longévité, intelligence…. tout commence à décroître

Après des décennies d’amélioration des caractéristiques humaines (longévité, taille…), de nombreuses données suggèrent que des limites sont en train d’être atteintes dans tous les domaines, y compris les performances physiques et intellectuelles. Les records des sportifs professionnels sont trompeurs, biaisés par les innovations technologiques ou pharmacologiques. Dans soixante-dix disciplines de l’athlétisme et de la natation, la même stagnation des performances apparaît. James Flynn avait démontré qu’au cours du XXe siècle le quotient intellectuel moyen de la population avait enregistré une croissance continue. Mais en trente ans, le paysage a radicalement changé. En étudiant les tests psychométriques des jeunes conscrits norvégiens, des psychologues ont constaté une baisse « significative » de 0,38 point de leur quotient intellectuel (QI) entre 1996 et 2002. ­Depuis, ces résultats ont été confirmés dans sept pays dont la France. Le cerveau humain avait déjà atteint son apogée il y a plusieurs milliers d’années, il subit dorénavant des mutations délétères. Pour la biologiste Barbara ­Demeneix, l’essentiel résulte de notre activité industrielle : « Entre 1970 et 2010, la production chimique a été multipliée par 300. Nous avons montré comment ces molécules bouleversent la fonction thyroïdienne des grenouilles, qui n’avait pas changé depuis 450 millions d’années. Et, depuis l’an passé, nous savons qu’une perturbation de la fonction thyroïdienne de la mère enceinte a des effets directs sur le QI de l’enfant. » Pour la chercheuse, l’affaire est préoccupante. Car, insiste-t-elle, les dérèglements thyroïdiens subis in utero et aux premiers âges de la vie affectent aussi la peau, le squelette, les muscles, le métabolisme ou le système cardio-vasculaire de l’enfant. Autrement dit, au-delà du QI, l’espérance de vie serait, elle aussi, sérieusement affectée par les polluants chimiques que nous absorbons. Quant à la taille, elle est conditionnée par l’âge de la puberté…*

La devise olympique « citius, altius, fortius » (plus vite, plus haut, plus fort) correspondait à l’expansion de la révolution industrielle et au goût de la bourgeoisie pour la concurrence et le record : vive le règne des plus forts ! Cette parenthèse croissanciste se termine, même le PIB tend vers le taux zéro. Notre civilisation thermo-industrielle a atteint, si ce n’est dépassé, toutes les limites matérielles qui permettraient de vivre de façon durable et équilibrée. La devise des écologistes, « moins vite, moins loin, moins souvent » pourrait devenir un mot d’ordre politique dans les décennies qui vont suivre. Joël de Rosnay définissait déjà un tel programme** il y a plus de 40 ans :

L’économie d’équilibre est une économie régulée, au sens cybernétique du terme. Certains secteurs peuvent passer par des phases de croissance ; d’autres sont maintenus à l’équilibre dynamique ; et d’autres encore à un taux de croissance « négative ».

Le taux de naissance est maintenu au taux de renouvellement de la population ; laquelle se maintient à l’état stationnaire.

L’assistance médicale mutuelle est réalisée à grande échelle. On consomme moins de médicaments, on fait moins appel aux médecins. On cherche plus à stimuler les défenses naturelles de l’organisme, qu’à agir de « l’extérieur » à coups de substances chimiques.

La création de filières de récupération a permis de reconnecter les cycles correspondants au métabolisme de l’organisme social avec les cycles naturels de l’écosystème.

Les produits manufacturés sont plus robustes, plus faciles à réparer. Ce qui revitalise toutes sortes d’activités d’entretien et de réparation. L’artisanat renaît vigoureusement.

Des programmes de mise en route de nouvelles centrales nucléaires ont été abandonnés. La décentralisation des moyens de transformation de l’énergie a conduit à l’exploration de nouvelles sources. Mais ce sont surtout les économies d’énergie et la lutte généralisée contre le gaspillage qui ont permis de stabiliser la consommation en énergie.

La consommation en énergie est maintenue au niveau où elle se trouvait au début des années 1980. Ce n’est pas l’austérité monacale, l’énergie est mieux répartie, mieux économisée, plus efficacement utilisée.

Une bioéthique renforce la nouvelle morale de l’écosociété.

Ecosocialisme, écosociété, écocitoyen, écoparlement… Le préfixe « éco » symbolise la relation étroite entre l’économie et l’écologie.

L’avènement de l’écosociété s’est déroulé en trois grandes étapes, l’économie de survie (société primitive), l’économie de croissance (société industrielle) et l’économie d’équilibre (société postindustrielle ou écosociété).

* LE MONDE du 3 janvier 2017, L’être humain a-t-il atteint ses limites ?

** cité par le livre de Michel Sourrouille « L’écologie à l’épreuve du pouvoir » (Sang de la Terre, 2016)