Pire que le Covid-19, notre système prédateur

Cette crise sanitaire est un coup de semonce. Elle met en évidence l’extrême fragilité des arrangements humains mais aussi l’ampleur de l’impréparation dans laquelle se trouvent nos sociétés. Nous devons, nous suggère le Président, changer de modèle de développement. Mais depuis des décennies, des centaines de chercheurs le réclament. Nous devons rompre avec le productivisme et le consumérisme, mettre en œuvre une politique de sobriété sans laquelle nous ne parviendrons pas à stopper l’emballement climatique. Nous devons adopter d’urgence d’autres indicateurs de référence que le PIB, l’empreinte carbone encore les neuf limites planétaires de Rockström . Nous devons inventer et construire une société postcroissance.

Le coronavirus n’est rien à côté des événements qui s’abattront sur nous à mesure que la crise écologique déroulera implacablement ses conséquences. Tempêtes, cyclones, assèchement, montée des eaux, sols improductifs, famines et évidemment guerres et affaissement de la démocratie. Si nous ne savons pas résister au coronavirus, comment y résisterons-nous ? Comment lutterons-nous contre les virus que le permafrost risque de libérer ? Comment ferons-nous face à des événements que nous ne sommes même pas parvenus à imaginer et à des effets de seuil qui rendront brutalement présents et irréversibles des phénomènes que nul n’imaginait ? Comment comprendre que nos sociétés ne se préparent en rien à des événements qui pourraient advenir dans un laps de temps très court. Nous devons impérativement dès aujourd’hui faire entrer nos sociétés dans un véritable processus de reconversion.

Pour cela, nous devons en effet engager des ruptures majeures. Rupture avec un capitalisme débridé qui est à l’origine de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Rupture avec une liberté de circulation des capitaux dont même le FMI reconnaît la toxicité. Rupture aussi avec la désindustrialisation de notre pays et la délocalisation de nos productions.Comme au sortir de la Seconde Guerre mondiale, il nous faut trouver l’énergie de la reconstruction. Une reconstruction non plus portée par l’idéologie prométhéenne de la mise en forme du monde à l’image de l’homme, mais par une éthique de la modération, de la limite, de la mesure, que l’Antiquité avait su inventer mais que nous avions oubliée. Nous avons perdu un temps précieux lors de ce dernier quinquennat.

Dominique Méda (extraits)

NB : sur ce blog biosphere nous disons depuis longtemps la même chose, par exemple :

17 mars 2020, Virus et état de guerre, allons à l’essentiel

16 mars 2020, Virus et Climat, il faudrait agir de même

13 mars 2020, Le virus Covid-19, vecteur de décroissance

22 septembre 2018, Quelle transition pour le mouvement de la décroissance ?

1er septembre 2017, BIOSPHERE-INFO, Gouverner la décroissance ?

27 août 2012, mécanismes d’un effondrement économique rapide

7 novembre 2007, fragilité de la puissance

6 réflexions sur “Pire que le Covid-19, notre système prédateur”

  1. Pour tenir l’objectif de neutralité carbone en 2050, un collectif de personnalités appelle, dans une tribune au « Monde », à s’engager collectivement et individuellement dans une décroissance énergétique mondiale transformant nos vies et nos sociétés : « Nous devons quitter le business as usual synonyme de mort précoce pour des milliards d’êtres humains et d’espèces vivantes…
    Ces quatre actions − non exhaustives – sont indispensables à la bascule vers un mode de vie à moins de 2 tonnes de CO2 dans les cinq années à venir : repenser sa manière de se déplacer et ne plus prendre l’avion, redécouvrir les transports doux et rouler moins de 2 000 kilomètres par an en voiture ; développer la cuisine végétarienne et se nourrir d’aliments biologiques, locaux et de saison, avec de la viande au maximum deux fois par mois ; réinterroger ses véritables besoins pour limiter les achats neufs au strict minimum ; agir collectivement en portant des actes politiques traduisant ces choix à l’échelle de la société. (Lemonde.fr du 19 mars 2020, « Après le confinement, il nous faudra entrer en résistance climatique »)

    1. Quand ça va mal on essaie toujours de se raccrocher à quelque chose, même à une branche pourrie. Moi aussi je me surprends parfois à croire que cet événement exceptionnel sera le déclencheur, au plus haut comme au plus bas niveau, d’un virage à 180 degrés.
      Quoi qu’il en soit, aujourd’hui il est trop tôt pour dire si cet évènement aura été un bien pour un mal, nous devons donc être patients. Sauf que depuis longtemps (trop longtemps ?) rien n’a été fait pour nous apprendre la patience, la valoriser. Bien au contraire, depuis très longtemps c’est l’immédiateté, le toujours plus vite, qu’on nous apprend et qu’on valorise. (records de vitesse, juste à temps, livraisons chrono, 4G, 5G etc.) Nous sommes donc en quelque sorte programmés pour penser, non seulement que le temps c’est de l’argent, mais que patienter c’est perdre du temps (donc de l’argent). Les seules fois où on nous demande d’être patients c’est pour nous dire que Paris ne s’est pas fait en un jour, que les signes sont là, qu’on voit déjà le bout du tunnel, qu’il faut avoir confiance et blablabla. Et qu’il nous faut donc attendre encore un peu, patienter. Autrement dit, c’est quand il s’agit de nous rouler dans la farine. Alors patience, nous verrons donc plus tard, dans quelques mois, si nous tirons de cet épisode les BONNES leçons. Ou pas.
      Nous verrons bien alors si notre Président tient toujours le même discours, celui du «coûte que coûte», celui de «l’essentiel» etc. Nous verrons bien si nos beaux parleurs, au lieu de faire en sorte que nos magasins débordent de gadgets en tous genres se seront enfin décidés d’équiper comme ils se doivent les hôpitaux et autres services publics. Nous verrons bien ce qui changera en ce qui concerne les courses de bagnoles, les jeux du Cirque, le tourisme de masse, les voyages en avion etc. etc. Bref, nous verrons bien si toutes ces activités à la con, qui n’ont absolument rien à voir avec l’Essentiel, auront toujours autant de place qu’avant, ou pas.

