le Mondial des gogos

Nous sommes inquiets, le virus se répand encore plus vite que celui de la grippe A. Déjà 26 milliards de Terriens intoxiqués en 2006, combien pour le Mondial 2010 ? (26 milliards, audience cumulée des retransmissions télévisées des matches du Mondial allemand, LeMonde du 10 juin 2010). Les Terriens n’éprouvent pas le besoin d’aimer le foot, mais les chaînes de télé et les puissances d’argent arrivent à les convaincre d’aduler le foot. Depuis 1998, les droits télévisés ont quasiment décuplé pour atteindre cette année un pactole estimé à 1,4 milliards d’euros. Comme la société de croissance arrive aux bouts de  ses possibilités étant donné l’épuisement des ressources de la planète, il lui faut trouver une alternative, il lui faut amuser le peuple, le divertir pour continuer à le dominer. Le culte du sport en arrive à copier les recettes de la religion pour anesthésier les gens ; et les gens croient atteindre le nirvana (factice et très temporaire, surtout quand « leur » équipe perd !) alors qu’ils sont devenus des victimes consentantes. Il n’y a pas de véritable liberté de choix, le supporter est pris dans un engrenage, l’adhésion à un groupe qui acquiert sa cohérence en voulant la déroute des adversaires, les signes extérieurs de reconnaissance (écharpe, maillots…) comme dans les systèmes fascistes, la beuverie pour sceller une amitié de connivence, les vuvuzelas qui vous percent les tympans ou la simple addiction en solitaire devant son poste retransmettant le match si attendu…

Cette addiction est non seulement véhiculée par les médias, mais soutenue par les politiques. Un président sud-africain pouvait même délirer : « Un jour les historiens évoqueront la Coupe du monde 2010 comme le moment où l’Afrique a redressé la tête et a résolument tourné le dos à des siècles de pauvreté et de conflits. » Nicolas Sarko, footeux 1er : « Qu’y a-t-il de plus fort que le football ? » Les dirigeants les plus puissants de la planète déroulent le tapis rouge devant les bureaucrates de la FIFA quand il s’agit de plaider la cause de leur pays pour obtenir le Mondial. Lorsque la FIFA prend une décision, elle est plus respectée que l’ONU qui empile des résolutions foulées au pied par les protagonistes. On n’a pas à s’aplatir devant la Fifa, on doit revaloriser l’ONU et ridiculiser la Fifa, fief des corrupteurs.

                Si les médias, les politiques et les Terriens avaient prêté autant d’attention au réchauffement  climatique qu’au Mondial de foot, le sommet de Copenhague aurait été un franc succès. Mais le capitalisme libéral préfère que les humains s’intéressent au foot-spectacle plutôt qu’à leurs conditions de vie présentes et futures…

Dieu n’aime pas le foot

Dieu n’aime pas le foot, c’est devenu un concurrent trop en vogue, un substitut trop parfait. Le foot est en effet une religion, habillé des mêmes oripeaux, une tenue spéciale sur le stade ou dans les gradins, des chants comme à la messe, le culte des sanctifiés du ballon rond, des trophées en forme de calice, la ferveur d’une communauté en transe, des foules de supporters confites en dévotion. Plus besoin d’aller à la messe quand on aime le foot.

Les politiques aiment le foot. La ministre Rama Yade, qui a paraît-il toujours maintenu sa confiance dans l’équipe de France, demande même aux Français de devenir le 12e homme de l’équipe de France et de s’abstenir de toute polémique. Le ministre François Baroin sera consultant sportif sur Europe 1 pendant la durée du Mondial. L’Etat va consacrer 150 millions d’euros dans la perspective de recevoir l’Euro 2016. On dilapide des fonds publics au bénéfice de kermesses commerciales (LeMonde du 12 juin). Les millions n’ont pas englouti l’émotion, ils l’ont entretenue. Un petit Africain ne veut plus qu’une chose, signer dans un grand club pour s’offrir une voiture de sport et des pages dans la presse people. Le sport est devenu un vaste spectacle agrandi à l’échelle de la planète : divertir pour dominer !

Pourtant les Français n’aiment pas le foot, ils sont 42 % à ne pas s’intéresser au Mondial contre 35 % à s’y intéresser. Mais comme les  croyants, les politiques et les médias transforment une activité d’enfant qui consiste à courir derrière un balle en une liturgie adulée, les raisonneurs n’ont pas droit à la parole. Le foot est un moyen utilisé par la société de croissance pour cultive la démesure, l’hubris, l’absence de limites portée par l’Occident au détriment des équilibres de la biosphère. Comme la plupart des activités humaines, les jeux de ballon ont besoin d’une relocalisation, de redevenir un jeu et pas un sport, de retrouver le sens des limites.

lettre ouverte à Edgar Morin

Edgar, tu nous invites à résister, d’accord, mais à qui, à quoi ? Tu vaudrais décoloniser l’imaginaire, parfait, mais lequel ? Tu nous invites seulement à « épouser les combats de notre temps » (LeMonde du 11 juin 2010). Un peu court, pour un grand intellectuel hors norme. De ton temps, puisque tu es né en 1921, il était assez facile de savoir à quoi résister, le nazisme, la guerre coloniale en Algérie, le communisme stalinien. Mais aujourd’hui, alors que les générations présentes sont menacées d’une amnésie généralisée,  ton interview ne nous aide pas beaucoup à savoir à quoi résister ! Dans notre société dont tu soulignes la complexité, la publicité habille en blanc même les idées les plus révolutionnaires, les entreprises habillent en vert l’environnement et la nature, les politiques retournent leur veste ! Alors, que faire ? « Fonder une éthique qui articule la poétique au prosaïque » ? Des mots, juste des mots ! Quand, comme tu nous le conseilles, nous avons pu percevoir les deux aspects contradictoires d’un même combat, en fait nous n’avons pas progressé !

