spirale nucléaire

D’abord on prolonge la durée de vie des centrales nucléaires, de 25 ans on passe à quarante ans. On promet bien sûr que le démantèlement sera compensé par de nouvelles sources d’énergie. Ensuite on lève le moratoire sur la construction de nouvelles centrales nucléaires. On promet bien sûr d’en construire uniquement pour remplacer les anciennes centrales. Après, on se rend compte que l’objectif climatique impose d’avoir moins d’émissions de CO2, donc de construire davantage de centrales. Aujourd’hui en Suède, 46 % de l’électricité provient du nucléaire, bientôt ce sera sans doute près de 80 % comme en France. Ce schéma d’évolution est présenté par LeMonde du 7 février. Nulle trace dans cet article d’une quelconque volonté d’économie d’énergie ; uniquement une politique de l’offre, comme si augmenter la consommation d’électricité était un besoin fondamental de l’homo sapiens.           

Pourtant 46 % de l’électricité suédoise provient déjà de la production hydroélectrique, une énergie renouvelable mais difficilement extensible. Il suffirait d’y adjoindre un peu d’éolien et, si les besoins des Suédois en électricité diminuaient de moitié, la Suède n’aurait besoin d’aucune centrale nucléaire, passée ou à venir. Pourquoi adopter l’écran plat qui consomme plus d’électricité ? Pourquoi utiliser un zapper alors qu’il suffit de se lever pour éteindre sa télé ? Pourquoi avoir un téléviseur dans chaque pièce ou presque alors qu’un seul poste dans une famille est amplement adapté ? Pourquoi des foyers tous équipés en télé alors que l’usage collectif était autrefois privilégié ? Pourquoi l’écran couleur alors que le noir et blanc était si efficace ? Pourquoi d’ailleurs un poste de télé alors que la radio se suffisait elle-même à une époque ?  Pourquoi être victime de ce glissement vers le tout-électrique, vers le tout-nucléaire ? Pourquoi ne pas acquérir le sens des limites…

Darwin et le ver de terre

Le naturaliste Charles Darwin aurait eu 200 ans le 12 février prochain et le Monde des livres (6 février), centré sur L’origine des espèces, s’attarde sur l’évolutionnisme, le mécanisme de sélection et le jeu du hasard. Grâce à Darwin et aux progrès de la génétique, il nous faut donc admettre que toutes les formes de vie descendent d’un même organisme : les gènes qui mettent en place le plan de fabrication d’un être humain sont les mêmes que ceux fonctionnant chez un ver de terre ou une céréale.

N’oublions pas un autre aspect de Darwin, son amour de la nature. Il a d’ailleurs consacré au ver de terre un de ses premiers articles et son dernier livre. Cette vie modeste,  faite d’ingestion, de reptation et de  déjection, transforme pourtant les paysages et rend fertile la planète. On doit en effet aux vers de terre l’humus, la terre cultivable, la possiblité des récoltes. Au Tibet, trouver un ver de terre sur le fer d’une bêche arrête le travail du jardiner qui prend soin de remettre la créature en lieu sûr dans le sol. Mais Richard Layard, dans Le prix du bonheur, pense encore comme tant d’autres que l’expression « ver de terre » dégraderait notre humeur alors que « musique » est un mot positif ! Cet anthropocentrisme forcené est caractéristique de notre éloignement actuel de la source de toute vie, la biosphère et ses vers de terre : humus plutôt qu’humeur.

Nous avons oublié l’essentiel du message de Darwin : « Le plaisir que l’on ressent lorsqu’on est assis sur un tronc en décomposition au milieu de la tranquille obscurité de la forêt est indicible et ne peut pas s’oublier. »

raccourcissons les études !

Selon LeMonde du 5 février, les universités africaines sont des usines à chômeurs. Que nous sommes loin des paroles de  l’économiste en chef de la Banque mondiale F.Bourguignon : «  Une politique efficace en direction de la jeunesse repose sur trois types de mesures, plus de possibilité de réussite, plus de compétences et l’offre d’une deuxième chance ».Les filières universitaires sont bondées, les conflits sociaux à répétition et l’espoir en un emploi de fonctionnaire une cruelle illusion. Pourtant on prévoit que de 2005 à 2015, le nombre des étudiants dans les pays d’Afrique francophone passeront de 400 000 à 2 millions ! Pourtant 25 % des diplômés de l’enseignement supérieur sont déjà sans emploi et 30 % des diplômés ayant un emploi sont surqualifiés.

            Pour la Biosphère, la seule solution réaliste passe par le maintien de la jeunesse dans le milieu rural, une valorisation du statut de la femme, une éducation de base qui permette de saisir les enjeux de la régulation démographique et de l’avenir de la planète. A quoi ressemblerait une éducation biocentrique, centrée sur la vie, holistique ? Premièrement le projecteur se braquerait sur  les niveaux de consommation de la classe globale (tous ceux qui possèdent un véhicule personnel) parfaitement inéquitables et absolument non viables. Deuxièmement, la prise de conscience que la société humaine fait partie de l’environnement, que l’on doit respecter la nature au lieu de la piller, qu’il existe en toute chose une forme de conscience, que tous les êtres vivants possédant aussi une valeur intrinsèque. Une école soucieuse de la Terre défendrait aussi la convergence des disciplines, organiserait des expériences festives réaffirmant l’intégration de la société humaine dans la nature. De tels enseignements comprendraient un art contemplatif, la danse, des exercices de respiration profonde, la méditation… Il n’y a pas besoin de poursuivre de longues études pour arriver à la sagesse.

Bien entendu le fait de raccourcir le nombre d’années d’études pour plus d’efficacité ne doit pas être réservé aux pays émergents…

ségrégations spatiales

L’ancien footballeur Lilian Thuram, avec sa fondation Education contre le racisme, voudrait que tout le monde sache qu’il n’y a qu’une seule race – l’Homo sapiens – et que tous nos ancêtres sont communs et viennent d’Afrique » (Le Monde du 4 février). Il est sûr que cela résoudrait grandement le problème du racisme. Mais le racisme actuel est beaucoup plus subtil.

La biologie et la génétique ont supprimé toute base objective aux stéréotypes liés à l’apparence. Les premières études sur les groupes sanguins menées à partir de 1914 montraient que leur répartition en Europe n’obéissait à aucune logique raciale. Depuis, les analyses effectuées un peu partout dans le monde démontrent que les caractères génétiques ainsi que les groupes sanguins, les groupes d’histocompatibilité comme les facteurs enzymatiques sont présents dans la totalité des populations. Blanc ou Noir, une proportion différente de mélanine, pas plus. La dispersion géographique de notre ancêtre commun africain n’a commencé qu’il y a 150 000 ou 200 000 ans, pas assez pour se diversifier biologiquement de manière significative.

