shifting baseline, des références changeantes (1/3)

Une nouvelle expression est apparue dans la communauté des environnementalistes, « changement des états de références » ou shifting baselines en anglais. Cette expression a été inventée en 1995par le Biologiste Daniel Pauly, spécialiste de la pêche. Pour les environnementalistes, un « état de référence » est une « norme » importante pour mesurer la santé d’un écosystème.

Dans un monde idéal, l’état de référence pour chaque habitat devrait être l’état de cet habitat avant que l’homme n’influence sensiblement dessus. Si nous connaissons l’état de référence d’un écosystème dégradé, nous pouvons travailler pour le restaurer. Mais si cet état de référence a déjà changé avant que nous ayons une chance de le mesurer, alors nous pouvons arriver à considérer comme normal, voire amélioré, un état dégradé. Par exemple le nombre de saumons dans la rivière Columbia du pacifique Nord-Ouest est aujourd’hui deux fois plus élevé que dans les années 30. Cela semble une bonne nouvelle. si les années 30 constituent l’état de référence. Mais la population de saumons de la rivière Columbia dans les années 30 représentait seulement 10 % de ce qu’elle était dans les années 1800. Donc nous n’avons actuellement que 20 % du stock de saumons des années 1800.

L’une des plus grandes préoccupations des scientifiques tient dans le fait que les états de référence ont changé pour de nombreux écosystèmes sous-marins. Cela signifie que des personnes visitent actuellement des environnements côtiers dégradés, et les qualifient de « magnifiques », sans se douter de ce qu’ils étaient avant. Voilà pourquoi il est si important de documenter comment les choses sont, et comment elles étaient. L’institut Scripps de conservation des océans et la SurfRider fondation ont organisé une campagne médiatique afin d’attirer l’attention sur le problème de changement des états de référence. Nous devons tous nous poser les questions suivantes : A quoi ressemblaient les océans ? Est-ce que mes préférences alimentaires participent à mettre la santé des océans en danger ? Certains biologistes marins déclarent même qu’avec la disparition des espèces désirables, seules les plus résistantes et les moins désirables vont persister, vraisemblablement les méduses et les bactéries.

Cette expression shifting baselines se retrouve aussi bien chez l’ornithologue Philippe J. Dubois (La grande amnésie écologique) que chez le psychosociologue Harald Welzer (Les guerres du climat). Persévérer dans l’amnésie collective, c’est nous préparer à des lendemains qui déchantent.

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Le programme d’Eva Joly, par Christophe Magdelaine

sur le site notre-planete.info :

Eva Joly, plus que tout autre candidat, a pris la mesure de l’urgence environnementale : le constat est pertinent, les solutions proposées sont fortes, courageuses et constituent un formidable élan dont la France a besoin. L’écologie est au cœur de son programme et devrait permettre de construire une société plus solide, plus durable, où la mobilisation citoyenne se fera autour de grands travaux d’intérêt général.

Toutefois, quelques points emblématiques mériteraient des précisions et davantage d’engagement. A ce titre, la candidate à la présidentielle ne renie pas le système actuel et ne se prononce pas officiellement sur la nécessaire décroissance de notre consommation et la promotion d’une nouvelle forme de société. Ce « détail » inquiète car l’on connaît l’affinité d’Europe Ecologie Les Verts avec le Parti Socialiste, pourtant très peu investi sur les questions environnementales. A vouloir acquérir un peu de pouvoir politique, les convictions de la candidate pourraient bien se diluer dans un système qui s’illustre depuis des décennies par son dédain de l’écologie. Quelques aspects de son programme :

1/10) Préservation et reconquête de la biodiversité

« Lancer un plan national d’éducation à la préservation de la nature pour systématiser l’enseignement des sciences de la nature à tous les niveaux, de l’école primaire aux formations professionnelles. Dès la rentrée 2012, chaque enfant de primaire bénéficiera d’une animation ou d’une sortie nature par le biais d’un partenariat renforcé entre l’Etat et les associations de protection de l’environnement. »

L’éducation à l’environnement et le contact avec une nature oubliée est essentielle si l’on veut que les adultes de demain, futurs moteurs de la société, orientent leurs décisions avec plus de sérieux et de responsabilité vis à vis de notre support de vie.

Mettre en œuvre un grand chantier de remise en nature du territoire : opposabilité des trames vertes et bleues, renaturation des grands fleuves (Rhône, Loire, Seine et Rhin), rétablissement de la perméabilité des grandes infrastructures linéaires aux flux biologiques.

Les trames vertes et bleues désignent les continuités écologiques non bâties où les espèces animales et végétales peuvent se développer et circuler. Les rendre opposables signifie qu’elles seront juridiquement contraignantes lors de l’élaboration des documents d’urbanisme, ce qui n’est pas le cas, sauf exceptions.

Organiser une Conférence nationale de protection du littoral, des estuaires et de la montagne, qui devra aboutir au renforcement des dispositifs actuels. Il s’agira en particulier de limiter l’artificialisation, de préserver les espaces naturels et agricoles, de renforcer la surveillance et la prévention des pollutions d’origine agricole dans les estuaires et les baies.

Adopter une loi foncière pour enrayer l’étalement urbain et garantir la mixité sociale et fonctionnelle : l’objectif est de valoriser les espaces naturels, agricoles et boisés, en lien avec des territoires urbains équilibrés entre logements, activités et loisirs. Pour ce faire, les politiques du logement et de l’urbanisme ne seront plus menées au niveau de chaque commune mais à l’échelle des agglomérations.

En s’artificialisant à tout va, sans aucune réflexion sur la gestion des risques et les conséquences pour le vivant, notre territoire est aujourd’hui fragilisé et particulièrement vulnérable aux aléas météorologiques.

« L’objectif zéro artificialisation nette du territoire d’ici 2025. Un observatoire de la consommation foncière publiera chaque année les chiffres de l’artificialisation, et une fiscalité spécifique sera créée (…) L’artificialisation des terres agricoles sera fiscalement découragée. »

En 2009 en France, selon une enquête Eurostat, 5% de la couverture du sol était considéré comme imperméabilisé et 12 % était exploité pour le commerce, les services, le logement, l’industrie et le transport.

2/10) Lutte contre les émissions excessives de gaz à effet de serre

« Réduire de 30 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020, par rapport à 1990, pour limiter le réchauffement de la planète sous les 2°C. »

Lors de la conférence de Cancún sur les changements climatiques qui s’est déroulée fin 2010, les états ont reconnu qu’il était impératif de diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 25 à 40 % d’ici à 2020 pour ne pas dépasser le seuil fatidique de 2°C d’augmentation de la température moyenne de la planète. Si la France peut se targuer d’avoir diminué ses émissions de près de 10 % depuis 1990, c’est parce qu’elle a délocalisée massivement sa production manufacturière et industrielle.

« Construire chaque année 500 000 logements, à basse consommation d’énergie (…) Rénover un million de logements par an, d’ici 2020, au niveau « basse consommation d’énergie », en commençant par ceux dans lesquels vivent les huit millions de personnes en situation de précarité énergétique. Les bâtiments publics seront tous rénovés d’ici 2030. »

La France compte environ 32,2 millions de logements dont 18,8 millions – soit 58 % du parc – qui ont été construits avant la réglementation thermique de 1975. Ce qui explique que le secteur du bâtiment est à l’origine de 23 % des émissions de CO2 et de 43 % de la consommation d’énergie finale en France.

3/10) Adaptation au changement climatique et prévention des risques naturels

« Engager tous les territoires et les secteurs d’activités, en commençant par l’agriculture, à anticiper et à s’adapter dès à présent aux changement climatiques. »

Soulignons la prise de conscience d’Eva Joly, seule candidate à s’en soucier, même si son engagement reste assez vague.

4/10) Développement et soutien aux énergies renouvelables

« Organiser la sortie du nucléaire en 20 ans (…) Faire de la France un leader industriel des énergies renouvelables, en produisant 40 % de notre énergie par des sources renouvelables dès 2020 (hors carburant). Il faut engager notre pays sur la voie d’un mix énergétique 100 % renouvelable. »

Eva Joly inscrit la sortie du nucléaire dans son programme politique et annonce des objectifs très ambitieux pour y répondre. En effet, en 2010, seulement 14,6 % de l’électricité produite en France était d’origine renouvelable au lieu des 21 % auxquels la France s’était engagée. 100 % d’énergie renouvelable (hors carburant) en France est un vrai défi, courageux mais pas impossible.

5/10) Production locale, soutien aux filières courtes dans le respect de l’environnement

« Une alimentation saine passe par le développement de l’agriculture biologique, dans le cadre de la conversion générale vers l’agroécologie. Sur le modèle de la loi SRU, les collectivités seront incitées à convertir au minimum 20 % de leurs surfaces agricoles utiles à l’agriculture biologique d’ici la fin du quinquennat. L’objectif doit être de permettre, dans un premier temps, une alimentation 100 % bio dans les cantines de nos enfants, pour les crèches et les maternelles d’ici la fin du quinquennat. L’objectif de réduction de 50 % des pesticides d’ici 2018, issu du Grenelle de l’environnement, deviendra prioritaire. Mais il ne peut s’agir que d’une étape. L’horizon que l’on doit se fixer, pour et avec les agriculteurs, c’est la sortie des pesticides en une génération. »

Des engagements chiffrés, ambitieux qui placent l’agriculture biologique comme un pilier de l’agriculture de demain. Eva Joly souhaite la sortie du « tout pesticide » alors que la France est le troisième consommateur mondial de ces produits appelés « phytosanitaires« .

6/10) Lutte contre la pollution de l’air

« Investir quatre milliards d’euros par an dans les transports alternatifs à la voiture et au camion, en commençant par améliorer la qualité et l’offre de trains sur le réseau ferré local, et en développant le fret ferroviaire. »

Si la plupart des pays européens font preuve de dynamisme en matière de fret ferroviaire, en France, c’est la débâcle

« Des plans d’actions locaux mis en place pour lutter contre la pollution de l’air. »

L’intention semble louable mais peu explicite. Le cas des moyens de transport individuels n’est pas clairement évoqué alors que les automobiles, notamment diesel, sont à l’origine d’une pollution de l’air qui demeure inacceptable.

