L’urgence écologique, notion ignorée des présidentiables

Dans un article du MONDE*, c’est le défilé des pleureuses.

Esther Bailleul : « Les causes de la désaffection pour l’écologie sont nombreuses – politiques, économiques, philosophiques –, mais aucune n’est identifiée comme dominante… L’écologie est toujours perçue (par les élites) comme une contrainte et non comme une opportunité.  »

Dominique Bourg : « Les Verts français se déchirent entre eux, ils se battent pour des maroquins, ils ne connaissent pas toujours les dossiers, ils défendent une politique plus de gauche qu’écologique. Les Français s’en sont aperçus. »

Daniel Cohn-Bendit : « L’écologie appelle à changer radicalement nos modes de vie et de production pour sauver cette planète. Or, personne n’a le courage politique de défendre un tel programme. »

Le constat est réel, comment définir les solutions ? Un livre récemment paru, « L’écologie à l’épreuve du pouvoir »**, donnait aux présidentiables tous les moyens de formuler un programme écologiste pour le quinquennat et même au-delà. Un sommaire détaillé est consultable sur ce blog. Voici un résumé du chapitre « Un président pour la France et la stabilité de la planète » :

La réforme institutionnelle passera par la suppression du Sénat, l’institutionnalisation des conventions de citoyens et la mise en place de la proportionnelle intégrale pour les législatives. La suppression du Sénat devrait être un des premiers actes de la réforme institutionnelle du quinquennat 2017-2022. Un projet de loi subit un long calvaire, première lecture par les députés, deuxième lecture par les sénateurs, deuxième lecture par les députés, seconde lecture par le Sénat, puis tenue d’une commission mixte paritaire (députés et sénateurs), enfin, en cas de désaccord, un dernier passage devant l’Assemblée nationale… qui aura le dernier mot. Il faut simplifier le parcours d’une loi. Il faudrait aussi constitutionnaliser les conférences de citoyens. Une telle conférence répond à une situation où une décision politique est souhaitable mais où elle revêt une complexité inhabituelle et nécessite un consensus de la population. Il faut convaincre nos parlementaires que, face à la complexité croissante des évaluations et aux risques inhérents aux puissantes technologies nouvelles, ils ne peuvent se suffire d’expertises incomplètes, souvent tendancieuses et peu conformes aux intérêts de la population. Il faudra que soit précisé qu’à l’issue de chaque convention de citoyens une résolution parlementaire sera votée, faisant apparaître la justification de toute divergence des élus avec l’avis des citoyens. « J’introduirai une part de proportionnelle à l’Assemblée nationale », promettait le candidat Hollande dans son engagement numéro 48. Depuis son élection, rien n’a bougé. Pourtant la proportionnelle assure une meilleure représentation de la diversité des opinions politiques et met fin au système bipartisan. La recherche du consensus, ce qui se fait d’ailleurs au niveau du parlement européen, remplace l’affrontement entre blocs. Il ne faut pas simplement craindre que des députés FN fassent leur entrée dans l’hémicycle, cela donne au contraire à ce parti l’occasion de gérer pour de vrai la complexité du monde moderne. On ne gouverne pas un pays avec des slogans. Quant au risque d’ingouvernabilité du pays, il tient surtout à l’esprit clanique, que ce soit avec deux partis dominants seulement ou avec une multiplicité de partis. Un changement d’état d’esprit doit être opéré. Les députés ont le libre choix de leur vote selon l’article 27 de la Constitution : « Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. » Le statut d’élu est nominatif et ne dépend pas des partis. Car être élu, c’est passer un contrat moral avec l’électeur, ce n’est pas une soumission à l’appareil de parti qui se contente de présélectionner certains candidats. Si chaque député est simplement motivé dans son vote par la recherche du bien commun, alors un consensus peut se dégager entre des personnes qui peuvent relever d’idéologies très différentes.

Le président de la République est en charge du rôle de la France dans la stabilité de la planète, il en a le statut et les moyens. Or les campagnes présidentielles occultent trop souvent cet aspect mondialisé du pouvoir du président. Le réchauffement climatique ne connaît pas les frontières et les approvisionnements en pétrole déterminent le niveau de sécurité énergétique de tous les pays. En fait les responsables politiques se trouvent confrontés à quatre grandes options comportementales :

– œuvrer pour qu’une série d’innovations majeures permette de résoudre l’ensemble des problèmes actuels ;

– espérer que dans l’éventualité de bouleversements mondiaux, leur pays serait moins affecté que les autres ;

– attendre que des crises permettent de justifier des mesures impopulaires après des décennies de discours rassurants ;

– appliquer le principe de précaution et reconnaître dès maintenant la gravité de la situation. Cela supposerait que l’idée même de « développement » peut être trompeuse et qu’il faut remettre en question le paradigme socio-économique dominant.

Les trois premières options parient sur l’avenir, ce n’est pas digne d’un véritable acte politique. D’ailleurs, sauf en cas de révolutions technologiques aussi souhaitables qu’aléatoires, on ne dispose pour l’instant d’aucune solution technique à l’échelle des enjeux. La dernière option exige de s’exprimer comme Nicolas Hulot : « Osons dire que toutes nos crises n’en sont qu’une : une crise de l’excès… Osons dire que la planète peut se passer de nous, mais que nous ne pouvons pas nous passer d’elle… Penser écologique, c’est penser intégral… » C’est pourquoi le président ne peut pas rester simplement un président « pour la France ». Ce n’est pas à Nicolas Hulot d’être l’envoyé spécial de François Hollande pour la protection de la planète. C’est bien le président de la République lui-même qui devrait devenir cet envoyé spécial puisqu’il est à même de parler directement d’égal à égal avec tous les autres grands dirigeants des différents États. Ce n’est pas au niveau d’un ministre comme Laurent Fabius ou Ségolène Royal qu’aurait dû échoir le déroulement de la COP21, cela doit se jouer au niveau international, transnational. Cette responsabilité aurait dû être du ressort du chef de l’État en tant que garant de la stabilité de la planète, au côté d’Obama, Poutine, Xi Jinping, etc. La séparation des tâches entre le président de la République et son Premier ministre devrait être mieux perçue par les citoyens. Au président les affaires planétaires, le domaine réservé, au Premier ministre la responsabilité première de gérer le pays au jour le jour. Ce n’est pas au président d’inverser la courbe du chômage ou de se montrer au Salon de l’agriculture. En revanche, c’est l’objectif partagé de traiter l’urgence écologique qui doit assurer la cohésion entre le président et son Premier ministre.

* LE MONDE du 1er septembre 2016, Pourquoi l’écologie politique échoue

** L’écologie à l’épreuve du pouvoir, un livre de Michel Sourrouille aux éditions Sang de la Terre, 370 pages pour 19 euros