Les écrits de Malthus questionnent aussi la pensée religieuse. L’affirmation que la population du globe, laissée à sa croissance naturelle, augmente plus que la nature ne peut la nourrir, ne va-t-elle pas à l’encontre de l’enseignement sur la bonté de Dieu ? Comment accorder ce constat avec le précepte de la Genèse « Croissez et multipliez ? ». Malthus répond explicitement dans son Essai à ce commandement. Pour la première fois, la religion chrétienne est confrontée à la problématique de la population énoncée à partir de données statistiques et avec une investigation de type sociologique. Le pasteur Malthus pose en principe que Dieu ne peut être connu qu’à partir de la nature et de l’observation de ses lois. Il évite soigneusement tout recours à la révélation : « Il semble absolument nécessaire pour nous de raisonner à partir de la nature jusqu’au Dieu de la nature, et non de prétendre raisonner sur la nature en partant de Dieu.» Il adopte ainsi le point de vue d’une théologie naturelle très moderne. Tout ce qui est se ramène à une seule réalité. Si nous qualifions de dualistes les philosophies qui distinguent Dieu et la Création, l’esprit et la matière, il apparaît que la perspective de Malthus est essentiellement moniste : « Nous serons tous disposés à convenir que Dieu est le créateur de l’esprit aussi bien que du corps ; ceux-ci, d’autre part, semblent se former et se déployer tous deux simultanément ; donc il ne peut être incompatible ni avec la raison ni avec la révélation, pourvu que cela semble compatible avec les phénomènes de la nature, de penser que Dieu est continuellement occupé à façonner l’esprit à partir de la matière. » Nous rejoignons ainsi la définition que donne Spinoza (1632-1677) d’un dieu qui se manifeste au travers du monde naturel, ce qui revient pour ainsi dire à exclure l’existence d’un dieu abstrait.
Dans un premier temps les penseurs catholiques ne font pas mauvais accueil à Malthus. Il y a une certaine harmonie entre le moral restraint malthusien et la chasteté dont l’Église fait traditionnellement l’éloge. La foi chrétienne peut en particulier donner la force de pratiquer la continence sexuelle. Mais au cours du XIXe siècle, l’Église va prendre conscience de la misère ouvrière et définir progressivement une doctrine sociale. Malthus réprouvait la charité organisée et sa critique de l’assistance aux pauvres va être taxée d’inhumanité. On reproche aussi à Malthus de n’avoir pas tenu compte du génie inventif de l’homme, du pouvoir de l’industrie et des possibilité jugées quasi indéfinies d’extension des ressources. Telle est la perspective qui inspire notamment les encycliques Mater et magistra (1961) et Populorum progressio (1967). Le pape François, dans son encyclique Laudato’ Si de 2015, a une vision moins optimiste : « La technologie, liée aux secteurs financiers, qui prétend être l’unique solution aux problèmes, de fait, est ordinairement incapable de voir le mystère des multiples relations qui existent entre les choses, et par conséquent, résout parfois un problème en en créant un autre. » Mais ce pape reste néanmoins nataliste : « Il faut reconnaître que la croissance démographique est pleinement compatible avec un développement intégral et solidaire. Accuser l’augmentation de la population et non le consumérisme extrême et sélectif de certains est une façon de ne pas affronter les problèmes… » Le pape François a toutefois, en particulier dans ses interventions en Afrique, nuancé son propos par la suite.
