Nicolas Hulot, chronique d’une démission annoncée

Cet article est sans doute la chronique d’une démission annoncée car la tâche d’un ministre écolo est surhumaine. Le problème global de Nicolas Hulot, c’est qu’il devrait aller à contre-sens de la marche actuelle de la société thermo-industrielle et obtenir pourtant l’arbitrage favorable du 1er ministre, ce qui paraît impossible dans le contexte actuel, libéral-croissanciste. Le problème personnel d’un ministre de l’écologie, c’est qu’il doit éviter d’être contaminé par les habitudes de pensée des autres membres du gouvernement qui pensent majoritairement business as usual et croissance à n’importe quel prix. Or l’appartenance à un groupe, ici le gouvernement, implique d’être amené subrepticement à penser comme le groupe. C’est le phénomène de l’interaction spéculaire. Le troisième problème est temporel. Un ministre de l’écologie ne peut pas tout faire en même temps, il doit donc décider d’un calendrier programmatique, ce qui laissera de côté bien des domaines d’action. De plus il devra gérer en priorité les événements de court terme, ce qui l’empêchera de prendre le temps de préparer le long terme pour les générations futures.

Nicolas Hulot était bien conscient des problèmes, mais il partait confiant : « Avec le président de la république, avec le premier ministre Edouard Philippe, avec les autres ministres, nous n’avons pas les mêmes parcours ; ils n’ont pas été nourris aux mêmes expériences que les miennes. Mais je croyais que la discussion sur des enjeux fondamentaux pourrait convaincre. Avant d’accepter de devenir ministre, j’ai dit à Edouard Philippe quelles étaient mes convictions profondes sur tout un tas de sujet, dont le projet de Notre-Dame-des-Landes. Quand Edouard m’a confirmé mon entrée au gouvernement, on a passé un deal. Il savait nos différences de culture, je lui ai dit : « Si j’y vais c’est pour faire, car pour moi ce n’est pas une fin en soi d’être ministre. Je sais qu’on n’aura pas le grand soir demain matin. Mais je ne suis pas là pour ne faire que quelques mesures d’ajustement… » Nicolas Hulot pourra-t-il rester fidèle à ses convictions ? Le fustigeur des dérives du capitalisme réussira-t-il son pari ? Parviendra-t-il à imposer les mesures qu’il affirme indispensables, augmentant normes et taxes environnementales, au sein d’une équipe fortement teintée de libéralisme économique ? Dès sa nomination, la durée de son séjour au gouvernement a été un sujet récurrent. Les rumeurs coulaient bon train sur le moment de sa démission.

Aujourd’hui LE MONDE* reste dubitatif : « Recul de la baisse du nucléaire dans le mix énergétique, affaiblissement de la définition des perturbateurs endocriniens, interdiction limitée du glyphosate, influence très limitée dans les états généraux de l’alimentation : Nicolas Hulot n’a pas réussi à gagner ces arbitrages gouvernementaux… Le président Macron n’a pas encore donné d’impulsion claire pour ériger notre pays en modèle unanime de transition bas carbone… Une loi très symbolique sur la fin de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures en France n’a pas empêché la prolongation de plusieurs permis d’exploration… Quant à la fermeture des quatre dernières centrales à charbon de l’Hexagone, annoncée pour la fin du quinquennat, elle n’est toujours pas amorcée… Aucune mesure d’ampleur pour faire face à la crise de la biodiversité n’a encore été prise. » Mais soyons clair : un ministre de l’écologie sans appui massif de l’opinion publique ne peut arriver à un bon résultat. Or l’opposition à Macron préfère manifester pour la défense des avantages acquis plutôt que de se lancer dans la protection de la planète et de ses habitants. Si Nicolas démissionne, nous en serons les premiers responsables. Il a confié récemment aux députés : « 30 % d’oiseaux en moins en quelques années, 80 % d’insectes en moins à l’échelle européenne… Moi ça ne me provoque pas de la peine, pas de la colère, mais de la honte, de la honte de savoir que, derrière la sixième extinction, la biodiversité, la responsabilité, c’est nous… Il y a des extinctions invisibles et silencieuses dont on s’accommode tous les jours, eh bien je vous le dis, tout seul, je n’y arriverai pas »,

* LE MONDE du 8 mai 2018, « Macron : sur l’environnement, une parole forte, mais des gestes faibles ».

8 réflexions sur “Nicolas Hulot, chronique d’une démission annoncée”

  1. Il aura au moins la responsabilité d’ avoir participé lui aussi à tourner en dérision l’écologie, et il a fait fort.
    Associer l’ultra libéralisme a l’écologie !!!!! Qui dit mieux
    Fallait oser, ridicule et pitoyable

  2. Il aura au moins la responsabilité d’ avoir participé lui aussi à tourner en dérision l’écologie, et il a fait fort.
    Associer l’ultra libéralisme a l’écologie !!!!! Qui dit mieux
    Fallait oser, ridicule et pitoyable

  3. @Florian. Responsables de l’état actuel de la planète, des mentalités etc. nous le sommes TOUS. Plus ou moins, comme toujours ! Un peu, beaucoup, passionnément etc. Sauf bien sûr les petits enfants et les irresponsables qui eux n’en sont pas du tout. Personnellement je ne m’en considère pas, irresponsable. Je suis comme je suis, vous êtes comme vous êtes, il est comme il est, etc. personne n’est parfait. Cependant Nicolas Hulot garde toute ma sympathie, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Si parfois je le tacle, ce n’est certainement pas pour lui casser les jambes.

  4. @Michel C : l’article pointe du doigt que NOUS (les français) serions responsables. Cela n’implique pas que chacun l’est…
    Par contre, que chacun soit prompte à proclamer que LUI ne l’est surtout pas est je pense caractéristique d’un travers bien humain qui n’arrange pas les choses.
    Que vous soyez véritablement (je le pense aussi, comme vous), sur ce critère, (la transition vers une société durable) moins mauvais que les autres est hors sujet.
    Par contre, que vous tacliez comme vous le faite Nicolas Hulot, reste pour moi un mystère (en restant toujours sur ce même critère).

  5. @Michel C : l’article pointe du doigt que NOUS (les français) serions responsables. Cela n’implique pas que chacun l’est…
    Par contre, que chacun soit prompte à proclamer que LUI ne l’est surtout pas est je pense caractéristique d’un travers bien humain qui n’arrange pas les choses.
    Que vous soyez véritablement (je le pense aussi, comme vous), sur ce critère, (la transition vers une société durable) moins mauvais que les autres est hors sujet.
    Par contre, que vous tacliez comme vous le faite Nicolas Hulot, reste pour moi un mystère (en restant toujours sur ce même critère).

  6. Si Nicolas démissionne … personnellement je ne me sentirai nullement responsable. Si Monsieur Hulot a échoué à convaincre Macron et Philippe je ne vois pas en quoi çà me concernerait. S’il pensait pouvoir transformer des percherons en chevaux de courses, c’est son problème pas le mien.
    Si Nicolas démissionne , moi non plus je ne ressentirai aucune peine, aucune colère. Quant à la honte, je la lui laisse, tout gentiment.

  7. Ni monsieur Hulot ni personne ne peuvent être sauveurs suprêmes.

    Il sera impossible que sans que collectivement nous menions la désobéissance civile et une révolution communiste qui soit matérielle, concrète et frontale, la pollution diminue.

  8. Ni monsieur Hulot ni personne ne peuvent être sauveurs suprêmes.

    Il sera impossible que sans que collectivement nous menions la désobéissance civile et une révolution communiste qui soit matérielle, concrète et frontale, la pollution diminue.

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