petit commentaire de commentaires anti-malthusiens

Le débat sur la question démographique est toujours passionné. Tellement passionné que même les écologistes institutionnels (les Verts ou EELV) ont refusé toute motion sur la question. Voici ce qui devrait être le point de vue majoritaire parmi les écolos sincères et ensuite quelques éléments de réponse envers ceux qui contestent les malthusiens (en faveur d’une maîtrise de la fécondité).

1) Une référence, le discours malthusien

– Malthus est un écolo avant la lettre, il appartient à notre histoire politique : il a montré l’interdépendance entre l’évolution démographique humaine et l’état des ressources naturelles, il a dit qu’il fallait agir contre la surpopulation.

– Malthus a été attaqué par les marxistes. Ceux-ci avaient confiance dans la révolution socialiste pour augmenter la production agricole, le nombre des humain importait peu. Malthus a donc été attaqué par des productivistes alors que la croissance rencontre aujourd’hui ses limites.

– La production agricole a temporairement vu ses rendements augmenter par la mentalité NPK (azote, phosphore, potassium) et la révolution verte (semences à haut rendement, agriculture intensive). Cela n’a été qu’un palliatif à la loi des rendements décroissants en agriculture sur laquelle s’appuyait Malthus. Il y a aujourd’hui stérilisation des sols par l’agriculture intensive et misère paysanne.

– L’explosion démographique (un milliard d’habitants s’ajoute tous les douze ans dans notre biosphère) conforte aujourd’hui l’analyse malthusienne de l’évolution exponentielle de la population.

2) commentaire des commentaires possibles

– Certains croyants dénoncent Malthus et la régulation des naissances puisqu’ils appliquent la sentence biblique « croître et se multiplier ». Pourtant, si les femmes souffrent du machisme sexiste, c’est bien parce qu’elles supportent le poids de la religion et des pratiques rituelles. Etre anti-malthusien ne peut que renforcer les pratiques qui font du corps des femmes simplement une machine à enfanter.

– Certains veulent vomir quand on rapproche « pollution et surpopulation ». Il est vrai que 500 millions de nantis consomment les 3/4 des ressources… d’où l’importance dans les pays riches et pour les riches des pays pauvres de limiter leur fécondité de façon consciente. Mais cela n’exonère pas les pauvres de pallier à leur propres responsabilités. Une trop forte fécondité est une cause importante de raréfaction des ressources naturelles renouvelables dans un pays agricole en voie d’urbanisation trop rapide.

– Certains redoutent la « régulation autoritaire » des naissances. C’est nier l’histoire du malthusianisme qui a vu émerger à la fin du XIXe siècle un mouvement de libération de la femme qui s’est appelé néo-malthusianisme. Nous ne pouvons que soutenir le planning familial qui a découlé dans la deuxième partie du XXe siècle de ce mouvement au départ anarchiste.

– Certains voient déjà une « planète sans enfants ». Ce n’est qu’un fantasme, une espèce animale comme la nôtre aime faire l’amour et procréer. Mais il est vrai que les écologistes ont à se pencher sur la notion d’optimum démographique comme on se penche déjà sur l’extinction des populations animales et végétales.

– Certains espèrent au contraire la « transition démographique » (baisse simultanée de la mortalité et de la fécondité) qui découlerait « d’un tas de raisons », en fait principalement le développement économique. L’agronome et écologiste René Dumont estimait au contraire que les conditions actuelles de dénuement économique posent le problème démographique dans des termes différents de ceux qu’a connus l’Europe : « C’est quand la population s’emballe que s’amplifient les dégâts du productivisme, compromettant les moyens mêmes de production ». On n’a plus les capacités d’assurer les conditions du décollage économique. La vérité oblige aujourd’hui à reconnaître que la natalité n’appelle pas la richesse et le développement n’est pas au rendez-vous pour contenir la natalité. Dans un contexte de baisse de la mortalité et de pénurie économique, la croissance de la population resserre les mailles du sous-développement et aggrave la destruction de l’environnement. Il est déjà difficile de vivre  à 7 milliards, à plus forte raison à 9 ou 10 milliards comme il est prévu par les tenants de la transition démographique.

