Les journalistes méritent-ils des Pinocchios ?

Le Washington Post a inauguré en 2007 sa rubrique « The Fact-checker » et délivre des Pinocchios *. Les fact-checkers, ou vérificateurs des faits, traquent les approximations dans les discours des hommes politiques. Barack Obama a même fait de cette question l’un des enjeux de l’élection présidentielle : « Est-ce que les faits vont triompher ? » A chaque contre-vérité dans un message, on peut attribuer un nombre de Pinocchios correspondant à l’éloignement de la réalité : « 1 » lorsqu’il y a simplement mensonge par omission, « 4 » quand c’est 100 % faux. Mais les faits sont ambigus et les journalistes souvent complices des politiques (ou des industriels). Michael Dobbs, premier fact-checker du Washington Post, estime que le journalisme se cantonne trop souvent à une fausse objectivité, celle qui consiste à donner la parole à chacun et à s’en laver les mains. Qui donc mérite des Pinocchios ?

Prenons la journaliste Sophie Landrin qui décortique un fait, la parution d’un guide réalisé par l’ADEME, agence en charge de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie **. En fait, au lieu de développer sur le greenwashing (l’éco-blanchiment), Sophie Landrin réalise une attaque en règle contre l’ADEME, Agence pourtant en charge de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. A propos du « guide anti-greenwashing » de l’Ademe, Sophie Landrin accumule les mots péjoratifs : « simplisme », « vision frileuse », « style scolaire », « guide relativement daté », « guide anti-greenwashing pour les nuls ». Cette dernière expression fait même le titre de l’article, sachant qu’un titre donne l’idée générale. Sophie Landrin relaye la vision de l’OIP, un observatoire de la publicité qui se dit « indépendant » alors que lOIP est un espace interactif de promotion d’une publicité responsable : « promotion » et non analyse critique ! Les publicitaires peuvent rester tranquilles, on leur délivrera des certificats de bonne conduite. Sophie Landrin mérite 2 ou 3 Pinocchios. Elle dévalorise l’Ademe, une des rares institutions gouvernementale qui fait sérieusement son boulot de défense de la biosphère.

Mieux vaut donc lire le mensuel La Décroissance*** plutôt que LE MONDE sur la question publicitaire : « Les industriels se targuent d’éco-produire et d’éco-concevoir, dans un souci d’éco-efficacité… Le projet Notre-Dame-des-Landes est garanti « haute qualité environnementale » par le bétonneur Vinci… C’est toute la marchandise qui se maquille en vert et se présente comme irréprochable… Les pesticides disparaissent sous le nom de « produits phytosanitaires »… Le tout se pare d’une ribambelle d’écolabels, Ecofolio, Eco2, GreenPact, EcoProgress, Ecocert… Dans cette bouillie sémantique indigeste et vide de sens, tout devient vert, citoyen, respectueux… Une utilisation aussi massive de mots mensongers ne peut qu’instaurer la confusion dans les têtes, déstructurer les esprits… La novlangue écolo empêche la prise de conscience, nous paralyse puisque la pensée dépend des mots… Les objecteurs de croissance refusent de laisser le champ de bataille sémantique à l’adversaire. » L’auteur, le journaliste Pierre Thiesset, n’est pas un pinocchio.

* LE MONDE du 7 septembre 2012, Feu sur les « fact-checkers » de la campagne américaine

** LE MONDE du 7 septembre 2012, L’anti-greenwashing pour les nuls

*** La Décroissance de septembre 2012, Novlangue écolo sur fond vert

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