Malthus et l’injonction divine de « peupler la terre »

La plupart des attaques contre mon essai sont moins des réfutations que des déclamations ou des injures qui ne méritent aucune réponse. Je suis donc appelé à relever des objections qui ont été faites en simple conversation. Je saisis cette occasion de corriger les erreurs qui ont été commises sur la nature de mes opinions, et j’invite ceux qui n’ont pas le temps de lire en entier cet ouvrage, à jeter du moins les yeux sur le court résumé que je vais en donner, s’ils ont à cœur de me juger d’après mes propres sentiments et non d’après ceux qu’on me prête. C’est méconnaître mes principes que de m’envisager comme un ennemi de la population, les ennemis que je combats sont le vice et la misère.

La première grande objection est que mes principes contredisent le commandement du Créateur, ordre de croître, de multiplier et de peupler la terre. Je suis pleinement persuadé que c’est le devoir de l’homme d’obéir à son Créateur, mais ce commandement est subordonné aux lois de la nature dont il est l’auteur. Si, par une opération miraculeuse, l’homme pouvait vivre sans nourriture, nul doute que la terre ne fût très rapidement peuplée. Mais comme nous n’avons aucune raison de compter sur un tel miracle, nous devons, en qualité de  créatures raisonnables, examiner quelles sont les lois que notre Créateur a établies relativement à la multiplication de l’espèce. Si nous prétendons obéir au Créateur en augmentant la population sans aucun moyen de la nourrir, nous agissons comme un cultivateur qui répandrait son grain dans les haies et dans tous les lieux où il sait qu’il ne peut pas croître. Il n’y a aucun chiffre absolu : garnir une ferme de bestiaux, c’est agir selon la grandeur de la ferme et selon la richesse du sol qui comportent chacune un certain nombre de bêtes. Le fermier doit désirer que ce nombre absolu croisse. C’est vers ce but qu’il doit diriger tous ses efforts. Mais c’est une entreprise vaine de prétendre augmenter le nombre de leurs bestiaux, avant d’avoir mis les terres en état de les nourrir. Je crois que l’intention du Créateur est que la terre se peuple ; mais qu’il veut qu’elle se peuple d’une race saine, vertueuse et heureuse ; non d’une race souffrante, vicieuse et misérable.

Sur le haut prix qu’on doit mettre à une grande et forte population, je ne diffère en rien des plus chauds partisans de cette doctrine. Je suis prêt à reconnaître avec tous les anciens écrivains que la puissance d’un État ne doit pas se mesurer par l’étendue d’un territoire, mais par l’étendue de la population. La France recrute ses armées avec plus de facilité que ne peut le faire l’Angleterre. Il faut convenir que la pauvreté et le manque d’emploi sont des aides puissants pour un sergent recruteur. Ce ne serait pas néanmoins un projet bien humain que celui de maintenir le peuple anglais dans le besoin, afin de pouvoir l’enrôler à plus bas prix.

Malthus en 1803, Essai sur le principe de population (Flammarion 1992, tome 2, page 341 à 347)

14 réflexions sur “Malthus et l’injonction divine de « peupler la terre »”

  1. @salut biosphère :
    j’ approuve entièrement le principe de coopération avec des gens ayant des divergences avec mes opinions car le temps urge , mais avec Eva Joly , Mamère , Voynet , Duflot , Cohn Bandit … : je peux point car nous sommes séparés par un gouffre : ils sont immigrationnistes libertariens donc antimalthusiens et humanistes à faux nez , ils sont hystériquement antinucléaires (je n’ ai pas de sympathie particulière pour cette source d’ énergie mais certaines pistes sont prometteuses (thorium par exemple), ils sont obsédés par une carrière politique (cfr Voynet , Placé , Mamère) : le seul crédible dans cette équipe est Yves Cochet !
    Je ferai un effort pour ne pas aller trop à l’ abordage !

