L’Écologie sera l’idéologie première du XXIe siècle

André Malraux aurait prononcé au siècle dernier cette phrase devenue mythique : « Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas. » En novembre 1975, Malraux déclara ne jamais l’avoir prononcée : « On m’a fait dire : “Le XXIe siècle sera religieux. ” Je n’ai jamais dit cela, bien entendu, car je n’en sais rien. Ce que je dis est plus incertain : je n’exclus pas la possibilité d’un événement spirituel à l’échelle planétaire. » La même année il précisait dans un livre : « Je pense que si l’humanité du siècle prochain ne trouve nulle part un type exemplaire de l’homme, ça ira mal… Et les manifestations de mai 68 et autres ectoplasmes ne suffiront pas à l’apporter. »

Aujourd’hui une classe de 4ème d’un collège « André Malraux » peut écouter le message de Nicolas Borde : « Il est temps d’agir pour la planète et vite ! ». Ce dernier a abandonné son précédent métier fait de multiples voyages en avion par delà le monde au profit d’une nouvelle vie sur le chemin de l’écologie. Il est aujourd’hui « paysan » comme il aime à le dire et ne cultive qu’en agriculture biologique sans engrais et sans produits chimiques. Ses ouvriers sont les insectes qui, en tant qu’auxiliaires de culture, lui permettent de cultiver sainement et naturellement dans le respect de notre planète. Ce choix de vie est le fruit d’une véritable prise de conscience : l’article s’intitule « L’ECOLOGIE, notre AVENIR »*. Mais de là à aboutir à une religion de la nature, il y aura encore beaucoup de chemins de traverses. Notre rapport à la nature est fondamentalement anthropocentrique, centré sur les humains. Les bribes de biocentrisme ou d’écocentrisme ne sont que spiritualités en devenir. Même ceux qui se veulent en pointe sur l’écologie, les membres d’EELV, ont toujours refoulé les amoureux de la nature au rang de minorités à ignorer. C’est ce que démontre sans le vouloir le livre d’Arthur Nazaret sur l’histoire de l’écologie politique**.

Arthur conclut sans doute que ce courant politique incarne « la seule idéologie nouvelle du XXIe siècle », mais il en reste au niveau des conflits interpersonnels qui ont émaillé l’histoire des Verts. Il est vrai que la lutte pour les places a toujours été rude pour les membres de ce qu’on a pu un jour désigner comme « la firme ». Les Verts peuvent se serrer les coudes lorsqu’il y a un combat à mener de Fessenheim (14 avril 1971) à Notre-Dame-des-Landes (17 janvier 2018), mais leurs dirigeants n’ont pas leur pareil pour s’étriper dès lors qu’il s’agit de parler cuisine électorale. La famille écologiste est divisée depuis sa naissance entre les partisans du « ni droite, ni gauche », et ceux qui veulent arrimer l’écologie politique à la gauche. Il ne s’agit pas de raisons écologistes, mais de rationalisations électoraliste, pour obtenir un jour un groupe parlementaire, ce qui avait abouti en 2012 avec l’arrimage au PS. Cette expérimentation politicarde s’est terminé par un fiasco total avec la présidentielle 2017. Des plus les débats de fond se sont toujours mélangés aux affinités et rivalités interpersonnelles. Il est donc dommageable pour le mouvement écolo que Nazaret s’attache davantage à l’histoire des acteurs de l’écologie politique qu’à celle des idées qu’ils portent. Comment s’y retrouver entre opportunistes éparpillés entre courants, chapelles et tendances ? Nazaret, hélas, ne propose ni enseignement ni mise en perspective. Mieux vaut aller au fond des choses, accorder son attention à ces prémices d’une nouvelle spiritualité qui est portée par l’écologie profonde d’Arne Naess ou les différentes versions de la Terre-mère. Un siècle est devant nous, puissions nous tous agir pour que l’écologie sectaire devienne un mouvement spirituel basé sur les capacités biophysiques de notre biosphère et non sur les échéances électorales…

* http://www.clg-mazan.ac-aix-marseille.fr/spip/spip.php?article1325

** LE MONDE du 10 avril 2019, La turbulente histoire des écologistes

PS : le livre de Nazaret n’est que la suite de nombreux ouvrages sur l’histoire de l’écologie, entre autres :

– La naissance de l’écologie politique en France : Une nébuleuse au cœur des années 68 (2017) d’Alexis Vrignon

L’écologie à l’épreuve du pouvoir (2016) de Michel Sourrouille

– Quand l’écologie politique s’affiche (2014) de Dominique Bourg

– Histoire de la révolution écologiste (2007) d’Yves Frémion

– Histoire de l’écologie politique : Comment la Gauche à redécouvert la nature (1999) de Jean Jacob

2 réflexions sur “L’Écologie sera l’idéologie première du XXIe siècle”

  1. ATTENTION, tous les blogs hébergés par lemonde.fr seront fermés à partir du 6 juin 2019.
    LE MONDE ne nous a donné aucune explication sur le pourquoi de cette fermeture générale…
    Ce BLOG.BIOSPHERE sera donc transféré chez un autre hébergeur, nous y travaillons…
    Bien à vous, fidèles lecteurs…

  2. C’est une bonne suggestion (que l’écologie soit l’idéologie du 21ème siècle), pour autant, la réalité aura-t-elle la bonté de s’y conformer ? Cela je l’ignore, l’Histoire est parfois surprenante et s’il y a effondrement de nos sociétés, personne ne peut rien prédire, le chaos est un lieu inconnu.

Les commentaires sont fermés.