Marre de la PMA, marre des marchands d’enfants

Médicaliser la procréation nécessite des spécialistes alors que la fonction de reproduction n’a pas normalement besoin de porteur de chandelles !!! La PMA (procréation médicalement assistée) est une technique sophistiquée, connaissant beaucoup d’échecs et possible financièrement pour les riches. La PMA, c’est vouloir pallier à une insuffisance naturelle, la stérilité. Or la démesure de notre empreinte écologique humaine, qui dépasse déjà la capacité de charge de la biosphère, devrait nous inciter à accepter une stérilité, qu’elle soit masculine ou féminine, naturelle ou forcée (couple homosexuel). Mais quand il y a du fric à trouver, on a toujours des candidats pour monnayer leurs talents, même quand il s’agit de braver un interdit. Emmenés par le gynécologue René Frydman, plus de 130 médecins et biologistes de la reproduction reconnaissent avoir « aidé des couples et des femmes célibataires dans leur projet d’enfant dont la réalisation n’était pas possible en France »*. Trop de blocages, expliquent-ils, empêchent l’aboutissement d’un désir d’enfant qui gagne des couples différents et des femmes plus âgées que par le passé.

Jacques Testard s’insurge : « Les signataires simplifient à l’extrême les enjeux bioéthiques pour les réduire à une supposée obligation de répondre à toutes les demandes présentées par des patients. L’escalade des exigences est argumentée comme une course sans limite. Parce que c’est possible dans d’autres pays, ou dans l’autre sexe (conservation d’ovocytes), ou que cela conduit à un statut familial autorisé pour femmes seules. Aucune interrogation sur le nouveau rôle que s’attribue la biomédecine pour résoudre des situations d’origine sociale plutôt que médicale, sur la nature complexe du « désir d’enfant », sur l’efficacité des actes revendiqués (chaque ovocyte conservé n’a que trois chances sur cent de devenir un enfant), sur les coûts induits pour la collectivité… »**

La (bio)éthique est l’art de poser des limites. Tout ce qui est techniquement réalisable n’est pas forcément utile et nécessaire. Ce n’est pas parce qu’une « envie » est exprimée qu’il faut s’empresser de la satisfaire. Sinon, c’est du commerce, tout simplement. En définitive, vouloir contourner la sélection naturelle qui a donné la fécondité aux uns et la stérilité à d’autres relève d’une volonté de toute puissance, l’hubris, liberté de faire tout et n’importe quoi au nom du « désir individuel » pour le plus grand profit du système capitaliste libéral et de ses spécialistes. Il y a autre chose qui s’appelle la responsabilité. Il faut savoir choisir. C’est la question « faut-il utiliser des ressources naturelles ici plutôt que là », sachant que dans un système clos comme le nôtre, ce qui est utilisé pour une application technique ne peut plus l’être pour agir ailleurs.

* LE MONDE du 18 mars 2016, 130 médecins demandent l’assouplissement des lois encadrant la reproduction assistée

** LE MONDE du 20-21 mars 2016, « Gare aux simplifications excessives des enjeux liés à la procréation assistée »

10 réflexions sur “Marre de la PMA, marre des marchands d’enfants”

  1. Justement sur cette question de la démographie, la revue Pour la Science fait paraître ce mois-ci (numéro d’avril 2016) un excellent article de Robert Engelman (ancien président de l’Institut Worldwatch)

    Titre : 6 milliards d’africains:
    Voici quelles sont les projections démographiques de l’Onu pour le continent africain (pour lui seul !) pour 2100. Le tout doit être analysé en ayant à l’esprit qu’il y avait environ 200 millions d’africains en 1950 et 1,2 milliard aujourd’hui :
    Projection basse : 3,0 milliards
    Projection moyenne : 4,4 milliards (soit 22 fois la population de 1950 !)
    Projection haute : 6,1 milliards
    Projection à fécondité constante : 16 milliards !

    Remarquez que même la projection haute fait implicitement l’hypothèse d’une baisse sensible de la fécondité qui est aujourd’hui de 4,7 enfants par femme contre 2,5 sur l’ensemble du monde (Afrique comprise).

  2. Tout comme vous monsieur Barthès, je constate et déplore les pressions natalistes très puissantes en Afrique (quelles soient religieuses ou non) qui mentent aux gens en niant de nombreuses réalités physiques telles que la non-infinité des ressources de la planète, et je ne considère aucunement cela comme un simple détail. Mais je ne vois pas en quoi cela remettrait en cause ou même relativiserait quoi que ce soit que j’aie dit.

