L’écologie politique acquiert (lentement) sa maturité

Deux analyses sur lemonde.fr qu’il nous paraît indispensable de connaître. En voici quelques extraits :

1/2) Dominique Bourg (Université de Lausanne et vice-président de la Fondation Nicolas Hulot)

« Les Verts pourraient être une force montante, propre à redessiner le paysage politique futur et à contrer la montée en puissance du Front National. Ce pronostic relève pour l’instant de la chimère. Les Verts n’incarnent que mollement la cause environnementale et n’ont que peu de relations avec les associations environnementalistes. Leur identité me semble avoir plus affaire avec la défense des minorités et de leurs droits qu’avec les questions écologiques. Les socialistes et les Verts se sont retrouvés autour du mariage pour tous. Ils ont opté pour l’individualisme libéral, pour l’affirmation sans limites des droits individuels, choses qui ne font guère bon ménage avec ce qu’exigerait une authentique défense des biens communs comme le climat. Point de défense des biens communs sans opposer des limites à l’affirmation absolue, et nécessairement à court terme, de l’individu et de ses droits. L’écologie politique à la française est encore qualitative, plus soucieuse de concepts sociaux comme l’aliénation que de questions quantitatives, scientifiquement informées, comme celles touchant à l’explosion des flux de matières et d’énergie ou de la démographie.

Il me semble décisif de dépasser la fausse opposition droite/gauche. Cette opposition est née dans un contexte d’accumulation infinie de richesses pour les individus dans un monde jugé infini. Or, nous avons désormais appris que nous habitons un monde résolument fini, au ressources et capacités de charge elles-mêmes finies. Nous savons encore que la viabilité de ce monde est compromise par nos productions et consommations, et de façon indirecte par notre croissance démographique. Notre objectif commun ne devrait plus être de maximiser nos avantages individuels matériels, mais de sauvegarder l’habitabilité de la Terre en réduisant nos consommations et en transformant notre vivre-ensemble. Cela n’a plus rien à voir avec l’idéal commun à la droite comme à la gauche.

A quoi s’ajoute que nous n’avons aucune chance de voir acceptée la réduction de nos niveaux de consommation sans un resserrement du niveau effarant d’inégalités que nous connaissons. Autrement dit, le fait de contenir les inégalités au sein d’une société ne devrait pas apparaître comme un discriminant politique (droite/gauche), mais comme une nécessité morale et fonctionnelle. »

(Le Monde.fr | 11.04.2014, Quel avenir pour l’écologie politique avec un Parti socialiste en chute libre ?)

2/2) Daniel Boy (Centre de Recherche Politique de Sciences Po (Cevipof)

« La poussée de l’écologie politique s’est-elle traduite par une prise en compte des demandes écologistes dans les politiques publiques ? Bien des militants de l’écologie en doutent. Certains reprochent aux Verts une orientation à la gauche de la gauche qui les inciterait à privilégier les enjeux sociétaux (tolérance, refus de l’autorité, lutte contre les discriminations) au détriment de la défense de l’environnement.

Si l’on prend en compte les scores obtenus par les écologistes lors de toutes les élections présidentielles, la moyenne des suffrages exprimés se situe à 3,2 %. A l’évidence l’élection présidentielle n’est pas un bon terrain de lutte électorale pour les écologistes. Sans doute serait-il raisonnable pour eux de négocier en amont, avec le parti Socialiste, une absence de candidature écologiste comme premier élément d’un accord électoral et programmatique.

Le meilleur terrain électoral des écologistes est celui du local. Les très récentes élections municipales ont en effet confirmé les bonnes performances des candidats écologistes à ce niveau : 9,8 % pour les listes autonomes dans les villes de plus de 9 000 habitants. Lors de la dernière élection régionale, en 2010 les listes  autonomes d’EELV ont rassemblé  12,5 % des suffrages dans les 21 régions où elles étaient présentes. C’est le niveau Européen qui favorise l’expression d’un vote écologiste. Lors des dernières élections Européennes, les listes d’EELV ont atteint un résultat bien proche de celui du Parti Socialiste, 16,3 % des suffrages exprimés, dans un contexte, il faut le rappeler, d’abstention considérable (58,7 %). Pour les élections législatives, les écologistes ne disposent pas de zones de force électorale. Ils sont par conséquent tenus de conclure un accord électoral avec un partenaire ; on voit aujourd’hui les faiblesses de ce dispositif. A quoi sert alors l’écologie politique ? Peut-être à préparer l’avenir. C’est à dire à travailler à constituer une force politique suffisamment forte pour se passer de ce carcan que constitue un accord électoral avec le PS. »

(Le Monde.fr | 11.04.2014, A quoi servent les écologistes en politique ?)