L’adoption de la loi Duplomb le 8 juillet 2025 constitue un moment de rupture démocratique inédit. Elle propose d’agrandir les élevages hors-sol alors que ses effluents sont la principale source du problème des nitrates. La loi réinstaure le mélange des genres entre conseil technique aux exploitants et vente des pesticides. La loi rouvre la porte à des substances interdites dans l’eau potable. Les gigantesques bassines qui accaparent la ressource sont désormais d’« intérêt général public majeur ». Pour parachever le tout, un décret, pris le jour du vote, place de facto sous influence politique le travail de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), en lui imposant l’ordre de ses priorités d’expertises.
Stéphane Foucart : La mobilisation d’ampleur contre le texte du sénateur de la Haute-Loire n’a pas pu empêcher son adoption. Des sociétés savantes aux associations, tous n’ont rencontré qu’un vide argumentaire terrifiant. Lors du vote par les députés de l’arc bleu-brun et leurs supplétifs du parti présidentiel, Fleur Breteau , encore marqué par l’épreuve du cancer et de son traitement, a crié : « Vous êtes les alliés du cancer et nous le ferons savoir ! » En réponse, des rires ont traversé l’Hémicycle. Voici ce qu’une majorité de la représentation nationale avait à opposer à l’indignation de cette jeune femme et, à travers elle, à l’inquiétude de la société civile et de l’ensemble des communautés scientifiques concernées : un cynisme méprisant. Les députés ont voté contre vingt-deux sociétés savantes médicales, contre la Ligue contre le cancer, contre les administrateurs et les personnels de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, contre le troisième syndicat agricole de France, contre la Fondation pour la recherche médicale, contre vingt mutuelles, groupes mutualistes ainsi que la Fédération des mutuelles de France, représentant plusieurs millions d’assurés, contre le Conseil scientifique du CNRS, contre la Fédération des régies d’eau potable, contre des centaines de médecins et de chercheurs qui ont signé intuitu personae des tribunes.
Des organismes de recherche sont aussi sortis de leur réserve – le fait est inédit. L’Institut d’écologie et d’environnement du CNRS a déclaré « regretter profondément l’adoption de cette loi à la vision court-termiste et ses conséquences graves sur l’environnement, qui méprise santé et bien-être de la population, [ainsi que] le rôle des espèces sauvages dans la production agricole ». Au reste, que répondre à Laurent Duplomb lorsqu’il prétend que les haies s’étendent, alors que le rythme de leur disparition (plus de 23 000 kilomètres par an) a doublé depuis 2017 ? Que répondre lorsqu’il assure que le changement climatique est plutôt bénéfique pour sa région ? A ce niveau d’inversion du réel, tout débat démocratique est impossible.
Le point de vue des écologistes démocrates
Les commentaires critiques de cet article de Foucart reposent principalement sur le fait que les députés seraient représentatifs de la voix du peuple, et donc de la démocratie. Ils oublient qu’on doit différencier légalité et légitimité, qu’un député peut voter librement une chose ou son contraire selon sa propre conscience. Selon l’ARTICLE 27 de la Constitution en effet, « Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. »
L’élu doit donc s’exprimer en citoyen éclairé des conséquences de ses votes. Le mépris d’un parlementaire des avancées scientifiques ou de l’avis des associations environnementales reflète donc un mauvais usage de son mandat. Il fait preuve d’incompétence et ne mérite pas d’être réélu.
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Loi Duplomb, l’agriculture écolo plombée
extraits : La Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) avait pu garer ses tracteurs devant les grilles du Palais-Bourbon, lundi 26 mai 2025, lors de l’examen de la proposition de loi « visant à lever les contraintes au métier d’agriculteur ». Mardi 27 mai, en milieu de journée, les organisations paysannes et de défense de l’environnement qui s’opposent à ce texte ont, elles, été reléguées sur un parterre de l’esplanade des Invalides, à l’écart de l’Assemblée nationale. Significatif ! Nous avons un parlement qui soutient l’agro-industrie, pas l’écologie ni notre santé. Le gouvernement choisit son camp : la mobilisation de la FNSEA a reçu la visite de la ministre de l’agriculture, Annie Genevard, accompagnée du ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau….

