limits to growth

« Notre problème est celui de la croissance matérielle dans un monde fini. Tant que la croissance humaine et industrielle se poursuivra, les symptômes (érosion du sol, déforestation, changement climatique…) continueront de se manifester sous une forme ou une autre et cela, de façon toujours plus intense. En 1972, nous avons publié, avec le club de Rome, notre premier livre (ndlr, Limits to growth, traduit en Français par Halte à la croissance) sur la dynamique de la croissance sur une planète finie. A cette époque, nous ne disposions que de nos propres analyses pour exposer les problèmes auxquels nous aurions à faire face. Nous avions fait l’objet à l’époque de nombreuses critiques car personne ou presque ne pouvait concevoir que l’activité humaine deviendrait suffisamment importante pour détériorer les processus vitaux essentiels de cette planète. Jour après jour aujourd’hui, les médias fournissent d’abondantes preuves de l’existence de problèmes qui n’étaient que mauvais pressentiment il y a un peu plus de trente ans. Un titre récent du journal allemand Die Zeit posait même la question suivante : « Peut-on encore sauver l’humanité ? » En 1970, la publication d’un tel article aurait déchaîné les foules partout en Europe. Cette idée est devenue si courante que presque personne n’y a fait attention.

 

Depuis trente-quatre ans, nos principales conclusions n’ont pas changé. Toutefois un changement considérable s’est produit. En 1972, l’humanité était en dessous des limites de la planète, maintenant nous sommes au-dessus. Selon les calculs de Wackernagel (ndlr, l’empreinte écologique), l’humanité avait atteint environ 85 % de cette limite en 1972, aujourd’hui la consommation humaine des ressources se situe à environ 125 % du niveau soutenable à long terme. En 1972, le but principal visait un ralentissement, A présent, le but principal est une diminution. Nous devons ramener la population mondiale et son économie en dessous de ce seuil et nous devons essayer de le faire sans endommager gravement les systèmes naturels de la planète, ni provoquer des conflits étendus. Quelles que soient les circonstances, l’exploitation des matières premières et des énergies déclinera, que nous le voulions ou non. La question est tout simplement de savoir si nous pourrons choisir la manière de procéder à cette réduction. Les nouvelles technologies ne sauraient suffire. Des changements seront également  requis dans les domaines de la culture et de l’éthique. »

 Extraits de Entretiens  du XXIe siècle, Signons la paix avec la Terre (éditions Unesco, Albin Michel, 2007)