les tenants de l’aveuglement climatique

Prenons l’exemple de la controverse climatique. Alors qu’on ne répertorie aucune contestation directe de l’origine anthropique du réchauffement climatique dans les revues scientifiques à comité de lecture, on constate sur la même période que 53 % des articles grand public de la presse américaine mettaient en doute les conclusions scientifiques. Ce décalage s’explique par la volonté des médias de flatter le goût du spectacle, ainsi que par la façon simpliste (pour ou contre) de traiter des sujets complexes. En conséquence les représentations sociales de l’effet de serre démontrant un sérieux décrochage du pourcentage de Français attribuant le dérèglement climatique aux activités humaines (65 % en 2010, contre 81 % en 2009). Ces dérives qui engendrent doute et scepticisme au sein de la population permettent aux dirigeants actuels, dont le manque de connaissance scientifique est alarmant, de justifier leur inaction.

Parce que nous créons les moyens de l’appauvrissement de la vie sur terre et que nous nions la possibilité de la catastrophe, nous rendons celle-ci crédible.

Bref résumé d’un texte de Michel Rocard, Dominique Bourg et Floran Augagneur (Le Monde du 3-4 avril 2011, Le  genre humain, menacé)

NB : nous sommes heureux de voir que LeMonde-papier se fait l’écho des thèses que nous défendons sur ce blog, par exemple

Allègre n’aura jamais tort !?

Non à l’ultralibéralisme sceptique

Journalisme complice du climato-scepticisme

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nucléaire et démocratie ne vont pas bien ensemble

Il n’y a rien de plus démoralisant dans un pays qui se dit démocratique que la rétention d’informations cruciales quand chacun se doit être absolument transparent pour payer ses impôts. Au Japon, le nucléocrate Tepco a toujours essayé de cacher le maximum de choses. Comme l’industrie nucléaire tient les médias dans sa main par l’intermédiaire de la pression publicitaire, la grande presse* n’a donné sur Fukushima que des informations insuffisantes et parcellaires. Et le lobby nucléaire depuis toujours a marché main dans la main avec le gouvernement…

                En France, la situation est similaire. Nous avons déjà analysé le point de vue nucléocrate de la CGT-énergie : les centrales, c’est l’anesthésie sociale, du boulot à la clé, de l’argent qui arrive. Nous connaissons l’attachement du parti socialiste au nucléaire : même sa commission nationale à l’environnement est traditionnellement noyautée par le CEA et Areva. Et pas besoin de vous faire un dessin sur l’opinion  du marchand de centrales qui se croit président, Sarkozy. Même sur le démantèlement règne le « secret d’Etat »*. LeMonde fait une analyse du démantèlement de la centrale de Brennilis*, mais cela aussi nous l’avons déjà développé. Nous pouvons ajouter aussi le casse-tête de Superphénix, un démantèlement à haut risque. Au lourd héritage des déchets radioactifs, s’ajoutera pour les générations futures le fardeau financier du démantèlement. Autant dire qu’il s’agit de refiler une impossibilité majeure. La préférence pour le présent est une plaie du monde dit moderne.

                Car beaucoup s’accrochent encore au nucléaire et rêvent de lendemains où la technologie nous sauvera des errements techniques d’aujourd’hui : ASTRID, ITER, OGM, nanotechnologies, géo-ingénierie… Il nous faut inventer une nouvelle laïcité qui ne séparera pas seulement le politique et la religion, mais aussi l’économique et la religion technologique !

* LeMonde du 1er avril 2011,

Les grands médias japonais sont désormais plus critiques.

Le coût réel de la fin de vie de la filière nucléaire : un « secret » d’Etat.

A la centrale de Brennilis, un démantèlement sans fin.

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Ghislain Nicaise et la quatrième génération

Dans les années 70 j’ai consacré une partie non négligeable de mes loisirs à participer à des débats publics sur l’énergie nucléaire. Pourquoi évoquer ces souvenirs d’ancien combattant dans l’actualité nucléaire ?

La dimension du problème nucléaire au Japon a amené ces jours-ci de nombreux commentateurs à se pencher sur l’avenir du nucléaire ailleurs qu’au Japon et particulièrement en France, pays densément équipé. A plusieurs reprises, la constatation que les réserves d’uranium fissile sont limitées a été évoquée et certains intervenants de mentionner la venue attendue des réacteurs de 4e génération. Cette seule dénomination sent l’arnaque ou, selon le point de vue, la promotion.

Alors que la troisième génération a de la peine à se mettre en place, quatrième, cela suggère une vision de futur et de progrès, or il s’agit seulement de réacteurs à neutrons rapides, une solution conçue il y a plus d’un demi-siècle, essayée dans plusieurs pays, et qui a été abandonnée à quelques exceptions près. Les pro-nucléaires convaincus vous diront : la France a failli réussir avec Superphénix mais les écolos ont tout gâché. Effectivement, le gouvernement Jospin a arrêté ce réacteur en 1997 sous la pression des Verts, il connaissait de multiples pannes dont une avait duré plus de 3 ans. L’Inde annonce le démarrage de son premier fast-breeder pour septembre 2011. Le seul réacteur de cette filière en fonction aujourd’hui est russe, il  ne marche pas au plutonium comme Superphénix mais à l’uranium enrichi, ce qui n’est pas une solution à la pénurie de combustible.

Le retour à l’utilisation de réacteurs à neutrons rapides relève de la croyance que l’humanité s’en tirera toujours grâce à des innovations techniques toujours plus pointues. A cette attitude religieuse on doit opposer la laïcité du bon sens qui veut que les énergies renouvelables et les économies d’énergie sont plus fiables, moins dangereuses, plus durables et, il est toujours utile de le rappeler, plus créatrices d’emplois.

Ghislain Nicaise sur le site du Sauvage

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Laurent Samuel et l’information nucléaire

Quand ça change, ça change

Dans les années 1970, la tâche des journalistes spécialisés en nature et environnement qui souhaitaient informer sur le nucléaire civil était à la fois simple et redoutablement difficile : face au black-out quasi-total de l’information, il leur fallait d’abord dénicher des données critiques, souvent apportées par des associations comme l’APRI (Association pour la protection contre les rayonnements ionisants), créée par un instituteur de campagne, Jean Pignero, par des scientifiques non inféodés au lobby atomique, qui allaient bientôt lancer le GSIEN (Groupement des scientifiques pour l’information sur l’énergie nucléaire), toujours actif près de 40 ans plus tard, ou par des syndicalistes CFDT comme Bernard Laponche, lui aussi encore sur le pont ! Après quoi, les journalistes devaient convaincre des rédacteurs en chef réticents de sortir ces infos. A l’époque, la « grande presse » (y compris Le Monde) et l’ORTF étaient quasi fermées à toute critique de l’atome pacifique. Quant aux responsables d’EDF, du CEA ou de Framatome, ils nous assuraient que tout était sous contrôle et qu’un accident était impossible.

.                Aujourd’hui, à l’heure de Fukushima, cette politique du déni et du secret n’a pas totalement disparu. Au Japon, l’opérateur Tepco et les autorités publiques fournissent des informations fragmentaires et parfois contradictoires sur la situation dans les réacteurs et ses conséquences radiologiques. On peut consulter à ce sujet le blog Fukushima Leaks (littéralement : les fuites de Fukushima) qui répertorie sur 30 ans les mensonges de Tepco, dont ce communiqué en date du 11 mars 2011 certifiant que les réacteurs de Fukushima ont été arrêtés en « toute sécurité ». En France même, un responsable du réseau Sortir du Nucléaire a été poursuivi il y a quelques années pour avoir enfreint le « secret défense » en rendant publiques des informations sur les risques d’attaques terroristes sur le centre de retraitement de La Hague.