Un autre aspect de l’avant-gardisme de Malthus a trait à sa conception de l’éducation du peuple. Malthus n’est ni le premier, ni le dernier à juger les classes inférieures de la société plus proches du monde animal que les classes aisées, mais il gardait bon espoir que l’éducation éliminerait de telles différences de classe. Malthus nous prie de voir l’homme tel qu’il est, « apathique, paresseux et ennemi du travail à moins d’y être contraint par la nécessité ». Pour lui, c’est la nécessité qui est mère de l’invention : « Les efforts que les hommes sont obligés de faire pour subvenir à leurs besoins ou à ceux de leur famille éveillent souvent des facultés qui autrement auraient pu rester endormies pour toujours. » En observant que les classes aisées de l’Angleterre avaient peu d’enfants, il se serait même convaincu qu’il y avait une possibilité de progrès, passant d’un point de vue biologique à un point de vue sociologique : l’homme vivant en société pouvait devenir capable de contrôler sa fécondité. En ce qui concerne l’instruction à dispenser aux pauvres, sa conception radicale d’instituer l’école pour le peuple trouve son origine chez Adam Smith. Celui-ci écrivait en 1776 : « Moyennant une très petite dépense, l’État peut faciliter l’acquisition de ces parties essentielles de l’éducation (lire, écrire, compter) parmi la masse du peuple, et même lui imposer l’obligation de les acquérir (…) Un peuple instruit et intelligent est toujours plus disposé à l’ordre, qu’un peuple ignorant et stupide. » Il se distinguait ainsi de la majorité de ses contemporains qui craignaient que l’éducation n’eut pour effet que de précipiter le peuple dans la rébellion. Malthus reprend explicitement les idées d’Adam Smith, sauf qu’il trouve à l’éducation un avantage supplémentaire, à savoir devenir plus prudent au niveau de la fécondité. Cet aspect de l’éducation est singulièrement absent aujourd’hui. Rien par exemple dans l’enseignement actuel en France ne prépare les élèves à raisonner en terme de capacité de charge des différents territoires. Les discours politiques, médiatiques et scolaires sont tous imprégnés de croissancisme. A une époque, le programme de sciences économiques et sociales en spécialisation confrontait les points de vue de Malthus et de Marx. Aujourd’hui l’enseignement de spécialité en terminale pose la problématique « Économie et démographie » de cette façon, dans l’air du temps : « Comment la dynamique démographique influe-t-elle sur la croissance économique ? Quel est l’impact des variables économiques et démographiques sur le financement de la protection sociale ? » Cet aspect (secondaire) de la démographie n’est étudié que par une frange des élèves de la filière SES, le mécanisme malthusien n’est plus du tout au programme.
Notre série d’articles sur MALTHUS, un précurseur de la décroissance (13 articles au total)
20 août 2020, MALTHUS, considérations de Serge Latouche (1/13)
21 août 2020, pour mieux connaître le démographe MALTHUS (2/13)
22 août 2020, 1798, MALTHUS contre les optimistes crédules (3/13)
23 août 2020, MALTHUS, le prophète du sens des limites (4/13)
24 août 2020, MALTHUS, pour une maîtrise de la fécondité (5/13)
25 août 2020, MALTHUS, aider les pauvres n’est pas aider ! (6/13)
26 août 2020, Libérons MALTHUS de la critique marxiste (7/13)
27 août 2020, MALTHUS, décroissant nié par les décroissants (8/13)
28 août 2020, MALTHUS, un scientifique éclairé en 1798 (9/13)
29 août 2020, MALTHUS, un religieux en dehors du dogme (10/13)
Résumons : On est (ils sont) trop nombreux. Donc yaca et faucon faire moins de gosses, faire baisser le taux de fécondité. OK.
Or voilà que bon nombre de ces pays champions du concours du taux de fécondité le plus bas se retrouvent aujourd’hui avec plein de vieux sur les bras.
Les vieux ne servent à rien, ils coûtent cher, passé 65 ans yaca les laisser crever, de toute façon on est (ils sont) trop nombreux. OK.
Sauf que ces peuples millénaires, chargés d’histoires, nos ancêtres les Gaulois blablabla, ces peuples riches qui faisaient la fierté de leurs villages zé leurs campagnes et patati et patata, sont aujourd’hui en voie d’extinction.
Pour sauver la race, ou la souche, la seule solution est de faire venir (laisser venir) du sang neuf, comme on l’a fait dans les Pyrénées pour sauver les ours.
Oui mais voilà, de ça les cons sanguins dégénérés n’en veulent pas.
Conclusion : S’il n’y a pas de solution c’est qu’il n’y a pas de problème.
Pour les âmes sensibles qui pourraient être outrées d’un tel raisonnement, on ne sait jamais, je précise que c’est juste de l’ironie. Je ne fais là que me moquer de ceux qui raisonnent ainsi. 🙂
« Il n’est plus possible de s’en remettre à la seule planification familiale, car elle se contente d’empêcher la venue au monde des enfants non désirés. La survie de l’humanité ne peut plus être confiée au bon vouloir d’un nombre aussi élevé de procréateurs plus ou moins irresponsables. Ceux qui les encouragent peuvent désormais, maintenant que les limites de la planète sont enfin reconnues, être au mieux considérés comme inconscients, au pire comme criminels, cherchant à satisfaire quelque volonté de puissance.