    Amicalement

  2. @Biosphère :
    excellente et fructueuse année 2018 à vous ainsi qu’ aux habituels commentateurs (, ils se reconnaîtront ).
    Eva Joly , la folle de EELV qui en recèle pourtant une flopée ,et passionaria des réfugiés de mes deux, est à la véritable écologie , ce que la physique des plasmas est à ma grand – mère , c( est- à dire , une chose incompréhensible .
    Contrôle et décroissance démographiques, préservation des es^paces naturels en voie de raréfaction , arrêt de l’ immigration , verrouillage des frontières, politique malthusienne : jamais entendu parler pour cette probable « her master’s Soros voice « .

    1. Bonjour Marcel
      Il faut voir en chacun de nous le meilleur et éviter les termes désobligeants.
      Que ce soit ta propre personne ou Eva Joly ou n’importe qui d’autre, il nous faut montrer que nous appartenons à une espèce animale dont l’intérêt est commun : œuvrer en faveur d’une planète habitable pour toutes les formes de vie.
      Eva Joly a fait sa part au niveau judiciaire et militant, elle continue de le faire pour les générations futures. C’est cela qu’il faut saluer, sachant que pour le reste, il faut savoir reconnaître qu’elle ne peut pas tout faire !

  3. Aux plus fidèles de nos commentateurs, merci pour leur participation à ce blog. Vous êtes toujours prêt à intervenir… même sur ce post en toute fin d’année 2017 ! Voici notre cadeau, quelques propos bien sentis d’Eva Joly :
    L’affaire Elf, qui envahit votre vie de 1994 à 2002 et fait trembler les ténors de l’industrie et de la finance. La France découvre alors l’intraitable Eva Joly, celle qui ne lâche rien, surnommée la « juge rouge »
    On dit de moi que je ne lâche rien, mais c’est le contraire qui m’étonne. Je ne comprends pas pourquoi les gens se couchent. Qu’est-ce qui oblige un juge à ne pas mettre en examen la personne qu’il devrait mettre en examen ? C’est cela qui n’est pas normal.
    Revenons à l’affaire Elf. On vous menace de mort, vous vivez avec des gardes du corps… Rétrospectivement, quelle sensation gardez-vous de ces années ?
    Je suis partie chercher le calme en Norvège et ça m’a fait un bien fou. Le naturel scandinave, l’absence d’apparat, les ministres qui prennent les transports en commun, l’intégrité de ceux qui exercent la fonction publique… Quel contraste avec la France, où nous avons actuellement des enquêtes en cours pour corruption concernant un ancien président de la République, un ancien premier ministre, un ancien ministre de l’intérieur !

    En 2012, vous gagnez les primaires d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) pour être candidate à la présidentielle… Quel souvenir en gardez-vous ?
    Mon plus grand étonnement, je le vis durant la campagne elle-même. Car, alors que j’enchaîne télés et radios, on m’interroge rarement sur les thèmes écologiques : ce qui compte, c’est la petite phrase de la veille, le petit plaisir de vous pousser à la faute… Je découvre qu’il existe une caste de commentateurs qui ne vit que de ça : ce sont des vampires, et il faut les nourrir !
    Vous n’étiez pas préparée à cet exercice…
    Absolument pas ! J’ai passé ma vie à faire des choses que je ne savais pas faire, mais cette fois, je me suis trompée. Je pensais que mes qualités allaient être utiles dans cette campagne. Mais ce n’était pas vrai. Ce n’est pas l’honnêteté, ou ce que vous pensez sincèrement d’un sujet, qui compte : cela n’a en réalité aucun intérêt. Les débats politiques ont un long passé, tout est très codé, et si vous vous inscrivez dans ce débat avec les yeux de 2012, comme je l’ai fait, vous passez à côté. Ce n’est pas un jeu pour amateurs, et j’étais amateure.