7/10) Elimination des produits chimiques dangereux et notamment cancérigènes dans l’alimentation, l’eau et les cosmétiques

« 1 % du budget de la santé sera dédié à la politique de prévention et un Institut national de recherche en santé environnementale sera créé. »

Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail « 90 à 95 % des cancers, sont liés à des causes exogènes, c’est-à-dire, à l’environnement au sens large. Celui-ci inclut les modes de vie (tabac, alcool, sédentarité, habitudes de consommation alimentaire, exposition solaire…) et les expositions à des facteurs environnementaux naturels (radon…), aux agents chimiques, physiques et infectieux de l’environnement général et professionnel « .

8/10) Diminution des déchets, augmentation de la réutilisation et du recyclage

« Refonte de la législation sur les déchets, avec un plan de fermeture progressive des incinérateurs, à mesure de la montée en puissance des filières alternatives. »

Actuellement, la France compte 127 incinérateurs en fonctionnement (1/3 du parc européen).

« Le suivi des déchets de construction sera mis en œuvre pour garantir leur tri et leur recyclage. »

Si la loi du 13 juillet 1992 n’autorise en décharge que les déchets ultimes, les déchets du BTP sont insufisamment recyclés, alors même que les matériaux de construction sont insuffisants, notamment en Ile-de-France.

« Une stratégie nationale contre le gaspillage : extension du système de bonus-malus aux produits électroménagers, allongement de la garantie des produits, soutien au secteur de la réparation, etc. »

Un engagement qui sera compliqué à tenir dans une société où, pour soutenir une croissance basée sur la surconsommation, le tout jetable est roi et le moindre produit high-tech a une durée de vie volontairement limitée à quelques années.

9/10) Diminution de notre consommation de biens et dématérialisation de l’économie

Aucun engagement

10/10) Amélioration du bien-être animal dans l’agriculture

« Définir un nouveau statut de l’animal : la loi sera modifiée pour agir contre le trafic d’animaux et pour favoriser le bien-être de ces derniers, qu’ils soient domestiques ou non, dans toutes les politiques sectorielles : transport, élevage, abattage, animaleries, cirques, etc. La législation sur la chasse évoluera pour introduire le respect de l’animal et la bonne santé des populations d’espèces. »

Là aussi, soulignons l’engagement rare d’un candidat à la présidentielle alors que le scandale de l’abattage halal et les nombreuses infractions à la loi montrent que les industriels de l’agro-alimentaire n’ont que peu de considération pour la vie animale, si ce n’est pour le profit qu’ils peuvent en tirer. Cependant, cette mesure reste quelque peu évasive.

Note attribuée : 7,5/10

Précisions :

Les mesures reprises sur cette page émanent directement du programme politique officiel du candidat. Nous ne prenons pas en compte les mesures sous-entendues qui proviennent d’un article de presse, d’un livre du candidat, d’une page web…

 

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The world is on track for disaster…

Le Smithsonian Institution a rendu public une version actualisée pour 2012 du rapport Club de Rome de 1972*.  Il s’agit, en fait d’un second rapport, utilisant la même méthodologie que le premier, avec les mêmes acteurs, le Club de Rome commanditaire et le MIT exécutant. Les instruments d’analyse ont cependant été modernisés, pour tenir compte des importants progrès accomplis dans les méthodes d’observation et de prévision. Le point essentiel, que tous les gouvernements, que toutes les entreprises, tout les média auraient du noter, est que le rapport de 2012 confirme celui de 1972. Celui-ci donnait soixante ans au système économique mondial pour s’effondrer, confronté à la diminution des ressources et à la dégradation de l’environnement.

La situation est confirmée par la formule du Smithsonian Magazine, « The world is on track for disaster…», autrement dit, « tout se déroule comme prévu pour que survienne le désastre ». Ce désastre, comme le résume le physicien australien Graham Turner, qui a succédé à Dennis Meadows comme rédacteur coordonnateur, découlera du fait que, si l’humanité continue à consommer plus que la nature ne peut produire, un effondrement économique se traduisant pas une baisse massive de la population se produira aux alentours de 2030. Le désastre n’est donc plus loin de nous, mais tout proche. 2020 est d’ailleurs considéré par certains experts comme une date plus probable. L’effondrement pourrait se produire bien avant 2030. Autrement dit tous les projets envisagés pour le moyen terme de 10 ans seraient impactés, voire rendus inopérants. Les rapporteurs font cependant preuve d’optimisme, en écrivant que si des mesures radicales étaient prises pour réformer le Système, la date buttoir pourrait être repoussée.

Mais nous devons pour notre part considérer, y compris en ce qui concerne nos propres projets, collectifs ou individuels, qu’aucune de ces mesures radicales ne seront prises. Le système économico-politique, selon nous, ne peut se réformer. Une preuve peut en être fournie par le fait que pratiquement aucune publicité n’a été donnée de cette seconde version du Rapport par les gouvernements, les entreprises et les médias. Il suffit de voir comment, lors des élections françaises de cette année, la question a été évacuée des enjeux politiques. Insistons sur le fait que ce n’est pas seulement le réchauffement global qui est incriminé par les rapporteurs, mais plus généralement l’épuisement des ressources et, au-delà, d’une façon plus générale, le saccage catastrophique de l’environnement sous toutes ses formes, autrement dit « la destruction du monde ». Pour l’empêcher, il ne faudrait pas seulement réduire notre production de gaz à effets de serre, mais s’imposer une décroissance radicale, à commencer par celle qui devrait être mise en oeuvre dans les pays riches, qui sont les plus consommateurs et les plus destructeurs.

(résumé de l’article de Jean-Paul Baquiast publié par blogs.mediapart.fr)

* Note : Le Club de Rome vient de célébrer le quarantième anniversaire de son célèbre rapport sur les limites de la croissance, dit aussi Rapport Meadows, du nom de son principal rédacteur. Ce rapport avait été présenté au public le 1er mars 1972, à partir d’une commande faite par le même Club de Rome (créé en 1968) au Massachusetts Institute of Technology (MIT) en 1970. Cette célébration a donné lieu à un symposium le 1er mars 2012, dont les conclusions sont présentées sur le site du Club de Rome.

 

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Les précurseurs de l’écologisme (1798-1956)

Certains auteurs ont compris que notre société s’engageait sur la mauvaise voie : Malthus, Veblen, Howard, Leopold, Osborn, Mumford. Ci-dessous un récapitulatif avec liens Internet vers ces auteurs.

1798 Essai sur le principe de population de Robert Malthus (Flammarion, 1992)

Cet Essai est la première interprétation « écologiste » de notre société : Malthus compare l’existence des humains et le fondement de sa survie, les nourritures terrestres. Il considère que la Terre constitue un espace clos, il précède ainsi le Club de Rome et ses courbes exponentielles. Sa problématique reste actuelle : « Si l’on cherchait à prévoir quels seront les progrès futurs de la société, il s’offrirait naturellement deux questions à examiner :

1. Quelles sont les causes qui ont arrêté jusqu’ici les progrès des hommes, ou l’accroissement de leur bonheur ?

2. Quelle est la probabilité d’écarter ces causes qui font obstacle à nos progrès ? »

Sa conclusion est intemporelle : « Le principe de population, de période en période, l’emporte tellement sur le principe productif des subsistances que, pour que la population existante trouve des aliments qui lui soient proportionnés, il faut qu’à chaque instant une loi supérieure fasse obstacle à ses progrès. »

1899 Théorie de la classe de loisirs de Thorstein Veblen (Gallimard 2007)

Ce livre est un élément fondateur de la compréhension des sociétés modernes. Au lieu de cultiver l’esprit collectif où l’essentiel consiste à faire comme tout le monde, il s’agit de se différencier, soit pour affirmer son pouvoir, soit pour faire preuve d’une illusoire vanité. Hervé Kempf* présente clairement la portée écologique  de Thorstein Veblen :

« La seule façon que vous et moi acceptions de consommer moins de matière et d’énergie, c’est que la consommation matérielle, donc le revenu, de l’oligarchie soit sévèrement réduite. En soi pour des raisons d’équité, et plus encore, en suivant la leçon de Veblen, pour changer les standards culturels de la consommation ostentatoire. Puisque la classe de loisir établit le modèle de consommation de la société, si son niveau est abaissé, le niveau général de consommation diminuera. Nous consommerons moins, la planète ira mieux, et nous serons moins frustrés par le manque de ce que nous n’avons pas. »

* Comment les riches détruisent la planète (Seuil, 2007)

1940 Testament agricole (pour une agriculture naturelle) de Sir Albert Howard (éditions Dangles, 2010)

Sir Albert Howard prévoit déjà les méfaits de l’agriculture productiviste de l’après-guerre : « Notre mère, la terre, qui se voit spoliée de ses droits à la fertilisation, se révolte. La perte de fertilité s’annonce par le danger croissant de l’érosion des sols. L’érosion est probablement, à l’heure actuelle, la maladie la plus importante, une étape de la stérilité du sol. L’érosion du sol n’est rien d’autre que le signe visible de l’échec complet de la politique agricole. La cause de cet échec, c’est en nous-mêmes qu’il faut la chercher. Les chasseurs de profit peuvent travailler impunément jusqu’à ce que la fertilité de la terre, le capital du pays, commence à disparaître d’une façon alarmante. »

Les thèses de l’agriculture biologique se situent aujourd’hui dans la droite ligne du Testament agricole.

1946 Almanach d’un comté des sables d’Aldo LEOPOLD (Flammarion, 2000)

Publié en 1949 à titre posthume, Aldo Leopold a pour la première fois dans cet « Almanach » considéré que le problème écologique était aussi un problème éthique :

« Il n’existe pas à ce jour d’éthique chargée de définir les relations de l’homme à la terre, ni aux animaux, ni aux plantes qui vivent dessus. Une éthique (écologiquement parlant) est une limite imposée à la liberté d’agir dans la lutte pour l’existence. Il faut valoriser une éthique de la terre et montrer sa conviction quant à la responsabilité individuelle face à la santé de la terre, c’est-à-dire sa capacité à se renouveler elle-même. L’écologie, c’est cet effort pour comprendre et respecter cette capacité. »

Pour lui, toute créature est membre de la communauté biotique, et comme la stabilité de celle-ci dépend de son intégrité, elle doit avoir le droit d’exister.

1948 La planète au pillage de Fairfield Osborn (Actes  sud, 2008)

Sa présentation du livre est prémonitoire :

« L’humanité risque de consommer sa ruine par sa lutte incessante et universelle contre la nature plus que par n’importe quelles guerres » et la dédicace parfaite, « à tous ceux que l’avenir inquiète ». Juste après Hiroshima, il est quasiment le premier à prendre conscience d’une catastrophe écologique en marche.