Des mesures limitatives autoritaires de la natalité vont donc devenir de plus en plus nécessaires, mais elles ne seront acceptables que si elles commencent par les pays riches et par l’éducation des autres. »
René Dumont (L’utopie ou la mort, 1ère édition 1973, réédition août 2020 au Seuil)
Pourquoi commencer par les pays riches pour baisser la natalité ? Çà fait déjà plus de 50 ans que les pays européens ont un taux de fécondité inférieur à 2, ça fait plus de 50 ans qu’on les fait les efforts, plus de 50 ans qu’on montre l’exemple ! La France a un taux de 1,9 soit inférieur au taux de renouvellement, et encore notre taux est optimisé par les migrants ! Et c’est encore bien pire en Allemagne qui doit être à 1,3 et le taux serait encore plus bas sans leurs turcs… Italie, Angleterre pareil, leurs taux sont encore plus faibles qu’en France.
Notre cher René en sortait des bonnes parfois, comme celle là :
– «Des mesures limitatives autoritaires de la natalité vont donc devenir de plus en plus nécessaires, mais elles ne seront acceptables que si elles commencent par les pays riches et par l’éducation des autres. »
Exigeons donc des mesures autoritaires acceptables ! 🙂
« d’un dieu qui se manifeste au travers du monde naturel, ce qui revient pour ainsi dire à exclure l’existence d’un dieu abstrait. »
Dans ce cas – là dieu est malthusien car il régule les populations animales en fonction des ressources disponibles nées des conditions climatiques (faible ponte en cas de disette et lapinisme en cas d’ abondance) .
L’ homme est parvenu à contrecarrer ce cycle mais connaît la surpopulation aussi bien en Europe qu’ ailleurs
Pour un croyant malthusien, Dieu ne peut être que malthusien. C’est juste une lapalissade. Mais de là à en déduire que Spinoza était malthusien, ou que Malthus était spinoziste, alors là ….
Cependant on peut aussi le croire, c’est ça qui est formidable. 😉
– Le Pape a dit : « Accuser l’augmentation de la population et non le consumérisme extrême et sélectif de certains est une façon de ne pas affronter les problèmes… »
– Rabhi a dit : « Les arguments démographiques {…] sont fallacieux […]»
– La Croix a dit : « L’argument démographique est une imposture.»
– Jacques a dit etc. et moi j’ai dit que le problème du «surnombre» était le parfait alibi pour se dédouaner.
Peut-on en déduire que ceux qui d’une façon ou d’une autre disent ça sont des dogmatiques ?
—————
Pour info : hier 28/08 à 22h sur la chaîne LCP PUBLIC SENAT le magasine Terra Terre abordait la question : «Trop nombreux pour la planète ?» Rediffusé aujourd’hui à 18h.
Dieu, Dame Nature ou tout ce qu’on voudra, peu importe. Qu’on croit ou pas à cette histoire, peu importe aussi, Dieu a mis l’Homme sur la Terre. Et comme par définition Dieu est bon, pour ne pas que ce bipède s’ennuie il lui a donné de quoi se distraire. Il aurait pu lui donner un chien, mais non il lui a donné une femme, c’est comme ça. Et c’est là qu’on se dit que Dieu ne peut être que célibataire, ou autre. Bref, et il leur a dit : «croissez et multipliez, et remplissez la Terre». En leur ordonnant ça ce malin devait avoir une idée derrière la tête, mais comme je dis, peu importe.
Malthus moniste-panthéiste ou pas, alors là peu importe encore. Ce que je vois c’est qu’il y a dès le départ une énorme contradiction dans cette idée selon laquelle «la population du globe, laissée à sa croissance naturelle, augmente plus que la nature ne peut la nourrir».
Si… la croissance d’une population est régie par une loi naturelle… alors, c’est aller à l’encontre de la nature (de la Nature, de Dieu, Allah etc.) que de chercher à enrayer cette croissance.
Certains vont alors dire qu’il faut laisser mourir les vieux, les vieux pauvres, surtout les laids, en plus s’ils sont malades etc. Débat stérile ! Contradiction aussi dans le fait de vouloir réduire le taux de fécondité et refuser les conséquences du vieillissement de la population. Les contradictions de cette idéologie sont nombreuses.
Qui peut nous parler des lois de la nature, si ce n’est les sciences ? Pas la Bible quand même ! Qui peut nous dire si l’augmentation d’une population n’est pas un mécanisme naturel en vue de la préservation de l’espèce ? Plus une population compte d’individus et moins elle est en danger d’extinction, non ?
En attendant, je n’ai pas de réponses arrêtées à ces questions.