L’écologisme est-il soluble dans le marché ?

Yannick Jadot, candidat écologiste aux élections européennes ne ferme pas la porte à une alliance, au Parlement européen, avec la droite, les libéraux et les sociaux-démocrates après les élections de mai : « Si on nous propose un programme qui améliore substantiellement le fonctionnement de l’Union et les politiques européennes, alors, les Verts y apporteront leur soutien. »* Pas de quoi fouetter un chat ! Notons d’abord que le parlement européen fonctionne au consensus, synthèse entre positions diverse, alors que nos députés français agissent de façon clanique, opposants contre majorité au pouvoir. Notons aussi que l’écologie va au-delà des étiquette droite et gauche, tous les citoyens du monde ont un intérêt commun, vivre sur une planète habitable. Mais Jadot assume aussi être « pour l’économie de marché, pour la libre entreprise et l’innovation ». Alors là le débat devient complexe, d‘autant plus que la célébration de l’innovation va souvent à l’encontre du principe de précaution.

Dès l’origine du libéralisme économique, Adam Smith et Ricardo se sont placés du côté des chefs d’entreprise : soutien de la division exacerbée du travail, de l’expansion forcenée des manufactures, du libre-échange généralisé. Aucune approche scientifique dans leur propos si ce n’est de laisser croire que l’abondance productive allait permettre le bonheur des peuples. Deux siècles plus tard, on constate que la liberté des chefs d’entreprise et la soi-disant bonne indication par les prix (donnés par le jeu complètement faussé de l’offre et de la demande) n’a jamais entraîné un Bonheur National Brut. Au contraire, avec le déchaînement des forces productives, les conditions de vie se détériorent et l’état général de la biosphère est au plus mal. Le seul économiste du passé qui nous a donné en 1798 les moyens de décrire un futur bien compromis a été Malthus. Il a lié la sphère humaine (la démographie) et la sphère des ressources naturelles (la production agricole). Si nous avions écouté son enseignement et respecté le nécessaire équilibre entre l’expansion humaine et les limites biophysiques de la planète, nous n’en serions pas arrivés là où nous en sommes, proche du précipice.

Mais il ne faut pas dire que le seul système qui s’oppose à l’économie de marché est le dirigisme économique. On ne va pas refaire l’URSS de Staline (la planification impérative) même si on fait encore du Trumpisme (de l’anti-écologisme débridé). Ces deux idéologies foutent en l’air la nature et les relations sociales. Entre les décisions confiées à des individus (qui vont pour la plupart représenter de grandes structures) et la gouvernance par un Etat (dont les membres voudront en faire à leur aise), il y a les petites entreprises paysannes, artisanales et commerciales, il a la relocalisation de toutes les activités humaines, il y a des familles à ressouder, il y a des communautés de base à construire autour de l’idée d’autonomie politique, alimentaire et énergétique… Le Parlement européen est une tentative de centralisation qui est aussi soumis paradoxalement au principe de subsidiarité comme élément de rééquilibre entre le local et le global. Ce principe est inscrit officiellement dans le traité de Maastricht (1992) qui fonde l’Union européenne. Un système démocratique durable est d’autant mieux préservé si l’Etat central programme la mise en place d’une autonomie territoriale. Il n’y a de véritable démocratie que locale.

* LE MONDE du 7 mars 2019 , Elections européennes 2019 : Yannick Jadot accusé de prôner une « écologie de marché »