    Et encore une fois, quand vous dîtes que la contraception ne coûterait pas cher en Europe, vous ne vous basez que sur les prix nets de ce qui n’est en fait que de la fausse contraception (car est à tous les coups soit inefficace soit porteuse d’effets secondaires néfastes). Les vrais bons moyens de contraception sont quant à eux inaccessibles financièrement, y compris pour les classes moyennes supérieures occidentales.

  3. Je milite dans une association qui essaye justement de rendre la contraception accessible et qui a envoyé un certain nombre de préservatifs en Afrique. Je suis donc bien conscient du problème de coût, néanmoins il ne faut pas non plus le considérer comme le problème majeur. En Europe la contraception même pour une famille modeste ne coûte pas cher, ce n’est pas là le principal handicap.
    En Afrique par exemple, des questions de mentalités natalistes jouent aussi un grand rôle et le maintien de l’image valorisante et économiquement sécurisante (à tort aujourd’hui) d’une famille nombreuse, pose de vrais problèmes.
    Regardez cet article du démographe Henri Leridon. Au Tchad les hommes veulent plus de 13 enfants (presque 14 !). C’est une réelle difficulté que l’on ne peut occulter au nom d’une culpabilité occidentale qui voudrait nous faire croire que tous les problèmes sont de notre faute. Il faut là bas un changement d’état d’esprit, sinon le Nigéria aura 900 millions d’habitants à la fin du siècle (prévisions de l’ONU) et cela sera une catastrophe pour tous. Il en sera de même au Niger où la fécondité dépasse 7 enfants par femme ce qui revient à multiplier la population par près de 3,5 à chaque génération. Cela ne peut pas durer longtemps, ni pour la nature ni pour les hommes. Il vaudrait mieux que nous agissions plutôt que d’attendre que la confrontation aux limites se chargent de la régulation.
    https://www.monde-diplomatique.fr/2015/11/LERIDON/54200

  4. Je milite dans une association qui essaye justement de rendre la contraception accessible et qui a envoyé un certain nombre de préservatifs en Afrique. Je suis donc bien conscient du problème de coût, néanmoins il ne faut pas non plus le considérer comme le problème majeur. En Europe la contraception même pour une famille modeste ne coûte pas cher, ce n’est pas là le principal handicap.
    En Afrique par exemple, des questions de mentalités natalistes jouent aussi un grand rôle et le maintien de l’image valorisante et économiquement sécurisante (à tort aujourd’hui) d’une famille nombreuse, pose de vrais problèmes.
    Regardez cet article du démographe Henri Leridon. Au Tchad les hommes veulent plus de 13 enfants (presque 14 !). C’est une réelle difficulté que l’on ne peut occulter au nom d’une culpabilité occidentale qui voudrait nous faire croire que tous les problèmes sont de notre faute. Il faut là bas un changement d’état d’esprit, sinon le Nigéria aura 900 millions d’habitants à la fin du siècle (prévisions de l’ONU) et cela sera une catastrophe pour tous. Il en sera de même au Niger où la fécondité dépasse 7 enfants par femme ce qui revient à multiplier la population par près de 3,5 à chaque génération. Cela ne peut pas durer longtemps, ni pour la nature ni pour les hommes. Il vaudrait mieux que nous agissions plutôt que d’attendre que la confrontation aux limites se chargent de la régulation.
    https://www.monde-diplomatique.fr/2015/11/LERIDON/54200

  5. Monsieur Barthès,

    1/Vous écrivez : « le problème financier de l’accès à la contraception se pose dans certaines parties du monde ».
    Oui, et « certaines parties » est un euphémisme. Le problème financier de l’accès à la contraception se pose dans le monde entier, en Afrique, en Asie, et partout ailleurs, y compris, contrairement à ce dont beaucoup de gens sont persuadés, en Occident.
    2/Quand vous prétendez que dans les pays dits du Nord la contraception serait peu coûteuse, à quel(s) moyen(s) de contraception pensez-vous?
    Certes, en France, la Sécurité Sociale rembourse la majorité du prix de certaines pilules. Mais parmi ces mêmes pilules, il n’y en a aucune qui ne soit ni inefficace ni très contraignante ni porteuse d’effets secondaires ultra-néfastes pour la santé.
    En ce qui concerne les bonnes pilules et les autres moyens efficaces, l’État ne les rembourse pas (et ne sera d’ailleurs jamais financièrement capable de les rembourser sans arrêter de faire des cadeaux aux milliardaires, lequel arrêt est considéré comme un horrible péchés par l’ensemble des dirigeants politiciens de gauche comme de droite), et leurs prix sont exorbitants.

