Les Khmers verts et autres Ayatollah de l’écologie

Il n’est pas rare sur ce blog que des commentateurs (toujours les mêmes d’ailleurs) nous renvoient à la face les mots « totalitarisme », « Khmers verts » ou autres « Ayatollah de l’écologie ». Ceci est donc une réponse globale à ce genre d’attaque.

Nous soutenons les faucheurs d’OGM, les objecteurs de conscience, les écoguerriers, les lanceurs d’alerte et la désobéissance civile en général. Pourtant nous ne sommes pas des ayatollahs de l’écologie, des Khmers verts et autre totalitarismes fascisants. Tout au contraire. C’est l’obéissance servile aux mécanismes actuels de détérioration de la biosphère et de déliquescence des rapports humains qui nous concocte l’arrivée d’un autoritarisme qui sera toujours classé à droite : inégalitaire et anti-démocratique. Voici quelques extraits de trois ouvrages qui nous incitent à la désobéissance civile. Cela peut passer par la destruction de bien nuisibles, mais passera toujours par le respect des personnes.

1/3) Désobéissance civile et démocratie d’Howard Zinn

Etant donné l’inévitable domination exercée par un petit groupe de gens richissimes sur les médias et le système d’éducation, les idées subversives sont noyées sous un flot de critiques et discréditées comme ne faisant pas partie des choix acceptables. Il en résulte une communauté de citoyens obéissants ou complices, danger mortel pour la démocratie. S’en remettre aux autorités, aux grands penseurs et aux experts est une atteinte à l’esprit même de la démocratie. Il ne faut pas écouter les autorités, mais sa conscience.

En 1963 dans sa prison, Martin Luther King déclare : « Je prétends qu’un individu qui viole une loi que sa conscience considère comme injuste et qui accepte volontiers la prison afin que la communauté prenne conscience de ses injustices exprime en réalité le plus grand respect pour la loi. ». Quand les rebelles se rendent coupables de « violence », il s’agit habituellement de violences à l’encontre de biens privés et non d’êtres humains. En 1985 eut lieu le procès d’un groupe qui s’étaient introduits dans le silo d’un missile nucléaire et avaient commis quelques dommages. Le juge Hunter avait déclaré que la violence inclut l’atteinte à la propriété. L’accusé Holladay répondit : « La question est de savoir si une arme nucléaire peut être considérée comme un bien au même titre qu’un bureau. Aussi longtemps que ce pays considérera les armes nucléaires comme des biens à défendre et à protéger, plus sacrés que les vies humaines qu’elles sont destinées à détruire, on sera en droit de se demander ce qu’est exactement une propriété. Les fours crématoires allemands étaient-ils des propriétés privées ? » Holladay fut condamné à huit années d’emprisonnement pour « voie de fait » à l’encontre des engins de mort les plus abominables jamais construits.

La liberté ne s’accorde pas, elle s’arrache. Le prix de la liberté, c’est prendre le risque d’être emprisonné, battu et peut-être tué. L’usage de la violence, aussi séduisant que puisse être la rapidité de ses effets, nuit à ses objectifs de liberté et de justice, aussi bien dans l’immédiat que dans le long terme. Aucune fin, si noble soit-elle, ne peut justifier la violence collective.

2/3) L’impératif de désobéissance (fondements philosophiques et stratégiques de la désobéissance civile) de Jean-Marie Muller

L’homme n’accomplit son humanité qu’en devenant auto-nome, c’est-à-dire en n’obéissant qu’aux lois auxquelles sa conscience et sa raison donnent leur assentiment. L’histoire des résistances aux lois iniques fait partie intégrante de l’histoire des sociétés.

