Les ennemis de l’écologie qui se disent écologistes

Doit-on être découragé d’agir à son niveau parce que Nicolas Hulot a démissionné de son poste ? Farid Baddache* le pense : « Le fracas qui a entouré la démission de M. Hulot est choquant. Des milliers d’acteurs du quotidien peuvent être découragés après avoir entendu les propos tenus à la radio par M. Hulot. Ces milliers d’acteurs attendent du politique qu’il ne confonde pas intérêt général et complaintes individuelles. Lorsque M. Hulot étale sur la place publique ses frustrations personnelles pour quitter le gouvernement, c’est démotivant pour les millions de personnes. Si nous avons tous des frustrations dans nos organisations – ressources insuffisantes, lenteurs à faire évoluer les choses –, il existe une certitude : c’est de l’intérieur qu’on fait bouger les lignes au gouvernement, dans une collectivité ou une entreprise. C’est le collectif, et pas les individualités, qui prime sur ces questions. »

Ce monsieur qui veut nous sermonner n’a rien d’un écologiste. Farid Baddache est le Directeur général à Paris de « Business for Social Responsibility ». Il faut donc lire dans son statut « business » plutôt que « responsabilité ». Il s’occupe d’un réseau mondial d’entreprises dédié au développement durable. Or le développement durable est en soi un concept creux, habillage sans consistance d’une conscience achetée à peu de prix, un oxymore ou association des contraires car la croissance ne peut être durable. On comprend dès lors que Farid ne comprenne pas la portée de la démission d’Hulot qui ne voulait pas qu’on cesse le combat, mais au contraire qu’on l’accentue dans et hors du gouvernement. Les acteurs de la lutte environnementale de toute façon n’attendent pas grand-chose de l’État actuel, voué au libéralisme économique et à la compétitivité. Que Hulot soit ou non au gouvernement, eux ils savent pourquoi ils se battent. Farid n’a qu’une conception lointaine de ce qu’est le militantisme à la base. Eux ils savent la valeur de l’action individuelle et n’attendent rien d’un « expert » dédié au management genre « green washing ».

Cette critique de Hulot est d’autant moins fondée que Nicolas a justement essayé de faire bouger les lignes en rentrant au gouvernement. Il savait pourtant que sa force était à l’extérieur, parce qu’il pouvait mobiliser l’opinion, parce qu’il pouvait dialoguer avec les politiques et les mettre face à leurs contradictions. Mais il a eu l’espoir que sa présence en tant que ministre pouvait faire bouger la situation utilement et non pas simplement symboliquement. Il a constaté au bout de 14 mois « au pouvoir » que sa volonté de mettre en place une écologie de rupture avec le système dominant se heurtait à des résistances trop fortes. Nicolas pose clairement le problème de fond : « Quel compromis peut-on trouver entre notre idéal et le monde tel qu’il est, avec son inertie, sa résistance et sa dynamique fulgurante. Si notre combat était partagé par le plus grand nombre, nous l’aurions déjà mis en chantier… Il n’y aura pas de sortie de la myopie démocratique si les citoyens ne sont pas eux-mêmes les défenseurs d’une conscience élargie du monde dans le temps et dans l’espace. »

Farid Baddache n’est qu’un faux nez des défenseurs du système actuel qui broie à la fois les hommes ET la planète. Macron devrait comprendre ce que signifie « en même temps »…

* LE MONDE idées du 7 septembre 2018, Démission de Nicolas Hulot : « C’est de l’intérieur qu’on fait bouger les lignes du gouvernement »

2 réflexions sur “Les ennemis de l’écologie qui se disent écologistes”

  1. Cette fois je suis entièrement d’accord avec cet article de Biosphère. Bravo !
    Baddache n’est qu’un faux-nez. Continuons à démasquer les faux-nez de l’écologie, les imposteurs, les écotartufes, appelons-les comme on voudra.

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