.               Mais force est de reconnaître que les choses ont bien changé dans notre pays depuis 1986, lorsque le Pr Pellerin avait tenté de nous faire croire que le nuage de Tchernobyl avait contourné la France ! Désormais, la presse dans sa majorité  est devenue très critique sur le nucléaire. Les journalistes font leur travail, y compris Michel Chevalet, jadis chantre inconditionnel de l’atome, qui, sur iTélé, ne dissimule nullement la gravité de la situation à Fukushima.

.               Autre évolution importante : on a vu apparaître, puis s’affirmer, des organismes qui, pour être officiels, n’en ont pas moins acquis une certaine indépendance par rapport à EDF, AREVA et au gouvernement : l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) et l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire). Avec malgré tout des limites : après avoir déclaré le 30 mars envisager d’imposer un moratoire sur le chantier du réacteur EPR à Flamanville (lire ici), André-Claude Lacoste, président de l’ASN, s’est rétracté dès le lendemain sur France Info (écoutez ici).

.               Pour les journalistes, les sources d’information se sont diversifiées car, parallèlement, des associations comme la CRIIRAD, Global Chance et Wise ont renforcé leur expertise et assis leur crédibilité.

.               Reste que, face à cet afflux constant (on n’ose employer le terme tsunami…) de faits et d’images apportées par le net et les chaînes d’info continue, le citoyen balance souvent entre résignation catastrophiste et désir d’être rassuré par les discours lénifiants ou relativistes (le charbon tue plus que l’atome) du dernier carré des pro-nucléaires. C’est pourquoi le rôle des journalistes spécialisés doit être, plus que jamais, de s’employer à mettre les événements en perspective, notamment historique. Depuis les lendemains de la catastrophe de Fukushima, le site des JNE (dont de nombreux membres comme Jean Carlier, Claude-Marie Vadrot, Nicole Lauroy, Hélène Crié, Dominique Martin Ferrari ou l’auteur de ces lignes ont joué un rôle pionnier pour l’information critique sur le nucléaire) s’efforce de remplir cette mission, en multipliant articles, tribunes et liens. Que vous soyez ou non membre de l’association, n’hésitez pas à y apporter vos contributions en nous contactant sur asso.jne@free.fr.

.Rédacteur en chef du site des JNE, Laurent Samuel anime plusieurs blogs, dont l’un est consacré à l’écologie : http://laurent-samuel.over-blog.com/.

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Fukushima et IBM nous mettent dans la merde

Sur une page : « On ne peut garantir qu’il n’y aura jamais d’accident grave en France. »*

Sur la page en vis-à-vis : « Une planète plus intelligente est une planète plus sûre ».*

                Pour le Président de l’Autorité de sûreté nucléaire, la gestion des territoires contaminés autour de Fukushima va durer des années, sinon des décennies. Or publicitaires, politiques et techno-scientifiques nous ont toujours dit qu’il n’y a pas plus  sécurisé qu’une centrale nucléaire. Pour IBM qui se paye une pleine page de pub, il suffit de bâtir une planète plus intelligente, avec IBM bien sûr, pour « régler les dysfonctionnements structurels » et répondre aux « nouveaux défis ». Or un chaos numérique est possible en 2015** : « Les accidents en cascade peuvent surgir de n’importe où, sans qu’on puisse les endiguer. La catastrophe en dominos est plausible vers 2015. » On croirait une analyse d’un accident nucléaire, il s’agit d’un constat sur la fragilité  du cyberespace. Les technologies deviennent globales, surpuissantes, mondialisées… elles sont d’autant plus fragiles !

                Nous devons en tant que citoyens réclamer un retour à des techniques à taille humaine. Il nous faut non seulement sortir du nucléaire, mais aussi sortir du tout numérique. Comme Kaczynski, nous faisons une distinction entre deux types de technologies : la technologie cloisonnée et la technologie systémique. La première, qui se développe au niveau de petites cellules circonscrites, jouit d’une grande autonomie et ne nécessite pas d’aide extérieure. La seconde s’appuie sur une organisation sociale complexe, faite de réseaux interconnectés. En ce qui concerne la technologie cloisonnée, aucun exemple de régression n’a été observé. Mais la technologie systémique peut régresser si l’organisation sociale dont elle dépend s’effondre. Ce qui arrivera lors de grandes pannes d’électricité…

* LeMonde du 31 mars 2011

** LeMonde du 26 mars, Un chaos numérique est possible en 2015.

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en finir avec le progrès technique

Le progrès technique est-il une fuite en avant ? Sujet-type de philosophie, mais réponse trop évidente à l’heure de Fukushima ! La technosphère pourra-t-elle vivre en symbiose avec la biosphère ? Oui… mais seulement si nous n’utilisons que des techniques douces ! Voici ci-dessous quelques références historiques sur la question technologique :

1956 : Quand l’homme du Vieux Monde inventait quelques procédés techniques astucieux, comme la poudre ou la vapeur, c’est à des fins futiles qu’il l’utilisait tout d’abord. Jusqu’au deuxième millénaire après Jésus-Christ, il n’y eut qu’une poignée de progrès technique. Le moulage des grands lions de fers de Chine ou les sculptures en bronze des grecs, qui sont peut-être les plus grandes prouesses techniques de la vieille culture du Vieux Monde, sont des œuvres d’art, ne répondant à aucune nécessité pratique.  Bref, l’acceptation de limites techniques fut aussi un trait durable de la culture du Vieux Monde. La culture du nouveau Monde, en raison de son efficacité méthodique et de son universalité mécanique, menace manifestement de destruction ce qui reste de la culture du Vieux Monde. (Lewis Mumford)

1960 : Aujourd’hui chaque homme ne peut avoir de place pour vivre que s’il est un technicien. On pourrait même dire que tous les hommes de notre temps sont tellement passionnés par la technique, tellement assurés de sa supériorité, qu’ils sont tous orientés vers le progrès technique, qu’ils y travaillent tous, si bien que la technique progresse continuellement par suite de cet effort commun. En réalité la technique s’engendre elle-même ; lorsqu’une forme technique nouvelle apparaît, elle en conditionne plusieurs autres, la technique est devenue autonome. Il faut toujours l’homme, mais n’importe qui fera l’affaire pourvu qu’il soit dressé à ce jeu !

La technique sert aussi à faire obéir la nature. Nous nous acheminons rapidement vers le moment où nous n’aurons plus de milieu naturel. La technique détruit, élimine ou subordonne le monde naturel et ne lui permet ni de se reconstituer, ni d’entrer en symbiose avec elle. L’accumulation des moyens techniques crée un monde artificiel qui obéit à des ordonnancements différents. Mais les techniques épuisant au fur et à mesure de leur développement les richesses naturelles, il est indispensable de combler ce vide par un progrès technique plus rapide : seules des inventions toujours plus nombreuses pourront compenser les disparitions irrémédiables de matières premières (bois, charbon, pétrole… et même eau). Le nouveau progrès va accroître les problèmes techniques, et exiger d’autres progrès encore. Mais l’histoire montre que toute application technique présente des effets imprévisibles et seconds beaucoup plus désastreux que la situation antérieure. Ainsi les nouvelles techniques d’exploitation du sol supposent un contrôle de l’Etat de plus en plus puissant, avec la police, l’idéologie, la propagande qui en sont la rançon. (Jacques Ellul )

1979 : Le progrès technique n’a aucun sens, en lui-même ; il n’a de sens que par rapport à la société qui le réalise. Nos pans de béton indestructibles, nos satellites-espions et nos voitures de course paraîtront certainement sans le moindre intérêt pratique pour les générations futures qui vivront autrement que nous. (François Partant )

