Nobel d’économie au croissanciste Ph. Aghion

Pourquoi parler de Prix Nobel, avec l’aura de ce prix, alors que la vraie dénomination est : « Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel. » Certes ce n’est pas la Banque de Suède qui décide du lauréat, mais le comité Nobel comme pour les autres prix. Mais la Banque de Suède finance le million d’euros de récompense et elle en veut pour son argent. Le 13 octobre, Philippe Aghion reçoit le prix Nobel d’économie 2025 pour une idée ringarde : Le facteur-clé de la puissance économique, c’est le leadership technologique. Emmanuel Macron en saute de joie sur X : « Bravo à Philippe Aghion. Par sa vision de la croissance par l’innovation, il éclaire l’avenir et prouve que la pensée française continue d’éclairer le monde. Fierté française, inspiration mondiale. »

Philippe Aghion : « La puissance économique s’appuie sur plusieurs éléments, mais le facteur-clé c’est le leadership technologique. Les Etats-Unis sont les plus innovants. Ils dominent les autres pays en matière d’innovations de rupture et dans les secteurs high-tech : numérique, intelligence artificielle (IA), biotechnologies. D’où l’urgence pour la France et l’Europe d’endiguer leur déclin technologique par rapport aux Etats-Unis… Les politiques et les fonctionnaires ne sont pas les mieux placés pour sélectionner les bonnes entreprises, et le danger est que l’on biaise la concurrence… L’UE est plutôt un empêcheur de tourner en rond, avec la limitation du déficit public à 3 % du PIB imposée par Maastricht. Les bâtisseurs de l’Europe ont fait d’elle un géant réglementaire et un nain budgétaire… »

Le point de vue des écologistes

La différenciation entre techniques appropriées et technologie trop complexe mérite d’être politiquement diffusée. Il n’y a pas les technophiles d’un côté et les technophobes de l’autre. Il y a différentes techniques entre lesquelles nous devons faire des choix. Ce dualisme de la technique a été abordé par certains auteurs. Les appellations diffèrent, mais il y a la même idée directrice, « techniques conviviales » contre « technologie non durable ». Lewis Mumford distingue technique démocratique et technique autoritaire (1962). Ivan Illich parle d’outil convivial ou non. Teddy Goldsmith, qui s’appuie sur Wolfgang Sax, utilise d’autres termes, techniques « enchâssées » contre techniques « branchées ». Ted Kaczynski parle de technologie cloisonnée et de technologie systémique. En termes plus simples, on peut parler de techniques douces et de techniques dures.

Un parti qui se veut écolo doit apprendre à trier entre les différentes technologies. Au congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), on pose la seule question qui importe : Faut-il réguler la technologie pour limiter ses effets, ou lui lâcher la bride pour qu’elle répare les dégâts qu’elle a déjà occasionnés ?

Autres points de vue

– J’ai l’impression qu’Aghion pourrait nous vendre une guerre mondiale puisque la dernière a été suivie d’une croissance et d’un plein emploi jamais vus. Il pourrait aussi nous vendre une accélération du pillage des ressources naturelles puisque ça a si bien réussi jusqu’à présent. Mais qui veut d’une planète mourante avec la guerre partout ? Certaines entreprises et certains détenteurs de capitaux, oui, on les connaît.

– Il ne vient pas à l’ esprit de ce prix Nobel que les nouvelles technologies vont bouleverser le système lui-même et que parler de croissance (infinie?) n’ a pas de sens quand on voit que les américains s’ étripent déjà entre-eux pour se répartir dans le futur les ressources en électricité qui risquent de devenir un bien rare. –

– Pas un mot sur le climat de la part d’Aghion ! On doit pas être sur la même planète.

– Sortant de la fac de sciences économiques en 1972, je venais de lire le rapport sur les limites de la croissance. Aghion n’a pas du lire ce rapport qui montrait que si on continuait sur la lancée, l’effondrement aurait lieu au cours du XXIe siècle. J’avais appris la destruction créatrice de Schumpeter, mais je savais déjà que la destruction d’emplois par la technologie n’entraînait pas suffisamment de création d’emplois, d’où un chômage structurel depuis cette époque. Aujourd’hui s’ajoutent les contraintes écologiques, déplétion des ressources fossiles, réchauffement climatique, dépassement de plusieurs limites planétaires. Aghion semble l’ignorer.

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Le prix Nobel va à 3 économistes orthodoxes (2022)

extraits : Le prix de la Banque de Suède en sciences économiques a été attribué le10 octobre 2022 à Ben S. Bernanke, Douglas W. Diamond et Philip H. Dybvig, « pour leurs recherches sur les banques et les crises financières ». Juste un truc sur Bernanke, le patron de la Réserve fédérale (Fed) entre 2006 et 2014 : Il avait tellement l’habitude d’émettre des déclarations illisibles, tant par les experts que par leur auteur, que sa femme a dit un jour:  » il m’a demandé en mariage – je n’ai pas compris. » Il faut bien rigoler un peu par rapport à des analyses orthodoxes qui nous ont poussé à la crise écologique….