– Certains pensent que la surpopulation n’est pas un problème des pays riches comme la France. C’est oublier que le chômage est structurel et ne peut que s’amplifier (choc énergétique à venir), c’est passer sous silence que notre richesse actuelle découle du pillage des autres territoires, importation de pétrole, de tourteaux de soja, etc. Un pays fortement urbanisé comme la France, avec un secteur tertiaire exorbitant, est un pays très fragile pour résister à une crise qui se révèle à la fois économique (financière), sociale et écologique ; c’est à ce moment que nous prendrons conscience de notre état de surpopulation.

– Certains souhaitent « l’instauration à grande échelle du droit à pension » de retraite. Ainsi on n’aurait pas besoin de faire beaucoup d’enfant pour assurer ses vieux jours. Encore faut-il pouvoir trouver un financement durable. Le système de capitalisation du type anglo-saxon n’est viable que suivant la bonne marche des valeurs boursières, c’est donc un leurre. Le système de redistribution en France est mis en péril, nous ne comptons plus les plans de refinancement. Généraliser la retraite à tous les pays et pour toutes les générations est une tâche impossible.

– Certains croient que « le désir d’enfant ne se commande pas ». C’est nier le fait que nous sommes socialisés d’une certaine façon y compris dans nos pratiques sexuelles, que certains font des enfants « sans y penser » alors que d’autres ne veulent pas d’enfants pour un monde qui n’est pas en mesure de les accueillir dignement. C’est nier le volontarisme de la politique, qui devrait avoir son programme démographique, surtout chez « les Verts ».

Les capacités de l’agriculture à nourrir l’humanité sont nécessairement liées à une maîtrise volontaire et argumentée de la fécondité. La famine existe toujours en 2013, notre population croît encore de manière exponentielle, Malthus est donc de retour aujourd’hui… un écologiste devrait le savoir.

7 réflexions sur “petit commentaire de commentaires anti-malthusiens”

  1. « ils veulent par contre, une fois un bon niveau de vie atteint, un environnement plus propre » : le bon niveau de vie tel qu’on l’entend, et qui constituerait un point de convergence pour l’ensemble des pays du monde dans les scénarios optimistes, est un niveau de vie intenable a fortiori par 9 milliards d’humains. Les pays développés tirent leur abondance matérielle et leur confort actuel de l’exploitation de ressources en grande majorité extérieures et non renouvelables (déjà en phase d’épuisement). Au détriment de l’environnement dans les pays fournisseurs évidemment, mais également sur place, où on bétonne à tout va entre 2 espaces verts.

    La réduction de la natalité se fera toute seule non pas quand tout le monde vivra comme un français (c’est impossible), mais quand on arrêtera de piller les ressources en Afrique et ailleurs en réduisant à néant l’équilibre des populations rurales, puis en distribuant de l’aide en espérant qu’elles tendent vers notre modèle de vie. La misère, qui engendre les croissances démographiques ingérables, prend ses racines là-dedans. Qu’on laisse à chaque région, à chaque population, la pleine jouissance de son territoire, de sa culture et de son mode de vie. Mais c’est impossible quand la priorité des états est de garder la main sur les ressources stratégiques (justement pour assurer le « bon niveau de vie »)

    Alors la maîtrise de la démographie, est probablement une fausse piste, oui. D’une part parce qu’elle semble impossible dans de nombreux pays (pour des raisons de culture, et / ou de structure étatique incapable de telles mesures), d’autre part parce que ce serait traiter le problème à l’aval. Table rase sur l’idéal actuel de mode de vie (qui, d’ailleurs, n’est « bon » que pour le porte-monnaie de la fraction riche, dans les faits les gens sont malheureux, stressés, en mauvaise condition physique…)