1979: Le progrès technique et la recherche de l’abondance entraîne la détérioration du milieu naturel au risque de notre perte. Le châtiment des techniques de maximisation agraire commence déjà à se manifester par la contamination chimique des eaux avec tous les effets néfastes que cela entraîne pour l’interdépendance des différents organismes. De plus il existe une barrière plus fondamentale, l’élaboration d’engrais synthétiques est une forme d’utilisation de l’énergie, ce qui pose non seulement le problème de l’obtention de ressources, mais aussi l’irréalisme d’utiliser l’énergie à l’intérieur du système fermé de la planète : la combustion des matières fossiles entraîne en effet l’augmentation de leffet de serre et le réchauffement global. C’est là une limite implacable aux rêves extravagants d’une humanité plusieurs fois démultipliée qui vivrait dans l’exubérance technologique. La thermodynamique est intraitable, la loi infrangible de l’entropie veut que lors de chaque production de travail, l’énergie se dégrade en chaleur et que la chaleur se disperse. (Hans Jonas )

1995 : Dans toutes les nations industrielles, l’effet des technologies sur l’emploi a été dramatique. L’usage du cheval dans la production agricole fut d’abord restreint avant d’être supplanté par le tracteur. De même le rôle des humains comme pièce maîtresse de la production est vouée à se restreindre. La théorie suppose que le progrès technique supprime des emplois à brève échéance, mais les multiplie à long terme. La vérité est que cette théorie est fausse, ce sont les guerres, le  colonialisme et les dépenses publiques qui en ont créé de nouveaux. (Kirkpatrick Sale)

2002 : Pour conjurer la catastrophe, la société thermo-industrielle va brûler ses dernières réserves d’énergie fossile dans un effort désespéré pour survivre, se rapprochant ainsi un peu plus du point de non-retour. La croissance économique n’est autre que le développement de méthodes d’exploitation de l’environnement naturel toujours plus intensives Les terres cultivées seront alors surexploitées afin d’augmenter la plus-value énergétique, ce qui favorisera la dégradation des sols et fait baisser les rendements. L’Etat augmentera les impôts pour équilibre des comptes de plus en plus déficitaires, une partie de l’énergie résiduelle ne servira qu’à alimenter le style de vie des élites au pouvoir et autres couches sociales non productives. Le progrès technique s’apparentera à un tâtonnement motivé par le désespoir. Une population plus nombreuse recevra moins d’énergie qu’auparavant, tout en travaillant plus et plus longtemps. Confrontés à des troubles sociaux de plus en plus sévères, les gouvernants devront dépenser ce qu’il reste d’énergie pour maintenir un semblant de loi et d’ordre au détriment de l’approvisionnement de la population. La première phrase du chapitre suivant est d’ailleurs explicite : « Sans les combustibles fossiles, la civilisation industrielle moderne cesserait immédiatement d’exister ». (Jérémy RIFKIN)

2008 : Alors que le progrès technique restreint continuellement notre sphère de liberté, chaque nouvelle avancée technique considérée isolément semble désirable. L’électricité, la plomberie intérieure, les communications rapides à longue distance … Il aurait été absurde de résister à l’introduction du téléphone, par exemple ; il offre beaucoup d’avantages et aucun inconvénient. Pourtant toutes ces avancées techniques prises ensemble ont créé un monde dans lequel le destin de l’homme moyen n’est plus entre ses propres mains ou entre les mains de ses voisins et amis, mais dans celles de politiciens, de cadres de société ou des techniciens et bureaucrates distants et anonymes que, en tant qu’individu, il n’a aucun pouvoir d’influencer. Le même processus continuera dans l’avenir. Prenez le génie génétique, par exemple. Peu de gens résisteront à l’introduction d’une technique génétique qui éliminerait une maladie héréditaire. Elle ne fait aucun mal apparent et empêche beaucoup de souffrance. Pourtant un grand nombre d’améliorations génétiques prises ensemble feront de l’être humain un produit manufacturé plutôt qu’une création libre du hasard (ou de Dieu, ou de ce que vous voulez, selon vos croyances religieuses).

Une autre raison pour laquelle la technologie est une force sociale si puissante est que, dans le contexte d’une société donnée, le progrès technique avance dans une seule direction; il ne peut jamais être inversé complètement. Une fois qu’une innovation technique a été introduite, les gens en deviennent d’habitude dépendants, à moins qu’elle ne soit remplacée par une autre innovation encore plus avancée. Non seulement les gens deviennent dépendants en tant qu’individus d’un nouvel élément de technologie, mais même le système dans son ensemble en devient dépendant. (Imaginez ce qui arriverait aujourd’hui à la société si les ordinateurs, par exemple, étaient éliminés). Ainsi le système ne peut évoluer que dans une direction, vers plus de technicisme. De façon répétée et constante, la technologie force la liberté à faire un pas en arrière. Il serait pourtant désespéré pour les révolutionnaires d’essayer d’attaquer le système sans utiliser un peu de technologie moderne. Au minimum ils doivent utiliser les médias de communications pour répandre leur message. Mais ils devraient utiliser la technologie moderne dans UN SEUL but : attaquer le système technique. (Théodore Kaczynski)

2008 : Une croissance économique, par nature exponentielle, ne peut que rencontrer des limites structurelles. Les tenants du progrès technique ont tout fait pour qu’on ignore ce message fondamental. Ses auteurs furent traités de « catastrophistes », qualificatif souvent employé encore aujourd’hui par ceux qui ne veulent pas voir la vérité en face. Pourtant les modélisations du Club de Rome trouvent un écho contemporain dans les travaux de Nicholas Stern qui annonce l’éventualité d’une crise mondiale à l’horizon 2050 liée au réchauffement climatique. (Frédéric Durand)

2009 : La ligne de fracture ne passe pas entre les partisans et les opposants à la technique, mais entre ceux qui font du progrès technique un dogme non questionnable, et ceux qui y détectent un instrument de pouvoir et de domination. Dès les années 1930, Marc Bloch a montré que les moulins à bras ne furent pas remplacés par les moulins à eau et à vent parce que ces derniers étaient simplement plus efficaces, mais parce qu’ils étaient des outils de pouvoir : les seigneurs féodaux privilégièrent la technique centralisée des moulins banaux à celle, domestique et donc plus difficile à contrôler, des anciens moulins à bras. Plus près de nous, David Noble a montré comment l’adoption des techniques de commande numérique dans l’industrie américaine n’était pas le choix de la technique économiquement la plus efficace, mais celle qui permettait le meilleur contrôle social en affaiblissant le poids des syndicats. (François Jarrige)

2009 : Quand nous n’avons pas envie de nous attaquer à un problème, un des arguments est de penser que la technique va nous sauver, ou plus exactement que la technique qui viendra demain, mais n’est pas encore disponible aujourd’hui, va faire le travail en un battement de cils pendant que nous regardons la télé. Dire que la science et la technique vont nous sauver, c’est prononcer un énoncé qu’il est justement impossible de soumettre à la critique scientifique. Nous continuons à faire dépendre notre action d’hypothétiques progrès techniques futurs, alors que le problème est juste l’envie de s’y mettre. Certes la science et la technique ont permis des progrès « miraculeux », mais ce sont bien ces progrès qui conduisent à la destruction accélérée des ressources naturelles. Les bateaux de pêche moderne sont de véritables machines de guerre. (Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean)

… et pour en finir, deux citations de 2011 :

Martin Weitzman : Quand une probabilité faible, voire très faible, est associée à un risque illimité, que fait-on ? On met le calcul économique, les analyses coût-avantage et les opérations d’actualisation qui vont avec au panier et on fait tout ce qui est humainement possible pour que cela ne se réalise pas.

