Pourquoi l’écoloscepticisme triomphe actuellement
Il est toujours étonnant de constater la force de l’écoloscepticisme alors que tous les indicateurs de santé de la biosphère ont viré au rouge. Stéphane Foucart se penche encore une fois sur les dessous du lobby climatosceptique* : rémunération par les entreprises, expertises bidon, désinformation virale. On retrouve parfois chez les vendus au capital les mêmes irresponsables qui ont contesté la dangerosité de l’amiante ou les effets du tabac. La routine. Mais cela ne peut expliquer entièrement la notoriété d’Allègre en France et le fait qu’un américain sur deux est aujourd’hui en désaccord sur le consensus scientifique au niveau du climat. Allons plus loin.
D’abord il est plus facile de croire qu’une réalité scientifique est controversée et incertaine plutôt que de lire les rapports officiels. Il y a en chacun de nous un paresseux qui sommeille. Ensuite les gens sont sensibles aux avantages acquis et attachés à leur confort, ils se foutent de la perte de biodiversité ou du pic pétrolier : une espèce en voie de disparition reste un concept abstrait quand on aime bien toucher le volant de sa bagnole. Il y a donc une masse de personnes qui sont prêtes à défendre bec et ongle le système actuel sans se soucier du plus long terme. Par voie de conséquence la mobilisation sur Internet des écologistes est une fraction négligeable de l’Internet global. Le peuple écolo n’existe pas encore.
En fait l’écoloscepticisme est en phase avec un système moribond. Quant tout fout le camp, les gens sont prêts à soutenir ceux qui les rassurent, l’extrême droite en France et ailleurs, le Tea Party aux USA, les marchands d’illusions. On ne veut pas imaginer le pire, on veut continuer à croire au progrès technique qui sauve, à la hausse infinie du pouvoir d’achat, au maintien de ses privilèges. Nous trouvons significatif que Josh Brecheen**, élu républicain de l’Oklahoma présente un projet de loi dans son Etat qui vise à « promouvoir une réflexion critique dans les école sur les théories scientifiques incluant, mais sans s’y limiter, l’évolution, l’origine de la vie, le réchauffement climatique et le clonage humain. » Qu‘un candidat aux présidentielles américaines, Rick Santorum, puisse affirmer sans rire que le réchauffement climatique est « un canular » montre aussi l’ampleur de l’écoloscepticisme. Santorum, qui est un farouche partisan des énergies fossiles, a expliqué ainsi ses errements : « En tant que créatures de Dieu, nous avons été mis sur cette Terre pour exercer notre domination sur elle, pour l’utiliser et la gérer avec sagesse, mais à notre bénéfice, pas à celui de la Terre. » Où est la sagesse de quelqu’un qui vise à faire vivre nos générations futures dans un écosystème complètement déséquilibré ? Tenter d’ignorer notre dépendance, établir avec la nature un rôle de maître à esclave, a contribué à l’aliénation de l’homme lui-même.
Nous espérons qu’un jour la complicité de crimes contre l’environnement entrera dans la jurisprudence.
* LE MONDE du 18 février 2012, Le Heartland Institute, un think tank qui conteste la science climatique, est fragilisé par une fuite de documents.
NB : Le « heartland » est une idéologie selon laquelle les USA doivent dominer le monde en agissant sur ses diverses « zones ». Il est significatif qu’un institut se réclamant de cette vision impérialiste diffuse de la propagande climatosceptique.
** http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2012/02/14/offensive-anti-science-aux-etats-unis/
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