Le quadruplement du prix du baril, une bonne nouvelle

Pour les investisseurs, le scénario de la production de pétrole jusqu’à la dernière goutte reste le plus attractif. Pourtant l’Agence internationale de l’énergie (AIE), dans son rapport World Energy Outlook 2011, révélait que la combustion de l’énergie fossile produite actuellement et dans les années à venir par les équipements existants en 2010 provoquerait à l’horizon 2050 un réchauffement du climat de 6° C. L’AIE précisait que « notre économie planétaire ne pourrait absorber sans catastrophe majeure qu’une élévation de température de 2°C. » Aujourd’hui l’AIE croit nécessaire une hausse des investissements (capex) dans l’exploration-production de brut : « L’offre mondiale de brut pourrait avoir du mal à répondre à la demande peu après 2020. »* Notre société cultive les oxymores, l’illusoire union des contraires.

Il est vrai que nous vivons actuellement un contre-choc pétrolier, les cours du baril sont tombés de 114 dollars mi-juin 2014 à 55 dollars. La baisse des investissements qui en a résulté pourrait entraîner un début de pénurie et une nouvelle flambée des prix. Les « forces du marché » ne fonctionnent qu’à court terme. Quand l’Arabie saoudite ouvre les vannes, l’abondance de l’offre fait chuter les prix sans aucune considération de l’épuisement des réserves pétrolières qui reste un fait géologique, donc inéluctable. Après les chocs pétroliers de 1973 et 1979, l’OPEP avait dû faire face au développement accéléré de la production pétrolière en mer du Nord et en Alaska, une rude concurrence qui avait entraîné le contre-choc pétrolier des années 1986. Trente ans plus tard, il est certain que de nouvelles poches de pétrole ne se sont pas constituées sous terre, il faut des millions d’années pour fabriquer du pétrole sous terre. Il est aussi certain que si nous extrayons toutes les réserves fossiles possibles, le climat va s’emballer. De plus nous avons dépassé le pic pétrolier, le moment où nous avons atteint le maximum de production possible avant le déclin, comme l’avait déjà signalé l’AIE : « La production de pétrole conventionnel a atteint son pic historique en 2006, elle ne le redépassera jamais. » Et Donald Trump ne peut rien contre les réalités géologiques.

Ces considérations tendancielles ne touchent pas du tout l’AIE, ni aucune autres instances internationales qui devraient pourtant réfléchir à notre avenir. Seuls quelques individus lancent l’alerte. Michael Kumhof , co-responsable de la modélisation au sein du Fonds monétaire international (FMI), est pessimiste :  « Avec un déclin de 2 % par an des extractions, le prix du brut grimperait énormément, de presque 800 % au bout de 20 ans ! L’effet des prix du pétrole sur le PIB peut être non-linéaire. Cela signifie qu’au-delà de, mettons, 200 dollars le baril, beaucoup de secteurs pourraient être incapables de faire face. On peut penser aux transports : le fret routier, les compagnies aériennes et toute l’industrie automobile souffriraient très gravement d’un prix aussi élevé. Et puis il y aurait un effet domino sur d’autres secteurs de l’économie. Avec un prix du baril supérieur à 200 dollars, on entre dans un monde inconnu. » Or il est certain que le prix du baril pourrait atteindre de façon brutale ce niveau. N’oublions pas que lors du choc pétrolier de 1973, le prix du baril a quadruplé dans l’année. Et nous sommes aujourd’hui à 55 dollars le baril… Comme les conférences sur le climat n’ont servi à rien depuis 22 ans, comme les entreprises ne pensent qu’en termes de profit à court terme, il faudra attendre l’affolement des cours du pétrole pour que l’économie retrouve sa vraie définition, l’art d’économiser. Prévoyez dès aujourd’hui d’avoir besoin dans votre mode de vie le moins possible d’une voiture. Sinon, catastrophe !