  6. Monsieur Barthès,

    1/Vous écrivez : « le problème financier de l’accès à la contraception se pose dans certaines parties du monde ».
    Oui, et « certaines parties » est un euphémisme. Le problème financier de l’accès à la contraception se pose dans le monde entier, en Afrique, en Asie, et partout ailleurs, y compris, contrairement à ce dont beaucoup de gens sont persuadés, en Occident.
    2/Quand vous prétendez que dans les pays dits du Nord la contraception serait peu coûteuse, à quel(s) moyen(s) de contraception pensez-vous?
    Certes, en France, la Sécurité Sociale rembourse la majorité du prix de certaines pilules. Mais parmi ces mêmes pilules, il n’y en a aucune qui ne soit ni inefficace ni très contraignante ni porteuse d’effets secondaires ultra-néfastes pour la santé.
    En ce qui concerne les bonnes pilules et les autres moyens efficaces, l’État ne les rembourse pas (et ne sera d’ailleurs jamais financièrement capable de les rembourser sans arrêter de faire des cadeaux aux milliardaires, lequel arrêt est considéré comme un horrible péchés par l’ensemble des dirigeants politiciens de gauche comme de droite), et leurs prix sont exorbitants.

  7. 100 % d’accord avec les propos de Jacques Testard qui me semble faire preuve de beaucoup de clairvoyance et d’intelligence. Il a parfaitement raison de s’interroger sur l’escalade des exigences. Certains dans notre société finissent par baptiser droit ce qui relève de l’impossible et même ce qui contrarie la nature.

    Par contre, pour une fois, Invité 2008, je serais moins sévère que vous. Certes il y a des inégalités et le problème financier de l’accès à la contraception se pose dans certaines parties du monde. De là à dire que quelques centaines de personnes seulement ont accès à la contraception c’est peut-être exagéré. Dans les pays développé c’est assez facile et peu coûteux, et beaucoup de pays en voie de développement proposent des aides. Mais il faut faire plus c’est certain.

  8. 100 % d’accord avec les propos de Jacques Testard qui me semble faire preuve de beaucoup de clairvoyance et d’intelligence. Il a parfaitement raison de s’interroger sur l’escalade des exigences. Certains dans notre société finissent par baptiser droit ce qui relève de l’impossible et même ce qui contrarie la nature.

    Par contre, pour une fois, Invité 2008, je serais moins sévère que vous. Certes il y a des inégalités et le problème financier de l’accès à la contraception se pose dans certaines parties du monde. De là à dire que quelques centaines de personnes seulement ont accès à la contraception c’est peut-être exagéré. Dans les pays développé c’est assez facile et peu coûteux, et beaucoup de pays en voie de développement proposent des aides. Mais il faut faire plus c’est certain.

  9. Il serait tout de même bon de préciser que le problème ne vient pas du droit de recourir à la Procréation Médicalement Assistée, mais de la quasi-absence du droit de ne pas y recourir, et plus globalement, du fait que le droit de ne pas procréer soit bafoué non seulement par les pressions morales mais aussi par des empêchements concrets et matériels.

    Aucun moyen de contraception vraiment efficace n’est financièrement accessible à qui que ce soit qui ne fasse pas partie des quelques centaines de personnes détenant à elles seules l’ensemble des pouvoirs sur l’économie. Si on réglait ce problème de non-accès aux méthodes de contrôle des naissances, on pourrait empêcher l’explosion démographique tout en garantissant à la fois la liberté d’enfanter et celle de ne pas enfanter.

  10. Il serait tout de même bon de préciser que le problème ne vient pas du droit de recourir à la Procréation Médicalement Assistée, mais de la quasi-absence du droit de ne pas y recourir, et plus globalement, du fait que le droit de ne pas procréer soit bafoué non seulement par les pressions morales mais aussi par des empêchements concrets et matériels.

    Aucun moyen de contraception vraiment efficace n’est financièrement accessible à qui que ce soit qui ne fasse pas partie des quelques centaines de personnes détenant à elles seules l’ensemble des pouvoirs sur l’économie. Si on réglait ce problème de non-accès aux méthodes de contrôle des naissances, on pourrait empêcher l’explosion démographique tout en garantissant à la fois la liberté d’enfanter et celle de ne pas enfanter.

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