Trois Nobel pour lutter contre la pauvreté ! (2019)

extraits : Le 51e « prix Nobel » d’économie a été attribué, lundi 14 octobre 2019, à la Franco-Américaine Esther Duflo et aux Américains Abhijit Banerjee et Michael Kremer pour leurs travaux sur la réduction de la pauvreté dans le monde. Ils se partageront le prix de 9 millions de couronnes (environ 830 000 euros), on se demande avec qui ils vont partager cette somme à leur tour…

Croissance durable, un oxymore obtient le prix Nobel ! (2018)

extraits : Un bon économiste est d’abord un bon écologiste. Mais la Banque de Suède, qui a attribué le « prix Nobel » d’économie aux Américains William Nordhaus et Paul Romer, ne le sait pas encore. Les colauréats ont paraît-il « mis au point des méthodes qui répondent à des défis parmi les plus fondamentaux et pressants de notre temps : conjuguer croissance durable à long terme de l’économie mondiale et bien-être de la planète ». Comme chacun devrait savoir, une personne qui croit encore qu’une croissance à long terme est possible dans un système planétaire clos (dont on a déjà transgressé toutes les limites) est soit un fou, soit un économiste.

5 réflexions sur “Nobel d’économie au croissanciste Ph. Aghion”

  1. Jean-Baptiste Fressoz

    La nature idéologique des travaux d’Aghion est manifeste en matière environnementale. Leur thèse est simple, voire simpliste. Paul Romer résume le problème ainsi : « Il suffit de modifier très légèrement la direction de nos efforts d’innovation vers les technologies vertes (…) Décarboner l’économie sera si facile qu’en regardant en arrière, on aura l’impression de l’avoir fait sans effort. »

    Or le changement climatique résulte de l’ensemble des techniques accumulées depuis deux siècles ; agir seulement sur la frontière technologique ne modifiera qu’à la marge – et dans un futur lointain – les émissions mondiales de CO₂. Plutôt que de parler de réalités biophysiques, les schumpétériens du climat manient des abstractions. Toute réflexion sérieuse sur l’innovation et l’environnement devrait partir d’un constat simple : jusqu’à présent, aucune innovation n’a jamais fait disparaître un flux de consommation matérielle.

    1. destruction créatrice

      L’innovation a détruit l’agriculture traditionnelle, le four à bois, le moulin à eau et la diligence au profit des moissonneuses, des hauts-fourneaux, de la turbine ou de l’avion. C’est la capacité du capitalisme à se renouveler sans cesse en créant continuellement des éléments neufs et rapidement obsolètes. La destruction l’emporte sur la création, suppression d’emplois, chômage, perte de savoirs, numérisation insupportable de l’existence, des voitures partout et le réchauffement climatique qui grimpe.
      Four à bois, moulin à eau et diligence, c’étaient des activités durables car renouvelables. Ce n’est le cas ni des moissonneuses, ni de l’avion, ni de l’inintelligence artificielle.

  2. Un coco qui tourne mal

    – « D’ancien membre du Parti communiste à conseiller économique du président Emmanuel Macron, avant de s’en éloigner : le Français Philippe Aghion, lauréat du prix Nobel d’économie lundi, veut mieux réguler le capitalisme en favorisant l’innovation au détriment des rentes de situation. » ( Philippe Aghion, prix Nobel d’économie 2025 : proche d’Emmanuel Macron, qui est le lauréat Français ? – sudouest.fr/ 13 octobre 2025)

  3. Esprit critique

    Pour dire si tout ça est sérieux… l’autre jour Biosphère (“Macron, un incapable doublé d’un borné”) nous parlait de Raymond Barre, Babar pour les intimes… une des rares personnalités politiques contemporaines à avoir occupé d’aussi hautes fonctions sans jamais avoir été membre d’un parti politique (sic).
    Rappelons au passage que Babar n’a jamais eu le Nobel. Même pas celui de la paix, et de littérature n’en parlons pas. Et moi je dis que c’est pas juste, que ce comité Nobel est une imposture, que son autonomie idéologique n’est qu’un trumpe-couillons et patati et patata !
    Qu’est-ce qui est mieux, le titre de «meilleur économiste de tous les temps» ou le tout aussi fumeux Prix Nobel d’économie ? Les deux et en même temps serait le Top, mais bon. 🙂
    (à suivre)

    1. Parti d’en rire

      (suite) N’empêche que Manu peut sauter de joie autant qu’il le voudra, sur X, là encore il nous démontre qu’il est complètement perdu, qu’il n’y comprend plus rien, lui non plus. Alors qu’il avait sous la main cette aussi grande pointure, nous remettre le même, le cornu, mon dieu que c’est petit ! Mais ne désespérons pas, si ça se trouve dans une semaine ON aura un Nobel à la tête du Gouvernement. Et là ça va donner, c’est moi qui vous le dis !
      Fervent défenseur des innovations, à la con, aussi bien que de la réforme des retraites, et du travail jusqu’à la tombe, farouche opposant à la taxe Zucman, et à l’idée de prendre le Pognon à ces pauvres riches… avec ça si notre côte ne remonte pas, si les fumeuses agences de notation ne nous filent pas un AAA+++ , si la Croissance ne décolle pas et les maxi Profits aussi… alors là je n’y comprends plus rien.

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