Nous n’avons que très peu besoin de choses matérielles

Un écologiste est une personne qui a le sens des limites. Cela veut dire entre autres limiter ses besoins matériels pour approfondir ses besoins essentiels. Manfred Max-Neef, économiste chilien et prix Nobel alternatif en 1980, postule que les besoins des humains sont universels, peu nombreux et indépendants des cultures et des époques. Ils sont au nombre de neuf : Subsistence (susbsistance) ; Protection (sécurité) ; Affection ; Understanding (compréhension) ; Participation ;  Leisure (loisir) ; Creation ; Identity (identité et sens) ; Freedom (liberté). Mis à part le besoin de subsistance qui, à l’extrême de son insatisfaction, conditionne l’existence même du sujet, les autres besoins ne sont pas en relation hiérarchique les uns envers les autres et tous se trouvent, selon Max-Neef, en interaction systémique. Une « réponse destructive » comme la course aux armements est une réponse au besoin de sécurité tout en entrant en concurrence avec les besoins de subsistance, d’affection, de liberté. Par contre une « réponse synergique » intervient simultanément sur plusieurs éléments du système. Manfred Max-Neef cite l’allaitement maternel qui, en répondant au besoin de subsistance de l’enfant, stimule aussi la satisfaction de ses besoins de protection, d’affection et d’identité.

Ce que le modèle de Manfred Max-Neef rend évident, c’est que la satisfaction des besoins humains fondamentaux ne peut être réellement assurée en fournissant des biens et des services à ceux qui sont dans le manque. Vouloir résoudre les pénuries d’une manière mécaniste, spécialisée et extérieure – médicaments contre les épidémies, boîtes de conserve contre la famine, argent contre la pauvreté, gendarmes contre l’insécurité… – ne permet pas d’enclencher de véritables dynamiques de développement. Vouloir pallier l’insatisfaction des besoins fondamentaux par une course à la productivité non seulement est illusoire mais peut même se révéler destructeur. Et vouloir parachuter les solutions comme on parachute des vivres ou des médicaments, sans ouvrir un espace à la parole de l’autre, sans lui donner la possibilité d’élaborer à travers cette parole sa propre conscience de sa situation, revient à nier la nature humaine, une partie de son système de besoins et de ses ressorts.

Les formes d’organisation, les structures politiques, les valeurs, les règles, les espaces, les contextes, les pratiques sociales, font aussi partie des réponses aux besoins fondamentaux de l’être humain. De ce point de vue, Manfred Max-Neef pense que les structures sociales «moléculaires », à taille humaine, sont les plus propres à créer le contexte du processus de développement. La possibilité y est plus faible que la tentation de l’avoir se substitue à l’être, au faire et à l’interagir et que les leurres et les réponses univoques prennent le pas sur les réponses justes et synergiques, notamment parce que, paradoxalement, ces micro-sociétés peuvent être plus riches, du point de vue expérientiel, que les sociétés dites « évoluées ». Une fois de plus la démonstration est faite, et cette fois par un modèle de développement, que la logique du « tout marchand », qui a déjà fait bien des dégâts, reste la solution d’aujourd’hui qui prépare les problèmes de demain.

NB : Il est absolument scandaleux que la pyramide de Maslow soit toujours enseigné dans nos écoles et nos universités comme étant l’unique théoricien des besoins. Pour une réévaluation des besoins, voir Manfred Max-Neef et un très bon résumé de sa pensée par Thierry Groussin que vous pouvez trouver ici

http://socioeco.org/bdf/_docs/le_developpement_et_les_besoins_humains_fondamentaux.pdf

1 réflexion sur “Nous n’avons que très peu besoin de choses matérielles”

  1. Voilà une bonne révision des idées de Maslow, qui – hasard? – était américain, et avait donc un penchant pour la généralisation de sa culture au reste du monde.

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