Pétrole nigérian, sang de jésus ou merde du diable ?

Demandons à un Français s’il accepterait que du jour au lendemain on double le prix de l’essence. Ce serait la révolution. Doublons le prix de l’essence au Nigeria, c’est la guerre civile. Pas seulement pour des raisons pétrolières. Mais essentiellement pour cela à l’heure actuelle. Le 1er janvier, le gouvernement a supprimé les subventions au secteur pétrolier qui coûtait 5 % du PNB. Le litre à la pompe est ainsi passé du jour au lendemain de 0,30 à 0,66 euros. LE MONDE trouve cette mesure « excellente »* car la subvention profitait d’abord aux classes urbaines fortunées. Les églises chrétiennes ont qualifié d’« immorale » cette décision du gouvernement qui pèse de façon disproportionnée sur les plus pauvres. Qui a raison ?

Les subventions au pétrole représentaient quatre fois le budget de la santé. N’y avait-il pas là une anomalie ? Le FNUAP (Fonds des Nations unies pour la population) dit que l’usage des contraceptifs s’améliore. Fait-on suffisamment dans un pays de 160 millions d’habitants ? Le Nigeria compte autant de chrétiens que de musulmans ? Quelle partie de la rente pétrolière a été consacrée à la diminution des tensions ethniques ? La majorité des Nigérians vivent avec moins de deux dollars par jour. A-t-on besoin de pétrole à ce niveau de revenu ? Ils percent les pipelines pour se le procurer. Dès fois ça explose. Est-ce une société durable ?

Les Africains nomment l’essence le « sang de jésus ». Pour un des pères-fondateurs de l’O.P.E.P., Perez Alfonso, le pétrole c’est plutôt la mierda del diablo, la merde du diable ! En termes moins imagés, on parle de la rente pétrolière comme d’une malédiction pour un pays producteur de pétrole. Le Nigeria a donc la malchance de sa chance : les recettes pétrolières peuvent atteindre 50 milliards de dollars. Où va donc cet argent ? Dans une croissance économique factice, dans la corruption, dans les détournements de fonds, dans les dépenses somptuaires, etc. Il n’est donc pas étonnant que 70 % de Nigérians vivent en dessous du seuil de pauvreté. De toute façon, admettons que le Nigeria bâtisse, comme le souhaite l’éditorial du MONDE**,  un secteur public. Quand il n’y aura plus de pétrole, à quoi servira un secteur public qu’on ne pourra plus financer ?

* LE MONDE du 10 janvier 2011, grève générale au Nigeria contre le doublement du prix des carburants

** Editorial : Le Nigeria et la menace d’une guerre civile