(http://www.alternatives-economiques.fr/apprentis-sorciers_fr_art_1083_53797.html)

Noël Mamère : Le progrès technique est vécu comme un dogme indiscutable par l’ensemble de la classe politique. Quand on l’élève au rang d’un culte, toute remise en cause, tout débat rationnel deviennent impossibles et ceux qui osent élever la voix sont aussitôt considérés comme des apostats. Nous sommes dans la configuration que décrivait Jacques Ellul, dès 1960, dans La technique ou l’enjeu du siècle, où la démocratie n’a plus sa place puisqu’il faut croire sans poser de questions.

(LEMONDE.FR | 23.03.11 | Est-ce indécent de demander un débat public sur la sortie du nucléaire ?)

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sobriété volontaire ET forcée !

Si la conscience environnementale progresse, la pression financière reste pour l’instant un facteur déterminant*. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a approuvé la hausse des tarifs du gaz naturel de 5,2 % en moyenne au 1er avril, ce qui porte l’augmentation des prix à 21 % sur un an**. Parfait ! Puisque les politiques et les citoyens ont refusé la  taxe carbone, autant que les prix des ressources fossiles en voie de disparition puissent augmenter. Faisons payer toutes les ressources rares, « la consommation d’eau diminuant d’environ 20 % lorsque la facture dépend du volume consommé »*. Vive la sobriété forcée !

Mais ce n’est qu’une petite partie de l’enjeu socio-économique, encore faut-il une acceptation sociale de la sobriété : « 44 % des clients dans un hôtel acceptent de garder leur serviette de toilette pendant plusieurs jours quand l’incitation précisait que 75 % des personnes ayant déjà occupé la chambre avaient adopté ce comportement »*. L’information mentionnant le comportement d’autrui est une norme sociale bien plus efficace que les appels traditionnels à la préservation de l’environnement. Il s’agit de faire jouer l’interaction spéculaire, tu fais parce que je fais ainsi parce que nous devrions tous faire de même. Cette explication sociologique nous permet d’enterrer le vieux débat épistémologique sur l’antériorité de l’individu ou de la société. L’un et l’autre se renforcent mutuellement car je me représente la manière dont les autres se représentent les choses et moi-même. « Je donne le bon exemple » est un message positif. Encore faut-il qu’il y ait égalisation des revenus car les plus riches qui n’ont pas à se priver donnent un détestable exemple.

                Pour faire passer la purge des économies d’énergie, non seulement les politiques devraient-ils imposer un revenu maximum admissible (3 fois le salaire minimum par exemple), mais ils devraient rendre obligatoire la lecture à l’école de livres comme No Impact man.  On ne peut mesurer influence chacun de nous est susceptible d’exercer sur les autres. On ne sait jamais quand s’amorce une réaction en chaîne. Mais n’oublions pas que notre société n’est que la somme de toutes nos actions individuelles de producteurs, de clients, d’amis, de parents. Cessons d’attendre que le système change. L’action qui déclenche l’effet domino a besoin que chacun de nous commence à pratique la sobriété volontaire pour que la réaction en chaîne se produise.

* LeMonde du 30 mars 2011, Environnement : changer les comportements a un prix (Rémi Barroux)

** LEMONDE.FR avec AFP | 28.03.11 | Nouvelle hausse du prix du gaz

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le PS va sortir du nucléaire

Martine Aubry vient de lâcher sa bombe atomique, « Je crois qu’il faut sortir du nucléaire »*. Indéniable changement  de politique. Dans sa motion au Congrès de Reims (novembre 2008), Martine Aubry écrivait en effet le contraire : « S’agissant du nucléaire, le fonctionnement et le renouvellement de la filière, dans notre pays, doivent se faire. » Même la motion des environnementalistes du Parti (le pôle écologique) n’avait pas une tonalité différente, sauf qu’elle était basée sur la langue de bois : « Le Parti socialiste doit confirmer le choix de ne pas poursuivre aujourd’hui l’implantation en France de la filière de réacteur EPR de troisième génération ». Ce qui veut dire en termes clairs qu’il est possible d’exporter l’EPR et que demain nous pourrons en construire en France ! La ligne du parti est donc traditionnellement pro-atomique et François Hollande persiste et signe aujourd’hui encore : « Un candidat socialiste à la présidentielle ne peut pas prétendre sortir du nucléaire »*.

Selon nos sources, Hollande se contente de penser à un plan de transition énergétique sur 10 ans pour « positionner la France sur les marchés des technologies propres, porteuses de croissance à long terme (énergies renouvelables, stockage de l’énergie, éolien, photovoltaïque, véhicules propres, voitures électriques) ». Nous avons là un résumé de l’idéologie qui imprègne encore ce parti, une optique croissanciste, basée sur les illusions de technologies « propres », ignorant de la nécessité première d’économiser l’énergie… Il est impossible de savoir ce que pense Strauss-Kahn du nucléaire, il ne peut que penser comme le parti !

                Pourtant la sortie du nucléaire devra être programmée car la seule vision possible d’un avenir durable est d’aller vers des besoins en énergie strictement égaux à nos capacités d’énergies renouvelables. Comme le nucléaire n’est pas une énergie renouvelable, il doit être abandonné… Martine, va jusqu’au bout, admet que notre consommation d’électricité doit être comparable à celle qui existait dans les années 1950 !

* LeMonde du 29 mars 2011. Sur le dossier nucléaire, Martine Aubry est prise entre deux feux

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catastrophes contre « catastrophisme »

Pourquoi nous préférons LeMonde* au Figaro** ? D’un côté nous avons une double page réaliste sur « Vivre et penser le temps des catastrophes », de l’autre nous avons une vision idyllique du temps présent qui toujours ira vers le meilleur !

Le progressiste Bruno Tertrais, politologue et expert en dissuasion nucléaire, office aussi bien dans le Figaro-magazine que dans le Figaro au quotidien. Cet illusionniste vitupère le « marché de la peur », il veut en finir avec le catastrophisme des écolos. Le Sida, les pluies acides, les pesticides, le trou dans la couche d’ozone… sont pour lui des terreurs irrationnelles. Bien entendu Bruno Tertrais pense que le réchauffement climatique n’existe pas et que Fukushima démontre parfaitement que la croissance nous protège des catastrophes naturelles : « Les seules victimes de Fukushima seront les travailleurs directement exposés à des doses toxiques » ! Ce membre de la Fondation pour la recherche stratégique se croit lucide en restant pro-nucléaire : « Que l’on sache, personne n’a jamais proposé de renoncer au transport aérien après une série de crashs meurtriers ». Comme si l’impact d’accidents ponctuels et des radiations qui se propagent et durent avaient la même incidence ! En fin de compte, il donne la cible de son optimisme béat : « Prôner la décroissance pour l’ensemble de la planète est irresponsable ».

 Dans LeMonde, Ulrich Beck montre qu’il avait eu raison : « Les dangers nucléaires, le changement climatique, la crise financière, le 11-septembre, etc., tout cela s’est produit conformément au scénario que je décrivais il y a 25 ans ; avant même la catastrophe de Tchernobyl… Le mythe de la sécurité est en train de se consumer dans les images de catastrophes dont les exploitants nucléaires avaient catégoriquement exclu la possibilité. » Harald Welzer constate que le rêve d’un Japon, au progrès indéfini et libéré des ressources naturelles, n’était possible qu’à court terme : « Les modèles sociaux (de confort) qui ont eu leur heure de gloire contiennent le décalque de leur propre déclin. » Isabelle Stengers peut écrire : « Malheur aux experts si leurs inquiétudes étaient susceptibles de donner raison aux alarmistes ; ils auraient trahi leur rôle assigné, qui est de collaborer à la mobilisation pour l’innovation, et donc le progrès. Ulrich Beck a décrit « La société du risque » en 1986. Harald Welzer a prédit « Les guerres du climat » (2009). Isabelle Stengers  a écrit en 2009 « Au temps des catastrophes. Résister à la barbarie qui vient ». Bruno Tertrais vient de pondre « L’Apocalypse n’est pas pour demain », à contre-temps !