Nous pensons sur ce blog que c’est la démarche de Xavier Renou qui est la meilleure, intégrative et efficace. Avec d’autres, il a créé en novembre 2006 le collectif « les désobéissants », un réseau informel de militants de l’action directe. Parce qu’ils voulaient se battre pour la défense de la vie et de la justice sociale, il ont décidé de s’organiser en un groupe de volontaires et d’activistes prêts à agir de manière directe et non violente aussi souvent que nécessaire/possible. Ils constataient le cloisonnement et la concurrence entre les activistes militants. Mais, que nous soyons altermondialistes ou anti-mondialisation libérale, protecteurs du requin ou amoureux de la biosphère, anticapitalistes ou antiproductiviste, antinucléaires ou casseur de pub, écoguerriers ou faucheur d’OGM, malthusiens ou néo-luddite, objecteurs de conscience ou objecteur de croissance, nous agissons tous dans la même direction, avec un objectif commun, réaliser une société plus juste et plus durable.

La convergence des militants est difficile, chacun a ses mots d’ordre et sa propre organisation. En respectant l’autonomie de chacun, les désobéissants se contentent de proposer des occasions de rencontres au cours de stages. On peut alors s’entraîner ensemble aux méthodes et techniques de l’action directe non-violente, on échange des idées. Il était nécessaire de donner aux activistes ces opportunités de formation. Edgar, pour résister et combattre, tu devrais nous parler des désobéissants, de leurs stages et de leur site http://www.desobeir.net/. Merci Edgar.

pour en finir avec les OGM

Après avoir tout voulu autoriser, libre-échange et OMC obligent, nous sommes en passe de tout interdire. Alors notre époque est devenue schizophrène ; ainsi la commission européenne veut multiplier les autorisations de plantes transgéniques, mais les Etats seront libres de les interdire ! (LeMonde du 10 juin). Que penser pour retrouver la raison ?

Il ne faut pas avoir des OGM une vision centrée sur la valorisation des bio-ingénieurs européens ou le respect des lois de la compétitivité internationale : il faut regarder ce que les OGM entraînent structurellement. En fait les OGM ne sont que l’aboutissement ultime d’un processus de dépossession des paysans de leur propre savoir : ce qu’il faut planter est fabriqué dans un laboratoire lointain adossé à un système financier sur lequel il n’y a plus de prise possible. Cette évolution a commencé bien avant les OGM, avec les hybrides. Jusqu’au XVIIIe siècle, l’agriculteur sélectionnait lui-même les variétés les plus résistantes, dont il récoltait les semences pour l’année suivante. C’était un cycle autogéré, même si certaines semences pouvaient être achetées Puis l’activité du sélectionneur est devenue un métier à part entière. Afin de protéger les nouvelles créations, un Certificat d’obtention végétale (COV) fut créé. Tout agriculteur devait utiliser les semences proposées par les catalogues officiels de semences. En France, 90 % des courgettes hybrides F1 sont aux mains de trois grands groupes semenciers : Syngeta, Limagrain et Monsanto. Cinq multinationales semencières possèdent 75 % des semences potagères et dix groupes détiennent 50 % de toutes les semences mondiales. L’enjeu est donc de taille, c’est le contrôle du système alimentaire mondial. L’agriculteur ne peut plus sélectionner ses meilleures semences car la commercialisation de ses récoltes lui est désormais interdite, celles-ci étant issues de semences non autorisées.

Se placer dans une perspective écologique implique d’adopter une vision non spécialisée de la biosphère, d’essayer de comprendre comment ses différentes composantes interagissent les unes avec les autres selon des modalités qui doivent tendre à l’équilibre et perdurer à travers les années. Si nous revenons à l’exemple agricole, le début des ennuis commence avec l’abandon de la polyculture quasi-autonome qui faisait du paysan quelqu’un qui maîtrisait tout un ensemble d’interdépendances. La spécialisation de la monoculture soumet l’agriculteur aux marchands et au marché, et alors tout s’enchaîne, la disparition des semences paysannes, la recherche de productivité, l’exode rural, la mécanisation forcée pour s’occuper de surfaces de plus en plus grandes, l’obligation des pesticides dans un milieu fragilisé par son homogénéité, l’achat des hybrides, la dépendance généralisée de l’exploitant agricole pris en tenaille entre les fournisseurs et les centrales d’achat, la baisse des revenus agricoles, etc. Comme l’impérialisme des semenciers signifie paupérisation, inégalités et dépendances alimentaires, la ré-appropriation des semences par les paysans est devenu absolument nécessaire. Il en va de notre souveraineté agricole, de notre sécurité alimentaire.

industrie de la viande versus végétariens

Pour mieux apprécier la valeur des panneaux publicitaires que s’offre en ce moment Interbev : dialogue-confrontation entre Yves Berger (délégué général d’Interbev, association française interprofessionnelle de la filière viande) et André Méry (président de l’association végétarienne de France) :

Yves Berger : Lors du sommet de Copenhague, nous avons vu une campagne intense dans laquelle beaucoup de gens ont fait l’amalgame entre végétarisme, bien-être animal et environnement. Nous avons réagi avec notre propre campagne de presse.

André Méry : Je crois qu’on est à un moment critique dans l’évolution de la consommation des Français. Mais voilà, l’élevage en France, ce sont des dizaines de milliers d’emploi à défendre. Nous, les végétariens, nous ne recevons aucune subvention pour pouvoir dire aux gens que le discours dominant sur la viande – aidé par l’Etat, j’insiste – n’est ni équilibré ni rationnel. Il est par exemple impossible que le monde entier mange autant de viande que les Occidentaux.

Yves Berger : Ce n’est quand même pas notre faute si les Chinois ou les Brésiliens mangent de plus en plus de viande !

