Les dégâts prouvés des néonicotinoïdes sur les abeilles

Les néonicotinoïdes étaient suspectés de longue date d’être une cause déterminante dans le déclin mondial des abeilles domestiques, des pollinisateurs sauvages et, indirectement, des oiseaux. Ces pesticides de nouvelle génération sont principalement utilisés de manière préventive, en enrobage des semences : lorsque les plantes traitées poussent, tous leurs tissus (feuilles, tiges, pollen, nectar, etc.) s’imprègnent du toxique. Conduites à une échelle inédite, deux nouvelles études publiées le 30 juin par la revue Science montrent une survie réduite des butineuses, une fertilité diminuée et une mortalité hivernale augmentée des colonies d’abeilles domestiques (Apis mellifera). 100 % des colonies non exposées au clothianidine ou au thiaméthoxame survivent, alors que ce n’est pas le cas pour celles qui sont exposéesPour les pollinisateurs sauvages, la situation est sans appel, « les bourdons (Bombus terrestris) produisent moins de reines, et les abeilles solitaires (Osmia bicornis) produisent moins de larves lorsque l’exposition aux néonicotinoïdes est élevée ». Un autre résultat très important de ce travail est qu‘on retrouve de l’imidaclopride partout, même lorsque les cultures n’ont pas été traitées avec cette molécule ; sa longue persistance conduit à une contamination des sols et des cultures ultérieures. D’autres recherches récentes ont montré que les néonicotinoïdes contaminent fréquemment les fleurs sauvages. Toutes ces nouvelles substances sont beaucoup plus « efficaces » que les précédentes ; un seul gramme d’imidaclopride peut, par exemple, tuer autant d’abeilles qu’environ 7 kilogrammes du célèbre DDT*…

Depuis 55 ans, nous avons accru notre influence néfaste sur la nature. En 1962, lorsque des extraits du livre de Rachel Carson « Printemps silencieux » avait été publiés dans le New Yorker, un chœur bien orchestré avait accusé Rachel d’être hystérique et extrémiste. Pourtant le constat était sans appel, l’usage du DDT tue les insectes, donc les oiseaux, le silence règne sur les champs. Rachel nous offrait une bonne synthèse de ce qu’il faut penser des insecticides : « Le tir de barrage chimique, arme aussi primitive que le gourdin de l’homme des cavernes, s’abat sur la trame de la vie, sur ce tissu si fragile et si délicat en un sens, mais aussi d’une élasticité et d’une résistance si admirables, capables même de renvoyer la balle de la manière la plus inattendue » … « Vouloir contrôler la nature est une arrogante prétention, née des insuffisances d’une biologie et d’une philosophie qui en sont encore à l’âge de Neandertal. »

Oui, Rachel Carson avait raison, les hystériques et les extrémistes qui nient les nuisances d’une partie de nos techniques sont des hommes des cavernes qui en restent à l’âge de pierre pour tenter en vain par la chimie de résoudre le problème de notre coexistence avec les autres créatures peuplant la biosphère. En 1962, lorsque son livre est paru, le mot « environnement » n’existait pas dans le vocabulaire des politiques publiques. C’est Rachel Carson qui a initié véritablement le mouvement de l’écologie politique qui structurera tout le XXIe siècle si on veut échapper aux imbéciles qui nient les avancées de l’écologie scientifique. Rachel était une biologiste…. et un prophète. Espérons que les Cassandre de notre temps seront écoutés un jour !

* LE MONDE du 30 juin 2017, Deux études à grande échelle confirment les dégâts des néonicotinoïdes sur les abeilles

1 réflexion sur “Les dégâts prouvés des néonicotinoïdes sur les abeilles”

  1. Ce qui est étonnant c’est qu’on trouve des gens pour défendre l’innocuité de ces produits alors qu’ils sont conçus justement pour briser les mécanismes naturels. Comment s’étonner ensuite qu’il le fassent ?
    La défense de ces substances à partir de l’argument selon lequel elles sont nécessaires pour nourrir les hommes, montre bien toute notre arrogance. Oui, elles sont nécessaires pour nourrir autant d’hommes, d’ailleurs avant l’invention de toute l’industrie phytosanitaire on en nourrissait beaucoup moins (époque pas si lointaine où l’on ne faisait que du bio et de l’agrobiologie sans mettre l’étiquette dessus).
    Il faut donc changer de discours et surtout d’objectifs, ne pas chercher à nourrir plus d’hommes mais au contraire adapter nos effectifs aux capacités de la planète.Cela suppose une agriculture moins intensive, moins productives, tout en utilisant moins d’espace afin de respecter les habitats des autres espèces. En un mot cela suppose que nous produisions beaucoup moins, c’est à dire que nous soyons moins nombreux. C’est la direction qui nous permettra tout à la fois de sauver des emplois dans l’agriculture, de nourrir les hommes, de respecter la nature en terme d’espace et de non pollution.
    Le seul inconvénient c’est qu’il nous faudra sans doute accorder à notre alimentation une part plus importante de notre budget, mais nous payons déjà, soit sous forme d’impôts, soit sous forme de problèmes de santé, un lourd tribu à notre « agriculture chimique ». C’est un surcoût acceptable, nous changerons notre smartphone un peu moins souvent, cela doit être supportable

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