L’écologie, référence de plus en plus partagée

Voici un historique. D’abord l’écologie, comme toute nouveauté, est ignorée. Puis on commence à prendre conscience que cela devient approprié. Alors les tenants de l’ordre ancien la combattent avec acharnement. Mais l’écologie prend le dessus tout en étant déformée par les entreprises et les pouvoirs. Tout à la fin, l’écologie devient enfin la religion de la Terre-mère partagée par tous et par toutes… Amen !

L’écologie scientifique

Avant qu’on invente le mot écologie, le monde était écologique au sens où la vie était florissante sur Terre et les conditions de vie quasi-identiques d’une génération à l’autre. Au XIXe siècle de nouveaux concepts scientifiques apparaissent avec la révolution agro-industrielle qui modifie les structures sociales. C’est l’écologie pour les sciences d’observation, la sociologie* pour les sciences humaines. Le concept d’écologie apparaît en 1859 dans le préambule de De l’origine des espèces de Charles Darwin, sous le nom d’« économie de la nature ». Il y décrit les relations entre les prairies de trèfles, pollinisés par les bourdons, et les chats qui mangent les mulots qui eux-mêmes délogent les bourdons de leurs terriers.

Le terme écologie en tant que tel est construit sur le grec oikos (« maison, habitat ») et lógos (« discours ») : c’est la science de l’habitat. Il fut ainsi défini en 1866 par Ernst Haeckel**, biologiste allemand. On se contente d’observer, pas d’en tirer un programme électoral.

L’écologie politique

Rares sont les personnes dans les années 1960 qui réagissent à l’engrenage des destructions de la nature. Comme précurseur de l’écologie politique, nous pensons à l’ouvrage « La planète au pillage » de Fairfield Osborn (1948). Il faut aussi citer l’ouvrage de la biologiste américaine Rachel Carson sur les ravages du DDT, « Le printemps silencieux » (1962). En France, ce sont les naturalistes qui ont été les premiers à s’inquiéter du dérèglement planétaire. Ainsi Jean Dorst, « Avant que nature meure » (1965). Notons que le mouvement de mai 1968 ne parlait pas d’écologie. Deux pays se disputent la place de premier parti écologiste dans le monde. En 1972, c’est la création du parti britannique PEOPLE qui deviendra ultérieurement le Parti vert. En Australie la même année, le United Tasmania Group se veut un parti écologiste né d’une lutte pour la préservation du Lac Pedder. En France à cette époque, c’est le mouvement associatif qui mène seul le combat environnemental.

En novembre 1973, l’Association des Journalistes-écrivains pour la protection de la nature (AJEPN) organise un débat entre neufs délégués des partis politiques chargés des questions environnementales. À l’issue de cette réunion, il est clair que les partis politiques ne prendront jamais les enjeux environnementaux au sérieux, à moins d’y être contraints. Le 3 décembre 1973, lors d’une réunion du bureau de l’AJEPN, Jean Carlier propose de présenter un candidat écologiste aux prochaines élections présidentielles qui ne devraient pas tarder du fait de la détérioration de l’état de santé de Georges Pompidou. Ce sera René Dumont lors de la présidentielle 1974. Les Verts sont issus en 1984 d’une fusion de mouvement ils ne comptaient que 1700 adhérents à la fin de 1988.

L’écologie culturelle

L’imaginaire social ne se change pas de façon spontanée, il doit s’opérer une contamination d’une majorité par une minorité agissante. Au niveau scolaire, les contenus commencent à prendre en compte l’apprentissage des limites de la planète Au niveau universitaire la notion d’anthropocène et de biodiversité fait florès. Mais sous l’influence de l’appareil thermo-industriel, le message est édulcoré avec la « protection de l’environnementale », le « développement durable », les « services écosystémiques », la « décarbonation », la « géo-ingénierie », etc. Autant de promesses d’écologiser le développement industriel, un écoblanchiment en somme, un vocabulaire pour faire semblant qu’on est en train de faire quelque chose.

Il faudrait lutter contre le croissancisme l’extractivisme, la surconsommation, choisir la démobilité, la déconsommation, la désurbanisation,… ce qui est encore inconcevable. D’où l’apparition des climato-sceptiques et de tout un courant anti-écolo. La bataille culturelle fait rage

L’écologie philosophique

Comme dans l’apparition de toute nouvelle religion, il se forme une multiplicité de courants divers et de querelles de chapelle. Il y a des écologistes pro-nucléaire et des écologistes antinucléaires, des écologistes pro-éolien et des écologistes anti-éolien, des écologistes végan et des écologistes flexivore, etc. L’écologie superficielle s’oppose à l’écologie profonde. C’est le philosophe Arne Naess qui a explicité cette opposition. Il part du constat que la situation environnementale est grave et que notre savoir, pour en prendre la mesure, est limité. Face à cela, deux attitudes sont possibles. La première cherche à protéger les ressources naturelles, c’est l’écologie superficielle. Elle est condamnée à échouer parce qu’elle ne s’en prend pas aux valeurs qui ont rendu possible et entretiennent la dévastation du monde… L’autre voie, l’écologie profonde, considère que la nature a une valeur intrinsèque, par opposition à l’écologie superficielle qui n’y reconnaît qu’une valeur instrumentale. L’écologie profonde juge la valeur des choses indépendamment de leur utilité. Notre Soi doit s’ouvre au monde, celui des humains et celui des non-humains. C’est la volonté de rejeter notre anthropocentrisme. Il s’agit de penser par exemple que extractivisme, c’est le viol de la Terre-mère.

