Les espèces invasives, un fléau ou une fatalité ?

Qui stoppera l’invasion du poisson-lion ? C’est le grand titre de la page Planète du MONDE*. Originaire de l’océan indo-pacifique, le poisson-lion a envahi la Caraïbe à une vitesse fulgurante. Ce Pterois volitans est devenu un fléau pour la Guadeloupe, une menace pour la pêche et la biodiversité. Une stratégie de lutte contre cette espèce invasive se met en place contre cet Attila des mers : « Il rafle tout : œufs, juvéniles, crustacés, tant que leur diamètre n’excède pas la taille de sa mâchoire ». Une cinquantaine de chasseurs en tuent 20 à 30 à chaque plongée, environ une fois par semaine. Mais nul n’imagine éradiquer le problème ainsi. D’ailleurs, faut-il éradiquer une espèce invasive ?

Christian Lévêque** pense que non : « Brown constatait une sorte de xénophobie irrationnelle face aux plantes et animaux invasifs, qui s’apparente à l’intolérance de certains citoyens vis-à-vis de races étrangères. Le langage militaire est de mise, il faut bouter l’envahisseur, l’éradiquer (…) On attribue les mêmes qualificatifs aux espèces invasives que ceux attribués aux immigrants : fécondité incontrôlée, agressivité, comportement prédateur, etc. C’est accentuer l’opposition entre ce qui est « de chez nous » et ce qui « vient d’ailleurs ». En réalité il y aurait concomitance d’un effacement des espèces natives et d’un accroissement des naturalisations, mais pas de relation directe de cause à effet dans une invasion ! Les exotiques occuperaient simplement les nouvelles niches créées par les modifications du milieu et laissées vacantes par les espèces natives. »

La crédibilité de l’écologie réside dans sa capacité à apporter des réponse. Là, le doute s’installe : faut-il vraiment éradiquer une espèce invasive ? Le débat est ouvert, nous attendons sur ce blog vos commentaires éclairés.

* LE MONDE du 14-15 avril 2013

** L’écologie est-elle encore scientifique ? (éditions QUAE, 2013)

5 réflexions sur “Les espèces invasives, un fléau ou une fatalité ?”

  1. La question des Antilles est justement très représentative puisque beaucoup de variétés végétales y ont été introduites et qu’un nouvel équilibre s’est créé, mais c’est très loin d’être homogène, les mahoganis ont envahi les forêts naturelles au détriment des espèces endémiques, pas du tout en occupant une niche vide !
    La régulation vient également de la main des Humains qui ont importé ces variétés généralement pour leur utilité alimentaire ou pratique, ainsi on ne trouve qu’exceptionnellement les arbres à pain dans des zones de forêt, les fromagers, à contrario occupent volontiers des espaces abandonnés par la végétation haute pour sécheresse ou sol pauvre.
    La question est loin d’être tranchée et il est tout-à-fait abusif de prendre en exemple la migration des Humains qui s’est toujours et de tous temps pratiquée et pour laquelle on ressort les mêmes poncifs à caractère d’idéologie néo-naze.
    Aussi ce n’est pas apporter de l’eau au moulin de certains que je cite l’exemple des fourmis du pourtour méditerranéen qui ont quasi disparu au bénéfice d’une autre espèce invasive qui a su s’adapter en mutualisant les phéromones et créant ainsi une seul et même fourmilière de plus de … 6000 km de long !!!
    Le naturalisme est une pensée bien trop risquée pour la vulgariser, Lévy-Strauss est mort et bien peu d’adeptes lui font honneur.

  2. Apis Mellifica

    Les permaculteurs disent que les écosystèmes (et la nature en général) tendent vers un équilibre ou qu’ils sont mus par une tendance à l’autorégulation. Le développement de Rubus fruticosus par exemple (les ronces) fait partie d’une processus plus global de retour à l’équilibre que l’on appelle succession végétale. Cette espèce croit quand un accident est intervenu (un tempête par exemple, ou bien une coupe à blanc) ayant fait disparaitre les grands arbres. Rubus fruticosus a alors suffisamment de lumière pour pouvoir quitter sa dormance mais elle vient aussi protéger des prédateurs la naissance d’arbrisseaux qui constitueront à terme la future forêt.

