Peur du terrorisme, insouciance totale pour le climat

Pourquoi des personnes estimant que le changement climatique n’est pas plausible se laissent-elle, en revanche, aisément convaincre des dangers imminents que représentent les attentats terroristes, les impacts d’astéroïdes ou les invasions extraterrestres ? Avec des menaces aussi visuellement impressionnantes que le terrorisme après les attentats du 11 septembre, on a perdu tout sens des proportions et on réagit avec force à des probabilités très faibles. Depuis 2001, les politiciens américains ont approuvé 300 milliards de dépenses publiques pour défendre les États-Unis contre de nouveaux attentats terroristes. Cette prodigalité en réaction à un risque incertain et totalement impossible à quantifier est soutenue par la vaste majorité des Américains, y compris par ceux qui s’opposeraient avec véhémence à des dépenses publiques dans le domaine du réchauffement climatique. Nous constatons que les biais cognitifs qui apparaissent dans les expériences de psychologie sont, dans la vraie vie, subordonnés à la culture, aux normes sociales et à l’identification à l’endogroupe.

Le bais de disponibilité, qui s’appuie sur le vécu récent, maintient la menace au premier plan, et l’incertitude quant à la date du prochain attentat ne diminue en rien cette peur : elle l’amplifie. Par contre le changement climatique n’est pas aussi médiatiquement stigmatisé, et les phénomènes météorologiques extrêmes nous sont dans une certaine mesure familiers. C’est pourquoi l’incertitude concernant ses effets n’instille pas un sentiment de crainte ; il donne la marge de manœuvre nécessaire pour nous laisser croire ce que nous avons envie de croire. La perception du risque est aussi déterminée par l’angle social sous lequel il est observé et c’est l’un des puissants aspects qui tend à diviser les gens.

Les politiciens jouent sur l’incertitude pour justifier les capacités d’intervention des forces armées. Mitt Romney, premier candidat à la présidentielle à nier ouvertement l’existence du réchauffement climatique, justifiera l’augmentation des dépenses militaires en affirmant : «  Nous ne savons pas ce qui nous attend. Nous devons prendre des décisions sur la base de l’incertitude. » L’ancien vice-président Dick Cheney, lui aussi fervent climato-négationniste, a déclaré que « même s’il n’y a que 1 % de chances que des terroristes se procurent des armes de destruction massive, nous devons agir comme si c’était une certitude. » A les entendre, 1 % des chances d’un attentat terroriste suffit à prendre des mesures, mais 90 % de chances d’un bouleversement climatique majeur n’est pas suffisant. Dans tous ces arguments, le facteur incertitude n’a en fait que peu d’influence et n’est invoqué que pour appuyer des décisions orientées par une idéologie politique.

(traduit du livre Don’t Even Think About It de George Marshall (2014))

1 réflexion sur “Peur du terrorisme, insouciance totale pour le climat”

  1. Les peurs, ça va ça vient. Il suffit d’un matraquage de quelques jours ou semaines sur tel ou tel danger (réel ou imaginaire) pour déclencher une peur, voire une panique.
    Peur du chômage, peur des OGM, des vaches folles, du nucléaire, des terroristes etc. etc. bref, peur de mourir.
    En effet la psychologie explique bien, ne serait-ce qu’en partie, ces mécanismes qui provoquent la peur.
    Les effets du terrorisme sont réels, ils sont visibles, du moins à l’écran pour l’écrasante majorité de ceux qui en ont peur. Les effets du dérèglement climatique, c’est autre chose. D’autant plus lorsqu’on a la chance de ne pas avoir les pieds dans l’eau… quand l’eau coule au robinet et que le chauffage et la clim fonctionnent… quand le frigo lui aussi fonctionne et qu’il est bien rempli.

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