Mais dans le discours des racistes modernes, ce ne sont plus les races qui sont déclarées incompatibles ou inégales, ce sont les coutumes, les croyances et dorénavant le marché de l’emploi. Le racisme n’est plus lié aux gènes, mais à l’ethnie ou à la nationalité. Dans le même numéro du Monde, les grèves sauvages se répandent en Grande-Bretagne contre l’emploi de main d’œuvre étrangère en ces temps de récession. « UK jobs for British Workers » est même devenu le slogan porté par le Premier ministre Gordon Brown. Alors on met en place la ségrégation même contre d’autres travailleurs européens, des Italiens, des Portugais ou des Polonais.

Contre l’enfermement planétaire sur une Terre  devenue trop petite, la résurgence xénophobe se généralise ; le racisme avance masqué. Il semble certain que les migrations massives sont derrière nous, tous les écosystèmes sont occupés et pillés. Chaque peuple devra gérer son propre territoire dans des frontières difficilement définissables : malgré notre unité d’homo sapiens, les lendemains s’annoncent sombres.

Vendée Globe out

Des mats brisés, des coques fendues  et des quilles amputées… Dans le Vendée Globe, 18 concurrents sur 30 au départ ont du abandonner. Si les navires de commerce avaient une telle déperdition, le transport par mer serait vite abandonné. Le bateau de Michel Desjoyeaux, arrivé sain et sauf à bon port, a bouclé un tour du monde en 84 jours. La belle affaire ! Il n’avait ni passagers, ni fret à bord.

Tout ça pourquoi ? Pour un peu de publicité de riches sponsors, Brit-Air, BT, Paprec-Virbac, PRB, Roxy, Veolia … qui aiment gaspiller leur argent. Quant à Desjoyeaux, il fait ça, dit-il « parce que je suis loin de la retraite, parce que ça m’amuse, parce que c’est ma passion, et parce que je ne sais pas faire grand chose d’autre » (LeMonde du 3 février). Avec de telles motivations, Desjoyeaux serait tout de suite viré de n’importe quel entretien d’embauche.           

Le prochain Vendée  Globe, programmé pour 2012, ne mérite pas d’exister.

du berceau au berceau

La convention régulant la fin de vie des navires émergera, au mieux, en 2015 (LeMonde du 1-2 février). Pour longtemps encore des navires de commerce contenant des produits toxiques seront désossés sur les plages du Bangladesh ou du Pakistan sans égards pour la santé des humains et l’intégrité de la planète. Des associations réclament la suppression du « beaching », c’est-à-dire du démantèlement sur les plages. Mais la gouvernance internationale aurait dû depuis longtemps imposer la procédure « Cradle to Cradle », du berceau au berceau.

            Il faut  revoir complètement notre manière de fabriquer les choses ; Tous nos téléviseurs et portables, tous nos objets de consommation devraient être composés de matériaux soit complètement réutilisables dans d’autres produits, soit biodégradables. Nous ne bouclons pas actuellement le cycle de vie du produit, depuis l’utilisation de ressources naturelles jusqu’au recyclage des déchets. Au lieu d’envoyer les objets à la décharge ou à l’incinérateur, il faut absolument les insérer dans des cycles clos, de manière à pouvoir les réutiliser sans fin. Aujourd’hui, aux Etats-Unis, on jette chaque année 2,25 millions de tonnes de moquettes. Il faudrait qu’elles puissent redevenir moquette… (Cf. La Terre perd la boule de Thomas Friedman p.89-90)

Pour la bonne santé de la Biosphère, tu peux même te poser la question de la réelle utilité d’une moquette, ce nid d’acariens. Le meilleur recyclage, c’est celui de l’objet que nous ne consommons pas. Ce n’est pas du tout le point de vue de Th.Friedman qui ne connaît pas la perversité de l’effet rebond : « Vous pourriez changer de moquette aussi souvent que vous le souhaitez, sans le moindre sentiment de culpabilité. »

relance à la con

Dans le plan de relance américain, les républicains s’esclaffent sur les fonds qui devraient permettre à Medicaid (l’assurance maladie des bas revenus) de rembourser les contraceptifs : « En quoi les préservatifs stimulent l’économie ? » Obama, en bon politique politicien, a immédiatement demandé aux démocrates de renoncer à cette disposition. Ce plan inclut aussi des mesures sociales, comme le refinancement public des associations du planning familial aboli sous W.Bush (LeMonde du 29 janvier 2009). Espérons que cette fois Obama va résister à la pression des conservateurs républicains qu’on peut à juste titre traiter de natalistes.

Ce n’est pas d’un plan de relance dont à besoin les Etats-Unis et les autres pays développés, mais d’un plan de refroidissement : le niveau de vie occidentalisé nous fait vivre au dessus des limites de notre planète, ce n’est pas durable. Obama entend refaçonner l’économie américaine, bâtir une croissance moins fondée sur l’endettement. Mais il ne peut pas tout faire, accroître la dette pour une relance préservant l’emploi et la consommation, et en même temps sortir les Américains de la mystique de l’endettement généralisé. C’est contradictoire. Il y a fort à parier qu’Obama va être victime des lobbies et des intérêts particuliers, comme son prédécesseur. Pourtant il y a quelques points positifs, Obama souhaite doubler en trois ans la production d’énergies renouvelables, faire baisser la consommation en carburant, soutenir par des crédits d’impôt les constructions respectant les normes environnementales. Cela va dans le bons sens, promouvoir une société qui s’engage dans un autre mode de vie.

La politique aujourd’hui consiste dans l’impérative nécessité de prendre conscience de la crise environnementale globale, elle ne saurait se borner à la recherche de compromis entre groupes humains ayant des intérêts contradictoires. Une véritable politique du long terme imposerait au pays un véritable état de guerre : lutter contre la croissance démographique nationale et internationale, sortir de la civilisation de la voiture individuelle, taxer le carbone de plus en plus fortement, viser à l’autonomie alimentaire de chaque région du monde, supprimer les centrales thermiques à charbon et sortir du nucléaire, etc. etc. 

flinguons l’EPR

L’Elysée a annoncé le 29 janvier au soir la construction en France d’un nouveau réacteur EPR, à Penly (Seine-Maritime).