Il ne pouvait avoir l’idée du pic pétrolier et du réchauffement climatique, il consacre donc surtout son analyse à l’appauvrissement des sols. Mais certaines de ces analyses ont été reprises de multiples fois, par exemple : « Aujourd’hui les villes en ruine de l’Ancien empire maya témoignent avec éloquence que jadis il y a eu là les centres d’une population nombreuse et florissante. Cet épisode des Mayas nous apparaît comme un avertissement, auquel par malheur personne ne prend garde ».

1956 Les transformations de l’homme de Lewis Mumford (Encyclopédie des nuisances, 2008)

Lewis Mumford nous présente à la fois une critique de la civilisation technicienne comme Ellul et une nouvelle éthique comme Aldo Leopold :

«  Déjà en Amérique, de par sa sujétion à l’automobile, l’homme a commencé à perdre l’usage de ses jambes. Les mères américaines sont désormais encouragées par de nombreux médecins à ne pas allaiter leurs nouveau-nés. Le destin final de l’homme posthistorique est de se transformer en un homoncule artificiel dans une capsule autopropulsée, voyageant à la vitesse maximale et ayant éliminé toute forme spontanée de vie de l’esprit. »

« La nature n’est plus qu’un stock de matériaux inertes, à décomposer, à resynthétiser et à remplacer par un équivalent fabriqué mécaniquement… Mais la nature est un processus qui se déroule à la fois dans le cosmos et en l’homme :  comme l’expose Lao-tseu, c’est la Voie. Seuls les primitifs et les ignorants, les nobles sauvages et les petits enfants sont assez proche de la Voie pour vivre dans la plénitude de leur nature. »

Pour abonnement à notre bimensuel biosphere-info, nous écrire :

biosphere@ouvaton.org

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Achetez la Décroissance, ça défrise

C’est presque gratuit, à 2,20 euros pour un mensuel* qui défrise et fait penser. Entre le vrai visage des Anonymous, la thermodynamique contre le croissancisme, les soubassements de la simplicité volontaire et une BD, etc., il y a de quoi comprendre et respirer. Comme avant-goût, nous vous résumons le texte de Pierre-Jean Delahousse, président de l’association Paysages de France, contre l’affichage publicitaire :

« Pour créer quelques emplois, il faut développer toujours plus d’espace. C’est inacceptable, on va à l’encontre d’une société où l’être humain peut s’épanouir. Les panneaux publicitaires sont le symbole d’une course frénétique à la croissance destructrice. Depuis 2008, nous avions cru à un Grenelle de l’affichage. Mais aux négociations, il y avait quelques associations, des experts et surtout les afficheurs, très présent. La concertation a bien eu lieu, mais on n’en a pas tenu compte. Le ministère a passé tout cela à la moulinette, et ce fut d’abord la loi du 12 juillet 2010. Par amendement rédigé par les afficheurs, il a été autorisé les publicités de dimension exceptionnelle sur bâche. Jusque-là, il était interdit de mettre des publicités hors des agglomérations, c’est désormais possible dans les aéroports. C’est plus qu’un retour en arrière, c’était illégal et c’est devenu légal ! Pour le gouvernement, c’est un enjeu économique : tout ce qui peut inciter à consommer, pour lui c’est positif.

On ne descend pas dans la rue pour défendre les paysages, pourtant l’affichage publicitaire est une pollution majeure et une agression. Personne ne le nie. On peut aller bâcher des panneaux, lutter contre les affichages illégaux comme le fait mon association, pousser les maires à faire de règlements plus restrictifs, protecteur de l’environnement. »

* La Décroissance, journal de la joie de vivre, avril 2012, en kiosque

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La biodiversité s’invite dans les présidentielles

Un questionnaire thématique prenant en compte l’ensemble des problématiques induites par l’érosion de la biodiversité a été diffusé le 22 novembre 2011 par Humanité et biodiversité aux candidats officiellement déclarés à l’élection présidentielle. Quatre mois après, le constat est sévère : C’est un sujet qui reste à la marge, cantonné dans une « niche écologique », et qui n’est pas considéré comme une opportunité pour porter un nouveau modèle social et imaginer le monde du XXIème siècle. C’est pourtant bien de cela qu’il s’agit ! Les propositions apportées par les candidats sur les différentes thématiques recensées dans le questionnaire souffrent d’ordre général d’un manque d’ambition et de faisabilité préjudiciable pour l’avenir de la biodiversité, donc pour notre avenir. Seule  Eva Joly a une ambition satisfaisante et une technicité correcte en matière de biodiversité, Mélenchon arrive peu après, les autres candidats ont un score insuffisant.

Hubert Reeves, président d’Humanité et biodiversité*, a droit à une petite tribune dans LE MONDE**. Hubert constate avec inquiétude l’érosion généralisée de la biodiversité. Mais il est difficile pour les politiques de réaliser combien le sort des humains est lié à celui des abeilles ou des vers de terre. Or l péril croît et on en connaît les causes. On connaît même les conditions pour l’enrayer : aménagement du territoire, lutte contre l’artificialisation des sols, réduction de l’impact de l’agriculture, protection des ressources halieutiques, etc. Quand on regarde les détériorations de notre planète et les menaces qui pèsent sur l’avenir de nos enfants et petits-enfants, on reste effaré de la distance qu’il y a entre les propositions de nos candidats et la réalité qui se profile à l’horizon.

* La ligue ROC (à l’origine Rassemblement des opposants à la chasse) est devenue Humanisme et biodiversité (ensemble protégeons le vivant) en mars 2012. En adoptant ce nouveau nom et de nouveaux statuts, l’association affirme avec force son engagement vers une prise en compte plus large et plus complète des liens qui unissent l’humanité à l’ensemble du vivant dans une communauté de destin.

** LE MONDE du 5 avril 2012, Le débat présidentiel fait fi de la biodiversité. Ce groupe de presse, qui a maintenant une rubrique Planète sur LE MONDE papier, n’est même pas capable avec lemonde.fr de donner cette thématique en lien sur son bandeau principal.

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LE MONDE & Vous : soyez écorésistants !?

Nous avons déjà parlé de Laure Belot, une journaliste du MONDE qui peut aussi bien parler de Facebook et du smartphone que des Recycling Party. Autant dire que sa fibre écolo est très superficielle. Mais là, elle exagère : toute une page* sur les écorésistants en relayant les fabricants de doute « Quand on constate les erreurs commises par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) »…  ou ceux qui pratiquent l’amalgame : «  Certains me demandent de faire des efforts alors qu’ils ont deux voitures… complots industriels pour consommer des produits verts ». Mais nous comprenons mieux l’article de Laure Belot quand on sait qu’il illustre les nombreuses réponses obtenues à l’appel « Réfractaires au développement durable, témoignez », lancé fin mars sur lemonde.fr. Notons que l’article-papier est moins virulent que le listing des témoignages sur lemonde.fr, ce n’est donc pas Laure Belot qui est coupable de désinformation, c’est vraiment LE MONDE lui-même qui cherche à couler le mouvement écologique.

Un journalisme qui recherche l’avis des ignorants sans vouloir dénoncer leurs contre-vérités pose problème. D’autant plus que LE MONDE papier a publié récemment** une tribune de Dominique Simonnet qui insulte l’écologie politique et EELV avec des expressions diffamatoires comme  « pires pratiques manœuvrières… dans le seul but de sucer le sang du parti socialiste… soupe idéologique… vacuité de la pensée… petits commissaires verts … l’écologie, appellation fourre-tout… intégrisme vert. » On croirait entendre un type de droite antiécolo, pas du tout : Dominique Simonnet est comme par hasard un des fondateurs de Génération Ecologie, créé à l’instigation de François Mitterrand pour concurrencer Les Verts avant les élections régionales de 1992 ! On ne nous dit pas tout sur LE MONDE, on nous trompe.

* LE MONDE du 4 avril 2012, Le nombre d’écorésistants progresse en France + les produits verts toujours inaccessibles

** LE MONDE du 3 avril 2012, L’écologie n’est pas morte, c’est l’écologie politique qui n’existe plus

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A quoi servent les économistes ? A rien !

C’est la reine d’Angleterre qui s’étonnait « Pourquoi personne n’avait-il prévu (cette) crise ? ». Pourtant les médias accordent une importance démesurée à l’avis des experts es économie, c’est-à-dire à une vision théorique, éthérée, des réalités. LE MONDE s’interroge enfin, après leur avoir donné beaucoup la parole, sur la validité de ces analystes : « Le procès d’une profession chahutée par la crise. »*

Ce n’est pas tellement les liens des économistes avec les intérêts financiers qui est à mettre en cause, contrairement à ce qui se passe pour les scientifiques stipendiés directement par les entreprises pour fabriquer le doute à propos des menaces écologiques. Le problème avec l’économie, c’est qu’il ne s’agit pas de sciences économiques, mais plutôt comme on le disait autrefois d’économie politique. L’économie organise la circulation des richesses dans une société selon des modalités propres à chaque culture, économies non monétaires ou financiarisées, économies planifiées ou décentralisées, économies réglementées ou dérégulées, etc. C’est une politique, un choix non contraint imposé par une oligarchie ou géré plus ou moins démocratiquement. C’est affaire de représentation sociologique sur « ce qui doit être ». Hier on était keynésien et interventionniste, depuis le tournant des années 1980 le libéralisme prime, c’est-à-dire la croyance aux vertus du marché libre et concurrentiel. Mais à chaque fois on forge une pensée unique, « orthodoxe », on fabrique un conformisme de caste : actuellement les revues spécialisées n’acceptent plus d’articles de philosophie économique, il faut glorifier la croissance dans un monde fini : économiste, médias et politiques tiennent le même discours. C’est ce qu’Epstein qualifie de biais cognitif, un schéma de pensée erroné mais validé car l’erreur est partagée par ses pairs. Ce qui fait que les experts orthodoxes pensent vraiment ce qu’ils disent !