André Méry : Nous ne sommes pas innocents de ce qui se passe à l’étranger. Il faut tout de même avoir en tête que la France importe 5 millions de tonnes de tourteaux de sojas par an du Brésil ! Admettons que l’on crée une journée par semaine sans viande, cela permettra de réduire la déforestation, idem pour la pollution atmosphérique, pour le gaspillage d’eau, etc.

Yves Berger : En se contentant d’une vision purement environnementale, on peut admettre qu’il y aura un certain effet bénéfique. Mais il ne faut pas oublier l’économie, il faut être réaliste.

(source : Dossier du mensuel terraeco de février 2010) 

Interbev et le lundi végétarien

Il paraît que le bœuf est « une énergie naturelle qui entretient les prairies, propice à la biodiversité et facteur de réduction de l’effet de serre ». C’est affirmé sur une pleine page de prairie verte sur ciel bleu que nous « offre » LeMonde du 8 juin, en fait une publicité financée par Interbev, l’interprofession bovine, ovine et équine. On ne peut donc s’attendre un avis parfaitement impartial et désintéressé, un peu à l’image de la patronne d’AREVA, Auvergeon, célébrant les mérites écologiques du nucléaire

                Le premier problème, c’est que ceux qui veulent contester les affirmations d’Interbev ne peuvent se payer une pleine page d’un quotidien, d’autant plus que des affiches similaires fleurissent sur les murs de nos villes : les lobbies agro-industriels dominent la scène médiatique et politique. Ensuite, on a rasé des forêts pour faire les prairies ; une forêt à un « bilan carbone » infiniment plus positif qu’une exploitation bovine. De plus la stabulation forcée est devenue la norme, élevage industriel oblige : des centaines de vaches sont parquées en dehors des prairies, avec un ordinateur intégré à la place de la cloche ancestrale, parfois avec la queue coupée, cela salit. On veut nous faire croire que les bœufs et les vaches ne mangent que de l’herbe. Faux ! N’oublions pas que l’utilisation systématique des antibiotiques et autres produits douteux dans l’alimentation animale est favorisée ; on en arrive même à nourrir les ruminants avec du grain. Maïs et soja importé sont massivement destinés à ces animaux. La déforestation amazonienne, c’est bien l’élevage bovin qui en est responsable (la France importe 5 millions de tonnes de tourteaux de sojas par an du Brésil ). Enfin l’élevage est responsable de 18 % des émissions totales de gaz à effet de serre (davantage que les transports) ; est à l’origine de 8 % de la consommation mondiale annuelle d’eau ; occupe près de 80 % de la superficie agricole de la planète, entre les zones de pâturage et celles produisant l’alimentation des animaux.

               Si l’information véhiculée parLeMonde était objective, on garderait cette page d’Interbev, mais on mettrait en vis-à-vis une pleine page pour inciter la population à pratique le lundi végétarien : cela permet de lutter à la fois contre les mécanismes d’intensification des conditions d’élevage, contre l’impact de l’élevage sur le réchauffement climatique et contre le gaspillage énergétique lié aux calories animales (manger trop de viande, c’est empêcher d’autres personnes de se nourrir). Et manger végétarien n’est pas mauvais pour la santé !

la décroissance est à vendre

Un peu de pub pour Casseurs de pub, rebaptisé « La décroissance ». D’abord quelques extraits en vrac pour critiquer la religion de la croissance :

Les obèses de la croissance, ces riches qui n’ont de cesse ici et ailleurs de ridiculiser les modes de vie traditionnels…Dans les médias, une meute de chiens de garde, journalistes, économistes, publicitaires, répètent en boucle ce couplet : « Sortez du troupeau du productivisme et ce sera le goulag, la peste et le choléra »… Au moins les dévots des temps anciens admettaient qu’ils défendaient une religion. Ceux du scientisme sont pires : ils n’ont même pas cette conscience… Les économistes parlent de « décollage » des Etats grâce à la croissance en les comparant avec des avions. L’image est juste en ce sens que les Etats perdent progressivement pied avec la réalité terrestre… Les Etats fonctionnent à l’image des personnes endettées qui ne peuvent concevoir le futur  que si demain elles gagnent davantage qu’aujourd’hui… Le scénario noir du chaos social se poursuivra tant que nous ne sortirons pas de la croissance, qu’elle soit noire, bleue, orange, rose, rouge ou verte.

Et puis cette histoire du canadien Conrad Schmidt : « Je me suis dit que si je me débarrassais de ma voiture,  et que je me rendais en vélo au boulot, j’allègerais mon empreinte sur l’environnement. Résultat, outre le fait que j’étais plus en forme, je me suis retrouvé avec un surplus de 400 dollars par mois, parce qu’une bagnole, ça coûte cher. Et la question s’est posé de ce que j’allais faire de cet argent en plus. Si je me paye un voyage en Europe, ça revient au même, je continue de nuire. La consommation est donc exclue. De la même façon, si je m’offre des massages ou des cours d’espagnol, comme est-ce que, eux, mon masseur et mon prof, vont-ils dépenser cet excédent de revenu ? Sans doute qu’ils seront moins scrupuleux que moi et qu’ils vont accumuler des biens inutiles qui viendront aggraver la situation. Conclusion, soit je détruis ce fric, je le brûle, soit je m’achète du temps. A partir de ce moment, j’ai commencé à travailler seulement quatre jours par semaine, puis j’y ai pris goût, et me suis investi dans la communauté, j’ai quitté mon job, j’ai fait des films, écrit des bouquins… »

Le numéro de juin de la Décroissance, le journal de la joie de vivre, est en vente dans les kiosques …

Blood, Toil, Tears and Sweat

I have nothing to offer but Blood, Toil, Tears and Sweat s’exclamait Churchill le 13 mai 1940 : « Je n’ai rien d’autre à offrir que du  sang, de la peine, des larmes et de la sueur ». Soixante dix ans plus tard, son successeur David Cameron vient de prévenir que son pays allait connaître des années de « souffrance » (LeMonde.fr du 6 juin). Le Premier ministre britannique veut réduire le déficit public et le poids « énorme » de la dette. Il a tenu un discours que les hommes politiques en Grèce, en Espagne ou même en France commencent à adopter : « La qualité d’un véritable homme d’Etat est de prendre la bonne décision en expliquant aux gens l’objectif derrière la souffrance ». Très bien ! Mais il n’y a pas que les dettes publiques dans la vie, nous sommes en état de guerre, de guerre contre la planète ; la question monétaire est secondaire par rapport à la question des ressources physiques. Bien plus, tout ce que nous avons imaginé antérieurement pour sortir de la crise financière (remettre en route la machine à créer de la monnaie dans les banques) ne servira qu’à mieux préparer la prochaine crise.