Commentaire du réseau sortir du nucléaire : « En quelques années, les énergies renouvelables ont créé 250 000 emplois en Allemagne, chiffre en augmentation continuelle. A titre de comparaison, après 50 ans d’investissements massifs, le nucléaire emploie moins de 100 000 personnes en France. Le nucléaire est une industrie du siècle passé, dangereuse et archaïque, chère et polluante. L’avenir est aux économies d’énergie… »

Commentaire du pôle écologique du PS : « Le premier EPR, qui devait servir de prototype, n’est pas achevé ; le système électrique de notre pays exporte déjà massivement de l’électricité. Il n’a nul besoin d’une centrale nucléaire en plus ; le groupe nucléaire Areva demande à l’Etat 3 milliards d’euros pour financer son activité… »

Commentaire de biosphere : «  Pour un chiffre d’affaires de 13,2 milliards d’euros, Areva besoin de 2,7 milliards pour boucler son budget 2009 et le groupe finlandais  TVO se dit prêt à réclamer 2,4 milliards de pénalités pour les retards dans la construction de l’EPR (LeMonde du 31 janvier 2009) ; moi, si j’étais Sarkozy, je ne mettrais pas un sou dans une filière nucléaire qui coûte cher, qui ne procure pas d’emplois durables et qui exacerbe le goût des Français de consommer toujours plus d’électricité pour s’acheter des écrans plats ; n’oublions pas que toute activité humaine est aussi une destruction de ressources naturelles… »

vanitas vanitatum, et omnia vanitas

Le Monde fait relâche pour cause de grève générale, profitons-en pour démolir le sport de haut niveau. Cette pratique est un enfer. C’et un enfer physique, il faut se focaliser sur l’entraînement, des heures et des heures d’entraînement, des entraînement dans la douleur et dans la souffrance pour repousser toujours plus loin ses propres limites. Il faut se faire mal ! C’est aussi un enfer psychologique. On en peut pas comme Laure Manaudou nager quinze kilomètres par jour et être équilibrée ! Le sport de haut niveau est un déséquilibre. Ces athlètes ne sont pas demandeurs de réflexion. Lorsqu’on les questionne, ils répondent souvent : « Je ne veux pas me prendre la tête. » Le sportif performant révèle même son absence de réflexion sur les causes de sa motivation. S’il s’allongeait sur le divan d’un psychanalyste, il arrêterait sans doute le sport du jour au lendemain. Il est vrai qu’ils subissent trop fréquemment un véritable enfer de proximité. L’entourage est primordial, c’est lui qui porte la motivation première. Combien de pères abusifs ont poussé jusqu’à la dépression leur progéniture ! Combien de mères ont fait de leur propre désir de gloire un transfert sur leur enfant! Combien d’entraîneurs ont joui dans une relation de maître à esclave envers leur poulain ou leur pouliche ! Alors, pourquoi cet enfer, pourquoi ce masochisme ?

Cet enfer existe parce qu’il est pavé de vanité. Le goût de la performance, c’est souvent pour être le premier, pour cet afflux d’adrénaline qui rend artificiellement heureux sous les applaudissements. Et puis il y a l’amour de soi dans l’œil du public ; le sportif de haut niveau sait qu’il rentre dans le sport spectacle, qu’il devient l’objet de tous les regards, et cela ne peut que flatter son amour-propre. Je crois même que la motivation financière n’est pas la motivation principale du sportif, la reconnaissance sociale est souvent suffisante. Mais c’est alors le sportif en chambre qui est coupable de vouer à l’enfer les sportifs de haut niveau. C’est lui, c’est son regard qui pousse certains individus à se surpasser jusqu’à aller au-delà de leurs limites.

Supprimons les spectateurs, et il n’y aura plus de sportifs de haut niveau, il n’y aura plus ces gloires déchues et ces corps brisés.

population minimum viable

Malgré le conflit au Congo-Kinshasa, la population de gorilles de montagne a augmenté vertigineusement, passant de 72 individus à 81 individus. Sans doute qu’on avait mal compté la fois précédente ! Par contre la population des manchots empereurs, menacée par la fonte de la banquise, pourrait chuter  de 6000 couples reproducteurs au début des années 1960 à seulement 400 à l’horizon 2100 (LeMonde du 29.01.2009) Une baisse similaire, divisée par quinze, ferait passer la population humaine de 3,04 milliards en 1960 à 202,7 millions en 2100. Ce serait un vrai soulagement pour la biodiversité de la planète. Malheureusement le pullulement humain va encore s’accroître selon les projections actuelles, entre 10 et 12 milliards de personnes en 2100. 

Quel est le minimum incompressible de population pour une espèce déterminées ? Le rhinocéros noir d’Afrique comptait un million d’individus au début du XXe siècle, 10 000 en 1950 et 2600 seulement en 2001. A ce rythme, la population humaine passerait en un siècle de 6 milliards de personnes à moins de 16 millions. Une telle évolution serait-t-elle catastrophique ? La baleine franche du Pacifique compte moins de 300 individus de par la faute des chasseurs humains, l’antilope Sao la du Vietnam subsiste grâce à son isolement avec 200 à 2000 individus. Une espèce doit-elle avoir un minimum de représentants pour survivre ? Les chercheurs ont défini le concept de « population minimum viable » et estimé à 50 femelles l’assurance de ne pas voir l’espèce s’éteindre  à moyen terme, à 500 femelles la garantie que l’espèce soit protégée à long terme : la baleine franche serait donc condamnée alors que les humains ont une marge de manœuvre immense. Le problème essentiel n’est donc pas de savoir si la Terre peut nourrir 6 ou 60 milliards d’humains, le problème est que cette espèce se répand au détriment de presque toutes les autres espèces.

Boycottez Walkyrie !

Hitler a eu beaucoup de chance, il échappa à plusieurs tentatives d’assassinat :

– 9 novembre 1939 : Le menuisier Johann Georg Elser, qui voulait à tout prix éviter la guerre et mettre fin à la dictature, plaça une bombe  à Munich où Hitler commémorait chaque année sa tentative de putsch de 1923. Mais Hitler partit plus tôt et échappa à la détonation, qui tua huit personnes

– 13 mars 1943 : Hitler était à Smolensk. Quand Hitler partit prendre son avion, Fabian von Schlabrendorff alla lui aussi à l’aérodrome avec le paquet d’explosifs qu’il donna à Brandt. La bombe était réglée de manière à ce qu’elle explose au bout de 30 minutes, mais Hitler atterrit sans problème deux heures plus tard.

 – 20 juillet 1944 : au quartier général de Rastenburg, le comte Claus von Stauffenberg dépose lui-même une valise piégée sous la table de réunion et quitte la salle. Cinq des vingt-quatre personnes présentes dans le baraquement furent tuées, les autres blessées. Hitler n’eut que quelques égratignures.