Mieux vaut comprendre la catastrophe dans LeMonde que se bercer d’illusions dans Le Figaro !

* LeMonde du 26 mars 2011, Vivre et penser le temps des catastrophes.

Harald Welzer, L’ère de la consommation et du confort va s’achever ; le capitalisme est devenu un système autodestructeur.

Ulrich Beck, C’est le mythe du progrès et de la sécurité qui est en train de s’effondrer ; plus que jamais, nous sommes dans une société du risque, voire du désastre.

Isabelle Stengers, Sortons de la rage de l’impuissance grâce à l’anticipation d’accidents écologiques à venir.

**  Le Figaro du 26 mars 2011

Figaro-Magazine : Bruno Tertrais, le progressiste.

Figaro, le quotidien : Bruno Tertrais, Du bon usage de la fin du monde

catastrophes contre « catastrophisme » Lire la suite »

à ne pas lire, Le Figaro !

                Le Figaro est un journal tendancieux. Il suffit d’ouvrir F.Madame*, centré sur le nombril des femmes et les « secrets d’un teint parfait ». L’égérie de ce papier glacé, Arielle Dombasle, enfile les perles du genre « J’ai l’amour de l’amour »… « La seule révolution qui vaille, c’est la révolution de l’amour ». L’inévitable Stéphane Bern nous offre des portraits « qui ont marqué cette folle semaine, la Fashion Week » : paillettes et vide existentiel ! Un seul article à sauver, le débat carnivore/végétarien. Encore faut-il savoir trancher dans le  vif entre :

– J’ai besoin de l’énergie vitale que me donne la viande (Nathalie Pasquer)

– L’énergie que donne la viande, c’est de la légende (Brigitte Namour)

                Quant au Figaro-Magazine*, il n’y a pas beaucoup plus à lire. Sauf qu’on passe du maquillage des femmes à l’achat immobilier pour les riches ! Quand on parle d’écologie, c’est pour la dénaturer : «  L’ère du beau bio a commencé »… «  Consommer durable en se faisant plaisir »… «  Etes-vous terroiriste »… ou le sublime « Beauté, de l’écologie à l’egologie ». Soyons sérieux, analysons les dires d’un progressiste, politologue et expert en dissuasion nucléaire, qui office aussi  bien dans le Figaro-magazine* que dans le Figaro* au quotidien : Bruno Tertrais.

                Cet illusionniste vitupère le « marché de la peur », il veut en finir avec le catastrophisme des écolos. Le Sida, les pluies acides, les pesticides, le trou dans la couche d’ozone… sont des terreurs irrationnelles. Bien entendu Bruno Tertrais pense que le réchauffement climatique n’existe pas et que Fukushima démontre parfaitement que la croissance nous protège des catastrophes naturelles: « Les seules victimes de Fukushima seront les travailleurs directement exposés à des doses toxiques » ! Ce membre de la Fondation pour la recherche stratégique se croit lucide en restant pro-nucléaire : « Que l’on sache, personne n’a jamais proposé de renoncer au transport aérien après une série de crashs meurtriers ». Comme si l’impact d’accidents ponctuels et des radiations qui se propagent et durent avaient la même incidence ! En fin de phrases de la même vacuité, il donne la cible de son optimisme béat : « Prôner la décroissance pour l’ensemble de la planète est irresponsable ».

                Bruno Tertrais vient de pondre « L’Apocalypse n’est pas pour demain ». Mais il fait tout (avec l’aide du Figaro) pour que la catastrophe arrive plus vite. Il milite pour que rien ne change du mode de vie occidental alors que ce mode de vie détériore à la fois les relations inter-humaines et les rapports avec la biosphère. Il ne faut pas comme lui confondre le catastrophisme et le fait d’agir pour que la catastrophe n’arrive pas…

* package du 26 mars 2011

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Fukushima, détail de l’histoire pour VGE

                LeMonde offre une pleine page* pro-nucléaire à Valéry Giscard d’Estaing. Droit dans ses bottes, VGE n’a pas varié d’un pouce depuis bientôt quarante ans : « Le choix de la France du nucléaire en 1973, confirmé et amplifié en 1975 au début de mon septennat, tenait au fait que la France n’avait plus d’énergie disponible sur son territoire. Il n’a jamais été remis en cause par les gouvernements successifs. » Comme chacun sait, « Fukushima n’est pas un accident nucléaire, c’est un tremblement de terre suivi d’un tsunami ». Et VGE d’enfiler les mêmes arguments que Mme CGT d’EDF : « Songez que 40 % de la population indienne n’a pas accès à l’électricité… C’est une énergie qui n’émet pas de CO2… Il n’y a pas suffisamment de pétrole pour répondre aux besoins des trente prochaines années…Nous n’avons pas à notre disposition d’énergies de remplacement en quantité suffisante… Le solaire ne peut pas répondre à l’ampleur de nos besoins… L’énergie éolienne coûte deux à trois fois plus cher que le nucléaire…» A croire que VGE récite un tract. Rien sur les risques de la radioactivité, sur l’impossibilité de traiter durablement les déchets, sur le fait que c’est une énergie centralisée et policière, rien sur les réserves d’uranium qui ne sont pas plus importantes que celle de gaz, rien qui puisse mettre en doute sa croyance.  

                Pourtant un entrefilet du même numéro** devrait semer le doute : « La déconstruction complète du réacteur de Brennilis (mis en service en 1967, arrêté en 1985) pourra être envisagé à partir de 2013. » Des incertitudes subsistent encore quant à la marche à suivre. D’ici à cet été, l’autorisation de reprendre les opérations pourrait être donnée, à l’exclusion du démantèlement du cœur du réacteur. En cause, la gestion des déchets hautement irradiés pour lesquels aucune solution pérenne ne serait mise en place avant…2025. Un réacteur fonctionne donc beaucoup moins d’années qu’il n’en faut pour essayer de le démolir ! Dans un rapport de mars 2010, une commission d’enquête a regretté l’absence d’infrastructures adaptées pour la gestion des déchets nucléaires (radioactifs de haute activité à vie longue) provenant de la centrale. Le coût précis du chantier de Brennilis n’est pas dévoilé. Notons qu’il s’agit seulement d’une petite unité de 70 MW et que Brennilis n’est qu’un des huit réacteurs nucléaires de la première génération, arrêtés et désormais en attente de démantèlement, auquel il faut ajouter Superphénix à Creys-Malville. Les générations futures ont de fortes chances de supporter une radioactivité que les gouvernements n’auront pas su gérer…

                La sortie du nucléaire ne sera pas une partie de plaisir, mais  Valéry Giscard d’Estaing ne regrette rien : il sera déjà mort quand son programme nucléaire entraînera de vrais soucis.

