L’écologie au pays de Xi Jinping

Vu l’incapacité flagrante des systèmes démocratiques pour faire face à l’urgence écologique, certains peuvent se dire : pourquoi pas un pouvoir fort aux mains d’un grand guide éclairé par les lumières de la Terre-mère ?

Lire, Le piège démocratique empêche les mesures écologiques

Laffaire Peng Shuai montre qu’un régime dictatorial protège ses affidés à n’importe quel prix. Toute référence à l’ex-championne de tennis a été soigneusement expurgée du Web depuis qu’elle a accusé publiquement l’ancien numéro sept chinois Zhang Gaoli de l’avoir violée. Où est maintenant Peng Shuai ? On n’en sait rien. Pas question de s’attaquer à un dirigeant chinois de haut rang, ex-membre du comité permanent du bureau politique du Parti communiste, la plus haute sphère du pouvoir. En Chine, les informations non officielles sur les hauts dirigeants sont interdites, et un nombre incalculable de personnes a été envoyé en prison pour les avoir critiqués. Ce n’est pas la transparence et la justice qui l’emporte, mais le pouvoir pour le pouvoir. Un régime politique ne peut agir pour le bien commun s’il n’agit pas en toute transparence, et ce dans tous les domaines.

L’affaire de l’EPR de Taishan est directement significative d’un système politique qui veut ignorer les normes de sécurité en matière nucléaire. Dans le sud de la Chine, EDF exploite avec China General Nuclear Power Corporation le réacteur de Taishan1, premier EPR de conception française, mis en service en décembre 2018. Après « un incident », l’autorité de sûreté nucléaire chinoise a relevé le seuil autorisé de concentration des gaz rares dans le circuit primaire à 324 gigabecquerels par tonne d’eau (GBt/t) pour éviter l’arrêt du réacteur…  alors que la norme est de 150 GBt/t en France ! Le « partenaire » chinois de la France attendra longtemps pour annoncer la fermeture du réacteur ; Taishan 1 est depuis toujours à l’arrêt. La culture du secret du régime communiste l’emporte sur des conséquences qui peuvent être désastreuses.

Certes nous sommes sortis de la guerre froide, mais les dérives d’un grand timonier à la sauce Mao sont toujours très présentes en Chine et ailleurs. Xi Jinping est un autocrate nationaliste qui rêve de faire des Chinois un peuple d’ingénieurs et de scientifiques et n’hésite pas à imposer aux membres du Bureau politique des séances de formation sur la physique quantique. De plus son but explicite de la « prospérité commune » est de permettre à chacun de s’enrichir. Technoscience, pouvoir d’achat et start-up, tous les ingrédients d’un système thermo-industriel qui est en train de faire faillite sont présents. Le guide suprême mène le peuple à partir de ses fantasmes personnels sur le croissancisme, pas par rapport à la nécessaire réduction des émissions de gaz à effet de serre. D’un côté Big Brother est plus présent que jamais dans la vie des Chinois, de l’autre on leur donne l’illusion de la liberté en leur laissant choisir leur mode de vie, y compris en voyageant à l’étranger comme de bons touristes. Certes il y a toujours rivalité entre les deux premières puissances mondiales, mais ce n’est plus la guerre froide, c’est la compétition au niveau technologique, économique et culturel. Or, que ce soit Xi Jinping ou Joe Biden, ils ont exactement le même logiciel, perpétuer la croissance économique au détriment des possibilités durables de la planète.

En fait le système démocratique reste le plus mauvais des systèmes à l’exception de tous les autres, à commencer par les pouvoirs sans contre-pouvoirs. En démocratie véritable, c’est trop long pour prendre une décision d’urgence, mais les débats vont cahin-caha dans la bonne direction. Si le leader vénéré se trompe, il envoie tout le monde en enfer, Hitler et Staline sont de bon exemples. Si Xi Jinping se trompe, la Chine prendra comme un seul homme la mauvaises direction. Tous les ingrédients sont présents. La toute-puissance de Xi Jinping se révèle sans contestation possible. La « nouvelle ère » lancée par Xi Jinping lors de son accession au pouvoir en 2012 repose comme sous Mao sur la coercition : Le « mouvement d’éducation idéologique marxiste donne des résultats remarquables ». Or tout « mouvement de rectification » repose sur l’isolement des individus, la terreur des excommunications, la soumission qui ne peut être que volontaire ! Xi Jinping le dit : « Pour que le pays soit gouverné comme il se doit, il est impératif de commencer par diriger le parti d’une main de fer… Si l’on ne veut pas toucher à des centaines, voire à des milliers d’éléments corrompus, ce sont 1,4 milliard de Chinois qui seront affectés. (…) Nous sommes résolus à réprimer aussi bien les “tigres” que les “mouches” et les “renards” ». La purge à la Mao est donc toujours présente, et le leader maximo peut se révéler à la fois tigre, mouche et renard. On ne peut rejeter la démocratie comme le fait Xi Jinping : « Il faut rester vigilant et se prémunir contre les effets corrosifs des courants idéologiques occidentaux tels que le soi-disant “régime constitutionnel”, l’alternance politique et la “division des trois pouvoirs” ». On ne peut à la fois « maintenir la direction du parti », et « sauvegarder la primauté du peuple », c’est un oxymore. Pour Xi Jinping, le partage du pouvoir est un oxymore.