            Aujourd’hui on sort un film sur cette dernière tentative, Walkyrie (LeMonde du 28 janvier). Mais ce n’est qu’un film américain qui obéit aux règles du cinéma de divertissement et ne traite pas les enjeux politiques et historiques. Ce n’est donc qu’un vulgaire film d’action alors que cet évènement pose un problème fondamental : pourquoi des populations entières se sont-elles laissés manœuvrées par des dictateurs sanglants comme Hitler ou Staline ? C’est le texte d’Etienne de La Boétie sur la servitude volontaire qui pose les bases de notre esclavage en 1576. Juste un avant-goût de cette brillante analyse : « Qui voudra bien passer en revue les faits du temps passé, il s’en trouvera peu de ceux qui, voyant leur pays malmené et en mauvaises mains, aient entrepris, d’une intention bonne et entière, de le délivrer. Harmodios, Aristogiton, Thrasybule, Brutus le Vieux, Valérius et Dion, comme ils l’ont vertueusement pensé, l’exécutèrent heureusement ». (Ndlr : tous ces personnages ont  chassé ou tué le tyran qui oppressait la cité).

La Boétie explique aussi clairement pourquoi il y a aussi peu de révolte contre les dictateurs, par exemple en condamnant ce qu’on appelle aujourd’hui la société du spectacle : « A la vérité, c’est le naturel du menu peuple d’être soupçonneux à l’endroit de celui qui l’aime, et naïf envers celui qui le trompe. Les théâtres, les jeux, les farces, les spectacles, les médailles et autres choses de peu, c’étaient les appâts de la servitude, les outils de la tyrannie ». C’est là une bonne réponse à la question du journaliste du Monde, « Pourquoi si tard ? » qui ajoute à juste titre : « Ce n’est pas en allant voir le film Walkyrie que l’on trouvera la réponse ».

Lisez l’essai de la Boétie pour comprendre et boycottez le film de Bryan Singer pour agir.

respect de la vie humaine

Quelques milliers de personnes ont défilé à Paris le 25 janvier pour demander l’alignement des législations européennes sur le « respect de la vie humaine ». En clair, ils veulent interdire l’avortement et l’euthanasie. A l’heure où leur pape décide la réintégration des évêques intégristes, on voit bien la correspondance qui existe entre rétrogrades. Approfondissons cette idée de « respect de la vie humaine » avec plus de clairvoyance.

Oui, il faut être contre l’armée qui utilise des armes pour détruire la vie humaine. Oui, il faut être contre la bombe atomique, la plus destructrice en vie humaine. Oui il faut être contre les inégalités qui détruisent des vies humaines par l’appauvrissement. Mais il faut aussi être pour la régulation des naissances car une population trop nombreuse entraîne guerres et famines. Il faut être aussi pour le droit de mourir dans la dignité car à quoi sert une vie inutile à soi-même.

Dans le catéchisme pour adultes des évêques de France, on ne trouve que des présupposés, «  Puisque l’homme est créé à l’image de Dieu, la vie revêt un caractère sacré. » ou des contradictions « La vie terrestre n’est pas un absolu, comme en témoignent les martyrs. » Quant aux Evangiles,  ils ne disent rien sur l’avortement et l’euthanasie. Les intégristes qui ont défilé dans les rues de Paris ne connaissent rien à la vraie foi, celle qui respecte la vie des humains et des non-humains, celle qui sait que pour permettre une vie durable, il faut parfois tuer à bon escient, celle qui sait que pour avoir une vie digne, il faut parfois choisir d’abréger sa propre vie. 

pics pétroliers

Mon quotidien préféré, à nul autre pareil, pratique à nouveau la rénovation. Ayant opté en novembre 2005 pour un journal de l’essentiel, il préfère depuis cette époque « la hiérarchie de l’information à la confusion de l’exhaustivité ». A partir du lundi 26 janvier, vous allez même voir ce que vous allez voir, ils vont « revaloriser l’économie » ! Malheur à nous, c’est la valorisation de l’économie qui nous a coulés, et Le Monde revalorisait encore plus l’économie ? Parlons plutôt des pics pétroliers, car ce sont les contraintes géophysiques qui vont renverser l’économisme régnant.

LeMonde du 25-26 janvier nous parle bien du pic pétrolier, mais celui de la demande, qui va baisser pour la première fois depuis un quart de siècle. Pour le pic de production, « ce futur plus ou moins proches où l’épuisement d’une partie des gisements pétrolifères rentables se traduira par un déclin de la production », pas besoin de s’inquiéter : « Le pétrole irriguera encore l’économie pendant des décennies, comme il l’a fait sans discontinuer depuis cent ans ». Le chroniqueur du Monde, Jean-Michel Bezat, est vraiment nul. Ce n’est pas avec de tels journalistes que nous sortirons de notre dépendance envers le pétrole, l’économie reste pour lui dominatrice, et la planète ressemble à cette bonne mère qui nourrit des serpents en son sein.

Qu’est-ce que l’économie des hommes ? Rien d’autre que la transformation des ressources naturelles, qui sont apparues sous nos pieds sans que nous ne fassions rien pour cela. La clé de cette transformation est l’énergie, qui  est, par définition, l’unité physique de transformation du monde. Dès lors, la baisse tendancielle du prix réel de l’énergie depuis deux siècles a permis de transformer le monde à moindre frais. Inversement toute hausse suffisante de son prix freinera le système, et se traduira par la récession et une inflation généralisée. Il existe un signal fort pour les spécialistes de l’économie actuelle, trop dépendante des ressources physiques : la multiplication, depuis deux ans, de déclaration de la part des dirigeants du monde pétrolier sur le prochain pic pétrolier, et donc chacun aurait mérité de faire la une d’un grand journal. Le fait est que, en 2007, la production mondiale de pétrole conventionnel a diminué de 0,15 % par rapport à celle de 2006 après avoir augmenté de seulement 0,5 % l’année d’avant (in C’est maintenant ! Trois ans pour sauver le monde au Seuil, 2009.

manger cru ?

Le nuage brun, ce halo de fumée cancérigène qui couvre une partie de l’Inde et de l’océan Indien en hiver, est aux deux tiers constitué de particules issues de la combustion de bois et de bouse de vache. Le Monde  du 24 janvier qui reproduit cette brève conclut : « La lutte contre la pollution ne doit pas concerner seulement l’industrie et le transport, mais aussi la pauvreté, à l’origine de l’utilisation de ces combustibles ».

