Le pouvoir d’achat ne se décrète pas

Au-delà des contraintes écologiques qui rendent absurdes les revendications d’une hausse globale du pouvoir d’achat, des considérations spécifiquement économiques expliquent que défendre le pouvoir d’achat n’est pas le rôle d’un présidentiable. De telles propositions sont soit irréalistes, soit un jeu de dupes.

Stéphane Lauer : « Les électeurs devraient prendre conscience que la capacité d’un président de la République à améliorer le pouvoir d’achat reste limitée car le pouvoir d’achat ne se décrète pas. Les programmes se divisent en deux catégories. La gauche opte pour une hausse spectaculaire du salaire minimum. La droite pour une réduction des charges sociales. Concernant la première option, notons d’abord que la France est l’un des pays où le salaire minimum corrigé des différences de niveau des prix et de durée du travail est le plus élevé. Ensuite, le groupe d’experts sur le Smic rappelle qu’une « hausse des salaires supérieure aux gains de productivité accroît les coûts de production des entreprises, qui doivent réduire l’emploi, ou augmenter leurs prix de vente et, partant, perdre en compétitivité-prix, ou encore réduire leurs marges, ce qui pénalise leur capacité à investir. »A cela s’ajoute un phénomène d’écrasement de la hiérarchie des salaires au détriment des emplois plus qualifiés. Pour rappel, la France fait partie des nations dans lesquelles l’écart entre le salaire minimum et le salaire médian est le plus faible. L’autre option consiste à supprimer une partie des cotisations sociales pour augmenter le salaire net. Valérie Pécresse veut, par exemple, baisser les cotisations vieillesse de 2,4 % pour augmenter les salaires nets de 3 %. Comme il n’est pas question que ces largesses se fassent au détriment des prestations sociales, l’État doit, pour compenser le manque à gagner, puiser dans ses recettes fiscales. Cela revient à résoudre un problème de pouvoir d’achat à court terme par un creusement à long terme du déficit de l’Etat. Jouer sur les cotisations finit par fragiliser le financement de notre système de protection sociale, qui – on l’oublie trop souvent – est aussi constitutif du pouvoir d’achat. »

Le pouvoir d’achat découle du progrès technique, de l’élévation des compétences et de l’augmentation du taux d’activité de la population. En clair, il faut faire travailler d’avantage les machines… ou travailler plus pour gagner plus ! Il n’y a pas de miracle en matière de pouvoir de consommer. Quelques remarques supplémentaires :

gnocch : Donc les électeurs attendent la Lune. Procédure: 1) Se plaindre, 2) Réclamer aux politiques.

Philb : Il faut penser au gâteau global : si des personnes arrivent à se gaver hors proportion de ce qu’ils apportent à la production, c’est tout le monde qui en pâtit. J’ai eu la chance d’avoir Raymond Barre en cours d’économie ( et oui ça ne me rajeunit pas) qui disait à ces étudiants que si on ne fabriquait qu’un bol de riz par Français, les salariés n’achèteraient que des bols de riz.

Isaphan : Je vais vous parler de 1968 où le patronat avait rué dans les brancards disant qu’une augmentation du Smig de 30% allait mettre l’économie de la France par terre.
Et bien il furent augmenté de 35 % grâce aux accords de Grenelle. Et sans effondrement économique.

Francois.31 : Ispahan, on peut aussi citer 1981: une hausse des salaires qui entraîné une forte consommation, mais consommation de biens étrangers qui entraîne un déficit commercial, une dégradation de l’économie française et plusieurs dévaluations de notre monnaie : le franc à l’époque. En 1968 nous n’étions pas encore dans une économie mondialisée. L’analyse de Stephane Lauer est donc correcte.

Philip69 : Toute hausse des salaires dans une économie qui a affaibli son appareil productif par une politique de la demande ayant dégradé sa compétitivité subventionne en fait les importations à court terme. De plus cela nuit encore davantage à moyen terme à la compétitivité des entreprises françaises, ce qui entraîne moins d’investissements et de gains de productivité, moins de rentabilité, donc moins d’emplois et moins de salaires élevés. Cela fait 40 ans que la France, tous gouvernements confondus (mais à un degré supérieur pour a gauche) pratiquent cette politique de la demande. Pure démagogie, qui tire inéluctablement notre économie vers le déclin : faillites, délocalisations, 55 % des emplois industriels perdus en 20 ans, le PIB/habitant passé du 11e rang mondial au 29e dans le laps de temps… Et certains (presque tous les présidentiables en fait) voudraient que l’on continue dans cette voie !!

