déclin de la production de pétrole, que ce soit en quantité ou en coût de production. Aucune solution de substitution aux carburants liquides n’est disponible à l’échelle de la demande, actuelle ou future.

A l’avenir, nous disposerons fatalement de moins d’énergie et de ressources alors que nous sommes de plus en plus nombreux sur Terre et que les pays émergents sont en phase d’industrialisation rapide. Par ailleurs, les pays exportateurs consomment une part toujours plus importante de leur production pour alimenter leur développement.

Or force est de constater que le fonctionnement de notre société dépend aujourd’hui d’une croissance économique soutenue qui va de pair avec une consommation toujours plus importante d’énergie et de ressources. L’urgence apparaît donc d’anticiper une inexorable descente énergétique. Les limites physiques devraient déclencher une réelle transition de la société vers une diminution majeure de notre dépendance aux ressources non renouvelables, par un changement profond des comportements, de l’organisation du territoire et de notre économie. Si cette transition n’est pas anticipée, elle sera subie de manière chaotique et provoquera des conséquences économiques désastreuses, à l’image de la crise des subprimes. Les fondements de la démocratie et la paix pourraient donc être menacés.

Dans ce contexte, il est indispensable que les responsables politiques, mais aussi l’ensemble des acteurs sociaux et économiques ainsi que les citoyens français, prennent conscience de cet enjeu et fassent preuve d’anticipation, car nous sommes face à un péril réel pour la cohésion sociale et le fonctionnement de l’ensemble des secteurs vitaux de notre collectivité. Les signataires de cet appel invitent tous les candidats à l’élection présidentielle à tenir compte de cette situation urgente. Ils leur demandent de prendre position sur cette question, dans le cadre de débats et de propositions politiques concrètes. Celles-ci devront être compatibles avec la réalité physique de l’extraction des ressources et permettre de faire face à la décrue énergétique de notre société. »

* Le Monde.fr | 22.03.2012 – Mobiliser la société face au pic pétrolier

8 réflexions sur “Mobiliser la société face au défi pétrolier”

  1. J’ai aussi tiqué sur cette expression : « les rares qui réfléchissent encore en France ». J’avoue ne pas bien comprendre l’intérêt d’insérer cette phrase (trivialement fausse) dans votre texte. A part si le but est de faire fuir toute personne n’étant pas déjà convaincu par le problème soulevé dans la tribune.

    J’avoue que je ne comprends toujours pas ce blog. L’objectif semble être de favoriser la prise de conscience des crises écologiques et énergétiques qui nous guettent à court terme. Et pourtant, tout semble être fait pour que seul des personnes déjà convaincues aient envie de lire ce blog (par exemple, dans le fait que vous insultez ceux qui ne pensent pas comme vous, ou encore dans le fait que vous ne rapportez que rarement les arguments qui ne vont pas dans le sens de vos conclusions etc.).

    Remarque des modérateurs du blog biosphere :
    Notre blog comporte à ce jour 1721 articles. Nous vous mettons au défi, « a », d’y trouver la moindre insulte. La diffamation n’est pas bonne conseillère…

    1. Bonjour « a »
      Nous vous conseillons d’aller voir le film « Les nouveaux chiens de garde » (cf. agenda). Ce film montre comment une pensée unique se propage, croissanciste pour résumer rapidement, et combien rares sont ceux qui peuvent encore réfléchir, c’est-à-dire prendre de la distance.
      Quant à la formule magique pour convaincre des personnes qui sont convaincues du contraire, nous avouons que nous ne la connaissons pas !

  2. Merci, vous m’avez manque aussi. je suis content de re-intervenir, ma non troppo, je promets.

    Grenouillement,

    Croa croa (et woua woua),

  3. Me revoilou.

    Vous ecrivez: « cosignée par les rares qui réfléchissent encore en France, « : c’est a dire en fait, que les autres 1) ne sont pas dignes d’etre consideres comme ayant des opinions, puisqu’ils ne pensent pas vraiment. Ils ecrivent par reflexe, comme des grenouilles spinales, n’est-ce pas? et 2) ils ne sont donc pas dignes d’etres publies dans le Monde.

    Comment peut-on etre Persan et suivre l’information en direct sur un terroriste plotot qu’une tribune (non publiee)? C’est facile, il suffit de ne pas faire partie des « rares qui pensent encore ».

    1. Bonjour Coq au vin
      Nous sommes ravis de voir que vous revenez hanter notre blog. Nous précisons à nouveau que les chiens de garde veillent à ce que la pense unique règne sur les médias et les politiques… D’où la rareté de ceux qui peuvent s’exprimer par rapport aux périls écologiques qui nous guettent. Nul esprit péjoratif sur les grenouilles spinales dans notre analyse, c’est un simple constat.

  4. Mon avis est qu’actuellement l’erreur est d’attribuer de l’intelligence à de simples données alors que c’est ce qu’on fait avec ces données qui est intelligent et qui permet de voir un sous ensemble puis un tout si on relie ces sous ensembles. D’ou l’erreur d’attribuer à la croissance ou à la technologie, qui ne sont qu’un simple accroissement du nombre de données, valeur de remède à l’effondrement qui nous guette et que nombre de dirigeants perçoivent intuitivement.
    Par exemple, dans ce que j’ai pu expérimenter par moi-même lors d’une réunion sur le réchauffement climatique, le raisonnement pas trop compliqué de l’effet rebond: connaissent pas (ou ne veulent pas); donc ces Ingénieurs météo et Grands décideurs s’arrêtent à « il n’y aura plus d’émissions de CO2 avec des voitures électriques », se contentant de rajouter des objets dans le pot commun et ne voyant pas que c’est ce qui relie ces objets au reste qui est le plus important: combien de CO2 pour les produire et les faire rouler?. On en est à l’intelligence du gamin de maternelle qui joue dans un tas de sable, qui enlève et remet du sable. Et qui croit qu’il est seul au monde et que tout lui est dû.

  5. Sur Google news ce soir, rien à propos de cet appel à entendre d’urgence. Beaucoup croit encore aux Sirènes du capitalisme.
    En début de semaine, un formateur d’un constructeur de bagnole a regardé un des livres posés sur mon bureau à l’accueil du site.
    Aussitôt, surpris et avec un regard d’incompréhension, il m’a dit en reprenant le titre du livre de Bernard Durand que j’avais sous les yeux:  » La crise pétrolière »? … mais y a pas de crise pétrolière…
    Et ce bon Monsieur poussant la porte tout en marmonnant dans sa moustache.
    Il y en a qui vont se réveiller au dernier moment qu’on ne sera pas étonner.

    Je viens de créer une page « La fin du pétrole » sûr Facebook il y a deux jours.

  6. les signataires de la tribune :
    Pierre René Bauquis, ancien directeur de la stratégie et la planification du groupe Total ;
    Yves Cochet, député européen, ancien ministre de l’environnement ;
    Jean-Marc Jancovici, ingénieur consultant, président de The Shift Project ;
    Jean Laherrère, président d’ ASPO France (Association pour l’étude du pic pétrolier et gazier), ancien patron des techniques d’exploration du groupe Total ;
    Yves Mathieu, ancien chef du projet ressources pétrolières mondiales à l’Institut français du pétrole, auteur du livre Le dernier siècle du pétrole : la vérité sur les réserves mondiales (Editions Technip, 2010).

    Si vous voulez vous mobiliser face au pic pétrolier :
    http://tribune-pic-petrolier.org/signataires-en-ligne/

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