Mais alors, si nous ne pouvons plus brûler le pétrole (40 ans de réserve), le gaz (50 ans de réserves), l’uranium (60 ans de réserve) et le charbon (bonjour l’effet de serre !), c’est à dire toutes les ressources non renouvelables, ET si nous ne pouvons pas non plus brûler la biomasse (le bois, les bouses de vache, etc.), c’est-à-dire toutes les ressources renouvelables, que reste-t-il pour faire la cuisson à l’usage des générations futures : manger cru ou manger froid ?

la mort d’Arne Naess

Dans le dernier livre de JM Jancovici, C’est maintenant ! Trois ans pour sauver le monde (Seuil, 2009), on trouve bien des choses excellentes, mais aussi une erreur beaucoup trop répandue en France, le dénigrement de la deep ecology : «  Le monde associatif a aussi ses extrémistes, typiquement les tenants de la « deep ecology » (ndlr : écologie profonde). Pour eux, c’est la nature qu’il faut sauver des hommes, qui ne sont que de sales pollueurs, et qui peuvent être sacrifiés si nécessaire. Dans l’esprit de ces mouvements, les seuls qui ont le droit à un avenir meilleur sont ceux qui n’ont jamais péché. » Jancovici, avec des mots de condamnation sans preuves, s’appuie uniquement sur le roman de Michael Crichton, ce négationniste qui a brocardé le réchauffement climatique ! Soyons sérieux, surtout à l’heure ou le père de l’écologie profonde vient de mourir. Dans sa nécrologie du 23 janvier, Le Monde écrit :

« Philosophe, militant écologiste et inventeur de l’écologie profonde, Arne Naess (1912-2009) aura marqué les Norvégiens dans tous les domaines. Il devient en 1939 le plus jeune professeur en philosophie dès 24 ans, « le travail le plus idiot que j’aie fait », avait-il déclaré voici quelques années. Il développe au début  des années 1970 sa notion d’écologie profonde, qui place l’homme non pas au sommet de la biosphère, mais à l’égal des autres espèces qui peuplent la planète. A ce titre, il prône une décroissance de l’impact des activités humaines et une diminution de l’activité humaine. Sur le fond, il cherche à définir un système éthique dans lequel la valeur des choses est définie indépendamment de leur utilité. Sur cette base, il estime que les grandes philosophies ne pensent pas la nature de manière cohérente et prône une nouvelle relation entre l’homme et la nature. » Il s’agit donc d’une réflexion philosophique profonde qui oppose anthropocentrisme et biocentrisme. Puisque l’homme est la mesure de toutes choses, doit-il se donner la place de dominant, ou au contraire une place plus humble, au service de la planète et de tous ses habitants ?

Dans son livre Ecologie, communauté et style de vie, Naess expose les fondements d’une nouvelle ontologie (étude de l’être en soi) qui rend l’humanité inséparable de la nature. Si nous saisissons cette ontologie, alors nous ne pourrons plus endommager gravement la nature, sans nuire en même temps à une partie de nous-mêmes. Arne Naess constate : « Une culture globale de nature essentiellement techno-industrielle s’étend actuellement partout dans le monde et détériore les conditions de vie des générations futures. L’ampleur de la crise est due en partie à ce qu’elle est largement incontrôlée : les évolutions se produisent à un rythme accéléré sans qu’aucun groupe ou aucune classe ait forcément  prévu ou accepté la phase suivante. Il est important de réaliser que le pourcentage de croissance est exponentiel, et que 1 % ou 2 % de croissance annuelle induisent des transformations sociales et techniques de plus en plus importants qui s’ajoutent à celles, énormes, déjà accumulées. Aujourd’hui la formule « PNB = pollution nationale brute » tient toujours et la politique écologique continue chaque année de souffrir des actions menées pour faire croître le PNB. La crise des conditions de vie sur Terre peut nous aider à choisir une nouvelle voie avec de nouveaux critères de progrès, d’efficacité et d’action rationnelle. Nous, qui somme responsables et participons à  cette culture, nous avons la capacité intellectuelle de réduire notre nombre consciemment et de vivre dans un équilibre durable et dynamique avec les autres formes de vie. »

Je ne vois rien là de critiquable et Jancovici mérite qu’on lui tire l’oreille : il ne faut pas dire du mal des personnes qu’on ne connaît pas…

malus bancaire

Sarko propose 26 milliards d’euros pour relancer la croissance, le PS propose aussitôt de dépenser 50 milliards dans l’économie (LeMonde du 22 janvier). On est toujours généreux avec l’argent des contribuables. Sarko propose de soutenir l’automobile, le PS propose de soutenir l’automobile. Nous allons droit vers le pic pétrolier, mais droite et gauche n’en ont vraiment rien à cirer. Pourtant l’expert en énergie JM Jancovici n’y va pas avec le dos de la cuiller dans son dernier livre : C’est maintenant !  Nous n’avons plus que trois ans pour sauver le monde !! Pourtant c’est lui le réaliste, et il constate que tout le monde s’en fout, de la planète et de ses ressources. Il faut faire comme avant, approfondir les déficits budgétaires, soutenir l’investissement pour les uns, soutenir la consommation pour les autres, ce qui est la même chose : on investit quand la demande va s’accroître, on accroît la demande, ce qui va agir sur l’investissement… ou sur les importations ! Le PS veut distribuer 500 euros aux ménages modestes…pour acheter un écran plat et continuer à se faire vider les cerveaux par TF1 ! Tout cela n’est qu’enfantillage, la solution n’est pas de relancer l’économie mais de transformer radicalement la répartition des revenus.

Pourtant ce n’est pas le parti socialiste qui est en avant-garde pour supprimer les bonus des dirigeants des banques, c’est encore une fois Sarko. C’est à n’y  rien comprendre, où sont les socialistes ? Hervé Kempf prône le revenu maximal admissible. Moi je prône l’égalité de la valeur humaine : la femme de ménage de la Société générale ne démérite pas par rapport à son PDG, que le salaire horaire soit le même. Admettons seulement qu’une fois rentrée chez elle la technicienne de surface ne pense plus, mais alors plus du tout à son boulot. Admettons que les 2 milliards de bénéfices de la Société générale pour 2008 empêchent son PDG de dormir. Bon, un petit bonus pour la tête pensante, un salaire double de la femme de ménage, pas plus. C’est le bonus pour le travail de nuit.

