Cette semaine, du 7 au 13 avril 2025, nous consacrons chaque jour un article au pacifisme. Le principe « si tu veux la paix, prépare la paix » est en effet inséparable d’un engagement écolo. Une planète traversée par nos démonstrations guerrières ne peut pas être un monde agréable à vivre qui pourrait conserver des ressources naturelles préservées.
Michel Sourrouille : Mon maître à penser en 1971 était un instituteur, Guy Goujon, protestant de religion, animateur de notre groupe de préparation à l’action non violente et de soutien aux objecteurs de conscience. José Bové y était mon compagnon de militantisme. Nous n’avions pas de chef, nous avions en commun des actions. Pour nous la non-violence était à la fois l’apprentissage de son autonomie personnelle vis-à-vis des structures officielles, mais aussi l’apprentissage de l’interdépendance générale. Notre prière ? Heureux celui dont la liberté personnelle préfigure celle de tous les hommes et l’introduit.
En Espagne, un projet de reconnaissance légale de l’objection avait été soumis aux Cortes le 30 mai 1970. Il a été refusé. Je participe avec mon groupe au soutien de José Beunza dit pépé, né en 1947 comme moi et premier Espagnol à faire publiquement objection de conscience. Il était en prison. Pour nous, le refus de l’usage des armes est nécessairement un mouvement internationaliste ; le fait que le droit à l’objection ne soit pas reconnu dans un pays est une anomalie à combattre. Nous bloquerons un pont à Bourg-Madame le 11 avril 1971, à la frontière entre la France et l’Espagne, nous serons dispersés à coup de matraque. Le régime de Francisco Franco n’était pas tendre avec les opposants. Mais seule est vraie la parole qui mène aux actes. Aujourd’hui la France est devenue bien plus pacifiste qu’elle ne l’a été.
Sandrine Morel : En 2024, le budget militaire en Espagne s’est élevé à 1,28 % du produit intérieur brut, l’un des taux les plus faibles de l’UE. Selon le dernier Eurobaromètre, publié le 25 mars 2025, les Espagnols sont les Européens les moins soucieux de renforcer la sécurité et la défense du continent. Le pays n’a pas participé aux guerres mondiales. S’y ajoute un antimilitarisme ancré, hérité de l’opposition à la dictature militaire de Franco. La tentative de coup d’Etat militaire du lieutenant Tejero, en 1981, et les bruits de bottes faisaient encore peur. La participation de l’Espagne à la guerre en Irak, en 2003, a fait perdre les élections de 2004 au Parti populaire [droite] de José Maria Aznarb du fait d’une opinion publique allergique aux interventions militaires. Le chef du gouvernement, le socialiste Pedro Sanchez, ne veut pas brusquer son opinion : « Je n’aime pas le mot de réarmement, il ne me plaît pas du tout. Nous devons parler d’une autre manière à nos citoyens quand nous parlons de la nécessité d’améliorer la sécurité »
Si les Espagnols ont aujourd’hui une opinion positive de l’armée, c’est parce qu’elle est avant tout perçue comme une force servant à éteindre les incendies, construire des hôpitaux de campagne comme durant la pandémie de Covid-19, et mener des opérations internationales de maintien de la paix. Le militaire qu’aiment les Espagnols ne porte pas une arme, mais une pelle, comme à Valence, dévastée par les terribles inondations d’octobre 2024. 30 % des Espagnols considèrent qu’elle ne devrait pas intervenir si un pays tiers attaque l’Espagne.
Le point de vue des objecteurs pacifistes
Sympa de voir un peuple qui ne se laisse pas embrigader par l’escalade belliqueuse. On voit trop bien la diversion qui consiste à agiter le chiffon rouge de la guerre pour faire peur aux gens et tenter de les détourner de leurs préoccupations. Le système français de retraites en déficit ? C’est indépassable, il faut reculer l’âge de départ. Au fait, si on dépensait des milliards pour le réarmement militaire ?
Dans l’article de Sandrine Morel, il n’est pas fait mention de la possibilité d’une défense civile non violente et de pouvoir bénéficier du statut d’objecteur de conscience. En démocratie il n’y a pas qu’une seule position, celle de l’armée, « si tu veux la paix, prépare la guerre ». Cette option a toujours échoué à établir une paix durable. Il faut suivre le principe « si tu veux la paix, prépare la paix ». Il y a toujours une armée dans un pays, soit la sienne, soit celle d’un occupant. 30% des espagnols aimeraient autant être occupés. Ils ont raison. L’occupation a évité à la France beaucoup beaucoup moins de morts lors de la seconde guerre mondiale que pendant la première.
en savoir plus grâce à notre blog biosphere en mars 2025
Un modèle de « défense totale » en Suède
L’Italie, un pacifisme né de son histoire
En Russie, nous devrions tous être des Skobov
La fin du pacifisme pour Les Écologistes ?
– « L’occupation a évité à la France beaucoup beaucoup moins de morts lors de la seconde guerre mondiale que pendant la première. » (les objecteurs pacifistes)
Là je trouve que c’est plutôt osé. Et je pense que nous touchons aux limites du pacifisme (voir hier 7 avril à 19:31). Pour moi le pacifisme ne doit pas sombrer dans le pétainisme. Je pense là à ce révisionniste, candidat à la présidentielle 2022, qui a osé dire que Pétain avait « sauvé » des juifs français pendant la Seconde Guerre mondiale.
Si l’occupation a évité à la France un certain nombre de morts… il faut voir aussi à quel prix.
Et si justement une vie humaine n’a pas de prix… il en est de même pour la solidarité, l’humanité, la dignité et ce genre de choses. Non seulement la chasse aux juifs, aux résistants, aux communistes, l’Occupation aura été également marquée par des privations (notamment des libertés), le STO, la collaboration, les dénonciations et autres saloperies.
J’aimerais mieux que l’Inde défendît son honneur par la force des armes plutôt que de la voir assister lâchement et sans se défendre à sa propre défaite.
– « L’histoire de l’Espagne explique la réticence à augmenter les dépenses de défense. Spécialiste de la défense, Rafael Martinez est professeur de science politique à l’Université de Barcelone et il est chercheur spécialiste des relations civiles-militaires au think tank CIDOB: “Les Espagnols ne rejettent pas non plus la légitime défense des Ukrainiens, mais ils n’aiment pas l’idée qu’une armée soit engagée dans une guerre, avec des connotations impérialistes. Par contre, tout ce qui est en lien avec des missions de paix, aide humanitaire, ou une catastrophe naturelle, il n’y a aucun problème.” »
( Le service militaire obligatoire dans 3 pays d’Europe: l’Allemagne, la France et l’Espagne
cidob.org 19 Mar 2025 – extrait 7 min sur rts.ch/audio )
– « Après plus de deux siècles de service militaire obligatoire, la démilitarisation a encore du chemin à parcourir. En Espagne, en 2002, la fin du service militaire a été un motif de
soulagement et de fête. Puisse ce livre servir à la reconnaissance des efforts de toutes les
personnes qui l’ont affrontée, comme un hommage à la mémoire de ses nombreuses victimes, et nous donner courage, à nous tous qui continuons à œuvrer pour un monde sans armées.
Voici l’histoire de José Luis Beunza, plus connu sous le nom de Pepe Beunza. […] »
( Portrait d’un insoumis : Pepe Beunza – Pedro Oliver Olmo irnc.org )