Que nous dit l’histoire ? Depuis l’analyse de Keynes en 1936, on ne jurait que par la relance économique et le déficit budgétaire. Mais la recette pour sortir de la crise de 1929 a été appliquée de façon si constante que nous avons abouti dans les années 1970 à une inflation à deux chiffres conjuguée à un chômage structurel (stagflation). Alors les libéraux ont profité de l’échec keynésien pour dévaloriser le rôle de l’Etat. Le problème, c’est que nous revenions ainsi aux  recettes appliquées avant 1929 et qui avaient abouti à des crises à répétition. Nous ne nous sommes pas aperçus de cette erreur renouvelée car la croissance à crédit restait en réalité keynésienne et empêchait la récession… jusqu’à la crise financière qui a surpris tous les « experts » ! Alors Roger Guesnerie s’interroge : « On peut espérer disposer un jour d’une théorie renouvelée ». Même l’orthodoxe Guesnerie doute ! Il ne sait pas que cette nouvelle  conception de l’économie adaptée à la situation présente existe déjà, c’est la bio-économie, ou économie biophysique, c’est-à-dire l’écologie. Il faut prendre en compte le fait que la circulation des richesses fabriquées dans une société n’soit que la sous-partie des richesses globales que nous offre la biosphère. Yves Cochet précise : « Depuis deux siècles, l’abondance et le faible prix de l’énergie nous ont permis d’ignorer la nature. Cette profusion énergétique seule a été capable d’engendrer d’énormes richesses au XXe siècle pour une part dérisoire de nos salaires et de notre temps. » Même le libéral Guesnerie a évoqué un jour l’idée de distribuer un quota d’émissions de gaz à effet de serre entre les pays en proportion de leur population.

Nous savons ce que les économistes doivent penser, mais eux commencent juste à se poser des questions.

* LE MONDE économie du 3 avril 2012, Dogmatisme, conflits d’intérêts, la science économique suspectée

 

A quoi servent les économistes ? A rien ! Lire la suite »

LE MONDE soutient les écolosceptiques

LEMONDE.FR* fait de la publicité pour les écolosceptiques, c’est-à-dire les menteurs qui pratiquent la désinformation, l’amalgame et qui n’arrivent même plus à discerner où sont les véritable ennemis du peuple. Voici le texte en résumé et notre commentaire des différents témoignages.

– Les Français n’ont malheureusement plus les moyens de traduire en actes leurs convictions profondes. Les actes écolo-citoyens, peuvent-ils passer avant la nécessité de se déplacer pour aller travailler (de plus en plus loin), de se chauffer ?

biosphere : La France d’aujourd’hui est au plus haut sommet historique de sa richesse. Presque chaque foyer a au moins une voiture. C’est l’inégale répartition des richesses qu’il faut condamner, pas les actes écolo-citoyens.

A trop vouloir, sans répit, « bourrer » la tête des gens avec l’écologie, c’est l’inverse qui se produit : un rejet ! Entre les fanatiques de l’écologie et les profiteurs qui vous font payer au prix fort de soi-disant produits bio, les consommateurs font leurs comptes : trop cher, surtout en temps de crise !

biosphere : Les termes « fanatiques » et « profiteurs du bio » montre une tentative de dénigrement sans preuve. Pourquoi ne pas dire que c’est la publicité omniprésente qui bourre la tête des gens et que le profit est le moteur du système capitaliste libéral, alors que l’esprit coopératif est celui de l’écologie…

– Je crois le « changement climatique » nettement moins prononcé et anthropique qu’on nous le dit. Ce qui fait que l’urgence clamée à tous vents me paraît dangereuse. « L’écologie » d’aujourd’hui est un phénomène de bobos citadins qui ignorent bien souvent ce qu’est « la nature » !

biosphere : Le terme « je crois » est significatif d’une méconnaissance du travail des climatologues qui ne doutent plus du réchauffement climatique depuis des années déjà. L’écologie n’est pas le domaine réservé des bobos puisque tout le monde est concerné par les perturbations climatiques ou par notre éloignement programmée de la nature par l’urbanisation.

– L’empressement des gouvernants à multiplier les taxes « dites écologiques » est particulièrement suspect. Ces taxes seraient-elles plus « politiquement correctes » que d’autres ? Faudrait-il que les Occidentaux s’ajoutent encore des handicaps pour produire (comme la fameuse et unilatérale « taxe carbone ») alors que les Chinois auraient un permis illimité de polluer ?

biosphere : Pourquoi dire le contraire de la réalité ? les gouvernants français se refusent aux taxes écologiques, l’idée de taxe carbone a été abandonné par Sarko, et on aurait bien du mal à discerner une autre taxe écolo qui pénalise le peuple. Quant aux distorsions du commerce international, la solution serait des taxes aux frontières, ce que ne veut pas notre interlocuteur !

– Je ne crois pas au développement durable. Je ne crois pas à l’influence de l’homme sur son environnement. Il est hors de question pour moi de ne pas vivre comme je l’entends, avec les progrès technologiques que nous connaissons. Moi j’ai une autre option : gardons le même rythme de vie, mais diminuons le nombre de personnes sur la planète ! Après tout, le résultat sera le même, et nous vivrons tous sans nous restreindre !

biosphere : Ce témoignage, comme d’autres, mélange le domaine écologique et l’oxymore « développement durable », ce qui empêche la clarté de l’analyse. Passons sur l’égoïsme qui transparaît dans ce texte, analysons la solution malthusienne de maîtrise de la fécondité. Bien sûr que cette maîtrise est nécessaire, mais elle n’empêche nullement d’agir sur le niveau de vie des catégories favorisées qui dépensent plus que ce que la planète peut nous donner.

– Dans les 50 prochaines années, moi, je ne serai plus là. Le développement durable, c’est l’enjeu des plus jeunes qui vont devoir se débrouiller avec la situation qu’on leur laisse et je leur souhaite bonne chance. On verra si leurs portables et leurs Facebook les sauvent du cataclysme annoncé, ils feraient mieux de se mettre au travail !

biosphere : il est vrai que les générations futures n’ont pas la parole aujourd’hui. Mais si elles l’avaient, il est sût qu’elles briseraient leur portable sur la tête de cet interlocuteur. Car la situation qu’on va laisser à nos successeurs, plus de pétrole mais le réchauffement climatique, plus de poissons mais la surpopulation… est signe de méchanceté absolue envers nos descendants.

– Si le développement durable n’a plus le vent en poupe, c’est parce que les Français ont compris que les seules choses que veulent développer les écologistes, ce sont l’étatisme et la pression fiscale.

biosphere : les « écologistes » sont multiples, mais l’idée générale n’est pas celle de Mélenchon d’une planification écologique par l’Etat, mais au contraire une valorisation des communautés locales, cherchant par elles-mêmes la voie de leur salut.

– Je suis écolosceptique et contre le développement durable dans la mesure ou l’on privilégie l’approche individuelle et l’aspect « greenwashing » de la chose. Le coût du tri des ordure ménagères devrait être pris en charge à 100 % par les entreprises, comme dans d’autres pays, ce qui est loin d’être le cas en France.

biosphere : la situation en gestation est si dramatique (choc pétrolier, perte de biodiversité, stress hydriques…) que nous ne pouvons actuellement opposer action individuelle, action des entreprises et action de l’Etat. Tout doit être fait simultanément. Si les citoyens ne deviennent pas écolo-compatibles, ni les entreprises ni l’Etat ne bougeront et réciproquement.

* http://lemonde.fr/vous/article/2012/04/03/je-ne-crois-pas-au-developpement-durable_1679774_3238.html

remarque : La dixième Semaine du développement durable se tient du 1er au 7 avril alors que s’est installé en France un véritable « écolo-scepticisme ». Le phénomène est en progression. 45 % des 4 500 Français sondés en juin 2011 par l’Ipsos trouvent « qu’on en fait trop sur le réchauffement climatique ». Cette proportion d’ » écolo-sceptiques « , estime Ipsos, n’était que d’un tiers en 2008.

Cette statistique est vraiment inquiétante, elle prouve que les médias, y compris LE MONDE , n’ont pas fait leur travail de formation des citoyens.

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Demain c’est le foutoir, même l’OCDE le dit

L’OCDE ou Club des pays riches s’inquiète : « La dégradation du capital naturel de la planète risque de mettre en péril les acquis de deux siècles d’amélioration des niveaux de vie… Au-delà de certains seuils, les transformations subies par le climat ou la biodiversité ou encore la dégradation des sols deviennent irréversibles. » Il faut, dit le rapport, « trouver de nouvelles voies », mais le commentaire du MONDE* insiste toujours sur la croissance qui, même « verte », entraîne la dégradation du capital naturel :

« Les ministres mettent en avant leurs difficultés à garantir la croissance… Le représentant de l’Organisation mondiale du commerce ou celui des pays émergents ont insisté pour que le développement durable ne soit pas un « alibi » pour des mesures protectionnistes qui brideraient la croissance… Le porte-parole du Brésil précise « Pour être efficace, la croissance verte doit contribuer à développer l’emploi »… Angel Gurria, secrétaire général de l’OCDE résume : « La croissance verte n’est pas une manière parmi d’autres d’avancer, c’est la seule croissance possible ». » Le journaliste Rémi Barroux a une façon très croissanciste de faire un article !

Pourtant le « scénario de référence pour 2050 »** de l’OCDE ouvrait beaucoup de pistes, pas très révolutionnaires, mais au moins non centrées sur la croissance économique : prix mondial du carbone, écotaxes et systèmes d’échange de permis d’émission, tarification de l’eau, réglementations et normes efficaces, innovation verte. Nous trouvons surtout  essentiel la demande de suppression des subventions préjudiciables à l’environnement alors que dans les pays de l’OCDE la production et l’utilisation de combustibles fossiles ont bénéficié ces dernières années de 45 à 75 milliards USD par an de subventions. Même les économies émergentes ont accordé en 2010 plus de 400 milliards USD de subventions à la consommation de combustibles fossiles. Bientôt nous allons manquer de pétrole et de gaz, mais les gouvernants poussent à consommer encore plus ! Qu’en disent les présidentiables français ! Rien, si ce n’est demander encore plus de croissance… qui entraîne la dégradation du capital naturel

* LE MONDE du 1-2 avril 2012, Pour l’OCDE, il est urgent de « verdir » l’économie

** http://www.oecd.org/dataoecd/54/8/49884240.pdf

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comparatif écolo des présidentiables 2012

Il ne faut pas attacher à des élections une importance démesurée. Notre vie quotidienne est surtout constituée de nos engagements personnels, travail, consommation, interrelations… et la démocratie représentative n’a que peu d’influence sur cela. Voici cependant quelques textes sur les présidentiables français du 22 avril 2012. Cette analyse des candidatures se centre sur les rapports des candidats à l’écologisme, c’est-à-dire l’essentiel. Si tu veux t’abonner (gratuitement) au bimestriel issu de ce blog, biosphere@ouvaton.org