José Bové comparaît le 3 février 1998 devant le tribunal correctionnel d’Agen pour avoir fauché des OGM. Dans sa déposition, il déclare : « Oui, cette action était illégale, mais je la revendique car elle était légitime. Je ne vous demande pas la clémence, mais la justice. Ou nous avons agi dans l’intérêt de tous et vous nous acquitterez, ou nous avons troublé l’ordre et dans ce cas vous nous sanctionnerez. Il n’y a pas d’autre issue ». Lors du rassemblement anti-mondialisation au Larzac en 2003, Jean-Baptiste Libouban prendra l’initiative de rédiger une charte des faucheurs volontaires : « Quand le gouvernement encourage les intérêts privés ou les laisse s’imposer aux dépens de tous et de la terre, quand la loi privilégie l’intérêt particulier au détriment de l’intérêt général, que reste-t-il aux citoyens responsables pour que le droit redevienne la référence entre les personnes et les biens ? Il ne reste plus en conscience aux citoyens que d’affronter cet Etat de non-droit pour rétablir la justice au risque des amendes et des peines possibles de prison … » .

Nos sociétés sont dominées par une culture de l’obéissance. Celui qui obéit, parce qu’il agit sous le couvert de l’autorité, ne se sent pas responsables des conséquences de son acte. Pourtant celui que se soumet à une loi injuste porte une part de la responsabilité de cette injustice. En définitive, la principale vertu du bon citoyen n’est ni l’obéissance ni la désobéissance, elle est la responsabilité éthique qui doit le conduire à choisir politiquement ce qui a le plus de chances de réduire la violence parmi les hommes, le plus de chances de favoriser la justice, la liberté. Pour le citoyen responsable, la légalité ne sera jamais un critère de moralité.

3/3) Petit manuel de désobéissance civile de Xavier Renou

On a tous manifesté des dizaines de fois, pétitionné des centaines de fois. Mais combien sommes-nous à nous être demandés, lucidement, ce qu’il en était de l’efficacité. Pourtant nous devons gagner parce que nous ne voulons pas être les victimes de ce qui nous fait souffrir. Il a suffi d’à peine un millier de faucheurs volontaires pour neutraliser la plupart des parcelles d’OGM plantées en France. Il a suffi de quelques dizaines de militants anti-pub pour commencer à déboulonner la publicité de son piédestal.

Pour les militants qui choisissent la non violence, la fin est déjà dans les moyens. L’adage « la fin justifie les moyens » est exclu. Gandhi parlait du Satyâgraha, le chemin de la vérité. Les valeurs et la force de vérité pèsent de beaucoup dans la bataille, et rendent plus efficaces les moyens choisis. Les non violents refusent de juger tel ou tel être humain qui incarnerait la figure de l’adversaire. Nous savons que nous sommes tous profondément déterminés par les conditions sociales qui nous sont faites, le parcours de nos parents, etc. et que nous ne choisissons pas nos destins. Nous nous en prenons à la fonction sociale de l’adversaire, jamais à sa personne en tant que telle. La personne humaine est toujours respectable.

Une dimension essentielle de la non violence active est l’appel à la responsabilité de l’individu.. Si la violence soude l’adversaire, la non violence le divise au contraire, en entrouvrant la porte qui permet à celui-ci de changer de camp, ou tout au moins de faire un geste. Elle réduit le coût de la conversion, puisque l’adversaire devenu frère sait qu’il ne sera pas jugé puisqu’on pardonnera qu’il se fut égaré quelques temps. Cependant la séparation entre violence et non violence de l’acte n’est pas toujours claire. Doit-on s’autoriser la destruction de biens ? Doit-on s’autoriser à neutraliser l’avion militaire qui part bombarder l’Afghanistan, le bulldozer qui s’apprête à construire une centrale nucléaire, le panneau publicitaire ?  De manière générale, le débat philosophique sur les limites entre violence et non violence doit se tenir au sein du groupe qui s’apprête à entreprendre une action. Il ne s’agit pas d’exclure a priori telle ou telle forme de sabotage. La compréhension de l’acte par l’opinion publique sera un gage de légitimité. On ne gagne pas contre l’opinion publique. On peut parler d’une pédagogie de l’action, qui considère les actions comme devant entraîner l’adhésion de secteurs toujours plus larges de la population. La non violence rend possible l’adhésion du plus grand nombre.