En l’espace de dix jours, une pétition lancée par une étudiante assurant n’être affilée à aucun parti a recueilli plus de 1,5 million de soutiens sur le site de l’Assemblée nationale. Le texte réclame l’« abrogation immédiate » de la loi Duplomb qui, définitivement votée le 8 juillet, entérine une série de reculs environnementaux. Les nombreux signataires n’ont guère eu de mal à s’identifier aux termes de la pétition, qui dénonce une « aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire ». On devra débattre, et pourtant la loi restera tel quelle, ainsi va les circonvolutions de la démocratie. Sauf que le président de la République peut demander une nouvelle délibération du texte, voire se garder de promulguer la loi.
On l’attend au tournant !
Une pétition contre la loi Duplomb dépasse le million de signatures, ouvrant la possibilité d’un débat à l’Assemblée nationale.
Le seuil des 500 000 signatures ayant été franchi, la conférence des présidents de l’Assemblée nationale peut désormais décider de classer la pétition ou d’organiser un débat. Dans ce cas, la loi ne serait pas réexaminée sur le fond et encore moins éventuellement abrogée.
Comme quoi la démocratie dite représentative ne représente que les intérêts d’une société croissanciste…
– « L’adoption de la loi Duplomb représenterait un recul majeur pour la santé publique »
( Tribune au MONDE 25 juin 2025 )
Un recul majeur pour la santé publique, une rupture avec la démocratie, une énième grosse baffe à l’écologie, aux scientifiques, lanceurs d’alertes etc.
Et bien sûr un cadeau de plus au monde du Pognon.
Pour reprendre les mots de Stéphane Foucart (encore là un très bon article), l’adoption de ce texte est une nouvelle victoire de la désinvolture, du cynisme méprisant et du virilisme de vestiaire.
Je dirais même une victoire du… trumpisme.
– « Au reste, que répondre à Laurent Duplomb lorsqu’il prétend que les haies s’étendent, alors que le rythme de leur disparition (plus de 23 000 kilomètres par an) a doublé depuis 2017 ? Que répondre lorsqu’il assure que le changement climatique est plutôt bénéfique pour sa région ? A ce niveau d’inversion du réel, tout débat démocratique est impossible »
C’est d’ailleurs ce que je disais hier (Peut-on faire confiance au rapport Meadows ?) :
– « Quand ON ne veut pas, ne peut pas, croire quelque chose, ou quelqu’un… […] alors ce n’est pas la peine d’aller plus loin. »
Et mis à part une bonne grosse baffe dans sa pauvre gueule, je ne vois évidemment pas ce qu’ON pourrait lui répondre. ( à suivre)
(suite et fin) C’est là que je rejoins le point de vue des écologistes démocrates.
Ces 316 députés qui ont voté POUR ce texte (et donc CONTRE les 22 sociétés savantes médicales, contre la Ligue contre le cancer, contre les administrateurs et les personnels de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, etc.) ne sont pas à la hauteur de leur fonction. Ils font manifestement preuve d’incompétence, et ne méritent donc pas d’être réélus. J’invite donc ceux qui croient encore au pouvoir des urnes, à leur foutre une bonne grosse baffe lors de la prochaine farce électorale.
– « A l’inverse, toute la gauche s’est opposée totalement à un texte jugé « trumpiste » et de « recul majeur » (La France insoumise, 71 contre ; le Parti socialiste, 65 contre ; les Ecologistes, 38 contr ; et les communistes, 17 contre). »
(La loi Duplomb adoptée à l’Assemblée, grâce aux voix de la macronie, de la droite et du RN – nouvelobs.com 8 juillet 2025)