    Quelles sont vos relations avec Nicolas Hulot aujourd’hui ?
    Je n’en ai aucune. Mais il est très important là où il est, et je lui souhaite vraiment de réussir. Ce qui n’est pas gagné.
    En 2015, vous devenez avocate au barreau de Paris… Vous ne vous reposez jamais ?
    J’adore les vacances ! Mais le boulot, c’est toute ma vie. Je viens d’avoir 74 ans et je travaille encore, et je n’ai pas le projet d’arrêter ! Depuis que je suis devenue avocate, j’y découvre un autre plaisir. Notamment quand je défends l’association Générations futures, pour laquelle nous avons déposé un recours devant le conseil d’Etat concernant l’épandage de pesticides !

    (LE MONDE du 31 décembre 2017-1er janvier 2018, Eva Joly : « La colère me donne de l’énergie »)

  4. Bonsoir.
    Le marxisme et le malthusianisme n’ont pas à être mis en concurrence. Il ne sera guère possible que sans la mise en œuvre du premier ni aucune saloperie, le second soit correctement appliqué. Et réciproquement, le marxisme aura besoin que ni aux chiottes ni mêmes au second plan le problème démographique ne soit relégué.

    Merci monsieur Barthès pour vos vœux, vœux que je vous retourne. Je vous souhaite une bonne année à vous, à tous les internautes que vous venez de citer, aux auteurs de Biosphère.

  5. Bonjour Didier Barthès.
    Le peuple (les peuples) n’a pas plus lu Marx que Malthus, ou Proudhon ou qui que ce soit d’aussi intéressants. Laissons tomber la Bible ou le Coran, car là bien plus qu’avec les grands penseurs, le pékin moyen est rarement capable de comprendre ce qu’il lit, il a besoin qu’ On (lequel, c’est bien connu, est un con) les leur traduise. C’est bien connu aussi, quelles que soient les époques ou les latitudes, le vulgum pecus s’intéresse davantage à ce qu’il avale facilement, et à ce qui le fait rêver. Et tout est fait pour qu’il en soit ainsi : Coca-Cola ou vodka, Voici ou Pravda, TF1, Madona ou Seguela … Panem et circenses !
    De ce côté là nous pouvons dire merci, nous sommes bien servis, et jusque là tout va bien ! Misère, misère !!

    J’ai déjà eu l’occasion de l’écrire ici, tout n’est certainement pas à jeter chez Malthus, tout comme chez Marx et d’autres. Malthus, Condorcet, Marx et d’autres étaient par exemple favorables à l’éducation des peuples. Seulement le pas est vite franchi entre éducation et conditionnement. Une éducation digne de ce nom passe par l’apprentissage et le développement de l’esprit critique, le seul outil qui permette à un individu de se libérer un tant soit peu et donc de devenir un véritable citoyen. Or où en est cet enseignement aujourd’hui ? Comme beaucoup de belles choses présentées sur l’emballage, l’apprentissage de la liberté est une coquille vide, un trompe-couillons !

    Ce dont nous crevons, c’est notamment du manque de projet de société, d’un projet qui tienne la route, évidemment. Ce dont nous crevons, c’est principalement que nos imaginaires sont colonisés, que nous raisonnons à partir de prémisses fausses, et que par là même nous ne faisons que tourner en rond.

    Eduquer ou décoloniser les imaginaires (expression de Serge Latouche) est une entreprise à long terme, et il ne faut pas attendre de « retour sur investissement » avant 50 ou 100 ans. Or aujourd’hui, nous voulons tout et (en même temps) son contraire… et tout de suite, s’il vous plait !

    Ce soir Macron va nous souhaiter la bonne année… à l’occasion de ce protocole dont je n’ai rien à foutre, Monseigneur va essayer de se démarquer de ses prédécesseurs. Et ce sera pour moi un excellent exercice de décryptage.