* LeMonde du 25 mars 2011, VGE, l’atome tranquille (en page 3)

** LeMonde du 25 mars 2011, Le réacteur de Brennilis bientôt démantelé ?

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LeMonde s’enlise en Libye

Nous avons enfin compris les deux éditoriaux* bellicistes du Monde. Alain Frachon, directeur éditorial, critique ce jour** Rony Brauman qui s’oppose à l’intervention sarkozienne en Libye : « Des interventions destinées à prévenir des massacres, j’en ai vu d’autres. Elles ont gelé la situation, et les massacres qui se sont produits ultérieurement ont été pires. » Brauman, ancien de médecin sans frontières, sait pourtant de quoi il s’agit en matière d’humanitaire. Par contre Frachon  croit que deux ou trois bombardiers qui restent en l’air vont « mettre fin à quarante-deux ans d’une dictature folle et cruelle ». C’est désolant de voir un journaliste du Monde si naïf. Car demain en Libye ou ailleurs sera semblable à hier, guerre, massacre, abus de pouvoir, non-respect du droit des hommes, du droit des femmes, du droit des animaux, etc. Or, si tout le monde agissait comme Gandhi, mettant en harmonie la fin et les moyens, il n’y aurait plus de violence. Où se situe le blocage ?

L’amour du prochain et la paix civile ne se décrète pas, il découle de tout un apprentissage social. Un couple parental qui disjoncte, un milieu de travail stressant, des médias qui valorisent la violence, la crainte de Dieu qui dresse contre les autres croyances, un anthropocentrisme qui incite à piller la Nature… ne peuvent préparer une société pacifique. C’est donc tout le conditionnement social qui est à revoir. Il faut aussi bien supprimer les jeux vidéos qui banalisent la guerre et le massacre que condamner l’intervention armée en Libye et tous les autres conflits armés… Cette bataille pour une socialisation conviviale est loin d’être gagnée, mais elle mérite d’être menée. Car c’est la seule bataille qui compte.

                La France n’a pas à exporter des armes, et il est paradoxal que des Rafales français attaquent des Mirages français acquis  par Kadhafi. La France n’a pas à exporter la démocratie, elle doit montrer que sa démocratie fonctionne bien, ce qui est loin d’être le cas. Notre comportement est soumis à l’interaction spéculaire ; j’agis ainsi parce que je vois les autres agir ainsi. Il est donc important de montrer l’exemple, c’est ainsi qu’on peut convaincre ses voisins et les autres peuples. Supprimons notre armée pour la remplacer par un entraînement à la défense civique non violente ; si nous avions fait cela sur notre territoire depuis toujours, il n’y aurait même plus de nations européennes ou arabes, il n’y aurait que la fraternité humaine. Cela n’a pas été fait, rien n’empêche de commencer…

* voir 21 mars et 24 mars

** LeMonde du 25 mars 2011, La Libye, on fait quoi demain et après-demain ?

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LeMonde, une guerre « juste » en Libye ?

L’éditorial engage le journal tout entier et l’humanitaire a bon dos ! Pour la deuxième fois en quelques jours, LeMonde* prend fait et cause pour la guerre de Sarkozy. Cette fois, ce n’est pas pour fouler aux pieds la neutralité de l’Allemagne, c’est pour se retrancher derrière la « doctrine d’intervention humanitaire » de 2005. Ah le droit d’ingérence ! Comme dit l’ex-diplomate Jean-Christophe Rufin**, où s’arrête la guerre « humanitaire » ? D’ailleurs, où commence ce droit qui ne peut être utilisé que par les puissants pour attaquer qui ils souhaitent ? Nous, sur ce blog, nous ne pouvons croire à la guerre « juste ».

                L’idée qu’il y a des guerres injustes mais aussi des guerres justes est inoffensive : elle ne menace en rien les fortunes établies et les pouvoirs en place. Il n’y a pas que l’ONU en 2005, l’Eglise catholique a depuis longtemps développé une doctrine sur les guerres justes et les guerres injustes : massacrer pour la « bonne cause » a été l’une des maladies de toutes les époques. Soyons clair : les guerres sont intrinsèquement mauvaises pour être jamais justes. Les tentatives d’humaniser la guerre en 1932 inquiétèrent au plus haut point Albert Einstein : « Il ne faut pas banaliser la guerre en y fixant des règles. La guerre ne peut pas être humanisée, elle ne peut qu’être abolie. » La conférence de Genève se poursuivit néanmoins et l’on s’y obstina à définir des règles censées rendre les guerres plus « humaines ». Règles qui seront systématiquement violées au cours de la guerre mondiale suivante. On sait même que Churchill commanda des milliers de bombes à anthrax. Tout animal ayant inhalé pendant une minute les spores de l’anthrax a toutes les chances d’en mourir brusquement et sans douleurs la semaine suivante. Ce sont les délais de production qui empêchèrent la réalisation de ce projet.

                Il n’existe pas de guerre juste, l’exemple de la Seconde Guerre mondiale est le test suprême. Les nazis étaient des assassins pathologiques. Nous devions les arrêter et seule la force pouvait y arriver. Mais la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ne s’opposaient au fascisme que parce qu’il menaçait leur propre domination sur certaines ressources naturelles et sur certaines populations. Et les ingrédients du fascisme (le militarisme, le racisme, l’impérialisme, la dictature et le nationalisme exacerbé) survécurent sans problème à la guerre. Nous conseillons aux éditorialistes du  Monde de lire  Désobéissance civile et démocratie d’Howard Zinn.

* LeMonde du 24 mars 2011, Le mandat de l’ONU, ni plus ni moins (éditorial)

** LeMonde du 24 mars 2011, La France s’est placée totalement en dehors de sa propre doctrine militaire

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CGT, pronucléaire ! L’aliénation syndicale…

Nous ne pouvons pas oublier que dès les premières réunions mettant en question le nucléaire à la fin des années 1970, les salariés CGT étaient dans la salle pour  défendre leur outil de travail ; un salarié voit d’abord son gagne-pain, il ne s’interroge pas vraiment sur la finalité de ce qu’il produit. Aujourd’hui sur un chat du monde.fr*, une responsable de la CGT-Nucléaire, Mme Cailletaud, ne fait pas exception malgré Fukushima. Mme CGT commence par ne pas répondre à la première question : Existe-t-il en France des salariés prêts à être envoyés « au charbon » en cas d’accident, comme à Fukushima ? Sont-ils volontaires ? Que risquent-ils ? Il est vrai que la maintenance des centrales en France est faite par des sous-traitants ; les salariés les moins bien payés et les plus exposés ne sont pas en général syndiqués. Mme CGT ne répond pas à la question de la vétusté des centrales ; elle se décharge sur l’avis de l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire). Mme CGT nous claironne que le nucléaire est incontournable ; elle oublie que toutes les centrales nucléaires ont été construites à grands renforts de compagnies de CRS, la démocratie n’a jamais eu son mot à dire pour le nucléaire civil. Mme CGT sait que nous sommes dépendants de l’uranium étranger : elle élude le pillage et la contamination du Niger, elle se contente d’affirmer que « les ressources fossiles doivent être considérées comme des biens publics mondiaux » !