Nous ne sommes qu’à l’aube de cette nouvelle conscience des rapports avec le substrat biophysique qui nous fait vivre, le chemin de la révélation sera encore très long d’autant plus que 8 milliards d’êtres humains, c’est beaucoup trop pour vivre en harmonie avec une planète déjà abondamment pillée.

* Durkheim publie en 1893 De la division du travail social (1893). Il impose la sociologie comme discipline universitaire.

** Pour Ernst Haeckel, l’écologie est « la science des relations des organismes avec le monde environnant, c’est-à-dire, dans un sens large, la science des conditions d’existence ». En d’autres termes : comprendre quelles sont les interactions entre les différents systèmes vivants (dont l’être humain fait partie) et quelles sont les conditions pour que leur existence puisse perdurer dans le temps. Être écologiste, c’est ça.

Lire, Les origines historiques de l’écologie politique

5 réflexions sur “L’écologie, référence de plus en plus partagée”

  1. Didier BARTHES

    Quand il y avait moins de 1 million d’hommes sur la Terre, l’humanité était très écolo.
    Hélas, la multiplication des hommes à tout écrasé, les espèces ont disparu sur tous les continents avec l’expansion d’homo sapiens, (on date l’arrivée de l’homo sapiens en datant la disparition de la mégafaune, autres espèces du genre homo compris !)
    Même les « gentils » indiens d’Amérique ont massacré toute la mégafaune américaine, idem pour les « gentils » aborigènes qui ont réduit à néant tous les espèces de grande taille, endémiques de l’Australie.
    Un peu d’Afrique et d’Amazonie ont été préservées à causes des conditions physiques -les parasites, entre autres – dans les zonez chaudes et humides type forêts équatoriales ne permettant pas aux hommes de s’y installer en grand nombre.
    Bref, la seule façon d’être écolo c’est d’être peu, pas plus que ce que prévoit la nature pour une espèce prédatrice de notre taille.
    Comment le rentrerons-nous dans la tête des pseudos écolos ?

    1. parti d'en rire

      Voilà donc que d’un coup de baguette magique la Date vient de faire un sacré bond en arrière.
      Ce n’est qu’ AVANT – 40.000 ans (de notre ère) qu’ON peut dire que l’humanité était vraiment écolo. Même très zécolo ! Mais APRÈS qu’elle eut dépassé la Barre des 1 million… (ne me demandez pas d’où sort ce chiffre, magique), alors là ce fut le début du grand n’importe quoi.
      ON peut même se demander si les tyrannosaures étaient écolos :
      –  » Non, les tyrannosaures, bien que considérés comme des apex prédateurs de leur écosystème, n’étaient pas des écologistes dans le sens moderne du terme.  » (ChatGpt)

      1. Didier BARTHES

        Si je puis me permettre Michel C, je trouve que votre réponse n’apporte pas grand chose à part une moquerie de plus.
        Si, les tyrannosaures étaient parfaitement écolos puis qu’ils n’ont en rien détruit leur écosystème et figurez-vous que justement l’une des raisons sinon la seule, était qu’ils étaient très très peu nombreux sur la planète, comme le veulent les lois de la nature pour tout prédateur.

        1. Michel c du parti d'en rire

          Une moquerie certes, mais toutefois utile. (Rire pour réflechir, au rique de provoquer)
          En l’occurence ici par rapport à ChatGpt. Eh oui Monsieur Barthès, ce n’est pas moi qui dit que les tyrannosaures n’étaient pas des écologistes dans le sens moderne du terme. Remarque c’est évident, leur époque était très loin de l’être, moderne.
          De toutes façons ça m’étonnerait que les tyrannosaures, comme les bisons, les éléphants, les lions et toutes ces grosses bébêtes pour qui vous avez tant d’empathie, puissent, je cite… comprendre quelles sont les interactions entre les différents systèmes vivants (dont l’être humain fait partie) et quelles sont les conditions pour que leur existence puisse perdurer dans le temps. Or, être écologiste c’est ça. Et là encore ce n’est pas moi qui le dit, mais le traducteur de Ernst Haeckel.

  2. Une référence de plus en plus partagée… au point qu’elle ne veut plus rien dire. Je l’ai dit X fois, aujourd’hui l’écologie se conjuge à toutes les sauces, tout le monde se dit écologiste (ou vert), toutes les villes sont vertes, comme les entreprises, toutes soi-disant soucieuses de l’environnement, pas un parti politique qui ne barbouille son programme de vert, etc. etc.
    Ceci dit, si le concept d’écologie apparaît en 1859 et le mot 1866… AVANT le monde était-il vraiment écologique ? Fusse « au sens où la vie était florissante sur Terre et les conditions de vie quasi-identiques d’une génération à l’autre » (sic). Ce serait alors oublier le dodo disparu fin du 17ème siècle. Et le plus grand tueur de bisons de tous les temps, Buffalo Bill. Nous pourrions même parler du mammouth… et du lion à dents de sabre. 😉 Maintenant c’est vrai qu’il aura fallu attendre le 20ème siècle pour voir l’une des plus grosses catastrophes écologiques d’origine humaine, dans les années 1930 aux Etats-Unis, le Dust Bowl.

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