      Le sous-titre de L’An 01 (le film) était «On arrête tout, on réfléchit et c’est pas triste». On aura donc tout arrêté et dans quelque temps nous verrons bien si on aura BIEN réfléchi, ou pas. En attendant, aujourd’hui nous pouvons déjà dire que là c’est plutôt triste. Et que ça n’a rien avec la joie de vivre et la convivialité que prônent les décroissants.

      Ce qui serait encore plus triste et pire que tout… serait un monde où le même genre de mesures seraient appliquées, cette fois au nom de l’écologie. Flicages permanents, autorisations pour ceci ou cela, interdictions etc. Ce serait alors ce que nos principaux détracteurs nous opposent régulièrement, la dictature des Khmers Verts. Quoi qu’il en soit, la juste mesure ne sera pas facile à trouver.

  2. Cette tribune de Dominique Méda mérite d’être lue dans son intégralité.
    Déjà le titre : «Tirer vraiment les leçons de la crise sanitaire». Oui vraiment !
    Je recopie là un passage que je juge aussi important que le reste :
    – « Mais il y a bien d’autres leçons à tirer. Depuis des décennies, nos services publics sont abîmés, dégradés, brocardés. Les fonctionnaires sont moqués, traités de privilégiés. L’idéologie sous-jacente du consensus de Washington n’a cessé de répandre son venin, en faisant passer les fonctionnaires pour des promoteurs de leurs seuls intérêts et le marché pour l’unique institution capable d’allouer les ressources. Mais c’est toujours l’Etat qui vole au secours des banques, too big to fail. Ce sont toujours les services publics et leurs agents qui sont en première ligne lorsque les crises arrivent. Nous devons cesser de les démanteler, ce sont nos biens communs.»

    Oui, les fonctionnaires sont régulièrement brocardés, moqués etc. Oui, nos services publics sont nos biens communs, ils participent grandement à notre précieux vivre-ensemble.

    Alors oui, bien sûr, nous devons «comme suggère le Président, changer de modèle de développement […] Nous devons adopter d’urgence d’autres indicateurs de référence […]
    Nous devons inventer et construire une société postcroissance.»
    De postcroissance ou de décroissance, peu importe ici le mot, mais une société où nous vivrions enfin «dans des conditions authentiquement humaines». Alors YACA !

  3. Pour ma part, j’ai attendu que les gros beaufs soient partis dévaliser les magasins avant la date de confinement pour aller faire mes courses normalement aujourd’hui… Et putain le bonheur absolu, j’étais quasiment tout seul à me balader dans le supermarché ! J’avais plusieurs vendeuses au rayon boucherie et fromage de disponibles pour me servir comme un roi dans un silence olympien ! (et sans bousculade et râleries) Autant dire pour le coup, j’ai béni le coronavirus, moi qui déteste les foules !

    Mais j’ai grave ri ! Les gens ont dévalisé les rayons pâtes et riz ! (il ne restait même plus un paquet quelque soit la marque) Bon pour ma part, je ne voulais pas en acheter 36 paquets mais juste 1 pour la semaine afin d’intercaler des pâtes au cours d’un repas dans le semaine, car il faut bien le dire les pâtes ne sont pas très nourrissantes en vitamines…. Alors, pas grave, j’ai décidé de prendre un choux blanc et des carottes pour me faire du coslaw, ce qui est beaucoup mieux d’ailleurs… Bref, je n’ai pas eu à me plaindre, les beaufs ne semblent pas manger de légumes j’en avais autant que je voulais dans le magasin…..

  4. C’est clair Prédateur !

    Le premier jour de confinement n’avait même pas encore commencé que Macron annonçait déjà un plan de relance de 300 milliards d’Euros pour sauver le Pib ! (et 330 milliards en Angleterre)… Comme quoi l’UmPs n’en a rien à cirer de l’écologie ! Notre pays ne trouve même pas 1 million d’euros pour sauver l’école ou les hôpitaux, pas même pour acheter des masques sous prétexte que l’État ne peut pas tout … Mais l’État qui ne peut pas tout peut tout de même trouver 300 milliards sortis du chapeau pour sauver le secteur marchand ! Ça il n’y a jamais de limite pour sauver les banques, les marchands et les tradeurs ! L’État qui ne peut pas tout, est tout de même prêt à tout pour sauver le Pib !

    1. Quant à la BCE elle lance un programme de 750 milliards d’euros pour sauver le PIB !

      Jancovici a désormais sa réponse, va-t-on sauver l’écologie ou le Pib ? La réponse des dirigeants tant nationaux qu’européens ont été clairs et limpides, on sauvera le PIB !

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