Les politiques doivent faire leur le diagnostic de Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean : « Osons le dire : celui ou celle qui arriverait, aujourd’hui, avec les idées claires sur la contrainte des ressources naturelles, et qui aurait un programme bien bâti pour y répondre, avec un mélange de souffle nouveau et d’efforts pour chacun, celui-là ou celle-là pourrait être audible. » (in C’est maintenant ! Trois ans pour sauver le monde). Nous allons devoir nous faire à l’idée d’être plus heureux avec moins, et le pouvoir politique doit avoir le courage de le faire comprendre. Osons le dire : il nous faut un nouveau Churchill, et il nous le faut avant 2012 en France. Ce n’est pas gagné, le PS ne possède actuellement aucun Jaurès de l’écologie et les Verts se disputent avec Europe Ecologie pour savoir comment s’organiser ! Cécile Duflot, la secrétaire nationale des Verts, assure : « Sur la forme, on va s’en sortir, on est obligé ». Le numéro deux des Verts, Jean-Vincent Placé, vient d’assurer que la structuration du mouvement était un « bide total ». L’EE Daniel Cohn-Bendit reconnaît : « je n’ai pas la solution ».

Tant que les petits conflits inter-humains passeront avant le salut commun, tant que nous n’accepterons pas la souffrance et les larmes, l’avenir de nos enfants passera par les guerres du climat et non par la coordination des efforts de tous.

volontarisme ou rationnement carbone ?

D’un côté on nous incite au 10:10, réduire de 10 % nos émissions de gaz à effet de serre en un an. De l’autre on nous prépare à des quotas individuels d’émissions, autrement dit une carte de rationnement carbone (LeMonde-Planète du 5 juin)

La première option est volontaire, il faut faire du vélo, supprimer la climatisation, ne plus prendre l’avion, éviter la viande… Il s’agit d’une méthode douce, non vécue comme une contrainte, non culpabilisante, agréable en somme. Mais entre 2008 et 2009, du fait de la récession, on a diminué les GES de seulement 3 %. L’objectif de 10 % paraît donc impossible à atteindre. Alors, une taxe carbone ? Dans l’état des inégalités de revenus, cela ne gênerait nullement les riches, mais pénaliserait fortement une proportion non négligeable des autres catégories sociales. Sachant de plus que le marché carbone des permis d’émission est une vaste fumisterie, il ne nous reste plus que la carte carbone. Elle a été étudiée par le gouvernement britannique en 2006, elle est en chantier en Finlande. Dans un système où les ressources de base vont devenir plus rares et plus chères, si on en reste au système revenus-prix, les inégalités vont se creuser énormément et il y aura des révoltes. Nous sommes déjà depuis longtemps dans un système de rationnement par les revenus et les prix. Les riches ne se rationnent pas, les pauvres se rationnent, par définition. Il faut donc un partage équitable, tout humain a droit à une part identique au niveau énergétique et alimentaire. La carte carbone reprend une idée centrale des négociations climatiques : le principe de « contraction et convergence ». Contraction, fixer politiquement un objectif chiffré de réduction des rejets de CO2 dans l’atmosphère. Convergence, définir la contribution de chaque pays à cet effort, pour aboutir finalement à une égalité d’émissions par personne.

En France, le rationnement fait presque immédiatement penser aux heures sombres de la Seconde guerre mondiale. Mais au Royaume-Uni, les choses sont différentes : là aussi le rationnement est associé à la période de guerre, mais si le rationnement a été une période difficile, il a été aussi l’un des principaux instruments grâce auxquels la démocratie a pu s’organiser pour traverser la tourmente des pénuries. Le rationnement doit sa mauvaise réputation à son association à l’idée de pénurie… alors qu’il est une réponse à la pénurie, et non sa cause. En fait le rationnement présente deux aspects qui, tout en étant liés, sont bien distincts : d’une part  la garantie d’un minimum de partage, et d’autre part la limitation de ce que les gens sont autorisés à consommer. Beaucoup d’entre nous rejetons le second, mais en temps de pénurie nous exigerons le premier !

Pour en savoir plus, Silence n° 379, mai 2010

quelle éthique pour les fonctionnaires ?

Une pétition s’exclame, « Non au contrôle de moralité des futurs enseignants » (LeMonde du 4 juin). De quoi  s’agit-il ? Une nouvelle épreuve au concours se propose de mesurer si le professeur connaît… « les textes relatifs à la sécurité des élèves et à la sûreté » ou « les règles de fonctionnement de l’école ou de l’établissement ». Prenons une application officiellement précisée dans un exemple : « Dans l’établissement scolaire où vous exercez vos fonctions, lors d’un intercours, vous remarquez deux élèves en train de se battre dans le couloir. Questions : 1/ Pensez-vous qu’il faille considérer que la surveillance des élèves durant les intercours, relève exclusivement de la compétence des surveillants de l’établissement ? 2/ Qu’évoque pour vous l’appellation communauté éducative ? »