Eva Joly

L’urgence écologique appelle une femme nouvelle, une femme qui refuse la pensée unique, une femme qui n’est pas issue du sérail politique, une femme qui n’était pas née écolo mais qui les représente. Cette femme s’appelle Eva Joly. Pourtant cette femme subit vacheries après vacheries, sur son accent, sur ses lunettes, sur son origine (LIRE la SUITE…)

Jean-Luc Mélenchon

Un des neufs points du programme de Jean-Luc Mélenchon pour 2012 porte sur la planification écologique. Il portait déjà cette idée dans sa contribution générale au Congrès de Reims de novembre 2008 (chapitre intitulé « Proposons la planification écologique »). Il était alors au PS ! Jean-Luc exprimait alors le fait que le programme socialiste devrait être (LIRE la SUITE)

François Bayrou

Des présidentiables se sont exprimés le 28 janvier 2012 à Montreuil devant les 2300 représentants de 3000 associations environnementalistes (fédérées dans FNE). Le plus infatué de lui-même François Bayrou : « Moi, j’ai des ruches… Moi, je vais sauver les abeilles… Mais je ne sais pas si on dit décarbonisation ou décarbonation…  Mais moi je conserve le nucléaire comme énergie de transition… »  Christophe Magdelaine lui donne la note de 4,5/10

François Hollande

Il est tout à fait plausible que les générations futures nous maudissent pour les dégâts irréparables que nous aurons causés à la planète. Sans aucun doute, diront-ils, c’était là un peuple de barbares. C’est pourquoi nous ne pouvons pas être d’accord avec la transition énergétique de François Hollande (LIRE la SUITE…)

Nicolas Sarkozy

« L’environnement, ça commence à bien faire! » : cette saillie balancée, le 6 mars 2010, au Salon de l’agriculture, résume parfaitement l’approche de Nicolas Sarkozy en ce domaine. Le Grenelle, initié le 21 mai 2007, sous sa houlette et celle de Jean-Louis Borloo, avait affiché un projet plutôt ambitieux, contrastant, (LIRE la SUITE…)

Marine Le Pen

Interrogée par terraeco, Marine Le Pen montre la superficialité de son engagement écolo :

Une fiscalité écologique ? Non, il faut arrêter la fiscalité à tout prix. Les gens n’en peuvent plus.

Pas de taxe carbone non plus ? Rien. Je pense que la seule façon de baisser les émissions de gaz (LIRE la SUITE…)

Nathalie Arthaud

Dans les années 1960, l’extrême gauche française s’était révélée totalement hermétique aux préoccupations écologistes. Lors de la candidature de René Dumont, la revue Lutte ouvrière du 23 juillet 1974 titrait : « L’écologie politique : un apolitisme réactionnaire ». La situation a-t-elle évoluée ? Nathalie Arthaud, porte-parole du parti trotskiste Lutte Ouvrière pour les présidentielles 2012 a été noté  0/10 par Christophe Magdelaine

Jacques Cheminade

Jacques Cheminade se lance à nouveau dans les présidentielles. Que représente-t-il en matière d’écologie ? Rien ! Ou plutôt l’inverse : Cheminade est adepte de l’écologie superficielle, croissanciste, technolâtre et pronucléaire. Avec ce programme, accompagné par un fatras contre l’oligarchie financière (LIRE la SUITE)

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L’aluminium des vaccins, la médecine et la science

Quand l’Académie de médecine et l’Académie des Sciences disent la même chose, nous devrions avoir confiance : Il serait « particulièrement dangereux » de recommander un moratoire (comme le demande un rapport parlementaire) sur l’aluminium dans les adjuvants vaccinaux*. Bizarre cependant qu’un pédiatre de 73 ans, Pierre Bégué, juge « particulièrement dangereux » un moratoire qui s’apparente à un principe de précaution. En fait les deux Académies ne sont qu’un lobby, certainement pas des comités scientifiques. Démontrons :

– En 2003, Bernard Cassen avait dévoilé les mentalités et les liens avec l’argent qui sous-tendaient les jugements « scientifiques » de l’Académie des sciences à propos des OGM … En résumé, elle se comporte comme la courroie de transmission de l’industrie. On peut le déceler pour au moins trois raisons : la non-prise en compte des travaux d’autres institutions ou personnalités scientifiques sur le même sujet ; l’incursion dans un domaine qui n’est absolument pas du ressort de l’Académie, celui de la politique commerciale ; enfin, et ceci explique sans doute cela, les liens entre certains de leurs membres et les grands groupes industriels du secteur. Le groupe de travail qui a préparé le rapport de l’Académie des sciences est presque entièrement composé de personnalités connues depuis longtemps pour leur enthousiasme pro-OGM. Ses conclusions sont aussi peu inattendues que celles d’un comité devant se prononcer sur les risques du tabagisme et qui comprendrait des représentants des producteurs de tabac et des « scientifiques » liés à eux par des contrats de recherche.

– en 2004, le rapport de l’Académie des sciences sur les nanotechnologies : « Ce monde est porteur d’une évolution industrielle majeure, celle des nanotechnologies, qui permet d’organiser la matière à l’échelle de l’atome. Les implications sont considérables dans tous les secteurs. Quelques réalisations existent déjà, d’autres restent encore aujourd’hui du domaine du rêve, mais qui se matérialisera bien vite. Ce rapport présente les applications actuelles, il présente également des recommandations visant à faire en sorte que la recherche française défende son rang au plan international. » Cette Académie dite des sciences s’intéresse aux applications de la science, pas à la science elle-même.

– En 2005, avant même les débats parlementaires, les Académies des sciences et de médecine craignaient que l’inscription du principe de précaution dans la Constitution n’ait des conséquences « désastreuses ». Comment comprendre la guerre déclarée par l’Académie des sciences au principe de précaution qui exige la recherche scientifique de réponses aux questions posées par les avancées technologiques ? Les rapports sont préparés par un petit nombre de membres dont certains entretiennent des rapports étroits avec l’industrie. En fait les Académies ne s’intéressent pas à la science mais à la politique (économique).

– En 2009, rapport très controversé de l’Académie de médecine sur les ondes. Cette Académie jugeait dangereuse une baisse des normes d’exposition aux ondes, alors que cette baisse ne pouvait, en toute hypothèse, qu’être favorable à la santé humaine. Parmi les rapporteurs, on comptait plusieurs membres en copinage avec les opérateurs, particulièrement Bouygues Telecom, ainsi que deux personnes extérieures au sujet. Ce type de comité est-il de nature à  délivrer l’avis des sommités médicales sur un sujet de santé publique ?

– En 2010, l’Académie des sciences était mandatée pour déterminer si Allègre était un imposteur ou un affabulateur. Cette Académie « des sciences » a simplement déclaré (bien après toutes les autres instances scientifiques internationales) que le réchauffement climatique était une réalité. Une Académie qui a discuté à huis clos et fonctionné avec un « comité secret ». Une Académie dont beaucoup de membres ont révélé leur méconnaissance des mécanismes climatiques dans des documents qui sont restés confidentiels. Une Académie qui ne sait pas ce que scientifique veut dire.

CONCLUSION de Biosphere : Rappelons qu’il ne suffit pas de s’appeler Académie des sciences pour faire de la science. Rappelons que le lobbying n’appartient pas au domaine scientifique. En fait Pierre Bégué craint qu’une polémique sur l’adjuvant aluminium ne détourne les familles de la vaccination : « C’est dangereux de déclencher des paniques sur quelque chose d’aussi important ». Mais c’est parfois encore plus dangereux de ne pas déclencher l’alerte !

* LE MONDE du 31 mars 2012, L’aluminium à nouveau sur la sellette

 

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Climatosceptiques, des marchands de doute

LE MONDE* consacre un article à la dénonciation des climatosceptiques. En complément, voici un résumé de l’épilogue du livre de Naomi Oreskes et Erik Conway, Les marchands de doute :

« Depuis cent cinquante ans, la civilisation industrielle s’est repue de l’énergie emmagasinée dans les combustibles  fossiles et aujourd’hui on nous présente l’addition. Et pourtant, nous prétendons que cette note n’est pas la nôtre. Il n’est pas surprenant que beaucoup d’entre nous soient dans le déni, il n’est pas étonnant que les marchands de doute aient du succès : ils nous ont fourni le prétexte pour ignorer la facture. Il est vrai que faire quelque chose implique des coûts, et si l’on n’est pas sûr que ces coûts soient compensés par des bénéfices futurs, la meilleure option est de ne rien faire ; tel est le résultat d’une analyse rationnelle. Il est vrai aussi que ceux qui ont le plus à gagner à laisser les choses en l’état mettent en avant la nécessité de douter. Toute preuve peut être contestée car on ne peut jamais prouver quelque chose à propos du futur. Mais cette conception relève d’une vision erronée de la science.

La science ne produit pas des certitudes, elle ne fournit qu’un consensus d’experts, fondé sur l’examen minutieux des faits. La plupart des gens ne comprennent pas cela. Si nous lisons un article de journal préservant deux points de vue opposés, nous pensons qu’ils ont chacun une certaine validité, et qu’il serait injuste de taire l’un des deux. Or souvent, l’un des points de vue est ultra-minoritaire. Cela nous conduit à dire que la science moderne est une entreprise collective. Dès les premiers jours, la science a été associée à des institutions – l’Accademia dei Lincei fondée en 1609, la Royal Society en Grande-Bretagne en 1660, l’Académie des sciences en France en 1666. On avait compris que pour créer des connaissances nouvelles, il fallait un moyen de confronter les apports des uns et des autres. Tant qu’une opinion n’est pas passée au filtre du jury composé par les pairs d’une discipline, ce n’est pas plus qu’une opinion. En science, on n’est pas censé s’accrocher à un sujet jusqu’à épuisement des opposants. Le schéma journalistique « il ou elle dit » ignore cette réalité. Exposer son opinion auprès du grand public plutôt que dans les cercles scientifiques s’écarte des protocoles institutionnels qui, pendant 400 ans, ont garanti la véracité des énoncés scientifiques.