    Les permaculteurs disent aussi qu’il ne faut pas lutter contre la nature mais travailler avec elle, transformer un problème en solution, ne serait-ce que par le regard que l’on porte sur une situation. L’éradication c’est le réflexe typique de celui qui a installé un déséquilibre et qui pense pouvoir en résoudre les principaux inconvénients en doublant la dose.
    Le problème ce n’est pas qu’il y a trop de poissons-lion mais pas assez de prédateurs… reste à savoir si l’écosystème marin est encore assez résilient pour se réguler seul après cette période de « crise » qui n’est en théorie qu’un symptôme…

  3. Que ce soit sur les plantes, animaux ou humains, nous avons la mauvaise habitude de considérer les choses comme figées alors que dans la réalité, à l’échelle du siècle, tout bouge. Les peuples n’ont cessé de se déplacer à travers la planète; plantes insectes et autres animaux se sont précipités par vagues successives sur les territoires rendus par les glaciers ou créés par les volcans. Même les montagnes se déplacent, c’est dire !

    À notre époque, tout bouge encore plus vite et nous ne sommes pas les seuls à prendre le bateau ou l’avion. Les modifications que nous avons apportées à l’environnement, partout, sont comme si on avait envoyé un grand coup de pied dans une fourmilière. Nous altérons à grande vitesse, la nature qui a horreur du vide réagit de même.

    Je constate par chez moi que les endroits les plus altérés se peuplent d’invasives dès qu’ils sont laissés à l’abandon, heureusement car sinon ces terrains seraient fortement érodés.

    Je constate aussi que les solidages font la joie d’une multitude d’espèces d’insectes lorsqu’il n’y a plus grand chose d’autre à butiner.

    La Terre est déséquilibrée et en train de se réchauffer, on peut s’attendre à des mouvements encore plus spectaculaires ou désagréables, mais ces invasives d’aujourd’hui sont peut-être les piliers de l’équilibre de demain. Et vouloir lutter contre ces mouvements de fond, c’est comme vouloir lutter contre la tectonique des plaques.

  4. Ludvigvonprinn

    Si j’ ai bien compris le raisonnement de Ch.Lévêque, tout peuple ayant maîtrisé sa natalité doit se laisser submerger par d’ autres peuples à la natalité galopante sans broncher et sans résistance : il doit pratiquer la « béance « à autrui ! On sait que l’ immigration délirante et son infâme avatar le regroupement familial pratiqués depuis Giscard ont pour but la disparition du peuple dit de souche !
    Que l’ invasion soit animale , végétale ou humaine , elle a toujours pour origine le sinistre bipède agissant par bêtise ou cupidité !

  5. On ne remonte jamais assez loin la chaîne des causalités. Il y a en effet une espèce invasive dominante qui a envahi tous les milieux de la planète, même les plus inhospitaliers. On trouve des représentants de cette espèce sur les plus hautes montagnes, dans les déserts, dans le ciel et même sous la mer. C’est une espèce cruelle qui ne se contente pas de tuer ses proies pour les manger, mais qui tue aussi par plaisir ou qui détériore l’écosystème des autres espèces afin de les éliminer. Il s’agit de l’espèce trop mal nommée « Homo sapiens ». Ne faudrait-il pas éradiquer cet éradicateur ?
    Prenons la prolifération du poisson-lion. Le gros mérou Epinephelus pourrait manger les Pterois volitans en surplus, mais ce poisson carnassier a lui-même été préalablement décimé par les pêcheurs (les humains), ce qui fait qu’il ne peut plus jouer son rôle dans la stabilité dynamique de l’écosystème des Antilles.

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