La position des pétitionnaires, c’est de supposer qu’une telle question relève d’une dérive : « Nous ne pouvons accepter qu’un certificat de bonne moralité soit désormais requis pour accéder aux fonctions d’enseignant. » En fait, il s’agit pour eux de défendre un enseignant qui ne soit reconnu que pour son contenu cérébral devant une classe: « Les concours de recrutement ne sauraient évaluer que les compétences disciplinaires et les aptitudes pédagogiques des candidats. » Or beaucoup d’enseignants de l’époque actuelle se lavent les mains des problèmes de comportement des élèves d’aujourd’hui. La communauté éducative, ils n’en ont rien à cirer. Y’a des gens qui sont payés pour assurer la discipline dans les couloirs, pensent-ils ; l’enseignant, lui, il a sa propre  « discipline » à enseigner, point barre. Pourtant la « moralité » dont il est question ici ne consiste pas à afficher sa religion ou à dénoncer le surveillant qui ne fait pas son travail. Il s’agit d’une éthique professionnelle. Il ne s’agit pas de l’avènement d’une « société de contrôle », il s’agit de réagir par rapport à une société qui enferme tous les individus dans une spécialisation forcenée des tâches, une division du travail qui en arrive à nous faire oublier le sens de la communauté. Alors, il faut multiplier le nombre de flics et de contrôleurs des contrôleurs.

Notre position sur ce blog, c’est que nous faisons partie d’une communauté humaine et même d’une communauté biotique. Si des intervenants extérieurs arrivent pour matraquer des élèves, un enseignant à le devoir de s’interposer si possible. Si la pollution  de la planète devient une réalité, un enseignant doit faire tout son possible pour qu’il en soit autrement. L’éthique du fonctionnaire, c’est comme la morale pour n’importe quel citoyen, il faut se sentir concerné et responsable dans tous les évènements de sa communauté.

ils sont fous ces humains

Les humains n’arrêtent pas de se bouffer entre eux, on envahit l’Irak sur la foi de mensonges, on asphyxie la bande à Gaza pour sauvegarder un territoire prétendument dévolu par dieu au peuple juif, on s’arme à tout va. Le Sipri (Institut international de recherche pour la paix de Stockholm)  estime dans son dernier rapport annuel que la planète de l’homo demens a atteint un nouveau sommet dans les dépenses militaires, 1531 milliards de dollars. La France gaspille à elle seule 63,9 milliards de dollars
(LeMonde du 3 juin).

Pour rien ! Depuis le début du XIXe siècle, l’histoire de la France offre une impressionnante série d’échecs de la défense militaire. Cinq agressions contre le pays (1814, 1815, 1870, 1914, 1940) se sont soldés par quatre échecs indiscutables et par une guerre de 1914-18 qui a nécessité l’intervention étrangère, tout le Nord-Est du pays ravagé et près de  1,4 millions de morts et 740 000 mutilés. Si l’on ajoute les deux revers subis en Indochine et en Algérie, il est légitime de se demander si la confiance dans l’option militaire ne relève pas de l’illusion collective. Ne parlons pas des USA qui ont préféré se faire entre eux la guerre de sécession au XIXe siècle et pour qui l’échec au Vietnam n’a pas servi de leçon puisqu’ils sont en train de subir un revers en Irak et en Afghanistan. La guerre n’est pas la continuation de la politique par un autre moyen, c’est une vaste fumisterie qui flatte l’ego de certains souverains.

Pourtant nous sommes dans un monde qui pourrait désarmer. Il n’y a plus d’antagonisme entre les blocs, et les problèmes locaux peuvent être gérés par l’ONU. La puissance économique européenne rend inutile le maintien par un petit pays comme la France d’une armée nationale. La bombe atomique, ce machin horrible dont on dit qu’elle sert de dissuasion alors qu’elle a déjà été utilisée  deux fois, n’aurait jamais du exister. Mais nous ne faisons rien, nous battons des records de dépenses dans la militarisation de la société. Les guerres du climat qui s’annoncent promettent donc d’être particulièrement meurtrières.

finale Federer-Nadal, on s’en fout

Non, nous ne rêvons pas de la finale de Roland Garros. Non, les quarts de finale n’ont rien d’enivrant. Non, entre Söderling et Federer, nous n’avons aucune préférence. Oui, l’article de Bruno Lesprit sur le feuilleton de Roland Garros (« Tout le monde en rêve », leMonde du 2 juin) nous gonfle. A croire que pour ce journaliste, le tennis est une religion : « Des prières s’élèvent », « Apothéose espérée », « Eternel espoir », « Dimanche sublime ». Mais une religion qui a ses élus (Federer et Nadal) et son bouc émissaire (Söderling). D’un côté Nadal, el reconquistador et  Federer l’idole planétaire. De l’autre Söderling, le trouble-fête, son crime de lèse-majesté, un malandrin, sa 13ème défaite à la satisfaction générale, le gueux, une carte de visite miteuse, ses trophées risibles.

Supprimer le sport dans les colonnes du Monde pour ne garder que ce genre d’article ne va pas nous remonter le moral dans une société où le foot sert de faire-valoir aux politiques et le tennis de bouche-trou sur les chaînes publiques.

Sarko, footeux 1er

La France désignée pour accueillir l’Euro en 2016. Nous n’en éprouvons aucune satisfaction, plutôt un écœurement devant la gestuelle politicienne. Sarko s’est personnellement impliqué dans la campagne de désignation en se rendant à Genève pour serrer la paluche des membres du comité exécutif de l’UEFA. « La présence de Nicolas Sarkozy a fait pencher la balance », s’exclame Michel Platini. Sarko déclare sans rire que « le sport est une réponse à la crise ». Il avoue même que parce qu’« il y a des problèmes, les politiques mobilisent tout un pays vers l’organisation de grands événements »… qui ne sont pas des solutions. Oubliée la crise, oubliée la rigueur, mais pour un moment seulement. La facture totale de l’évènement devrait s’élever à 1,7 milliards d’euros. Pourtant Le Figaro titrait son édito : « Une victoire politique », puisque Sarko avait mouillé le maillot. LeMonde du 1er juin se contente d’un « sur un petit nuage », mais n’exprime aucune critique de ce mélange du foot et de la politique. Même la socialiste Martine Aubry avait simulé « un grand bonheur » à l’annonce de la sélection de la France. On en reste toujours à la formule latine « panem et circens », du pain et des jeux pour divertir la foule et la dominer.