Alors les bonus, parachutes dorés et autres escroqueries légales, moi, si j’étais socialiste, cela fait longtemps que j’aurais supprimé tout ça. Quant à la relance, commençons tous à vivre ensemble avec les ressources de la planète telle que nous les avons vidées, et serrons-nous plutôt la ceinture…

Obama, c’est Mitterrand

J’ai reconnu dans la grande liesse du mardi 20 janvier pour l’investiture de Barack Obama la même allégresse qui a scandé l’élection de Mitterrand aux présidentielles françaises de 1981. J’ai donc ressenti la même méfiance qui me tord les tripes quand je contemple ces foules immenses qui croient encore au Père Noël. Je suis encore plus choqué par cette référence, cette fois spécifiquement américaine, de dire que les choses arrivent « par la grâce de Dieu ». Mais que ce soit en France ou aux Etats-Unis aujourd’hui, je retrouve cette illusion social(ist)e de 1981 de croire qu’une relance économique est possible dans le monde tel qu’il est. La relance de 1981 a entraîné la politique inverse dès l’année suivante, les relances de 2008 risquent de se terminer encore plus mal car le  contexte écologique de notre planète est beaucoup plus instable et dangereux. La raréfaction du pétrole et le réchauffement climatique nécessitent de sortir le plus rapidement possible de la voiture individuelle pour tous. Or Obama, Sarkozy aussi, et même le Secrétaire nationale du PS français (page débats du Monde du 21 janvier) misent beaucoup sur l’aide à l’automobile. Comme l’indique un communiqué de presse de France Nature Environnement, c’est une stratégie du perdant, perdant…et perdant :

« François FILLON a annoncé le 19 janvier lors des premiers Etats Généraux de l’industrie automobile une aide de l’Etat de l’ordre de 5 à 6 Milliards d’euros pour le secteur. Des efforts de la part des constructeurs sont attendus par l’Etat mais les objectifs initiaux du Grenelle en matière de transport sont oubliés. Pour France Nature Environnement, cette aide ne profitera pas au contribuable, ne sauvera pas un secteur industriel en fin de cycle et ne contribuera en rien à une meilleure préservation de l’ environnement… »

décroissance et écologie politique

L’écologie politique a bien du mal à émerger. Lors des présidentielles de 1974, René Dumont n’avait obtenu que 1,32 % des voix. Aux présidentielles de 2007, le score de Dominique Voynet avait à peine progressé, à 1,57 %. A l’intérieur du Parti socialiste, le pôle écologique du PS (motion B au Congrès de Reims, novembre 2008) n’a attiré que 1,58 % du vote des militants ; la série noire continue. L’alliance Europe écologie cherche à éviter ce funeste destin et compte atteindre les 10 % donnés par les sondages (LeMonde du 20 janvier). En effet pour la première fois des militants de différentes tendances se retrouvent sur une même liste : Daniel Cohn-Bendit (Vert allemand), José Bové (ex-Confédération paysanne), Sabine Bélier (ex-France nature environnement), Yannick Jadot (ex-Greenpeace), Jean-Paul Besset (ex-Ligue communiste révolutionnaire). Face à la norme actuelle de croissance économique (mesurée par l’accroissement du PIB) qui s’impose encore à tous, que ce soit les économistes, les politiques, les médias, les consommateurs, le vote Europe écologie mérite donc l’attention des électeurs en juin prochain. Pourquoi ? Parce qu’ils sont enfin en présence d’un programme qui parle de décroissance face à l’urgence écologique. Voici quelques éléments de réflexion sur cette décroissance qui va s’imposer, que nous le voulions ou non. 

1) l’analyse de Schumpeter

Le taux de croissance du PIB est devenu incontournable depuis la deuxième guerre mondiale, on croit à sa pérennité dans les pays développés à économie de marché et à l’impossibilité de la décroissance, mais on oublie les leçons de l’histoire. En effet, on retrouve déjà l’idée de décroissance dans l’œuvre de Joseph Aloïs Schumpeter, mais sous un autre nom, celui de dépression. Schumpeter vient au monde l’année même de la mort de Karl Marx, en 1883. Très bon connaisseur de l’œuvre de Karl Marx, Schumpeter est à la fois un grand admirateur et un féroce critique du capitalisme. Son analyse de la croissance comme dynamique du capitalisme (The theorie of Economic Development en 1911) et Business Cycles en 1939) va en effet à l’encontre de la thèse libérale de l’équilibre automatique grâce à la loi du marché. Il explique, par le rôle de l’entrepreneur et de l’innovation, la mise en évidence statistique des cycles longs par Kondratieff au XIXe siècle (deux cycles, 1780-1840, puis 1840-1897), c’est-à-dire une phase d’expansion (des prix, de la production, de l’emploi) sur 20 à 30 ans qui débouche nécessairement sur une crise suivie par une phase de dépression, une décroissance économique sur 20 à 30 ans.

Schumpeter est  donc pessimiste sur l’avenir du capitalisme : du fait de la disparition des entrepreneurs innovateurs, il y aurait déclin inéluctable. La grande crise des années trente viendra confirmer les idées de Schumpeter concernant la phase de récession. De même la reprise des Trente Glorieuses peut être aussi expliquée par l’analyse de Schumpeter : une nouvelle vague d’innovations, innovations de procédés (taylorisation généralisée) et innovations de produits (en particulier l’équipement des ménages en biens durables), permet une nouvelle phase ascendante d’un cycle long. Dans ce contexte, le choc pétrolier de 1973 n’est que le catalyseur du retournement de tendance par épuisement des gains de productivité du taylorisme et saturation des besoins des ménages en biens durables. Mais comme l’interventionnisme gouvernemental est généralisé dans les pays développés à économie de marché, comme la publicité modèle de nouveaux besoins plus ou moins artificiels, la décroissance économique a été évitée, la récession économique s’est transformée jusqu’à nos jours en croissance molle.  

2) les limites de la planète 

En fait la mystique de la croissance pour la croissance nous empêche actuellement de comprendre que la décroissance est au bout du chemin de la croissance. Le début des années 1970 voit apparaître le nouveau concept de limites de la planète. Cela commence par une réactualisation aux Etats Unis de la thèse malthusienne avec La bombe P (P pour population) de Paul Ehrlich en 1971. L’année suivante a lieu la première conférence internationale sur l’environnement dans le cadre de l’ONU à Stockholm ; cette conférence est précédé par l’établissement d’un rapport préparatoire intitulé de façon prémonitoire Nous n’avons qu’une seule terre de B.Ward et R.Dubos. Un autre livre est publié en 1972, The limits to growth ou rapport du club de Rome commandité auprès du MIT (Massachusetts Institute of technology). L’idée générale de toutes ces idées émergentes, c’est qu’une croissance exponentielle dans un monde fini n’est pas possible. Nous quittons le domaine des cycles économiques centrés uniquement sur l’initiative entrepreneuriale pour passer à une vision plus globale analysant les rapports complexes entre l’activité humaine et l’état des ressources naturelles. La récession n’est qu’un simple défaut de croissance, synonyme de chômage et de paupérisation ; la décroissance correspond au contraire à une modification globale des conditions et des règles du développement. Ce n’est pas l’infrastructure économique qui explique l’évolution  idéologique et politique d’une société (la superstructure) comme le pensait Marx. L’infrastructure construite de main d’homme est elle-même superstructure relativement à la véritable infrastructure, celle des ressources et circuits de la nature.

