Neil Armstrong, un pas sur la Lune, rien pour la Terre

Neil Armstrong est mort*. Neil était un intoxiqué par les plus lourds que l’air : brevet de pilote à 16 ans, pilote de l’aéronavale, études d’ingénierie aéronautique, pilote d’essai, astronaute. Discours nécrologique de Barack Obama à propos de « l’exploit » de Neil Armstrong : « Un moment de réussite humaine qui ne sera jamais oublié. » Foutaises. Neil Armstrong n’était pas un héros dans la Lune, il a été un simple pion dans la guerre froide qu’on se faisait sur Terre.

Sur la surface lunaire, Neil s’exclamait le 21 juillet 1969 : « C’est un petit pas pour l’homme mais un bond de géant de l’humanité. » Un bond qui n’avait d’autre signification que l’esprit de revanche des Américains face aux soviétiques qui avaient lancé le premier spoutnik dans l’espace en 1957. Neil plantait avec Buzz Aldrin un drapeau américain, geste nationaliste significatif. Avec la mission Apollo, Neil donnait aux Américains un sentiment fabriqué de fierté nationale qui faisait oublier le bourbier de la guerre au Vietnam. Rappelons que la fusée a d’abord été inventée pour la guerre, ainsi des V2 allemands. Les Américains ont d’ailleurs récupéré leur inventeur, Wernher von Braun, à la fin de la seconde guerre mondiale. Ce Wernher-là  n’ignorait rien des conditions effroyables dans lesquelles les V2 étaient construits dans le tunnel de Dora.

Les humains préfèrent la guerre, l’exploitation des hommes et le pillage de la Lune… s’ils le pouvaient. Les humains préfèrent la conquête à la stabilité, le déséquilibre plutôt que la vie en harmonie avec un territoire déterminé. En fait la guerre des nations a été remplacée pour les grandes puissances par le goût de l’exploit techniciste au prix d’une débauche de ressources non renouvelables. Que les humains gèrent au mieux leur propre territoire, qu’ils se contentent pour le reste de contempler la lune et les étoiles. Mais Neil Armstrong ne serait pas d’accord. Dans une lettre ouverte, il se fâchait tout rouge, en 2010, contre Barack Obama et l’annulation du programme Constellation qui prévoyait de retourner sur la Lune d’ici 2020 : « Sans l’expérience de développer des vaisseaux spatiaux, les Etats-Unis prennent le risque de glisser sur la pente de la médiocrité. » Buzz Aldrin n’avait pas dit tout à fait le contraire : « En tant qu’astronaute d’Apollo, je ne comprends que trop bien l’importance de toujours explorer de nouvelles frontières… »

L’humanité a trop souvent rêvé de nouvelles frontières, il est temps de se réveiller, sur une planète exsangue. L’humanité a atteint les frontières de son monde, il n’y a plus d’expansion possible, il nous faut maintenant gérer les dégâts entraînés par notre expansionnisme. On dilapide des budgets dans l’espace qu’on ferait mieux de consacrer à la Terre.

* Le Monde.fr avec AFP et Reuters | 25.08.2012