Mme CGT ne voit que le côté production, le « mix » énergétique, le photovoltaïque, la génération 4, le charbon propre, la recherche, ITER ; elle appelle à son secours les « 2 milliards de personnes sur la planète qui sont encore privées d’électricité » ou « les 3,4 millions de foyers en précarité énergétique ». Pour Mme CGT, « il est impossible de se passer du nucléaire, cela impliquerait de réduire de 50 % notre consommation ». Mme CGT répète son catéchisme sur le nucléaire nécessaire vu la raréfaction des ressources fossiles et le réchauffement climatique. Comme si notre boulimie d’énergie volée à la nature avait réduit les inégalités sociales et apporté le bonheur sur la terre ! Mais Mme CGT persiste et signe : « La position de la CGT, très clairement, n’est pas pour une sortie du nucléaire. Il n’y a aucune ambiguïté là-dessus. » Comme si les réserves d’uranium étaient infinies et le problème des déchets négligeable : «  Je me permettrai de dire qu’il y a peu d’industries qui se soucient dès le départ de la sûreté et de la gestion des déchets qu’elles produisent. Il n’est bien entendu pas question de minimiser ce sujet, mais dans ce débat, il nous faut répondre à une question essentielle : est-ce que l’urgence, ce sont les émissions de CO2, et donc la sortie des ressources fossiles, ou non ? »

Le niveau d’aliénation d’une salarié CGT du nucléaire peut atteindre des sommets… car l’essentiel n’est-il pas de « mettre sur le tapis les conditions de travail et l’organisation du travail ». Mme CGT devrait faire une  cure de désintoxication au sein du réseau Sortir du nucléaire . On lui montrerait que puisque nous sommes capables de rendre la biosphère invivable pour des siècles, nous pouvons aussi bien nous passer progressivement du nucléaire. Le scénario Négawatt a montré que c’était possible, il repose sur une priorité de premier rang, les économies d’énergie.

* chat lemonde.fr du 22 mars, il est impossible aujourd’hui de se passer du nucléaire

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à mégamachine, mégacrise

LeMonde économie* s’interroge : « Et si les effets des mégachocs devenaient insurmontables ? ». Le journal évoque la mégacrise comme résultante du  blocage simultané des différents systèmes socio-économiques « en raison de la désintégration des réseaux d’interdépendance qui les relient ». Mais le dossier est centré sur « qui va payer la facture », pas sur les déterminants fondamentaux et les solutions réelles.

 Ulrich Beck résume le problème : « L’extension des risques est consubstantielle à la mondialisation de l’économie industrielle ». Mais c’est l’archéologue Joseph A.Tainter** qui nous donne la bonne interprétation, la complexité croissante. Il a examiné la croissance et le déclin de nombreuses civilisations afin de découvrir ce qu’il y a de commun dans leurs trajectoires fatales. Sa thèse principale est que confrontées à de nouveaux problèmes, ces civilisations accroissaient la complexité de leur fonctionnement en investissant plus encore dans les mêmes moyens qui avaient permis leur éclosion. Par « accroissement de la complexité », il faut entendre la diversification des rôles sociaux, économiques et politiques, le développement des moyens de communication et la croissance de l’économie des services, le tout soutenu par une forte consommation d’énergie. Le gain marginal d’une complexité croissante décline alors jusqu’à devenir négatif. Lorsque le taux marginal devient négatif, tout accroissement de la complexité (et de ses coûts) entraîne la diminution des bénéfices sociaux. L’effondrement économique et social est alors probable. L’empire romain, par exemple, fut confronté à l’augmentation de sa population, à la baisse de sa production agricole et au déclin de l’énergie par habitant. Il tenta de résoudre ces problèmes en élargissant encore son territoire par de nouvelles conquêtes afin de s’approprier les surplus énergétiques de ses voisins (métaux, céréales, esclaves…). Cependant cette extension territoriale engendra une multiplication des coûts de maintenance et des communications, des garnisons, au point que les invasions barbares ici, ou les mauvaises récoltes là, ne purent plus être résolues par une nouvelle expansion territoriale. La dissolution non intentionnelle de l’empire fut de se fragmenter en petites unités locales.

                A mégamachine, mégacrise, c’est-à-dire effondrement de la société thermo-industrielle. Face aux mégachocs actuels que sont la crise financière, la descente énergétique prochaine, le réchauffement climatique, la perte de biodiversité, etc., nous voyons l’avenir dans les communautés intentionnelles ou territoires de résilience, qui cherchent à retrouver une autonomie alimentaire et énergétique au niveau local. Cette perspective  nous est décrite dans le Manuel de transition de Rob Hopkins. Il y aura nécessairement démondialisation*** et abandon progressif des prérogatives étatique au profit des collectivités locales. Cela ne se fera pas sans heurts… Mais les sociétés qu’on appelle « immobiles » sont en fait celles qui apprennent à vivre au mieux en accord avec les rythmes de la biosphère.

* LeMonde, édition du 22 mars 2011

** The Collapse of Complex Societies (analyse en français) de Joseph A.Tainter (1988)

*** démondialisation : La multiplication par vingt du commerce mondial depuis les années 1970 a pratiquement éliminé l’autosuffisance. Joseph Tainter note cette interdépendance en prévenant que « l’effondrement, s’il doit se produire à nouveau, se produira cette fois à l’échelle du globe. La civilisation mondiale se désintégrera en bloc ».

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LeMonde sent le vent tourner en Libye

Hier l’éditorial du Monde était belliciste en Libye et accusateur pour le neutralisme allemand. Aujourd’hui 22 mars, la réalité du terrain est bien différente dans ses colonnes :

– Nul n’avait vu venir la contre-offensive de Kadhafi, l’Elysée avance à l’aveuglette ;

– La qualité des informations au sol est quasi-nulle ;

– Les chasseurs français ont survolé la Libye sans ouvrir le feu ;

– La France ne dispose pas de Tomahawk ;

– Sarkozy  court le risque d’apparaître en néo-conservateur comme George W.Bush ;

– Les opinions publiques arabes s’inquiètent de bombardements effectués de facto par une expédition américano-franco-britannique ;

– La Ligue arabe commence à prendre ses distances ;

– Seuls les Emirats arabes unis et le Qatar participeraient à l’effort de guerre ;

– L’union africaine rejette toute intervention militaire étrangère ;

– Déjà le conflit libyen est instrumentalisé par des régimes africains ;

– Des manifestations pro-Kadhafi ont eu lieu en Guinée-Bissau et en Côte d’Ivoire ;

– Un nombre important de missiles sol-air du parc libyen va se retrouver au Sahel ;

– Si le guide de la Jamhirya ne tombe pas, il n’y a aucun doute que ce sera la guerre.

                La gesticulation de Sarkozy va-t-en-guerre pour compenser le désastre vécu par son parti aux élections cantonales a déjà fait long feu. Comment un président vivant au XXIe siècle peut-il avoir oublié la leçon de l’histoire : aucune guerre n’a été victorieuse. Nous avons à construire la paix avec une biosphère malmenée, nous n’avons plus de temps à perdre dans des conflits armés inter-humains.

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LeMonde, va-t-en guerre en Libye !

C’est la guerre de Sarko en Libye. Que l’éditorial* du Monde soutienne ce va-t-en guerre impulsif et incohérent est déjà incompréhensible. Mais qu’un quotidien de référence s’attaque à l’Allemagne est carrément insupportable. Il paraît que l’Allemagne n’est pas à la hauteur de ses responsabilités : ce pays s’est abstenu à propos de la résolution ambigu de l’ONU. C’était là son analyse, et elle se comprend : il y a des risques considérables de devenir partie prenante dans une guerre civile. Comble de l’absurde, le non-engagement allemand dans l’imbroglio libyen illustrerait selon l’éditorial son « manque de maturité » ! La maturité consiste-telle à l’aligner sur les autres puissances occidentales ?  L’Allemagne est pacifiste ! Et alors ? Ce pays ne sait que trop ce que la guerre veut dire. L’Allemagne ne peut engager son pays dans une opération militaire ! Mais c’est là un bon exemple à appliquer en France. Son « pacifisme » serait un handicap ! Pour nous sur ce blog, c’est la seule voie d’un avenir durable.