7 réflexions sur “L’écologie au pays de Xi Jinping”

  1. « Pour Xi Jinping, le partage du pouvoir est un oxymore. »

    Pourquoi QUE Xi Jinping ? Pas besoin d’aller si loin que ça pour trouver ce genre de propos ! En effet, Edouard Balladur disait que « Le pouvoir ne se partage pas ! « … C’est bien ainsi qu’il a formulé la chose, je ne fais que reprendre son propos à la lettre. Il en a même publié un livre…

    1. Esprit critique

      Bonne remarque, mais qui ne change rien au problème.
      En effet il n’y a pas que Xi Jinping et Balladur, il y a aussi Eléna Fourès, auteure de «Leadership au féminin», qui a dit : «Le pouvoir ne se partage pas, il se prend.»
      Ou encore Patrice Raunet qui dit : «Le pouvoir ne se donne pas il se prend.»
      Résumons : Le pouvoir ne se partage pas, il ne se donne pas non plus, il se prend…
      Mais encore ? Mitterrand confiait que «Le pouvoir est une drogue qui rend fou quiconque y goûte». Et pour ce qui est du pouvoir politique, on peut dire aussi qu’il faut déjà être fou pour le vouloir. Avec ça nous voilà donc bien avancés.
      Lire « Ces fous qui nous gouvernent (Comment la psychologie permet de comprendre les hommes politiques)» de Pascal Sutter (2007)

  2. Esprit critique

    Devant le constat de l’échec de nos systèmes «démocratiques» la tentation est grande, en effet, de se tourner vers des régimes totalitaires. Et ceci ne vaut pas que pour l’écologie. Et ceci ne vaut pas non plus que pour la Démocratie, nous avons vu la même chose avec le Communisme.
    Or la Démocratie comme le Communisme ont été tout simplement dévoyés. Le problème ici c’est que quand quelque chose ne marche pas… soit on s’obstine (plus ça rate et plus on a de chances de réussir), et c’est absurde… soit on se tourne alors vers ce qui a de radicalement opposé, ce qui encore une fois est une vision binaire, une vision absurde.

    1. Esprit critique

      Croire qu’un régime totalitaire serait ce qui a de mieux pour faire face à l’urgence écologique est une GRAVE ERREUR. Déjà parce que ce régime devrait être, comme le dit Biosphère, «aux mains d’un grand guide éclairé par les lumières de la Terre-mère». Seulement qui donc pourrait être ce Guide Suprême ? Le Dalaï-Lama … Greta… ?
      Pas Xi Jinping, bien sûr ! Lui se fout de l’écologie comme de sa première chemise, à col Mao. Et ni Janco ni Jadot, en tous cas. Quoi qu’il en soit cette idée nous renvoie de suite aux Khmers Verts.
      Je pense que nous devrions nous résoudre à accepter l’idée qu’il n’y a pas de Solution. Bien sûr qu’il y a un Problème… Mais en plus et surtout, il y a un énorme risque.
      Celui de perdre de ce qu’il nous reste de véritable liberté, et d’humanité.

  3. Parmi ceux qui rêvent d’une gouvernance à la Xi Jinping, pour moi le meilleur c’est Janco !
    L’incontournable Janco, qu’on entend partout ces temps-ci, là encore sur rtl.fr le 20/11/2021 :
    – Nucléaire : Jean-Marc Jancovici explique ce qu’est un EPR et à quoi il sert

    Janco ne rate jamais une occasion pour dire tout le «bien» qu’il pense de nos «démocraties».
    Certes il n’est pas le seul, mais quand c’est pour nous vendre le modèle Chinois on peut quand même se poser des questions sur le personnage ( lire le portrait qu’en a fait Reporterre ).
    Pour Janco, un régime politique est «une démocratie à partir du moment où les gens votent». Justement en Chine les gens… votent. Que demande le Peuple ? Circulez il n’y a rien à voir !

    1. – « la Chine est un pays d’ingénieurs, parce que l’aristocratie chinoise il y a quelques siècles, c’était les ingénieurs hydrauliciens, qui savaient organiser les adductions d’eau pour faire fonctionner les rizières » (Jancovici sur marianne.tv le 4 mars 2021)

      Janco rêve d’un gouvernement d’ingénieurs, pour lui ce sont les meilleurs : L’Élite !
      L’Élite ou l’«élite» ce n’est qu’une question de point de vue. En attendant, je parierais qu’en se rasant le matin Janco se rêve en Xi Jinping. Quoi qu’il en soit même le dernier des cons sait qu’il faut beaucoup d’eau pour refroidir les centrales nucléaires. Des aqueducs aux centrales nucléaires il n’y a donc qu’un pas.

      1. Parti d'en rire

        Heureusement Janco est là pour nous éclairer. Le dernier des cons comprendra donc facilement pourquoi l’EPR est un fiasco :
        – « En Chine, pays qui a l’habitude de construire des réacteurs en série, cela a coûté quasiment 3 fois moins cher et pris 1,5 fois moins longtemps. Le problème du dépassement du budget est alors un problème français et non une difficulté liée au nucléaire.» (Janco sur rtl.fr le 20/11/2021)

        Trop forts les Chinois ! Le nucléaire est donc une technologie qui baigne, et qui ne présente aucune difficulté. Nul doute que l’EPR de Xi Jinping est au moins 10 fois plus propre que celui d’Areva. Et trop fort le Janco ! 🙂

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