Lire, 2022, l’obsession morbide du pouvoir d’achat

9 réflexions sur “Le pouvoir d’achat ne se décrète pas”

  1. Une dernière pour la route

    Il eut été dommage de ne dire deux mots sur la croissance. La sacro-sainte Croissance sans laquelle nous ne pourrions rien espérer, rien attendre. En terme d’emplois comme de Pouvoir d’Achat etc. La Croissance a donc atteint en 7% en 2021, «chiffre jamais atteint depuis 52 ans qui place la France parmi les pays les plus dynamiques en Europe» dixit le Figaro.
    Et malgré ça on a le culot de venir nous raconter que «la capacité d’un président de la République à améliorer le pouvoir d’achat reste limitée car le pouvoir d’achat ne se décrète pas» et blablabla !
    L’occasion de ré-écouter le discours de François Ruffin (La France Insoumise) à l’Assemblée Nationale le 26 septembre 2018 à l’occasion de la présentation de la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises).
    Taper « Votre croissance, nous n’en voulons plus ! »

  2. et bien dansez maintenant

    « Le pouvoir d’achat » La chanson du dimanche.
    Toujours aussi poilant et éternellement vrai…

    1. Parti d'en rire

      Pécresse et Hidalgo sentent monter la rébellion du pouvoir d’achat.
      – Je te le dis ma petite Valérie, Dior devient totalement inaccessible ! ! !
      – Manquerait plus que l’on fasse les soldes, ma chère Anne …

  3. Le pouvoir de vivre dans la dignité !

    Si des tas de gens (électeurs, abstentionnistes, consommateurs et cons-sots-mateurs) sont aujourd’hui en galère et mettent parfois un gilet jaune pour réclamer plus de Pouvoir d’Achat… ce n’est quand même pas parce qu’ils se sont tous mis volontairement dans cette situation.
    Tous les jours un agriculteur se suicide en France, le nombre d’exploitations agricoles font comme neige au soleil, alors que la moitié des fruits et légumes que nous consommons sont importés etc. etc. Et tout ça c’est la réalité.
    Tant qu’il existera un tel mépris et une telle hypocrisie, de tels écarts de revenus, de telles inégalités et injustices, tant que nous continuerons à dilapider l’argent public dans des conneries (J.O, portes-avions, faux vaccins etc.) et à engraisser les milliardaires, ce discours qui prône la «sobriété de revenus» restera inaudible etc. Et tout aussi scandaleux que celui qui d’un autre côté prône le «travailler plus pour gagner plus».

    1. – « La question du pouvoir d’achat ne s’est pas imposée par hasard dans le débat public. Ce mot-poison empêche de remettre en cause la consommation et enferme les luttes sociales dans la revendication d’un toujours plus. La décroissance n’est pas se serrer la ceinture mais inventer un autre pouvoir. »
      ( Paul Ariès – Revue « La Décroissance », avril 2008 )

    2. Le pouvoir de « satisfaction »

      – « Cette notion de pouvoir d’achat n’apporte rien si ce n’est d’alimenter les propagandes politiques, les discussions de café et les propos de journalistes qui veulent se la jouer proximité, au plus près des Français. Les politiciens y voient manière à agir, s’attaquer au pouvoir d’achat comme on s’attaque à l’insécurité. […]
      Le pouvoir de « satisfaction » est l’indice qui implique l’intégralité du sujet consommateur. De plus, on comprend aisément que ce pouvoir est entre les mains de chacun, moyennant quelques conditions minimales de revenus. Il va de soi que les ménages en situation de pauvreté ou de précarité ne sont pas concernés. »

      ( Get satisfaction ! Pour en finir avec le pouvoir d’achat – 15/12/2007 – bdugue.typepad.com )

  4. Esprit critique

    – « Au-delà des contraintes écologiques qui rendent absurdes les revendications d’une hausse globale du pouvoir d’achat, des considérations spécifiquement économiques expliquent que défendre le pouvoir d’achat n’est pas le rôle d’un présidentiable. »

    Je vois qu’aujourd’hui on fait la différence entre la revendication de la hausse globale du pouvoir d’achat, absurde en effet… et la défense du pouvoir d’achat. On avance on avance.
    On va peut-être arriver à admettre que certains ont finalement de bonnes raisons d’en demander plus. Et dans un deuxième temps par dire qu’il est temps de réduire drastiquement celui de certains autres. Si en ce qui concerne ces derniers, on peut encore parler de «pouvoir d’achat».

    1. Au lieu de se laisser enfumer avec le Pouvoir d’Achat, parlons plutôt de la Redistribution des Richesses. Rien à voir bien sûr avec ce fumeux «ruissellement», ni avec la taille de ce fameux gâteau qui ne serait jamais assez gros. La redistribution ou le partage des richesses, ou de la valeur ajoutée, rentre dans le cadre de la justice sociale, elle-même garante de la paix et de la cohésion sociales etc. Et si tout ça n’est pas une affaire purement politique… qui concerne au premier chef le Président de la République… alors à quoi ça sert un Président ?
      Et à quoi ça sert d’aller voter ?

    2. Stéphane Lauer ne fait là que réciter son catéchisme, sa leçon d’économie orthodoxe, il nous sert le déficit de l’Etat et blablabla. Et Monsieur nous «rappelle» que comparé à ses voisins le smicard français n’est pas à plaindre. Ben voyons ! Tout va très bien Madame la Marquise. Et Monsieur décrète que le pouvoir d’achat ne se décrète pas et patati et patata ! Ce journaleux ne fait là que défendre le Système, ce qui est normal puisqu’il est à son service. C’est son boulot et il est bien payé pour ça.
      N’allons surtout pas croire que ce sont des gens comme lui qui vont trouver la Solution. Pour avoir la moindre chance de la trouver, il faudrait d’abord commencer par changer de lunettes. Ce qui veut dire arrêter de résonner (comme un tambour) dans le cadre de ce dogme économique aussi absurde qu’obsolète.

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