Le verdissement du développement durable

« Développement durable », une expression des années 1990 qui révèle un discours fait pour faire penser qu’on fait quelque chose face à l’urgence écologique : libre cours au business as usual tout en faisant croire qu’on maintient ouvertes toutes les possibilités pour les générations futures ! Cet oxymore, un rapprochement de mots contraires tient plus de la poésie que de la réalité, cf. l’obscure clarté des étoiles.

Comme parler aujourd’hui de croissance économique et démographique paraît impossible dans un monde fini et vidé de ses ressources faciles d’accès, l’oxymore « développement durable » pour nous entuber reçoit une couche de verdissement pour renforcer le leurre, l’illusion : « croissance verte », « moteur propre »…, en fait un greenwashing, de l’écoblanchiment. Le greenwashing ne consiste pas seulement à recouvrir et occulter certaines réalités désagréables, il désigne en même temps une forme de manipulation mentale visant à fabriquer l’adhésion et le consentement.

Julien Vincent : Longtemps le terme « verdissement » a été réservé aux traités de botanique. D’abord associé à ce qui est instable et changeant, ce n’est qu’à l’époque romantique que le vert devient la couleur de la nature. Il est chargé d’une connotation politique (avec la création des Verts en 1984). Alors les tenants de la société thermo-industrielle inventent le verdissement dans tous les domaines, financier bien entendu, mais aussi verdissement technologique : à travers l’objectif d’une « croissance verte », on mise sur des techniques très consommatrices en métaux non recyclables. L’économie circulaire n’est aussi que mirage.

Pour en savoir plus sur le verdissement

Des municipales à l’heure du verdissement (2020)

extraits : Les élus des années 1990 avaient transformé leur ville en entreprise pour devenir une zone « attractive ». C’était la mode de la politique du  développement local, zones industrielles par-ci, grands travaux inutiles par-là. Les politiques d’image visaient à améliorer le positionnement extérieur de la ville, festival de musique par-ci, festival de la bande dessinée par-là… Aujourd’hui c’est le verdissement général. Que dire de spécifique quand tous les candidats se veulent écolos ?

Fluide Glacial : Vers un monde vert et très rigolo (2014)

extrait : « Un sage a dit, si tu échoues sur une île déserte avec une bible électronique, tu as trois heures d’autonomie… »

mondial de l’auto (2008)

extraits : Le « greenwashing » ou verdissement des mauvaise pratiques environnementales par un effet d’annonce, a encore frappé. « Les marques de voiture font de l’écologie leur principal argument de vente », titre Le Monde du 16 octobre 2008. Renault prétend « laisser moins de traces sur la planète », Toyota « moins de CO2, mais aussi moins de NOx », BMW « moins d’émissions, plus de plaisir ».

POLLUTEC (2007)

extraits : Dans la France de 1986, Pollutec (Salon international des équipements, des technologies et des services à l’environnement) rassemblait 220 exposants sur 4 000 m2 de stands. En 2006, Pollutec réunissait à Lyon 2500 exposants sur 53 000 m2. En fait cette progression du « verdissement » du PIB n’est pas bon signe. Cela démontre que la richesse du pays, mesurée par le produit intérieur brut, a une composante négative dont l’expansion marque les inconvénients de la croissance économique : on note comme positif des activités qui ne font pour la plupart que compenser les inconvénients du progrès technique.

Pour en savoir plus sur les oxymores

Transition énergétique, un oxymore de plus (2022)

Nucléaire vert, énergie durable, oxymores (2022)

Croissance durable, un oxymore obtient le prix Nobel ! (2018)

Croissance verte, l’oxymore de la Banque mondiale (2012)

Pour en savoir plus sur l’économie circulaire

L’économie circulaire, une vraie entourloupe (2020)

Économie circulaire, on en parle, on le fera peut-être (2018)

économie circulaire, écologie industrielle, un leurre (2013)

2 réflexions sur “Le verdissement du développement durable”

  1. Pourquoi tous ces oxymores ?
    Le docteur en sociologie Bertrand Méheust traite cette question dans un livre :
    La politique de l’oxymore. Comment ceux qui nous gouvernent nous masquent la réalité du monde ( La Découverte – 2009 )

    – « Un univers mental ne renonce jamais à lui-même si des forces extérieures ne l’y contraignent pas. Le système a saturé tout l’espace disponible et est à l’origine de tensions de plus en plus fortes. Pour les masquer ceux qui nous gouvernent pratiquent la politique de l’oxymore. […] Plus l’on produit d’oxymores et plus les gens sont désorientés et inaptes à penser. Utilisés à doses massives, ils rendent fou. Plus la crise s’aggrave, plus le réchauffement climatique nous menace et plus nous assistons à la production et à l’usage cynique, sans précédent dans la démocratie française, d’oxymores à grande échelle.»

    Texte intégral en version PDF sur : journals.openedition.org/developpementdurable

    1. Que ce soit celui des bagnoles (même la F1), celui du nucléaire, celui de J.O, celui des entreprises, des partis politiques, celui de la finance etc. etc. le verdissement relève bien plus de l’enfumage que de la bonne nouvelle. Pour rejoindre Bertrand Méheust (voir précédemment) je dirais que le verdissement rend fou.
      Tout ce vert à la longue, ça devient… dégoûtant. Si j’étais un adepte des théories du complot je dirais que c’est le but recherché. Nous dégouter du vert.
      De l’écologie et en même temps. Et du coup, nous amener à aimer la merde. La F1 de merde, le nucléaire, les entreprises, les partis politiques… et les idées, de merde.

      – « La NASA a révélé que la surface de végétation avait augmenté ces vingt dernières années […] C’est officiel : la planète est de plus en plus verte. » ( Pourquoi le verdissement de la Terre n’est pas qu’une bonne nouvelle – Le MONDE 21 juin 2019 )

      C’et fou, non ?

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