Depuis le Néolithique, les humains ont voulu faire place nette à leurs cultures et troupeaux par la hache, le feu, l’élimination de tout ce qui ne leur paraissait pas utile. Mais l’échec de la civilisation maya est prémonitoire de ce qui arrive actuellement à la civilisation thermo-industrielle. Couvrant un territoire allant de l’actuel Yucatan (Mexique) jusqu’au Honduras, cette nation comptait à son apogée quelque quinze millions d’habitants. En quelques générations la société s’est effondrée, laissant derrière elles des villes  désertées, des routes commerciales abandonnées et des pyramides en ruines. L’hypothèse climatologique de ce déclin semble aujourd’hui confirmée : c’est une période de sécheresse excessive qui serait à l’origine de cet effondrement entre 750 et 950 de notre ère. Une longue période de climat très sec aurait réussi à mettre fin à ce monde, ponctuée par trois sécheresses catastrophiques vers 810, 860 et 910, chacune durant quelques années. Bien sûr la thèse climatologique n’exclut pas d’autres hypothèses antérieurement émises comme la surpopulation, les guerres intestines, les conflits sociaux, la déforestation…mais ces évènements ne peuvent qu’accompagner le changement climatique. Aujourd’hui notre planète toute entière se retrouve face à une situation similaire, le réchauffement climatique, la surpopulation, les guerres intestines, les conflits sociaux, la déforestation.

Cette situation est préfigurée dans le livre de Jared Diamond en 1997, « De l’inégalité parmi les sociétés » (essai sur l’homme et l’environnement dans l’histoire). Il montre que l’inégalité entre les sociétés est liée aux différences de milieux. Il marque notamment le rôle de la production alimentaire. Cette conception est approfondie dans son dernier livre de 2006, « Effondrement » (Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie). S’il remarque ne connaître aucun cas dans lequel l’effondrement d’une société ne serait attribuable qu’aux seuls dommages écologiques, il cible les facteurs principaux : dommages environnementaux, changement climatique, voisins hostiles et partenaires commerciaux. Ces quatre éléments restent très significatifs de la période contemporaine. Il ajoute un cinquième facteur, les réponses apportés par une société à ses problèmes environnementaux : des sociétés différentes réagissent différemment à des problèmes similaires. 

3) la catastrophe en marche

Nous aurions donc dépassé le concept d’état stationnaire, évoqué par John Stuart Mill en1848 comme aboutissement normal de la croissance quand l’incitation à investir disparaît. John Stuart Mill pensait que l’état stationnaire correspondrait à une stagnation dans le domaine matériel ; mais cet état stationnaire pouvait conduire l’individu à se tourner vers son perfectionnement intellectuel et moral. Le rapport du club de Rome envisageait de même la croissance zéro. Mais ces analyses ont été ignorées, ce qui fait qu’aujourd’hui, on nous explique que la croissance de la civilisation thermo-industrielle court à sa fin prochaine. C’est ce que J.Rifkin appelle « le grand cataclysme » (chapitre 5 de l’économie hydrogène) ou Y.Cochet La pétrole apocalypse (titre de son livre). Plutôt que de développer longuement la situation de la planète, voici quelques éléments bibliographiques significatifs. Les livres se multiplient à partir des années 2000 : Combien de catastrophes avant d’agir ? de N.Hulot ; Sauver la terre de Y. Cochet et A.Sinaï ; Vers l’ultime extinction de Ph.Dubois ; L’humanité disparaîtra, bon débarras de Y.Paccalet, etc.

           

Le livre du Canadien Ronald Wright, La fin du progrès ?, nous fournit une bonne conclusion :

– La multiplication par vingt du commerce mondial depuis les années 1970 a pratiquement éliminé l’autosuffisance. Joseph Tainter note cette interdépendance en prévenant que « l’effondrement, s’il doit se produire à nouveau, se produira cette fois à l’échelle du globe. La civilisation mondiale se désintégrera en bloc ».

– Les civilisations chutent plutôt soudainement – l’effet château de cartes -, parce que, lorsqu’elles atteignent le point où la pression sur l’environnement est maximale, elles deviennent fortement vulnérables aux fluctuations naturelles. Le danger le plus immédiat que pose le changement climatique se trouve dans les greniers agricoles du monde.

– Nous possédons les outils et les moyens nécessaires pour partager les ressources, dispenser les soins élémentaires, contrôler les naissances, fixer des limites qui soient alignées sur les limites naturelles. Si nous ne faisons pas cela dès maintenant, tant que nous sommes prospères, nous ne serons jamais capables de le faire quand les temps seront devenus difficiles. Notre destin s’échappera de nos mains. Et ce nouveau siècle ne vivra pas très vieux avant d’entrer dans une ère de chaos et d’effondrement qui éclipsera tous les âges des ténèbres du passé.

– Si nous échouons, si la Biosphère ne peut plus assurer notre subsistance parce que nous l’aurons dégradée, la Nature haussera simplement les épaules en concluant que laisser des singes diriger un laboratoire était amusant un instant, mais que, en fin de compte, c’était une mauvaise idée.

le criminel Bush

Le bilan de l’administration Bush est critiqué par les écologistes de tous les pays (LeMonde du 18-19 janvier). Voici quelques indications complémentaires sur un président américain qui s’est toujours retranchée derrière la voix de dieu pour fuir ses responsabilités personnelles et derrière sa conscience personnelle pour nier les vérités scientifiques.

Bush en 2003 : « Je me suis vu confié une mission, Dieu m’a dit : ”Georges, va combattre ces terroristes en Afghanistan”. Et je l’ai fait. Et puis Dieu m’a dit : ”George, va mettre fin à la tyrannie en Irak”. Et je l’ai fait ». Et comme George Bush était en présence du premier ministre palestinien (en juin 2003), Bush rajoute : « Et de nouveau maintenant je sens le verbe de Dieu venir en moi : ”Va donner aux palestiniens leur Etat et aux Israéliens leur sécurité, et fais la paix au Moyen-Orient”. Et Dieu m’est témoin que je vais le faire ! ». La Maison Blanche s’est refusée à commenter ce qu’elle a présenté comme une conversation privée.