* LE MONDE éco&entreprise du 9 mars 2017, L’AIE craint un nouveau choc pétrolier après 2020

5 réflexions sur “Le quadruplement du prix du baril, une bonne nouvelle”

  1. 100 % d’accord avec vous Michel C.
    Vous avez en particulier raison de rappeler ce qui ne l’est pas assez, à savoir que les énergies alternatives au pétrole (ou aux énergies fossiles en général) sont réalité dépendantes du dit pétrole, nous n’aurions ni éoliennes, ni centrales nucléaires, ni panneaux solaire sans pétrole. Nous ne saurions ni les fabriquer, ni les installer, ni les entretenir (les grandes éoliennes offshore sont même, comble des choses, entretenues grâce à des navettes faites par hélicoptère). Quant au bois, comme vous, je n’ose imaginer ce qui se passerait si nous le considérions comme une source d’énergie (ce que certains écolos prétendent faire).
    Nous extrairons du sous sol tout le pétrole jusqu’à ce que son extraction nous coûte sensiblement plus cher en énergie que ce qu’elle fournira, là seulement sera la limite. Il faut être bien naïf pour ne pas comprendre que toutes nos réticences en la matière seront balayées par la pression du manque. Un manque toutefois avec lequel l’humanité devrai bien composer in fine.

  2. Globalement d’accord avec le contenu de l’article et le commentaire de Didier Barthès.

    Le pic pétrolier est en effet passé. En réalité, ce fameux pic a plutôt la forme d’un plateau, avec des petits hauts et des petits bas, nous en sommes là … Et puis à un moment donné la courbe générale ne va faire que descendre. Quoi qu’il en soit dans certaines régions le pic est passé depuis bien longtemps. Les pétroles de schistes, non prévus certes, ne font que retarder l’échéance de quelques années à peine.
    Sans trop se mouiller, on peut dire que dans 100 ans… le pétrole (conventionnel et de schistes) ce sera de l’histoire ancienne. Il en restera encore sous nos pieds, mais il sera tout simplement inexploitable. N’oublions pas le taux de retour énergétique (EROI). S’il faut dépenser en énergie l’équivalent d’un baril de pétrole … pour seulement extraire un baril de pétrole, on comprend bien que l’histoire est finie.

    Le prix du baril, comme de n’importe quoi … est par contre difficile à prédire. Il dépend de tellement de facteurs. La demande bien entendu, la rareté, mais pas que ça.
    Personnellement j’estime que le pétrole à la pompe n’est pas assez cher. La preuve, c’est qu’on le gaspille. Qui va bosser à vélo, mis à part les bobos ? On va me dire que le boulot est trop loin… OK ! Il y a 40 ans on allait bosser à 20 bornes avec le Solex, ou avec la Mob. Mais aujourd’hui tout ça est ringard ! Vive le Progrès ! (ironie)

    Il ne faut pas oublier que nous sommes dans une société thermo-industrielle. L’énergie qui fait tourner la Machine provient essentiellement de la combustion des « fossiles ». Surtout du pétrole !
    Et nous sommes aussi dans une société d’hyper-consommation, et nous en sommes accros.

    Je pense donc moi aussi, que nous brûlerons tout ce que nous pourrons continuer à extraire en pétrole, jusqu’à la dernière goutte. Je n’imagine pas que la demande puisse être défaillante… Mais nous ne brûlerons pas que du pétrole, du gaz, et du charbon aussi, et pour l’instant il y en a encore.

    Certains penseront inévitablement au nucléaire. Qu’ils m’expliquent comment sans pétrole, on pourra extraire l’uranium (ou autre), le traiter, produire le béton pour construire les centrales , etc, etc.
    Pour les fameuses énergies « renouvelables », idem. Qu’on m’explique !

    Et puis après, ce sera le bois… Et je vous laisse imaginer.
    Quand nous en serons-là, plus exactement nos descendants, ça en sera fini également du chômage de masse et des 35 H.

  3. Il faut impérativement que le temps de travail diminue fortement sans perte de salaires, diminution sans laquelle la nécessaire réduction des déplacements ne sera pas possible.

    Or, sans que les déplacement diminue, la consommation de pétrole ne pourra guère être réduit.