Le foot-spectacle n’est qu’une activité dont l’objectif est la sidération des masses, l’encadrement d’un troupeau dont chacun fait partie et auquel tous sont assujettis. C’est l’infantilisation d’une foule qu’on a rendu hystérique, qu’elle se rassemble dans les stades ou qu’elle reste avachi devant sa télé. Le foot est devenu le plus puissant des opiums du peuple, la collectivisation de toutes les illusions individuelles. Comme l’exprime un philosophe, « La tribalisation du stade se transforme en une communion nationale et procure une jouissance où l’amour nombriliste se fond dans l’amour communautaire. » Et aucun de nos intellectuels médiatiques ne réagit !

la France 7ème ? Mauvais calcul !

Après le PIB (produit intérieur brut), après l’IDH (indicateur de développement humain), voici venu le temps des indicateurs de bien-être de l’humanité et de la planète ! Nous avons déjà oublié à quoi pouvait bien aboutir la commission Stiglitz nommée par Sarko sur la « mesure de la performance économique et du progrès social ». Le petit dernier vient de sortir, l’indice final de performance environnementale (LeMonde du 30-31 mai). Il paraît que la France est septième, qu’est-ce que ça doit être dans les autres pays ! Il est vrai que la France exporte ses déchets nucléaires en Russie et importe son uranium de l’étranger, utilise huile de palmes et soja grâce aux surfaces gagnées sur les forêts des pays « émergents », sans compter tous les biens de consommation importés de pays où il n’y a pas de protection environnementale : le monde est notre poubelle.

De plus, si on rentre dans les détails de cet « indice final », on ne peut que rester perplexe. En effet, il ne faudrait pas faire comme avec le PIB, compte en positif ce qui est négatif. En quoi la lutte contre les maladies liées à l’environnement serait-il un signe de bonne santé ? En quoi la lutte contre le changement climatique serait-il un signe de sobriété énergétique ? Et ces deux postes font déjà la moitié de la pondération de l’indice. En France, l’idée de taxe carbone a été abandonnée et, pour la vitalité des écosystèmes, nous n’avons pas entendu dire que ce pays était particulièrement au clair avec ses objectifs Natura 2000.

De toute façon, un bon état environnemental doit être lié à l’absence de cancers liés à un milieu pollué, à l’absence de réchauffement climatique causé par la combustion d’énergies fossiles, à l’absence d’une perte de biodiversité, à l’absence de pesticides dans les eaux et les sols, etc. La France n’est pas septième en réalité car, comme tous les pays développés, elle exploite au maximum la nature au niveau mondial et détériore chaque jour davantage l’avenir des générations futures.

Avatar et les Indiens du Pérou

Le film Avatar est une douce plaisanterie : les peuples indigènes ont toujours été expropriés par l’expansionnisme de la société thermo-industrielle, et cela très rapidement quand ils possèdent des ressources naturelles directement utilisables. Violer les droits les plus élémentaires des peuples indigènes a été une constante de la mondialisation. Le fait qu’Alberto Pizango, chef du premier collectif d’Indiens d’Amazonie, ait été poursuivi par la justice péruvienne après une manifestation massive et pacifiste à Bagua, le 5 juin 2009, contre une série de décrets ouvrant leurs territoires aux compagnies étrangères n’était donc pas une surprise : on ne discute pas avec les autochtones, ils doivent suivre la loi du plus fort. Il est bien clair aussi que, contrairement au film de James Cameron, les communautés particulières ne peuvent vaincre par les armes, elles seraient exterminées.

Mais le retour d’exil d’Alberto et sa mise en liberté conditionnelle (leMonde du 29 mai) marque peut-être un tournant. En effet, les deux principes fondamentaux de la convention 169 de l’OIT signée en 1993 par le gouvernement de Lima sont la consultation et la participation des peuples indigènes et tribaux. Alors que beaucoup de participants aux discussions ayant précédé l’adoption de la convention ne pouvaient accepter le contrôle de leurs terres par les peuples indigènes et tribaux, cette partie de la convention prévoit un niveau de participation significatif à la gestion des terres et des ressources, plus élevé même que celui dont jouissent les citoyens de la plupart des pays. Le contrôle sur les terres est bien sûr un élément indispensable à l’obtention de la pleine reconnaissance du droit à l’auto-gouvernement.

Les tribus « indigènes » d’aujourd’hui n’ont sans doute aucun trait commun avec les Na’vi, les autochtones fictifs de la planète Pandora. Elles ont assimilé les principes de base du capitalisme depuis longtemps et savent faire négoce de leur « ethnicité » : il s’agit seulement de savoir comment va se répartir les royalties des ressources minières. Il faudra attendre l’implosion de la société thermo-industrielle, quand elle sera allée au bout de l’exploitation facile de la nature et qu’elle connaîtra des blocages énergétiques et climatiques, pour qu’on s’intéresse enfin à la seule  solution durable aux problèmes contemporains : la constitution mondialisée de communautés territoriales suffisamment indépendantes au niveau énergétique et alimentaire. Cela se fera encore une fois dans l’affrontement, mais cette fois par le rejet du mode de développement occidental. Sur ce point, James Cameron voyait juste, la diversité économique et culturelle peut être un rempart contre les forces du marché.