Contact Internet : http://www.desobeir.net/

3 réflexions sur “Les Khmers verts et autres Ayatollah de l’écologie”

  1. Chere Biosphere. Desole d’avoir rate ce billet. Dur de repondre i) sans faire trop long et ii) sans accents sur mon clavier, mais essayons:

    I) En ce qui concerne le fait que des commentateurs (toujours les memes d’ailleurs) passent le plus clair de leurs commentaires sur certain de vos billets (toujours les meme d’ailleurs) a s’opposer a vos vues. Ou, ecrit autrement, « pourquoi passer du temps a polemiquer sur le web plutot que de faire quelque chose de plus rigolo ou plus delassant »:

    Je pense que c’est du a la nature meme de votre blog, et en particulier de son Karma, si j’ose. Vous avez cree ce blog en 2005 en regrettant et critiquant les larmes portees sur les victimes du tsunami de decembre 2004 et pour opposer ces victimes humains aux bonobos. Vous avez choisi d’opposer l’homme a la nature et de decrire un combat contre l’humanite decrite par vous comme parasitaire. Vous avez donc porte ce blog sur les fonds baptismaux en choissisant comme marraines (deux marraines, pas de parrain) les mauvaises fees de l’anti-humanisme et de la polemique.

    Qui blogue le vent recolte la tempete: vous avez cree ce golem, assumez-le.

    II) En ce qui concerne l’accusation de totalitarisme:
    Vous vous en defendez en justifiant de vos *moyens* (l’action « non-violente ») et non pas de vos *buts*. Les buts que vous proposez sont les ‘objets de la substance des critiques de vos opposants et je n’y reviendrai pas, car ils ne sont pas le propos de ce billet qui se focalise sur les moyens pour y parvenir.

    i) Sur les moyens: Je ne suis pas d’accord avec les fait que vous devriez etre immunes face a l’acusation de totalitarisme par ce que vos moyens sont « non-violents ». La « non-violence » a la Gandhi n’est justifiable que dans une societe non democratique, comme l’etait certainement la societe coloniale de l’Inde Brittanique, ou bien dans une societe totalitaire comme dans le de l’URSS de Sakharov. Dans une societe democratique Occidentale, le moyen legitime de faire changer les choses, ce sont les urnes. Vous le savez et vous defendez une semantique qui vise a nier ce fait en niant la realite democratique de nos societes: la democratie que nous vivons ne serait selon vous qu’une « illusion anthopomorphique », qui devrait etre corrigee par des « representants de la biosphere » , qui seraient les mandaires de tout, des bonobos aux laitues et aux cailloux, et qui seraient bien sur, devinez qui: vous !

    Cette fausse solution a pour but de delegitimiser la structure politique et sociale qui permet le pouvoir et son application: vous vous auto-erigez donc en victimes qui seraient justifiees dans leur choix de l’opposition « non-violente ». (Au passage, votre « non-violence » n’a rien de non-violente et ferait rougir Gandhi, Luther-King et Lanza del Vasto: destructions, sacages, vocabulaire guerrier, concepts de combats, atteintes aux biens et aussi, meme si ce n’est pas le but, atteentes aux personnes)

    Enfin je vais finir sur un petit compliment, car je suis dans le fond tres gentil et je sens que vous avez besoin d’affection: malgres toute mon opposition a vos idees et a vos moyens, et mon statut revendique « d’opposition de sa Majeste », je vous aime bien et je vous trouve utile dans un sens: vous repondre, s’opposer a vous est un element structurel *et* fonctionnel de ma pensee politique et sociale. Je pense humblement que vos opposants ont egalement un role similaire dans la vie du blog. Un comensalisme du web, en quelque sorte. Juste un truc s’il vous plait, pour me faire plaisir, ne citez plus jamais Laure Adler dans vos tirades anti-natalistes, ca c’est vraiment trop douloureux.

    Cocorico.

    1. Coq au Vin,
      Les débats d’idée sont des confrontations trop souvent sans convergence, car se laisser convaincre serait une forme de défaite.
      Personnellement nous préférons les convergences car ainsi il n’y a plus de défaites…

Les commentaires sont fermés.