  2. Le taux de croissance n’est absolument pas « stabilisé » il n’a cessé de baisser depuis les années 50. La grande erreur des malthusiens, c’est de toujours raisonner avec un monde figé qui continue sur une lancée sans rien changer à un moment « T » c’est pour cela que depuis 200 ans toutes vos prédictions foirent.
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    De plus, le taux de natalité des pays industrialisés « riche » est globalement négatif, ce sont les pays en voie de devellopement qui font la différence, là encore merci de me citer document à l’appui ou la réalité n’est pas respectée.
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    En troisième l’Allemagne paie un prix astronomique (EEG 27’000 euro par foyer) pour vos délires verts et est dorénavant -triste ironie- le pays qui pollue le plus. Il s’agit bien d’un appauvrissement qui est insoutenable pour les pays en voie de développement et de mauvaises solutions écologiques de vos amis malthusiens allemands.
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    Pour finir, vous n’avez que la coercition d’état pour vous imposer parce que vos « solutions » énergétiques coutent très cher, sont inefficaces et méconnaissent totalement la dynamique humaine. Quand vous parlez de « volontarisme politique « , c’est bien à cette coercition que vous faites référence et pas à l’adhésion volontaire et spontanée de la population à des mythes quasi-religieux. (ils veulent par contre, une fois un bon niveau de vie atteint, un environnement plus propre, ils ne sont aucunement figés)
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    J’avais prédit l’atomisation d’EELV voici 3 ans parce que je connais bien l’histoire et l’économie humaine. Je n’ai même pas besoin de vous convaincre, le monde n’ira pas dans le sens liberticide que vous voulez et ne vous inquiétez pas pour lui : l’histoire vous a toujours contredit et vous contredira toujours.

  3. La population ne croit pas de manière exponentielle -ou alors les maths ont été revus- la famine selon l’OMC à encore diminuée dans le monde -elles sont essentiellement due à des politiques locales liberticide- et une fois atteint un bon niveau de vie les gens n’ont plus envie de s’emmerder avec 10 gosses. La natalité diminue fortement dans les pays riches au point de devenir un problème.
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    Ce que vous proposez c’est maintenir une moitié de la planète dans la pauvreté, leur interdire la croissance, le résultat est prévisible: ils continueraient à enfanter parce que quand on est pauvre c’est la seule assurance vieillesse possible. Avec cette méthode la seule option qui vous reste c’est la stérilisation forcée. Et Malthus est mort ruiné.

    1. Llmyrn,
      Le taux de croissance de la population mondiale est stabilisé à + 1,2 % par an depuis 2005, ce qui fait un doublement tous les soixante ans environ. Il y a bien augmentation exponentielle. Rappelons que mathématiquement un taux de 0,1 % marquerait déjà une évolution exponentielle. Le reste de vos affirmations est aussi contestable. La relation entre développement économique et baisse de fécondité n’est pas opérante, il y a plutôt mal-développement dans beaucoup de pays et la considération de la femme, qui permettrait une régulation voulue des naissances, n’est toujours pas au rendez-vous. Enfin nous ne voyons pas en quoi nous voudrions « maintenir une moitié de la planète dans la pauvreté » et prôner la « stérilisation forcée ».
      Si on ne respecte ni la réalité des chiffres, ni ce que dit un texte, le débat ne peut pas avancer dans la bonne direction…

  4. S’appuyer sur l’histoire pour refuser d’agir en prétendant que Malthus s’est trompé, c’est comme négliger la maintenance d’un véhicule sous prétexte que malgré des signaux d’alerte, il n’est pas encore tombé en panne. Ce discours inductif est-il raisonnable?

  5. Pour ce qui concerne Dieu, rappelons que la fameuse phrase « Croissez et multipliez » a été écrite par des hommes dans un monde qui comptait environ 150 millions d’habitants. Nous sommes 7 milliards soit 45 fois plus. On peut penser que ce changement de contexte induise naturellement un changement de point de vue sur la question.

  6. Très bon article à consulter quand on a à répondre aux mêmes sempiternelles critiques au sujet de la démographie!

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