Maurice Lévy, le fric et le mensonge

Y’en a qui manquent pas d’air ! Le même jour, 28 mai, nous apprenons que Maurice Lévy s’épanche dans LeMonde pour s’exprimer à la place des nouvelles générations et d’autre part qu’il devrait bientôt quitter ses fonctions de président du directoire de Publicis avec un package de départ de 25 millions d’euros. Maurice croit que les jeunes sont habités par l’idée que les ressources  de la planète sont limitées. C’est tout le contraire, les agences de publicité ont réussi à  rendre les  jeunes cervelles disponibles pour boire du Coca-cola, le plus de coca-cola possible. Maurice croit que la génération montante veut refonder les principes nés avec la révolution industrielle alors qu’elle ne rêve que du dernier Ipad à la mode. Maurice croit que nos enfants sont « révolutionnaires »  alors que sa dépolitisation a été programmée. D’ailleurs Maurice dévoile la supercherie vers la fin de son trop long article : « Nous, publicitaires, devons réinventer le rêve que nous offrons aux consommateurs. » Comment mieux avouer que les jeunes ne sont rien et que la publicité fait tout ; c’est Publicis qui invente le rêve et formate la jeunesse. En prime, Maurice avoue qu’il n’y a pas de changement à attendre, il parie encore et toujours sur une « croissance forte et de solides profits ». Il justifie ainsi son package perso ! Pas un mot de Maurice sur les limites de la planète, il s’en fout Maurice, il va pouvoir la piller avec ses 25 millions d’euros gagnés sur de pauvres jeunes publiphiles qui « devront apprendre à renouer avec ce qui fait la force du capitalisme : la réussite individuelle ».

LeMonde a donc offert à Maurice Lévy une tribune truffée de lieux communs (le 11 septembre, l’élection d’Obama, l’éthique du capitalisme…) pour faire le panégyrique de la croissance capitaliste au nom d’une jeunesse imaginaire. Il est vrai que LeMonde dépend aussi des publicitaires. Mais si la jeunesse n’était pas intoxiquée grave par la publicité, elle exigerait la suppression de Publicis et la confiscation immédiate des 25 millions de Maurice…

ce n’est pas à moi de commencer

Nous sommes foutus ! Nous les pays riches, nous voulons jouer à « ce n’est pas à moi de montrer l’exemple en matière d’action climatique ». L’Allemagne a refusé l’objectif de réduction de 30 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020 car « cela n’apporte rien à la protection de l’environnement si nous avançons unilatéralement en Europe » ; l’Italie, la Roumanie et la Pologne militent de longue date contre un cavalier seul européen ; la France attend de connaître les offres des autres pays. C’est donc en vain que Connie Hedgaard a essayé d’expliquer les  avantages d’un passage à 30 % pour montrer la voie aux autres. (LeMonde du 27 mai). L’idée d’exemplarité est complètement absente de l’action politique aujourd’hui, l’autolimitation et la sobriété énergétique restent des mots tabous.

Même le CAS (centre d’analyse stratégique) déconne. Il refusait l’adoption par l’UE d’un objectif de réduction de 30 % contre 20 % à ce jour pour des raisons qui n’en sont pas. Le fait que « les ménages auraient à fournir des efforts particulièrement significatifs et à modifier sensiblement leur mode de vie » (LeMonde du 23-24 mai) justifie amplement l’objectif de – 30 % et non son abandon. NKM constatait d’ailleurs sur la page d’accueil du CAS que « Les effets ravageurs des excès de CO2 dans l’atmosphère sont déjà là : pas moins de 250 millions de femmes, d’hommes et d’enfants sont frappés chaque année par des tsunamis, des cyclones ou d’autres formes moins soudaines de catastrophes climatiques ». Il paraît que le CAS « offre aux autorités de l’État la vision de long terme indispensable à la décision publique ». On est pas gâté ! Cet organisme privilégie le court terme, « l’emploi et la compétitivité », non les générations futures.

Comme dit un communiqué de presse du PS, « si le couple franco-allemand renonce à être un moteur de l’Union Européenne sur un sujet aussi exemplaire, celle-ci renonce également à être exemplaire. Cela affaiblit également l’Europe face aux pays émergents. » Observateurs attentifs des plans climat locaux, nous pouvons ajouter que la fixation d’un objectif, – 5 % ou – 30 %, ne veut rien dire quand les participants ne sont pas prêts à donner l’exemple par leur propre sobriété énergétique et une perception aiguë des limites de la planète.

guerre contre la nature, guerre contre l’homme

Un commentateur nous écrit : « Une fois que la civilisation agro-industrielle eut décidé de s’étendre, elle se trouva en concurrence féroce avec ces volatiles voraces et envahissants » (des pigeons aux USA). Donc autant les éliminer ! Le problème, c’est que cette espèce définitivement éteinte n’est qu’un exemple particulier de l’extinction des espèces qui s’accélère aujourd’hui. Pourquoi ? D’abord, comme le souligne notre commentateur, parce que les humains se  croient en concurrence avec toutes les formes de vie, ayant oublié que l’espèce homo demens n’est qu’une forme de vie parmi d’autres, dépendante des autres.

Ensuite, comme le souligne Hervé Kempf (LeMonde du 26 mai), parce que cette guerre contre la nature est aussi une guerre contre les paysans. Partout, les maîtres des villes font la guerre à la campagne : pour y étendre faubourg et industries, ou pour imposer une agriculture industrielle à bas de machines et de pesticides au prix d’un recul continu de la biodiversité. La biodiversité, ce n’est pas simplement une question d’ours blanc et de pigeons, c’est le conflit meurtrier entre la course au profit maximal et le nécessaire respect de la terre qui nous fait vivre. Mais la raison essentielle de la perte de biodiversité, c’est l’état d’indifférence dans laquelle se trouvent plongés nos concitoyens. Les Nations unies avaient désigné le 22 mai « Journée mondiale de la biodiversité » dès le Sommet de la Terre de 1992. Cette Journée devrait être le moment fort de l’Année 2010 de la biodiversité pour lutter contre la dégradation de la biodiversité. Personne ou presque n’a entendu parlé de cette journée mondiale le 22 mai dernier ! Pourtant en 2004 une Évaluation des écosystèmes pour le millénaire (Millennium Ecosystem Assessment) avait montré que 60 % des écosystèmes (support de la biodiversité) étaient déjà dégradés.