Habituellement, nous nous efforçons de prendre des décisions à partir de la meilleure information que nous pouvons réunir. Nous devons faire confiance aux experts scientifiques sur les sujets de science parce qu’il n’y a pas d’autre alternative crédible. Si la communauté scientifique a été mandatée pour examiner le dossier de l’évolution du climat comme le GIEC, alors nous pouvons effectivement prendre au sérieux le résultat de ses investigations. Notons que tout travail expérimental est susceptible d’être contredit ou modifié par l’avancement des connaissances. Cela ne doit pas pour autant inciter à ignorer ce que nous savons déjà, et à remettre à plus tard une action à laquelle nos connaissances nous incitent à un moment donné. Le fondement d’une prise de décision, c’est tout simplement ce qui paraît raisonnable dans les circonstances du moment. »

CONCLUSION de ce blog : Il est trop facile pour les climatosceptiques de réduire la science au doute systématique et d’oublier qu’en science le doute doit être raisonnable au regard des faits. En matière de climat, les faits sont sans appel : ça chauffe. Et matière d’explication, le doute raisonnable conduit à une cause majeure (pas unique) : l’activité industrielle humaine. S’il reste un doute, de toute façon il faut savoir prendre les mesures qui s’imposent quand les conséquences de l’inaction peuvent être dramatiques.

* LE MONDE du 30 mars 2012, « Des chercheurs touchent beaucoup d’argent pour attaquer la science »

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le présidentiable anti-écolo, Jacques Cheminade

Jacques Cheminade, 70 ans, se lance à nouveau dans les présidentielles. Que représente-t-il en matière d’écologie ? Rien ! Ou plutôt l’inverse : Cheminade est adepte de l’écologie superficielle, croissanciste, technolâtre et pronucléaire. Avec ce programme, accompagné par un fatras contre l’oligarchie financière et pour « l’alliance des peuples », ce n’est pas étonnant qu’il ait obtenu ses 500 signatures : il correspond à une bonne partie de nos élus locaux…

Cheminade est croissanciste et antiécolo : « La décroissance et la croissance verte sont des illusions destructrices (…) L’investissement dans des technologies douces ou vertes, n’est que l’organisation d’un dépérissement anti-égalitaire et antidémocratique destructeur de l’homme. » Il est aussi antimalthusien :  « Il faudrait passer d’une écologie malthusienne à une écologie humaine (…) L’homme n’est pas un fléau destructeur de ressources, mais un créateur capable de changer volontairement son environnement pour le rendre plus apte à être peuplé. » Pour lui, la capacité de charge biophysique de la Terre n’est pas limitée car « les lois intangibles  ne sont que des contraintes momentanées, qui peuvent être dépassées par des découvertes de principes physiques nouveaux, appliqués sous forme de technologies plus denses. » Cheminade affirme que la géothermie, les éoliennes, le solaire ou les marées ne peuvent être une solution pour assurer un futur à une espèce humaine en développement. Où se procure-t-il donc l’énergie nécessaire :  « Le nucléaire en développement continu, passant aussi rapidement que possible au nucléaire de quatrième génération et à la fusion thermonucléaire contrôlée. » Cheminade rêve aussi à un remplacement des « carburants fossiles pour les transports par une économie de l’hydrogène ». Car il a une foi sans limite dans « la capacité créatrice de l’être humain », y compris en reprenant ce qui a été un échec retentissant :  « aérotrain de l’ingénieur Bertin… voiture à hydrogène ». Il croit même que notre avenir est inscrit dans l’espace ; son objectif le plus fou, le peuplement humain de l’ensemble du système solaire ! Le problème de l’énergie n’est pas son problème.

Mais son programme ne présente aucun engagement concernant la préservation de la biodiversité, la lutte contre les émissions excessives de gaz à effet de serre, la prévention des risques naturels, le soutien aux énergies renouvelables, l’élimination des produits chimiques dangereux, la diminution des déchets, l’augmentation de la réutilisation et du recyclage, l’amélioration du bien-être animal. Le problème fondamental, c’est que le (non) programme de Cheminade n’est pas très loin de celui des autres candidats à la présidentielle…

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le désastreux bilan écologique du sarkozysme

Une analyse d’un de nos correspondants, René Hamm :

« L’environnement, ça commence à bien faire! » : cette saillie balancée, le 6 mars 2010, au Salon de l’agriculture, résume parfaitement l’approche de Nicolas Sarkozy en ce domaine. Le Grenelle, initié le 21 mai 2007, sous sa houlette et celle de Jean-Louis Borloo, avait affiché un projet plutôt ambitieux, contrastant, en théorie, avec le surplace de l’époque où des ministres verts siégeaient au cabinet (1). Lors de la restitution officielle des dossiers préparatoires, en date du 25 octobre 2007, le chef de l’État avait conféré à cet événement le statut de «New deal», de «révolution copernicienne dans nos façons de penser, de décider, dans nos comportements, nos objectifs et critères» (rien que ça !).

Kermesse lamentable

Des rencontres et consultations diverses émanèrent deux cent soixante-huit engagements que trente-quatre comités mettraient en œuvre. La loi du 3 août 2009 vise la division par quatre des émissions de gaz à effet de serre, le transfert du fret routier (94%) vers d’autres modes, confirme la création d’un carnet de santé du salarié retraçant les expositions aux matières dangereuses, le renforcement du contrôle des éco-organismes… Celle du 12 juillet 2010 comprenant deux cent quarante-huit articles porte sur l’application des dispositions dans l’ensemble des secteurs couverts par les six groupes de travail. Parmi les préconisations: la construction de bâtiments plus sobres énergétiquement, la rénovation thermique du parc ancien (2), la priorité aux transports collectifs tout en recommandant le recours à des véhicules électriques ou hybrides rechargeables, l’expérimentation, puis l’élargissement de l’étiquetage environnemental sur les marchandises, la maîtrise des substances phytopharmaceutiques dans l’agriculture et l’encouragement au bio, l’instauration d’une nouvelle gouvernance écologique en désignant des associations représentatives conviées à participer au dialogue institutionnel, la lutte contre toutes sortes de nuisances, la prise en compte de risques émergents (ondes électromagnétiques, nanotechnologies…). Si le rapport «indépendant» ( !?!) de 170 pages que la société Ernst & Young (3) avait remis le 2 novembre 2010 à ses commanditaires a dressé un tableau évidemment flatteur, douze jours auparavant, le Réseau Action Climat (4) avait émis des critiques très sévères sur ce que Fabrice Nicolino a qualifié de «pièce bouffonne» (5) ou Jean-Christophe Mathias de «bal des impostures», de «guignolade», de «kermesse lamentable» (6). Stephen Kerkhove, délégué général d’Agir pour l’environnement, parle d’un «processus hors-sol» destiné à «saturer l’agenda médiatique et verdir une politique éco-prédatrice» (7).

Dans son «bilan climat-énergie» coordonné par Olivier Louchard, le RAC pointe les insuffisances criantes et les tares rédhibitoires. Ainsi, l’enterrement de la taxe carbone et le report de celle sur les camions, l’inscription des maïs transgéniques au catalogue des semences ou l’homologation d’insecticides tueurs d’abeilles dénotent non seulement l’hypocrisie du pouvoir, mais aussi sa soumission aux lobbies concernés. Parallèlement à de très rares avancées comme une meilleure isolation des logements neufs qui limiterait à un maximum de cinquante kilowatts/heure la consommation par mètre carré à l’année, le gouvernement relança de 8% (mille kilomètres supplémentaires) la construction d’autoroutes (A 63 dans les Landes, A 65 Langon-Pau, A 150 de Rouen au Havre, contournement ouest de Strasbourg), autorisa la circulation de poids lourds de quarante-quatre tonnes, préserva le transport aérien par le maintien de l’exonération de taxe pour le kérosène et l’aval octroyé à l’aéroport de Notre-Dame des Landes (8), à une vingtaine de bornes au nord-ouest de Nantes, situé de surcroît dans une zone humide. Le subventionnement et les aides fiscales aux agrocarburants ne témoignent pas une réflexion poussée sur cette aberration qui s’apparente aux yeux de Jean Ziegler à un «crime contre l’humanité» (9).
Billevesées

Au niveau du rail, nos dirigeants s’enthousiasment essentiellement pour les lignes à grande vitesse (sept en prévision). Esbroufe également pour les énergies renouvelables que l’on prétendait promouvoir (23% d’ici 2020). Face au succès de la demande, le 30 septembre 2010, le gouvernement avait réduit, en vue de l’exercice 2011, de 50 à 25% le crédit d’impôt pour l’acquisition de panneaux photovoltaïques. Un revers de plus pour la branche déjà touchée par la baisse de 12% des tarifs d’achat du jus solaire, le 1er septembre 2010. L’intégration, annoncée solennellement par le pote de Vincent Bolloré, pour chaque opération d’envergure, des incidences sur le climat et la biodiversité, n’a pas été traduite dans la législation. Des thèmes aussi peu anodins que le nucléaire, l’eau et la sauvegarde des espèces menacées d’extinction ne figuraient même pas au programme. Neuf ONG avaient bénéficié d’une accréditation. Le Réseau Sortir du nucléaire, Agir pour l’environnement le RAC avaient été exclus. En désaccord total avec la chancelière Angela Merkel, laquelle, choquée par la catastrophe de Fukushima, avait nettement revu à la baisse la proportion du nucléaire dans le mix global (10), Nicolas Sarkozy, multipliant approximations, mensonges et contre-vérités, reste un farouche propagandiste de l’industrie atomique. Le 25 novembre 2011, à l’usine d’enrichissement de l’uranium à Pierrelatte (Drôme), une des entités du site du Tricastin, devant les employé(-e)s d’Areva et d’EDF ravi(-e)s, il avait décliné son credo sur «l’intérêt supérieur du pays», «la souveraineté nationale», menacés par la moindre velléité d’écorner ce fleuron hérité du gaullisme, n’omettant pas de saluer pour le coup François Mitterrand (11), qui assuma sans ciller l’héritage de ses prédécesseurs.