  6. Bonjour Michel C,
    Je pense au contraire que chaque fois que le peuple a tenté ce que préconisait Marx, il n’a eu ensuite qu’une idée : En sortir, sauf qu’en général cette tentative ayant tué la démocratie, c’était impossible.
    Pour n’avoir pas écouté Malthus c’est l’ensemble de la Terre (de la biosphère j’entends évidemment) qui risque de s’effondrer, c’est encore plus grave.
    Sur les pauvres aussi je ne comprends pas votre commentaire, J’ai lu le livre de Malthus et ses réponses à ses détracteurs, il n’était pas contre les pauvres bien au contraire, (son statut de pasteur d’ailleurs l’aurait mis en contradiction). Il voulait lutter contre la pauvreté, je persiste à croire qu’il avait raison dans les grandes lignes.
    Cela dit bonne année à tous avec qui j’ai le plaisir de discuter, Marcel, Michel C, Invité 2018 (c’est votre année maintenant !) Séverine et bien sûr l’auteur de Biosphère.

  7. Demain je suppose… biosphère nous ressortira un passage où Malthus nous expliquera l’art d’enfiler un préservatif, et après-demain peut-être… un « superbe » texte sur l’interprétation de la pensée économique du Créateur.

    Mais bon, cette boutade sera probablement prise pour une insulte à l’encontre de ce pasteur surtout préoccupé par le sort des classes aristocratiques de son temps, et particulièrement par la défense de la propriété foncière, qui selon lui était un droit naturel… alors que comme on sait, celle-ci repose tout simplement sur le vol. (lire ou relire Proudhon)

    Afin de se libérer d’un certain dogmatisme, il serait peut-être également profitable de lire ou relire Marx et Engels , qui de leur côté ont aussi pensé au problème Capitalisme et population.

    https://www.cairn.info/revue-histoire-des-sciences-humaines-2005-2-page-183.htm

  8. Séverine Fontan

    Malthus a eu raison trop tôt, car il n’avait pas prévu la révolution verte.

    Néanmoins je me souviens d’un texte de Michel Tarrier qui disait que si les Anglais ne s’étaient pas expatriés/n’avaient pas colonisé etc… en gros n’avaient pas quitté leur pays par millions, les famines qui s’en seraient suivies en Angleterre lui auraient donné raison à l’époque

    Qu’importe, de toute façon la catastrophe qu’il avait annoncée est inéluctable dans les décennies à venir

  9. Séverine Fontan

    Malthus a eu raison trop tôt, car il n’avait pas prévu la révolution verte.

    Néanmoins je me souviens d’un texte de Michel Tarrier qui disait que si les Anglais ne s’étaient pas expatriés/n’avaient pas colonisé etc… en gros n’avaient pas quitté leur pays par millions, les famines qui s’en seraient suivies en Angleterre lui auraient donné raison à l’époque

    Qu’importe, de toute façon la catastrophe qu’il avait annoncée est inéluctable dans les décennies à venir

  10. Très juste mise au point de Malthus.
    On aimerait que tous ses détracteurs d’aujourd’hui encore se donnent la peine de la lire. Hélas, comme l’avait très bien compris dès le début l’auteur de l’Essai sur le principe de population, ces mêmes détracteurs sont dans l’injure et non dans la réfutation, nous ne connaissons décidément aucun progrès.
    En tout cas, c’est une excellente initiative que de rappeler ce texte.

  11. Très juste mise au point de Malthus.
    On aimerait que tous ses détracteurs d’aujourd’hui encore se donnent la peine de la lire. Hélas, comme l’avait très bien compris dès le début l’auteur de l’Essai sur le principe de population, ces mêmes détracteurs sont dans l’injure et non dans la réfutation, nous ne connaissons décidément aucun progrès.
    En tout cas, c’est une excellente initiative que de rappeler ce texte.

  12. C’est quand même ballot, le mec, il est nataliste mais laisse à son époque et à la postérité comme une impression inverse. Quelle loose! Il aurait pu miseux s’y prendre…

  13. C’est quand même ballot, le mec, il est nataliste mais laisse à son époque et à la postérité comme une impression inverse. Quelle loose! Il aurait pu miseux s’y prendre…

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