La Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) avait pu garer ses tracteurs devant les grilles du Palais-Bourbon, lundi 26 mai 2025, lors de l’examen de la proposition de loi « visant à lever les contraintes au métier d’agriculteur ». Mardi 27 mai, en milieu de journée, les organisations paysannes et de défense de l’environnement qui s’opposent à ce texte ont, elles, été reléguées sur un parterre de l’esplanade des Invalides, à l’écart de l’Assemblée nationale. Significatif ! Nous avons un parlement qui soutient l’agro-industrie, pas l’écologie ni notre santé. Le gouvernement choisit son camp : la mobilisation de la FNSEA a reçu la visite de la ministre de l’agriculture, Annie Genevard, accompagnée du ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau.
Voici en résumé le parcours de la loi Duplomb : on ne peut pas contester l’Etat même s’il remet en question la science.
27 janvier. Agriculture : une proposition de loi sénatoriale veut alléger plusieurs normes environnementales
Le texte, débattu au Sénat, répond à plusieurs demandes de la FNSEA, qui ne cesse de faire pression pour un allègement des règles. Mais il est unanimement condamné par les associations de protection de l’environnement. lundi 27 et mardi 28 janvier, à l’occasion de l’examen en séance publique d’une proposition de loi des sénateurs Laurent Duplomb (Les Républicains) et Franck Menonville (Union centriste). Le texte vise à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », se présente comme complémentaire du projet de loi d’orientation agricole, porté quant à lui par le gouvernement. M. Duplomb, qui, en tant qu’agriculteur, a été membre des Jeunes Agriculteurs (JA), puis de la FDSEA de la Haute-Loire, affirme défendre, depuis son élection comme sénateur en 2017, l’idée que « l’agriculture française est sur le déclin, avec comme première cause, le manque de productivité ». L’article 2 vise la réintroduction des néonicotinoïdes, et en particulier de l’acétamipride, dont M. Duplomb fait un « casus belli » et qui est demandé par plusieurs filières végétales, de la betterave sucrière à la noisette. Il ouvrirait également la voie à la pulvérisation de pesticides ou fongicides par voie aérienne et accorderait au ministère de l’agriculture le pouvoir de suspendre une décision de l’Anses…
3 février. « Plutôt que de réautoriser les néonicotinoïdes, la France devrait encourager une interdiction de ces substances à l’échelle européenne »
La proposition de loi Duplomb, adoptée lundi 27 janvier par le Sénat, cherche à défendre l’agrobusiness, au mépris des enjeux agricoles, dénonce, dans une tribune au « Monde », Antoine Gatet, président de France Nature Environnement, soutenu par la Confédération paysanne et dix-huit associations de défense de la nature.
19 février. Le projet de loi agricole sur les rails après un accord en commission mixte paritaire
Dénoncé par la gauche et les associations environnementales, le texte revient sur de nombreuses normes environnementales. La loi devrait être adoptée par les deux chambres du Parlement avant l’ouverture du Salon de l’agriculture. « C’est le projet de loi du Sénat, le projet de loi Duplomb », avec « des régressions majeures à laquelle même la ministre s’était opposée », a fustigé Aurélie Trouvé (La France insoumise)
5 mai. Pesticides : « Les agriculteurs, les riverains et les citoyens ne veulent plus servir de cobayes », alertent 1 200 médecins et scientifiques
Dans une lettre ouverte aux ministres de l’agriculture, de la santé et de l’environnement rendue publique lundi 5 mai, des centaines de médecins et de scientifiques s’opposent aux dispositions de la proposition de loi du sénateur républicain Laurent Duplomb.
15 mai. Pesticides néonicotinoïdes : l’Assemblée fait un pas vers un retour sur certaines cultures
La commission des affaires économiques a voté, mercredi, en faveur d’une autorisation sous conditions de trois substances interdites en France. La proposition, qui sera examinée fin mai en séance publique, divise fortement.
16 mai. Agriculture : les députés élaguent une partie du texte visant à « lever les contraintes » avant son examen dans l’Hémicycle
Les commissions du développement durable et des affaires économiques ont modifié la proposition de loi sénatoriale dite « Duplomb », qui traite de nombreux sujets concrets. La présidente de l’Assemblée nationale a appelé au respect des élus alors que des permanences ont été dégradées en marge de cet examen.
26 mai. La noisette, la petite filière emblème des défenseurs des néonicotinoïdes
La culture de ce fruit à coque, qui ne représente que 350 exploitants en France, est souvent citée en exemple de l’impasse technique qui imposerait le recours à un pesticide néonicotinoïde, que la proposition de loi dite « Duplomb » veut réautoriser.
26 mai. Agriculture : grandes manœuvres à l’Assemblée nationale autour de la proposition de loi Duplomb
L’examen de ce texte, qui vise à lever les contraintes des agriculteurs au prix de plusieurs reculs environnementaux, pourrait donner lieu à une bataille tactique. Pour échapper à un débat ralenti par des centaines d’amendements, ses partisans envisagent de court-circuiter la procédure.