Ne bouleverser que d’un chouias cette donne qui reposerait sur «un consensus vieux de plus de soixante-cinq ans » équivaudrait à dilapider «inéluctablement des trésors d’intelligence et de recherches accumulés depuis sept décennies», à «revenir au Moyen-Âge», «au temps de la bougie» (sic). Ce genre de billevesées passe dans une salle acquise par avance à l’orateur. Se trémousser en lançant «Devons-nous être le seul pays à tourner le dos au progrès ?» ne l’a évidemment exposé à aucune objection. Peu importe que sa copine de Berlin ait emprunté une autre voie, que les 12 et 13 juin 2011, 94,7% des citoyen(-ne)s transalpin(-e)s aient rejeté l’implantation voulue par Silvio Berlusconi, de quatre nouveaux réacteurs d’ici 2020, en coopération avec AREVA et EDF, que le peuple autrichien ait refusé, lors d’un référendum organisé le 5 novembre 1978, à 50,47%, la mise en service de l’unique centrale de Zwetendorf (692 mégawatts nets), à cinquante kilomètres à l’ouest de Vienne (12)!… La pratique de la manipulation, de la langue de bois et de la dissimulation ne date pas d’hier. De mars 1987 à mai 1988, Nicolas Sarkozy officia comme chargé de mission au ministère de l’Intérieur pour la lutte contre les risques chimiques et radiologiques, sous l’autorité de Charles Pasqua, un cador ès-bidouillages. L’idée qu’il eût contribué à la désinformation sur le nuage de Tchernobyl m’effleure avec insistance…

(1) Dominique Voynet, du 4 juin 1997 au 9 juillet 2001, puis Yves Cochet, du 10 juillet 2001 au 5 mai 2002.

(2) Dans le droit fil du «diagnostic de performance énergétique» applicable depuis le 1er novembre 2006 à la vente de maisons et d’appartements ainsi qu’à partir du 1er juillet 2007 pour les habitations louées tout comme pour la cession de bâtiments neufs? Cette expertise, qui n’a toujours qu’un caractère informatif, n’impose aucune obligation de travaux.

(3) Les «experts»: Alain Grimfeld, président du Comité national d’éthique, le climatologue Jean Jouzel, Nicole Notat, ex-patronne de la CFDT et Présidente-directrice générale de l’agence de notation Vigeo, ou encore l’avocat Philippe Pelletier. Pas davantage que pour l’étude du Boston Consulting Group, publiée le 16 juin 2009, nous n’en apprendrons le prix.

(4) Il fédère dix-huit mouvements nationaux (Agir pour l’Environnement, Les Amis de la terre, Greenpeace, le World Wide Fund for nature, la Ligue de protection des oiseaux, Le Réseau Sortir du nucléaire…) et onze associations locales.

(5) «Qui a tué l’écologie?», Éditions Les liens qui libèrent, Paris, mars 2011, 303 pages, 20,50 euros. Le collaborateur au magazine Terre Sauvage réserve essentiellement ses piques implacables à quatre des principales associations environnementalistes, coupables, selon lui, d’arrangements, voire de franches complicités, avec les saccageurs des écosystèmes. Il pointe les compromission de la Fondation Hulot, du World Wide Fund for Nature, de France Nature Environnement et de Greenpeace France à l’occasion du Grenelle de l’Environnement.

(6) Cf. son essai d’excellente facture, à haute teneur philosophique et poétique «Politique de Cassandre. Manifeste républicain pour une écologie radicale», Éditions Sang de la Terre, 1er trimestre 2009, 256 pages, 18,90 euros. Le chercheur, artiste et paysan charentais consacre notamment quelques pages au «concept schizophrénique» de «développement durable», une de ces coquecigrues conçues pour consolider, sous une terminologie light, les schèmes du productivisme effréné.

(7) «Grenelle de l’environnement: l’histoire d’un échec», Éditions Yves Michel, octobre 2010, 128 pages, 10 euros.

(8) Le 24 mars, une manifestation a réuni environ dix mille opposant(-e)s dans les rues de Nantes dont le maire, Jean-Marc Ayrault (PS) est favorable au projet.

(9) Dans «Destruction massive. Géopolitique de la faim», Le Seuil, octobre 2011, 352 pages, 20 €.

(10) 22% avant la tragédie au Japon. Le 30 juin 2011, le Bundestag avait approuvé à une très large majorité la décision de la coalition CDU/CSU/FDP d’arrêter les sept complexes les plus anciens, plus celui de Krümmel (non loin de Hambourg), constamment perclus de pannes. Les neuf unités restantes seront déconnectées au plus tard en 2022.

(11) Notre pays avait loupé à l’été 1981 le coche de l’indispensable mutation, parce que l’alliance socialo-communiste avait jeté à bas toutes les promesses de moratoire, de vaste consultation, de diversification des sources, de lutte contre les gaspillages. Je vous renvoie à mes nombreux articles afférents aux «atomes très crochus», lisibles sur divers sites web, mon papier au sommaire d’À contre-courant syndical et politique d’août 2011, mon long courrier inséré dans Politis du 22 décembre 2011 et celui, un peu plus concis, paru dans le mensuel Alternatives économiques de ce mois-ci.

(12) Le 13 août 1999, entra en vigueur la loi constitutionnelle pour une Autriche sans atome, interdisant la fabrication, le stockage, les tests, le transport d’armes nucléaires de même que l’édification de centrales.

http://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2012/03/28/le-desastreux-bilan-ecologique-du-sarkozysme/

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fin programmée de l’exploitation du sous-sol

Le président panaméen Ricardo Martinelli a promulgué une loi qui interdit l’exploitation minière sur les territoires indigènes (©AFP / 26 mars 2012). Selon cette loi, l’attribution de concessions pour l’exploration, l’exploitation et l’extraction minières est interdite dans la région de Ngöbe Buglé.

Si une telle mesure était prise par les pays de l’OPEP pour le pétrole, ce serait l’effondrement de la civilisation thermo-industrielle. Mais de cela les Américains n’ont qu’une très vague idée. La réalité du chiffre « 4 dollars le gallon » semble incompréhensible à l’automobiliste. Ce prix qui lui semble exorbitant découlerait  de considérations conjoncturelles : incurie du gouvernement, avidité des compagnies pétrolières, spéculation, problème iranien… jamais de l’épuisement des nappes de pétrole. De leur côté les candidats républicains ont une recette bien à eux, « Drill baby drill » (forons, forons). Il suffirait d’investir suffisamment et le pétrole va à nouveau couler d’abondance. Erreur ! Les économistes s’imaginent que l’augmentation du prix du pétrole se traduit par une proportionnelle des réserves : ont-ils seulement réalisé que les augmentations de prix seront incapables de créer le moindre gisement de pétrole dans le sous-sol ? Pourtant les géologues pétroliers ont donné l’alerte dès la fin des années 1980, quand il est apparu de façon indiscutable que les quantités de pétrole nouvellement découvertes déclinaient sans cesse et étaient devenues, en année moyenne, durablement inférieures aux quantités consommées. La prochaine bulle spéculative, après celle de l’immobilier américain, sera celle du pétrole, et les effets en seront bien plus graves ! Cette situation va entraîner une compétition croissante pour l’approvisionnement en énergie.*

De tout cela, la journaliste du MONDE, Claire Gatinois**, n’a semble-t-il aucune connaissance. Claire pense que nous prêtons une attention disproportionnée au prix de l’essence qui ne serait au fond pour les ménages qu’un prix parmi d’autres. Elle ne connaît pas l’analyse de Jean-Marc Jancovici : « Si demain nous n’avions plus de pétrole, ni gaz, ni charbon, ce n’est pas 4 % du PIB que nous perdrions (la place de l’énergie dans le PIB), mais près de 99 %. »  Claire pense que les Etats-Unis pourraient même supporter un baril à 140 dollars sans trop souffrir*. Elle n’a aucune conscience de l’avenir prévisible, un baril à 200 dollars, 300 dollars, 400 dollars… la rareté croissante du pétrole faisant exploser les prix.

* La crise pétrolière de Bernard Durand

** LE MONDE du 28 mars 2012, Pétrole : un prix pas comme les autres

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Made in France ou relocalisation de proximité ?

La campagne présidentielle célèbre le made in France. Mais LE MONDE* s’interroge : peut-on vraiment consommer 100 % français ? Les journalistes pointent la difficulté d’acheter local quand la France a perdu plus d’un quart de ses emplois industriels depuis 1991 : « Vous ne pouvez être sûr d’acheter français que pour des fromages ou du vin AOC. » Le label « origine France garantie » est accordé aux produits fabriqués en France et dont la moitié de la valeur ajoutée est tricolore : à moitié français donc. Comble du paradoxe, ce n’est pas parce qu’un produit est assemblé à l’étranger qu’il n’est pas français par ses composantes ! Croire actuellement au protectionnisme et à la démondialisation serait donc un leurre. Mais la délocalisation a entraîné le chômage. C’est pourquoi LE MONDE économie** ménage la chèvre et le chou : « Passer du free trade au fair trade est à explorer, plutôt qu’une guerre commerciale généralisée ou un effondrement économique et social. »

Avant le XIXe siècle, les échanges internationaux étaient limités par le coût et la difficulté des transports. Le véritable début du libre-échange moderne remonte à 1846 en Angleterre : l’abolition des corn laws (lois sur le blé) qui protégeaient le marché interne de l’importation des céréales. L’ouverture des échanges grâce aux nouvelles technique de déplacement est une victoire, préparée par la théorie de Ricardo, des milieux industriels sur les intérêts agricoles. Fini la souveraineté alimentaire, place au productivisme. Cette approche dogmatique du libre-échange a conduit à considérer l’intégration dans l’économie mondiale comme une fin en soi et non plus comme un moyen d’ouverture intellectuelle. Historiquement, l’idéologie libre-échangiste provient des sociétés dominées par une aristocratie : l’Angleterre victorienne, le sud esclavagiste des USA, la Prusse et la Russie de l’époque du servage. Toutes ces sociétés étaient centrées sur l’exportation plutôt que sur la consommation. Dans l’expression libre-échange, l’adjectif « libre » est bien sympathique, mais d’autant plus trompeur ! Le développement du libre-échange est argumenté en termes d’intérêt général, alors qu’il ne sert en définitive que les intérêts des plus forts, centrés sur le profit. Demain le coût et la difficulté des transports pousseront à la démondialisation. Le journaliste Adrien de Tricornot parle d’« effondrement »  et n’en dit pas plus, complétons. Effondrement parce que notre extrême dépendance aux productions lointaines témoigne de la fragilité incommensurable de notre niveau de vie. Effondrement parce que c’est l’énergie fossile qui a autorisé l’expansion du libre-échange et que la descente énergétique va pousser au chacun pour soi. Que faire ?

