L’intelligence des plantes, la sensibilité des animaux

L’intelligence des plantes ou la sensibilité des animaux font actuellement le présentoir des librairies. LE MONDE présente ces visions de l’écologie, moins anthropocentriques, dans une série « Être nature ». Extraits :

Emanuele Coccia* pose le problème végétal : « Il nous est interdit de reconnaître aux plantes la subjectivité que nous reconnaissons aux animaux « supérieurs ». Il nous est interdit d’imaginer que chacun des lierres, chacun des noyers qui côtoient nos habitations soit capable de dire : « Je suis ». Pourtant la science a depuis longtemps démontré que les plantes sont des êtres conscients d’eux-mêmes, doués de mémoire, capables de communiquer entre elles et avec d’autres formes de vie. Reconnaître que le moindre pissenlit soit un moi exactement comme l’est notre voisin ou notre chat signifierait revoir toutes nos idées sur l’alimentation. Il ne suffirait plus de se dire végétarien pour se penser en-deçà du sacrifice : se nourrir implique nécessairement la mise à mort et l’incorporation d’un autre moi, qui perdrait sa vie à l’avantage d’un autre. Comment se comporter face à la carotte qui gît dans notre assiette  ? Comment penser les rapports entre différentes espèces si la marque la plus évidente est le fait que chaque espèce semble devoir dévorer l’autre ? »

Corine Pelluchon** aborde la question animale : « Les recherches scientifiques ont permis de mieux comprendre l’intelligence des animaux. Les réflexions éthiques ont contribué à les reconnaître comme des êtres doués de sensibilité, voire comme des sujets ayant des droits.L’animal a des intérêts liés à ses besoins de base et des préférences individuelles. Le problème est que, même à l’état sauvage, ils subissent l’impact de la pollution ou de la déforestation, parce que notre espèce prédatrice envahit tout. Il faut donc réparer les dommages que nous leur infligeons. Le risque aujourd’hui, c’est que nous basculions dans un monde purement utilitaire, où la nature et les animaux sont vus comme de simples ressources. Un tel monde conduit aussi à la marchandisation de tout, à l’exploitation de l’homme par l’homme et à la barbarie. La question animale nous force à critiquer un modèle de développement fondé sur l’exploitation sans limites des autres vivants. Il faut mettre des limites à ce qu’il est décent ou pas de faire dans l’élevage, dans la mode et les divertissements. Il faudra supprimer des pratiques comme la captivité des animaux dans les cirques, la corrida, la chasse à courre, la fourrure, le gavage des oies. L’animalisme est un autre humanisme, un humanisme de l’altérité. »

Dominique Lestel dans le même article** : « Nous sommes des animaux. A 100 %. Manger de la viande, c’est une façon d’établir une proximité avec l’animal, mais aussi d’accepter une part d’animalité en soi. Mais en réduire notre consommation est impératif. Les Occidentaux se sont engagés dans des voies qui ont rompu notre rapport à l’animal, et nous comprenons progressivement qu’il faut y remédier. On prend progressivement conscience que les animaux ont une complexité cognitive, émotionnelle et intellectuelle. « On », c’est la culture occidentale. Les technologies numériques accentuent la perspective instrumentale qui conduit notre culture au désastre. On va assister à un conflit évolutionniste pour les ressources énergétiques, où le monde vivant va entrer en concurrence directe avec les nouvelles technologies. »

* LE MONDE 22 juillet 2018, Etre nature (2/7). Emanuele Coccia, les pissenlits méritent mieux que l’anonymat

** LE MONDE 24 juillet 2018, Etre nature (4/7). La question animale nous force à ouvrir les yeux sur ce que nous sommes devenus

1 réflexion sur “L’intelligence des plantes, la sensibilité des animaux”

  1. C’est sans rapport avec le sujet, mais à signaler : dans le monde diplo ce mois-ci, deux articles édifiants, l’un sur  » le système Rabhi », l’autre intitulé « Voiture électrique, une aubaine pour la Chine ».

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