26 mai. « Loi Duplomb » : les députés votent la motion de rejet pour contourner des milliers d’amendements de la gauche, le texte agricole est renvoyé en commission mixte paritaire
La motion de rejet préalable du texte, portée par le rapporteur de la proposition de loi, vise à contourner les milliers d’amendements déposés par les « insoumis » et les écologistes. LFI a aussitôt annoncé le dépôt d’une motion de censure.
27 mai. Loi Duplomb : l’acétamipride, le pesticide au cœur des débats, est-il dangereux pour l’environnement et la santé ?
Pour les élus favorables au texte, du bloc central à l’extrême droite, le fait que ce pesticide néonicotinoïde soit autorisé au niveau européen suffit à garantir son innocuité. Plusieurs études récentes mettent cependant en évidence des impacts sévères sur la biodiversité et suggèrent des effets sur le cerveau humain.
27 mai. Loi Duplomb sur l’agriculture : comment les partisans du texte ont réussi à court-circuiter les débats à l’Assemblée nationale
Dans une ambiance particulièrement tendue, les députés du centre jusqu’à l’extrême droite ont voté, lundi, la motion de rejet portée, paradoxalement, par le rapporteur de la proposition de loi, ce qui permet de l’envoyer directement en commission mixte paritaire. La gauche dénonce un « déni démocratique ».
27 mai. Loi Duplomb : la FNSEA annonce que « les tracteurs rentrent à la ferme » après le rejet tactique du texte
Le premier syndicat agricole annonce la suspension de la mobilisation en faveur de la loi Duplomb après que l’Assemblée nationale a renvoyé le texte devant une commission mixte paritaire lundi soir.
27 mai. « On s’est pris une baffe » : au lendemain du rejet stratégique de la proposition de loi Duplomb, les opposants veulent se faire entendre
Un peu plus de 300 associatifs et élus se sont rassemblés sur un parterre de l’esplanade des Invalides, mardi, pour défendre un autre modèle agricole que celui porté par la « PPL Duplomb ».
Le point de vue des écologistes
En permettant le retour dérogatoire d’insecticides de la famille des néonicotinoïdes, en révisant le fonctionnement de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) et en abrogeant la séparation de la vente et du conseil stratégique en matière de produits phytosanitaires, la proposition de loi entend lever des contraintes à l’utilisation de ces pesticides.
Les lobbies des pesticides sont assurés de leur toute-puissance. Quelle sera la prochaine loi mortifère ?

L’eau est soumise à des traitements illicites car polluée par des bactéries fécales, des résidus de pesticides, des polluants éternels… La contamination des sources exploitées par la multinationale Nestlé était connue des administrations et du gouvernement depuis 2021. Le rapport a été expurgé de certaines informations à la demande de la firme suisse. Le patron de l’ARS (agence régionale de santé) précise : « J’ai demandé à la présidente [de Nestlé Waters] ses EDL [éléments de langage] pour qu’on les partage et qu’on soit raccord pour la suite. » Pour éviter le drame social ou maintenir à l’exploitant son niveau de rentabilité, il n’y a d’autres choix que la dissimulation ou le travestissement des faits.
(à suivre)
(suite et fin) La proposition de loi Duplomb prévoit de réautoriser des substances interdites, de favoriser les élevages hors sol, de détruire des zones humides. Les conséquences sont évidentes : davantage de pesticides, de nitrates, de lisier épandu sur des sols toujours plus dégradés. Aucune prise en compte de l’affaire Nestlé. La loi Duplomb va rendre l’avenir ingouvernable autrement que par la duplicité et le mensonge. Elle va, à terme, pousser les services de l’Etat à se dévoyer, voire à organiser leur propre déchéance morale. Partout en France, les distributeurs d’eau savent qu’il faudra bientôt soit tricher sur l’application de la réglementation, soit changer les normes pour pouvoir continuer à distribuer de l’eau potable.
La proposition de loi Duplomb est d’ailleurs bien faite : elle a anticipé cette nécessité en prévoyant de placer l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) sous la tutelle de l’agro-industrie !!!
L’acétamipride a été retrouvé dans le liquide céphalorachidien (qui baigne le cerveau et la moelle épinière) de 13 enfants suisses sur 14. Ils peuvent donc traverser la barrière hématoencéphalique. Des chercheurs japonais ont montré que des rongeurs de laboratoire exposés in utero à de faibles doses d’acétamipride voyaient la structure de leur cervelet altérée et, à plus hautes doses, souffraient de troubles moteurs. Des scientifiques allemands ont aussi montré que l’épandage d’acétamipride sur une prairie, à des concentrations faibles, proches de celles rencontrées en bordure des champs traités, conduisait en seulement deux jours à un effondrement de 92 % des populations des trois espèces d’insectes les plus abondantes dans ces milieux.
L’acétamipride pourrait être à nouveau autorisé par la proposition de loi