Quand un fou en arrive à tuer, Sarko intervient immédiatement dans les médias. Quand un fou menace de massacrer son peuple, Sarko veut faire parler de lui. La France, grâce à quelques complaisances de ses alliés, joue les caïds pour des raisons de politique intérieure. Nous sommes en présence d’une nouvelle action militaire principalement occidentale dans un troisième pays musulman ; si j’étais musulman, je penserai qu’il y a là un acharnement. Nous sommes contre Kadhafi aujourd’hui, mais cela ne nous a pas empêché de lui vendre des armes pendant des années ou de le recevoir triomphalement avec sa tente. Hypocrisie de la diplomatie française ! Questionner la pertinence de l’action militaire aurait été digne d’un éditorial du Monde. Cela n’a pas été le cas.

                « Former les conditions permettant à la communauté internationale d’agir de concert », comme le souhaite Obama ne peut passer par la voie militaire de nations parcellaires. Il devient en effet essentiel dans un monde surarmé de penser au désarmement généralisé. La France n’a pas besoin d’une force militaire, encore moins de la dissuasion nucléaire. La négociation internationale devrait se suffire à elle-même. La guerre n’est plus la continuation de la politique par d’autres moyens, elle est devenue le résidu d’un passé qui a décimé bien des populations civiles. La France n’a pas besoin d’une industrie de l’armement. Ses avions ne devraient pas équiper toutes les armées de ces pays autocratiques que nous faisons semblant aujourd’hui de vouloir « démocratiser ». Les peuples doivent se libérer de leurs chaînes par leurs propres moyens, un tyran n’a que le pouvoir qu’on lui concède. Si la Libye avait besoin de forces d’interposition sur le terrain, les casques bleus sont là pour ça. LeMonde n’aurait jamais du céder aux gesticulations de Sarkozy.

* LeMonde du 20-21 mars, Berlin face à ses responsabilités internationales (Editorial)

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journée sans viande ou lundi végétarien ?

Hier on oubliait le steak haché sur le blog d’Audrey Garric. La Journée Sans Viande du 20 mars est la version francophone de la campagne internationale MeatOut Day. Une initiative lancée en 1985 par l’association américaine pour les droits des animaux FARM qui milite pour une alimentation sans produits d’origine animale par respect des animaux, pour la préservation de la planète et pour l’amélioration de la santé.

Sur ce blog, plutôt qu’une seule et unique journée « mondiale » de réflexion alimentaire, nous préférons la campagne associative « Pour un lundi végétarien ». Après un WE trop arrosé autour de petits plats bien saignants, le lundi végétarien propose d’autres saveurs en même temps que le repos de l’estomac. Et puis « végétarien » implique que les poissons sont aussi concernés à l’heure où les ressources halieutiques s’épuisent et que l’élevage en batterie des saumons veut imiter le hors-sol de l’élevage sur pied.

L’idée progresse. Un jour les parlementaires avaient été conviés à un buffet végétarien à l’Assemblée nationale. Le député Vert Yves Cochet aimerait un article de loi pour instaurer une journée végétarienne par semaine, un projet déjà présenté pour le Grenelle2 et laissé sans suite. Mais il ne faut pas attendre grand chose de l’Etat, même un moratoire sur l’élevage intensif paraît hors de portée de l’intelligence législative en France. Les collectivités locales peuvent cependant s’impliquer, notamment dans la restauration collective. Dans le 2e arrondissement de Paris, les cantines scolaires ont adopté une journée végétarienne tous les mardis. Une initiative qui n’attend que sa généralisation quand les citoyens se sentiront impliqués.

Une petite journée végétarienne par semaine, c’est à la portée de chacun. Pourquoi ne pas essayer ?

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Fukushima, le monstre est en nous

Günther Anders au 4e congrès international contre les bombes atomiques en 1958 tenu au Japon : « La constance que les  survivants de Hiroshima et à Nagasaki mettent à taire que l’événement a été causé par des hommes ; à ne pas nourrir le moindre ressentiment, bien qu’ils aient été les victimes du plus grand des crimes – c’en est trop pour moi, cela passe l’entendement. » Anders a montré que le nouveau régime du mal, c’est l’infirmité de tous les hommes lorsque leur capacité de détruire devient disproportionnée à la condition humaine. Alors le mal s’autonomise par rapport aux intentions de ceux qui le commettent.

La tragédie japonaise a ceci de fascinant qu’elle mêle inextricablement trois types de catastrophes que l’analyse traditionnelle distingue soigneusement : la catastrophe naturelle, la catastrophe industrielle et technologique, la catastrophe morale. Non, ce n’est pas Dieu qui punit les hommes pour leurs péchés, oui, on peut trouver une explication humaine, quasi scientifique, en termes d’enchaînement de causes et d’effets.

Il est beaucoup plus grave que les opérateurs des méga-machines qui nous menacent soient des gens compétents et honnêtes. On doit moins redouter les mauvaises intentions que les entreprises qui, comme l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA), se donnent pour mission d’assurer « la paix, la santé et la prospérité dans le monde entier ». Car les plus grandes menaces viennent aujourd’hui moins des méchants que des industriels du bien.

NB : Lire l’article complet de Jean-Pierre Dupuy dans LeMonde du 20-21 mars 2011…

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Fukushima et l’impuissance des médias

Pourquoi Fukushima ne nous fera pas réagir vraiment ? A cause de la neutralité mal intentionnée des médias. Comme tout peut se dire et son contraire sur le nucléaire, le progrès technique, l’avenir de la consommation énergétique, le niveau de risques supportables… aucune vision nette de notre futur ne peut en résulter. Ainsi Internet véhicule le chaud et le froid en même temps, par exemple ces quelques commentaires sur lemonde.fr de l’article d’Agnès Sinaï* :

– Je suis absolument en désaccord avec ce ton apocalyptique, il y a même l’expression « fin des temps ».

– Un article d’une rare intelligence !

– Totalement fumeux.

– Terrifiant et lumineux.

– Qui donc a dit « ce qui est excessif est insignifiant » ?

– L’oligarchie économico/politico/médiatique : « Vous inquiétez pas on est vachement meilleur que les Japonais, risque zéro, rendormez-vous… »

Le contenu du Monde du 19 mars cultive la même ambiguïté. Voici quelques titres :

– La puissance du lobby pronucléaire japonais annihile toute velléité de débat (totale collusion entre le METI** et le FEPC***)

– les Etats-Unis doutent des informations fournies.

– Troublante discrétion de l’Organisation mondiale de la santé (inféodée à l’AIEA****)

– Paris décidé à sauver la filière nucléaire française # Nicolas Hulot prend ses distances avec l’atome.

– Une énergie indispensable (un prof d’université vendu au nucléaire)

– Sûreté des installations, notre obsession (Henri Proglio, PDG d’EDF)

– L’EPR français (la bête noire du réseau sorti du nucléaire) est conçu pour « mieux résister » à un accident nucléaire majeur.

– Risque sismique ou terroristes : la France n’est pas à l’abri du danger.

Comment s’y retrouver ? D’autant plus que le gaz et le  charbon bénéficieraient largement d’un rejet de l’énergie nucléaire. Alors, soyons clair. Les générations futures n’auront à leur disposition que des énergies renouvelables. Donc nous ne devrions dès aujourd’hui utiliser que des énergies renouvelables. Il s’agit d’abandonner tout à la fois les filières nucléaires et le pillage des énergies fossiles. Nous sommes en total accord avec Agnès Sinaï : la production de moyens est devenue la fin de l’existence, le volume des objets électro-industriels excède notre capacité de compréhension, les sociétés doivent se ressaisir afin d’inventer des systèmes à taille humaine, résilients et coopératifs.

* LeMonde du 19 mars, Fukushima ou la fin de l’anthropocène (sortir d’urgence de l’inanité de notre mode de croissance)

** METI, Ministère japonais de l’économie, du commerce et de l’industrie.

*** FEPC, Fédération japonaise des compagnies d’électricité.

**** AIEA, Agence internationale pour l’énergie atomique.

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