Faute d’un changement immédiat et de grande ampleur des comportements, la perte croissante des écosystèmes naturels (purification de l’air, de l’eau, équilibre des climats…) va entraîner des modifications irréversibles. Que nous devenions possesseurs et maître de la fusion nucléaire ne ferait qu’accélérer la fin de notre civilisation thermo-industrielle, asphyxiée dans un monde de la démesure, sur une planète de moins en moins vivante, recouverte de bétons et  de terres stérilisées.

la sixième extinction

Comment combattre la perte de biodiversité, 6ème extinction des espèces, quand on ne connaît pas la signification du mot biodiversité ? Selon un sondage récent, 79 % des Français déclarent avoir « entendu parler » de biodiversité, mais seuls 23 % en connaissent la signification (LeMonde du 25 mai). En cette année mondiale de la biodiversité, y’a un manque ! Voici quelques données pour s’y retrouver.

Nous pouvons considérer que c’est à partir du XVIIe siècle que la biodiversité commence vraiment à pâtir de l’action de l’homme. Le cas du pigeon voyageur en Amérique du Nord mérite d’être relaté. Une estimation d’un vol de migration, faite en 1810, fait état de plus de deux milliards d’individus. Vers les années 1880, l’espèce n’était plus présente qu’autour des grands lacs. En 1899, on observait le dernier oiseau sauvage en liberté et le dernier spécimen mourrait en 1914 au zoo de Cincinnati. Aujourd’hui, le rythme des extinctions semble s’être emballé  puisque les chercheurs estiment à présent qu’entre 1 % et 10 % de la biodiversité disparaissent tous les dix ans. Cette biodiversité ou diversité biologique peut être définie comme la variabilité des organismes vivants de toute origine ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes. La convention sur la diversité biologique a été adoptée lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992. Les signataires de la convention se disent (dans son préambule) conscients de « la valeur intrinsèque de la diversité biologique et de la valeur de la diversité de ses éléments constitutifs sur les plans environnemental, génétique, social, économique, scientifique, éducatif culturel, récréatif et esthétique ». Cette convention devait comporter un volet financier. Elle en a été privée sous la pression des Etats-Unis. Plus de dix ans après Rio, la conférence de La Haye sur la biodiversité a réaffirmé la nécessité de se doter d’un mécanisme financier. Avec un peu de chance, il sera adopté dans vingt ou trente ans… Les humains ne se contentent pas de s’entretuer, il éliminent aussi des espèces entières. Cela n’est pas durable.

Parce qu’elle est la condition nécessaire à la vie sur Terre, la valeur de la biodiversité est infinie. On ne peut éluder aussi la dimension éthique justifiant la conservation de la biodiversité. En vertu de quelle autorité notre espèce pourrait-elle s’arroger le droit de procéder au cours du présent siècle à l’ultime génocide, sans précédent dans l’histoire de l’humanité, qui tiendrait à l’anéantissement de plusieurs millions d’espèces vivantes ?

DSK, Stiglitz, les dévots de la croissance

La volonté de croissance économique a ceci de funeste qu’elle est devenue une véritable religion pratiquée par nos élites qui pensent. Alors que le culte du PIB est à l’origine ancré dans l’idéologie de droite (l’accumulation du capital est corrélée avec le profit et l’expansion), la gauche a enfourché le même credo. Quand le socialiste Dominique Strauss-Kahn estime que « si l’Europe va mal, c’est surtout parce que la croissance économique y est trop faible », il ne parle pas en tant que directeur général du FMI, mais en tant que socio-démocrate. Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie, ex-conseiller de Bill Clinton et ex-chef économiste de la Banque mondiale croit critiquer la pensée unique monétariste, mais c’est pour émettre un acte de foi croissanciste : « Aujourd’hui, l’UE veut un plan coordonné d’austérité. Si elle continue dans cette voie-là, elle court au désastre. Nous savons, depuis la Grande Dépression des années 1930, que ce n’est pas ce qu’il faut faire. L’Espagne ne s’en sortira que si la croissance européenne revient. C’est pour cela qu’il faut soutenir l’économie en investissant et non en la bridant par des plans de rigueur. » (
LeMonde 23-24 mai)

Voici, sur lemonde.fr, quelques commentaires intelligents sur l’article de Stiglitz :

– Le désastre de l’endettement irraisonnable mène à l’austérité.

– On peut faire de la rigueur intelligemment.

– La Suède a mené une politique d’austérité qui l’a sauvée et qui ne l’a menée à aucun désastre.

– Si votre ménage est endetté de manière énorme, peut-on continuer à se dire :  » Je consomme encore, c’est bon pour la croissance  » ?

– C’est la croissance pour la croissance qui nous a emmenés au déficit. Les arbres ne montent pas au ciel.

– L’Espagne a construit à tour de bras et pas forcément à bon escient. Et les Amish, ils ont traversé la crise comment ?

– Tant qu’on ne nous propose pas un modèle où tout le monde arrive à s’en sortir convenablement SANS croissance, c’est pas sérieux.

– Mettons en place un modèle qui pourra durer à long terme, pas une chaîne de Ponzi de l’économie mondiale (aujourd’hui, il nous faut de la croissance pour un fonctionnement « normal »).

– Il faut cesser de se crucifier au nom de la croissance et de la paix des marchés.

http://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2010/05/22/joseph-stiglitz-l-austerite-mene-au-desastre_1361520_3234.html