  4. Tout à fait d’accord avec trois éléments essentiels rappelés dans ce texte :
    – Notre société cultive l’illusoire union des contraires
    – On ne peut rien contre les réalités géologiques
    – Les conférences sur le climat depuis 22 ans n’ont servi à rien.
    Mais je veux apporter deux petites remarques.
    – Il faut être très modestes dans les prévisions. Même les plus experts se trompent (au moins dans les délais), ainsi la fin du pétrole (qui arrivera, j’en suis d’accord) est annoncée depuis longtemps. Même récemment, il y a moins de 10 ans encore quand le pétrole était à plus de 100 $, nombre d’experts, et même ceux pourtant vers qui allaient mes préférences, juraient que le baril d’or noir ne redescendrait pas durablement. Ils admettaient qu’il y aurait des fluctuations mais niaient qu’on puisse durablement envisager un pétrole à bas prix. En réalité, l’effet des pétroles et gaz de schistes et l’évolution de la demande avaient très largement échappés à leurs analyses.
    – D’autre part, la question écologique se pose selon moi en des termes différents, D’abord bien que je ne sois pas climato-sceptique (j’admets la réalité du réchauffement et son origine anthropique) il faut être prudent sur les conséquences, à savoir l’élévation jusqu’à + 6 C° ainsi que sur les effets sur la nature d’une élévation de température. Mais surtout les économies d’énergie et le ralentissement de l’exploitation qui en découlerait sont selon moi sans grands effets. Elles ne modifieront rien sur le fond, elles modifieront juste le rythme d’exploitation du pétrole.
    Or, pour la nature, si nous prenons un peu de recul, il est sans doute peu important que nous ayons rejeté dans l’atmosphère tout les gaz à effet de serre résultant de la combustion des réserves d’énergies fossiles en 100 ans ou en 150 ans (ce qui constitue sans doute l’ordre de grandeurs des écarts entre les alternatives). Dans 200 ans, de toutes façons, l’état de l’atmosphère sera exactement le même, car ne nous faisons pas d’illusions, nous brûlerons tout ce qui est brûlable, plus ou moins vite, plus ou moins avec mauvaise conscience, mais nous ne laisserons rien dans le sous sol que nous ne saurions extraire.

  5. Tout à fait d’accord avec trois éléments essentiels rappelés dans ce texte :
    – Notre société cultive l’illusoire union des contraires
    – On ne peut rien contre les réalités géologiques
    – Les conférences sur le climat depuis 22 ans n’ont servi à rien.
    Mais je veux apporter deux petites remarques.
    – Il faut être très modestes dans les prévisions. Même les plus experts se trompent (au moins dans les délais), ainsi la fin du pétrole (qui arrivera, j’en suis d’accord) est annoncée depuis longtemps. Même récemment, il y a moins de 10 ans encore quand le pétrole était à plus de 100 $, nombre d’experts, et même ceux pourtant vers qui allaient mes préférences, juraient que le baril d’or noir ne redescendrait pas durablement. Ils admettaient qu’il y aurait des fluctuations mais niaient qu’on puisse durablement envisager un pétrole à bas prix. En réalité, l’effet des pétroles et gaz de schistes et l’évolution de la demande avaient très largement échappés à leurs analyses.
    – D’autre part, la question écologique se pose selon moi en des termes différents, D’abord bien que je ne sois pas climato-sceptique (j’admets la réalité du réchauffement et son origine anthropique) il faut être prudent sur les conséquences, à savoir l’élévation jusqu’à + 6 C° ainsi que sur les effets sur la nature d’une élévation de température. Mais surtout les économies d’énergie et le ralentissement de l’exploitation qui en découlerait sont selon moi sans grands effets. Elles ne modifieront rien sur le fond, elles modifieront juste le rythme d’exploitation du pétrole.
    Or, pour la nature, si nous prenons un peu de recul, il est sans doute peu important que nous ayons rejeté dans l’atmosphère tout les gaz à effet de serre résultant de la combustion des réserves d’énergies fossiles en 100 ans ou en 150 ans (ce qui constitue sans doute l’ordre de grandeurs des écarts entre les alternatives). Dans 200 ans, de toutes façons, l’état de l’atmosphère sera exactement le même, car ne nous faisons pas d’illusions, nous brûlerons tout ce qui est brûlable, plus ou moins vite, plus ou moins avec mauvaise conscience, mais nous ne laisserons rien dans le sous sol que nous ne saurions extraire.

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