Bush en 2004 : les USA ont augmenté leurs GES de 2 % en 2004, le volume global s’est élevé à 5,9 milliards de tonnes de CO2 sans compter les autres gaz à effet de serre comme le méthane. Ces émissions sont supérieures de 16 % au niveau de 1990 alors que le protocole de Kyoto (refusé par Bush en 2001) demandait aux USA de les diminuer de 7 % en 2012 par rapport à 1990. C’est un lobby pétrolier, l’American Petroleum Institute, qui a entraîné Bush à sortir du protocole de Kyoto sous le fallacieux prétexte que les sciences du climat étaient si incertaines que l’impact de l’activité humaine sur l’effet de serre serait contestable.

Bush en 2005 : Le chef du conseil de la Maison Blanche a modifié substantiellement, pour en amoindrir la portée, des rapports officiels décrivant les recherches scientifiques sur le changement climatique. Depuis quatre ans la politisation du pouvoir américain, il faudrait plutôt dire « les agissements des vendus aux marchands de pétrole « , a eu des conséquences terribles sur les programmes scientifiques, jusqu’à entraîner de l’autocensure. Tout cela a abouti à tromper sciemment des Américains qui ont déjà tendance à se tromper eux-mêmes sur la pérennité de leur niveau de vie. A cause de cet aveuglement américain volontaire, le libéral-capitalisme pille les ressources non renouvelables jusqu’au point de non retour.

Bush en 2006 : Lors de son discours de 2700 mots (sur la loi sur l’énergie), le président Bush a été incapable de simplement mentionner le changement climatique, le réchauffement ou les gaz à effet de serre. Selon G.Bush, le but de la loi sur l’énergie (adoptée en août 2005) est « d’aider chaque américain qui se rend au travail en voiture, chaque famille qui paie une facture d’énergie, et chaque propriétaire de petite entreprise qui souhaite voir son affaire se développer ». Il faut dire que lors d’une rencontre avec Michael Crichton, le trop célèbre auteur de « état d’urgence », Bush avait confié : « Les rapports des scientifiques ne sont pas toujours très solides. Mais comment en convaincre les gens ? ». Bush et Crichton sont beaucoup plus fort que les centaines de scientifiques qui ont participé au GIEC (groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat). La communauté scientifique converge pour annoncer un réchauffement moyen de la planète compris entre 1,5 et 4° d’ici 2100, Crichton se moque : « Si un gouvernement osait publier des projections budgétaires pour le siècle à venir, tout le monde rigolerait ». Crichton sûr de lui :  « Si l’activité humaine n’était responsable que d’un degré de plus, faudrait-il que la planète entière renonce, dès demain au pétrole et au charbon ? ». G.Bush se contente d’ajouter : « Nous sommes d’accord »

Bush en 2007 : Dans son discours de l’Union fin janvier 2007, George Bush avait souligné, pour la première fois depuis le début de sa présidence en 2000, qu’il fallait donner des réponses au « sérieux défi du changement climatique mondial ». Mais Bush se refuse encore à envisager un objectif de diminution de CO2, il ne peut admettre une remise en question du niveau de vie américain. Il se contente donc de croire en la technologie, il déclare faire confiance dans une loi imposant aux constructeurs de produire des véhicules plus économes en carburant ainsi que des voitures hybrides, il souhaiterait développer les carburants de substitution comme l’éthanol ou le charbon propre, il revient au credo d’autrefois qui repose sur le culte de l’énergie nucléaire.

G.Bush a eu une révélation pour son peuple, celle d’être « les gérants responsables de la Terre que le Tout-Puissant nous a confiée ». Dans son allocution du 28 septembre 2007, G.Bush affirmait encore la nécessité de « produire moins d’émissions de gaz à effet de serre ». Attention,  certainement pas en réduisant la consommation d’énergie : « Dans ce nouveau siècle, le besoin d’énergie ne fera que croître ». Car Bush croit au miracle : « En développant de nouvelles technologies à basses émissions, nous pouvons satisfaire la demande croissante d’énergie et, en même temps, réduire la pollution atmosphérique et les émissions de gaz à effet de serre. »

Bush en 2009 : Le 20 janvier, Barack Obama va succéder à Bush. Dans sa dernière allocution, Bush reste fidèle à lui-même, ridicule :  » Le Bien et le mal sont présents en ce monde, et entre les  deux, il ne peut y avoir de compromis (…) La liberté est un cadeau universel de Dieu tout-puissant ». Il est étonnant qu’un tel personnage ait été désigné pour conduire l’Amérique pendant deux mandatures. C’est à désespérer de la démocratie. Les générations futures accuseront Bush de crime contre l’environnement ; Bush plaiderait qu’il n’était que la main de Dieu ! C’est à désespérer de la religion.

assistanat destructeur

Le Nunavut (territoire des Inuits du Canada) a acquis son indépendance le 1er avril 1999. Le tout proche Groenland, sous tutelle danoise, réclame dorénavant son indépendance après le référendum sur l’autonomie élargie du 25 novembre 2008. Mais quelle indépendance ? Le contact avec la culture occidentale a déstructuré toutes les sociétés vernaculaires, y compris celle des esquimaux. Les jeunes se sentent piégés dans un territoire isolé. Alors l’alcool ou le haschisch font des dégâts considérables. Il y a des épidémies de suicide tellement les relations familiales sont devenues désespérantes et le mode de vie incohérent.

Tous ces problèmes trouvent leur source dans les années 1950 et 1960, quand le Danemark a apporté l’Etat-Providence au Groenland (LeMonde du 17 janvier). L’assistanat s’est traduit par une politique de concentration des habitants des hameaux les plus dispersés, les populations ont été coupées de leur mode de vie traditionnel. D’où la difficulté de s’identifier en tant qu’Inuit et de vouloir vivre en même temps selon le clinquant du monde moderne. Les Inuits ont perdu le sens de la communauté ; le terrorisme de l’argent du Danemark entraîne qu’il n’y a plus personne autour de soi sur qui compter puisque la grande île de 56 000 habitants perçoit encore annuellement 430 millions d’euros d’aide. Les Groenlandais qui croient pouvoir échapper aux chaînes de la dépendance financière ne pensent plus qu’en terme de tourisme et réclament des policiers, des ingénieurs et des routes. Le tourisme représente un nouvel eldorado, mais ce n’est qu’une nouvelle forme d’assistanat.

Il faut que les Inuits recouvrent le sens du non monétisable. Il faut que les Inuits recouvrent leur parenté avec la nature, les animaux, le vent, le froid. Il faut que les Inuits recouvrent leur véritable autonomie, celle de ne compter que sur leurs propres forces. Lorsqu’on a moins d’argent, on partage davantage de choses, on sait qu’on peut compter sur les voisins, s’appuyer sur sa propre communauté. Le seul avenir viable pour les Inuits, c’est de réapprendre leurs techniques traditionnelles pour vivre en autarcie.