Le sexe/genre relève-t-il de la nature ou de la culture ?

Les anthropologues ont renouvelé l’approche du rapport homme/femme en montrant l’importance, dans le processus même de l’hominisation, de la perte de l’œstrus. La relation entre les sexes est soumise chez les mammifères, y compris les grands singes, à une horloge biologique et hormonale qui détermine les périodes de rut ; pour les humains au contraire, l’absence de cette détermination naturelle met la sexualité sous le signe de la disponibilité permanente sous des formes différentes. Mais contrairement au discours courant, il ne faut pas confondre exercice de la sexualité et « théorie du genre ». Il ne s’agit plus de parler de bacchanales, mais de la division sociale des rôles entre hommes et femmes. « On ne naît pas femme, on le devient », écrivait déjà Simone de Beauvoir en 1949. Il n’y a pas d’ordre « naturel » dans les inégalités selon le sexe. Voici deux texte pour mieux comprendre la problématique du genre :

2013 atelier « le genre pour les nuls »

Le parti écolo des Verts s’intéresse aux choses du sexe ; il existe même une commission LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels). Lors de ses journées d’été à Marseille en août 2013 un atelier a eu lieu sur « le genre pour les nuls ». Pourtant il n’ a pas été question de sexualité, mais des inégalités des rôles masculins et féminins dans une tradition toujours bien présente, même en France. L’intervenante, Céline Petrovic est la délégué thématique « genre, sexe et société » d’EELV, mais aussi docteure en sciences de l’éducation. Nous avons donc eu un débat très interactif sur la sociologie du genre. Ce terme est défini comme un concept réaliste et pas du tout comme une « théorie » : c’est un système, une construction sociale qui résulte d’un apprentissage et non d’un déterminisme génétique, inné. Depuis des millénaires, on disait que la différence entre hommes et femmes étaient programmées par la nature. Il y a au contraire un processus culturel : observation par l’enfant, puis identification, intériorisation et enfin imitation. Catherine Vidal a donc démontré qu’il y avait déterminisme culturel. Or tout ce qui est construit rend possible la déconstruction. La hiérarchisation entre mâle et femelle humaine peut donc être contestée et modifiée.  Ce n’est pas parce qu’on est égalitariste qu’on prône l’identique. La notion de genre permet de se démarquer d’un certain féminisme « essentialiste » qui croit encore à un déterminisme biologique.

2013 la théorie du genre, nouvel ennemi de l’ordre « naturel »

Le genre est un concept utilisé dans les sciences sociales. Il désigne tout ce qui, dans la construction de l’identité dite sexuelle et dans la formation de la division entre les sexes, relève de mécanismes d’ordre social et culturel. Ainsi les transsexuels peuvent-ils affirmer que leur identité de genre ne correspond pas à leur sexe. La notion de genre sert à dénaturaliser la division des rôles dans la société, au travail et au sein de la sphère domestique. Elle permet de montrer qu’elle n’est pas un fait de nature mais de culture. Faire le ménage ou élever des enfants sont des tâches sociales, qu’aucune programmation biologique n’assigne en propre aux femmes… L’objectif de programmes comme l’ABCD de l’égalité est de remettre en question les normes qui font que chaque sexe adopte, dès le plus jeune âge, un certain comportement. Par exemple, les filles, encouragées à jouer à des jeux plus doux, sont plus sages alors que chez les garçons, il est considéré comme normal qu’ils soient plus turbulents. Il ne s’agit pas pour autant de nier la différence des sexes. Ce serait confondre la déconstruction des inégalités avec celle des différences. L’objectif est d’ouvrir le champ des possibles aux deux sexes afin de leur donner les mêmes chances ultérieurement. Pas de les encourager à changer de sexe ou à « choisir » une orientation sexuelle.  (LE MONDE du 15-16 septembre 2013)