Si nous le voulons, une certaine forme du passé sera notre avenir : vivre à la fois au Moyen Age et dans le monde moderne. Au Moyen Age, 90 % des biens que consomme un paysan sont produits dans un cercle de cinq kilomètres autour de son habitation ; dans des sociétés de résilience, il  en serait presque de même, l’électricité en plus. Si nous limitons nos besoins à l’essentiel, les forces de production locales et la coopération mondiale suffiraient à couvrir tous les besoins matériels de l’humanité. On pourrait avoir en même temps une auto-production poussée et des échanges mondiaux spécifiques, une monnaie transnationale et des monnaies locales, l’universalité de l’espéranto et des patois locaux, une pensée globalisée et un enracinement culturel de proximité. Mais ce n’est pas ce que disent les présidentiables en France aujourd’hui !

* LE MONDE du 27 mars 2012, Le parcours du combattant pour acheter local

** LE MONDE économie du 27 mars 2012, Du libre-échange au commerce loyal

 

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Jean-Luc Mélenchon entre productivisme et décroissance

Y’avait pas pire productiviste que Jean-Luc Mélenchon ! Alors qu’il était encore au parti socialiste, il avait commis une contribution générale, « Réinventer la gauche pour le Congrès de Reims (novembre 2008). Il s’intéressait uniquement au fait d’empêcher la mutation du PS en parti démocrate, à refuser l’Europe américaine et le Traité de Lisbonne, à nouer des alliances à gauche seulement et « sans exclusive ». Rien sur l’écologie. Ah, si ! Y’avait un chapitre sur la planification écologique : « Seules les politiques qui oseront remettre en question le dogme anti-Etat permettront de lutter efficacement contre la destruction de notre environnement ». Rien de précis comme contenu, il suffirait sans doute de confier son porte-monnaie à l’Etat pour que la planète soit propre. Mais le vent de l’opinion publique tourne, et les politiques suivent, comme les girouettes. Le tout récent « parti de gauche » représenté par l’ex-PS Mélenchon se confiait en 2009 au mensuel La Décroissance* sous le titre « Une écologie républicaine » :

« Dès ses premiers pas, le Parti de gauche a affirmé sa volonté de rompre avec le productivisme… Le Parti de gauche est partie prenante de l’écologie politique… On ne peut changer la société sans penser l’humanité dans son écosystème…Je suis favorable à une décontamination publicitaire de l’espace public… Les mouvements antipub, injustement criminalisés, contribuent à défendre l’intérêt général… Je crois que l’idée même de publicité doit être interrogée. Comment ne pas voir sa place centrale dans la production méthodique des frustrations qui sont la base de l’extension du  productivisme ?… Nous sommes pour un écart maximum de 1 à 20 entre les plus hauts et les plus bas salaires dans chaque entreprise… La relocalisation de la production au plus près des besoins sociaux sera un levier de long terme pour limiter le routier au strict nécessaire… Notre parti est favorable à une sortie maîtrisée du nucléaire… Concernant les OGM, le Parti de gauche défend un moratoire sur leur mise en culture, leur commercialisation et donc aussi leur importation. »

Qu’il est jouissif de contempler un ancien productiviste en train de manger son chapeau !!!

* La Décroissance (journal de la joie de vivre) n° 58, avril 2009

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la planification écologique selon Jean-Luc Mélenchon

Un des neufs points du programme* de Jean-Luc Mélenchon pour 2012 porte sur la planification écologique. Il portait déjà cette idée dans sa contribution générale au Congrès de Reims de novembre 2008 (chapitre intitulé « Proposons la planification écologique »). Il était alors au PS ! Jean-Luc exprimait alors le fait que le programme socialiste devrait être celui d’un « Etat organisateur du temps long ». C’est là une évidence que François Hollande semble avoir oublié. Jean-Luc constatait : « Chacun sent bien que la catastrophe écologique s’avance ». C’est là une évidence que François Hollande semble avoir oublié. Jean-Luc concluait que la planification écologique réintroduira la logique de l’intérêt général. Mais voyons ce que ces généralités deviennent maintenant que Jean-Luc représente le Front de gauche aux présidentielles 2012.

Jean-Luc Mélenchon n’a pas changé, il mobilise les mêmes thèmes : « Nous le savons désormais, la catastrophe écologique remet potentiellement en cause les conditions même de la vie sur Terre… Nous proposons de redéfinir nos modèles de production, de consommation et d’échange en fonction de l’intérêt général de l’humanité. » Mais il est bien obligé de rentrer dans les détails. Jean-Luc se situe alors toujours du côté de l’offre d’énergie, faisant confiance à une main mise de l’Etat sur le secteur de l’énergie : un pôle 100 % public comprenant EDF, GDF, Areva et Total renationalisé. Or, public ou privé, les ressources de pétrole ou de gaz ne vont pas augmenter pour autant. Dans le domaine du nucléaire civil, il reste dans le flou en promettant un référendum. On retrouvait la même désinvolture dans la proposition 38 de Mitterrand en 1981, en plus précis : « Le programme nucléaire sera limité aux centrales en cours de construction, en attendant que le pays, réellement informé, puisse se prononcer par référendum. » Depuis les socialistes n’ont jamais donné la parole au peuple sur la question nucléaire… Mélenchon a été et reste un bon Mitterrandien ! Du côté de la demande d’énergie, Jean-Luc saupoudre son texte de « sobriété énergétique », mais sous réserves : « La nécessaire réduction des consommations ne peut conduire à réduire le niveau de vie des classes populaires ». L’écran plat et le dernier iPad sont-ils des consommations nécessaires ? On voudrait savoir ! Si le programme prévoit beaucoup pour réactiver le rail, rien n’est dit contre la voiture individuelle. Or c’est la voiture qui fait la faiblesse du rail.

On trouve encore quelques mesurettes comme l’interdiction des OGM en plein champ ou la limitation de la publicité dans l’espace public, mais c’est toujours le grand flou pour la mise en oeuvre. Quant à la lutte contre les gaz à effet de serre, on se garde bien d’évoquer la taxe carbone pour simplement instaurer une taxe kilométrique « de manière à réduire les transports de marchandises évitables » !? La planification écologique se termine par la constitution d’un grand service de l’eau. On nous fait donc croire que quand l’énergie et l’eau seront gérés par l’Etat, tous les problèmes de raréfaction de la ressource seront résolus. Autant dire qu’on croit encore aux vertus de la planification impérative de feu l’Union soviétique ! En 2008 comme pour 2012, selon Mélenchon, « seules les politiques qui oseront remettre en question le dogme anti-Etat permettront de lutter efficacement contre la destruction de notre environnement ». Ce n’est pas un programme politique, c’est dans le registre de l’incantation.

En fait ce programme de gauche traditionaliste, basée sur le rôle renforcé de l’Etat central, hésite à se prononcer sur la croissance économique dont on sait pourtant qu’elle est la cause de la dégradation de notre environnement. On trouve l’expression « croissance réelle » (p.35), « développement humain durable » (p.36), ou « un nouveau type de croissance » (p.49), mais c’est toujours pour y voir une création d’emplois et un facteur d’égalité sociale, jamais pour envisager le déséquilibre des écosystèmes. « L’ humain d’abord » est d’ailleurs le sous-titre de ce programme ; cette expression est significative d’un oubli flagrant de ce qui fait nos véritables richesses, l’existence de ressources naturelles dont Mélenchon ne perçoit nullement l’épuisement (pic pétrolier, stress  hydrique, etc.).

Un point est à remarquer dans ce programme qui se veut écologique sans y parvenir, l’IPH ou Indicateur synthétique de progrès humain. Là, on fait tellement fort qu’on en oublie totalement le rôle de l’économie et du PIB. Il s’agit de prendre en compte quatre critères, l’épanouissement personnel et l’émancipation, la sociabilité et la cohésion sociale, l’égalité et la justice sociale, le respect de l’environnement. Rien sur les rapports conflictuels entre économie, écologie et progrès social !

* NB : le programme du Front de gauche (L’humain d’abord) pour 2012 est en vente en librairie pour 2 euros…

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Mélenchon, la règle d’or et la règle verte !

Le présidentiable Mélenchon récuse l’or et opte pour le vert ! La règle d’or serait l’inscription dans la Constitution du retour à l’équilibre des recettes publiques, la règle verte* aurait pour ambition de « rembourser la dette écologique ». Or Mélenchon est contre l’austérité, donc pour la pratique keynésienne d’une relance de l’économie par le déficit budgétaire. Mélenchon nous cache que cette méthode pernicieuse a abouti dans les années 1974-79 à la stagflation, mélange de stagnation économique (donc de chômage croissant) et  d’inflation à deux chiffres.  Mélenchon invente la règle verte, mais c’est toujours au rouge qu’il pense. Paul Ariès**, qui soutient Mélenchon, montre les contradictions du discours rouge/vert : « Il ne s’agira surtout pas d’appeler les gens à se serrer la ceinture » alors qu’Ariès reconnaît dans le même temps qu’il « nous faut réduire d’environ 60 %  notre empreinte écologique ».

Tout le monde est normalement écologiste puisque directement concerné par les mésaventures de la biosphère. Mais il y a l’écologie superficielle, celle de Mélenchon qui cultive le consensus à gauche de la gauche, celle qui permet de haranguer les foules à un meeting. Et il y a l’écologie profonde, celle qui sait que la dette écologique s’est déjà concrétisé par une dilapidation du capital naturel, donc non remboursable. Pour réagir et s’en sortir collectivement, une seule issue : il faut prôner l’austérité, autrement dit la sobriété énergétique et la fin du pouvoir d’acheter n’importe quoi.

Si Mélenchon était un vrai chef d’Etat garant d’un avenir moins sombre, il n’aurait qu’un seul mot à la bouche, austérité, austérité. C’est ce qui se passe actuellement au Japon***. Dorénavant les parents japonais pensent qu’il faut apprendre à leurs enfants à vivre de manière plus austère. La dette publique a explosé, il y a eu Fukushima, le chômage est structurel et le Japon n’a pas de pétrole. L’argent ne tombe pas du ciel et pourtant les enfants, nés dans la société d’abondance, ne savent pas d’où vient l’argent, si ce n’est « de la banque ». « Que faites-vous quand vous n’avez plus d’argent ? » « On va à la banque », est la réponse des nouvelles générations. Il faut donc une « alphabétisation financière » à l’école pour préparer les enfants à une vie plus austère. Mélenchon devrait suivre de tels cours et arrêter de rêver à un avenir en rouge… La « révolution » s’est toujours accompagnée du rouge sang.

* LE MONDE du 25-26 mars 2011, chronique écologie d’Hervé Kempf, « Nouveau : la règle verte »

** Place au peuple selon Paul Ariès

*** LE MONDE du 24 mars 2012, Les petits Japonais à l’école de l’austérité

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