post-covid, à quel prix le baril après-demain

Ubuesque paradoxe, la valeur du baril cotait à New York le 20 avril au-dessous de 0 dollar, un prix négatif. Autrement dit, les spéculateurs cherchaient à se débarrasser de leurs barils tellement le marché était saturé. La Covid-19 a fait chuter a demande de 30 %, les déplacements en voiture ou en avion sont réduits au minimum. Cette chute illustre aussi la financiarisation du pétrole ; les spéculateurs qui avaient acheté un contrat pétrolier n’ont pas de lieu pour stocker le pétrole et attendre des jours meilleurs. Enfin les considérations géopolitique sont toujours présentes, l’Arabie saoudite et la Russie s’étaient lancées dans une violente guerre des prix en augmentant leur production pour remporter des parts de marché. Bien que spectaculaire, ce prix négatif pour le contrat à terme WTI (West Texas Intermediate) n’est qu’anecdotique. Les économistes sont très forts, ils peuvent expliquer une chose et son contraire, la prospérité éternelle et la crise profonde… après que les faits se soient déroulés. Sur ce blog biosphere, nous ne nous intéressons qu’aux déterminants du long terme et pas à l’écume des jours présents.

A moyen terme le pétrole pas cher va inciter beaucoup de pays à pratiquer une relance « grise », basée sur les énergies fossiles, dès la fin des mesures de confinement. Et donc que les émissions de CO2 vont repartir à la hausse. Exit la lutte contre le réchauffement climatique, place aux politiques de relance, au soutien des compagnies aériennes et aux incitations à consommer à crédit. Pour un écologiste, le monde d’après ressemblera étrangement au monde d’avant, quelques problèmes de passage aux différentes frontières exceptés. Situation ubuesque, certes, mais toute l’économie mondiale est actuellement ubuesque…. l’argent continue et continuera à ruisseler sur les murs des banques, quelques spéculateurs vont s’enrichir encore plus, d’autres s’appauvrir beaucoup plus, le Peuple retournera à l’usine et l’État ne pourra qu’accentuer la pression fiscale pour compenser notre arrivée en récession post-covid. Et tout le monde trinquera face à une inévitable envolée des prix, peut-être même une hyper-inflation…

De tout façon à long terme le prix du baril va exploser, un immense choc pétrolier est inéluctable et ses conséquences seront encore plus dévastatrices pour la société thermo-industrielle que le SARS-cov-2. C’est inéluctable car le pétrole est une ressource non renouvelable dont nous consommons 100 millions de barils par jour pour faire travailler nos esclaves énergétiques à notre place. Quand il n’y en aura plus, il n’y en aura plus, c’est aussi simple que cela, on peut l’expliquer à un enfant de 5 ans avec des bonbons dont on mange le dernier devant lui. Voici quelques extraits de nos écrits sur ce blog biosphere :

19 septembre 2018, Le baril de pétrole à 80 dollars, ridiculement bas !

Pour la première fois, la barre historique des 100 millions de barils produits par jour a été franchie au mois d’août, soit 15 900 000 000 litres, soit environ deux litre par jour et par habitant au niveau mondial ! C’est vertigineux, démentiel, non durable. La prise de conscience planétaire pour le climat, le fait de devoir laisser les ressources fossiles sous terre pour éviter la catastrophe est encore loin. Pour rester en dessous de la barre symbolique de 2°C d’augmentation de la température mondiale, il faudrait en effet s’abstenir d’extraire un tiers des réserves de pétrole, la moitié des réserves de gaz et plus de 80 % du charbon disponibles dans le sous-sol mondial. Or les pays membres de l’OPEP, le cartel des exportateurs de pétrole, ont pourtant augmenté leur production ces derniers mois…

3 juin 2018, Quel est le véritable prix du baril de pétrole ?

Le prix du baril Brent était de 74,75 dollars le 29 mai 2018, le marché du système libéral ne sait pas si demain il sera à 20 dollars ou à 1000 dollars. Tout ce qu’on prévoit quand on raisonne en fonction des réalités géophysiques, c’est que le pic du pétrole conventionnel est déjà dépassé depuis 2006, ce qui aurait dû entraîner une hausse constante de prix car plus c’est rare, plus c’est cher. Quel est le véritable prix du baril de pétrole ? Il va tendre vers l’infini au fur et à mesure qu’on se rapprochera des dernières gouttes de pétrole à extraire.

11 mars 2017, Le quadruplement du prix du baril, une bonne nouvelle

Nous vivons actuellement un contre-choc pétrolier, les cours du baril sont tombés de 114 dollars mi-juin 2014 à 55 dollars… Pourtant nous avons dépassé le pic pétrolier, le moment où nous avons atteint le maximum de production possible avant le déclin, comme l’avait déjà signalé l’AIE : « La production de pétrole conventionnel a atteint son pic historique en 2006, elle ne le redépassera jamais. »… N’oublions pas que lors du choc pétrolier de 1973, le prix du baril a quadruplé dans l’année. Et nous sommes aujourd’hui à 55 dollars le baril… Comme les conférences sur le climat n’ont servi à rien depuis 22 ans, comme les entreprises ne pensent qu’en termes de profit à court terme, il faudra attendre l’affolement des cours du pétrole pour que l’économie retrouve sa vraie définition, l’art d’économiser. Prévoyez dès aujourd’hui d’avoir besoin dans votre mode de vie le moins possible d’une voiture. Sinon, catastrophe !

30 mars 2009, juste prix du baril

Les spécialistes n’ont pas vu venir l’envolée des prix du baril (147,5 dollars à la mi-juillet 2008) ni son effondrement (35 dollars mi-décembre).Pourtant le spécialiste du Monde (rubrique matières premières, 29-30 mars) s’interroge doctement sur le juste prix ou optimum économique. A-t-il la réponse ? Oui, il a la réponse : « Le prix équitable se situe autour de 70 dollars ». Pour l’affirmer, il suffit à Jean-Michel Bezat de recopier ce que réclame les pétromonarchies du Golfe…Les générations futures se passeront de pétrole, elles n’avaient qu’à naître au moment des Trente Glorieuses, période qu’on surnommera plus tard les années toxiques.

4 réflexions sur “post-covid, à quel prix le baril après-demain”

  1. J’imagine qu’en temps normal les médias et les merdias ne parleraient que de ça, que ça ferait les gros titres de tous les côtés, que nos grands se devraient de nous informer solennellement que la situation est grave, historique, que nous devons nous serrer les coudes, que nous sommes en guerre et patati et patata .
    Mais comme nous ne sommes pas en temps normal, nous nous contenterons d’apprendre que nous avons maintenant affaire en plus, à un «ubuesque paradoxe», que nous vivons une «situation ubuesque». D’autres disent «du jamais vu ; du grand n’importe quoi ». Et moi je rajoute : «Et tant que nous y sommes, toujours plus ! No limit, au diable la juste mesure !»
    Et c’est ainsi que hier à la sacro-sainte Bourse de New-York , le tout aussi sacro-saint Baril passait sous la barre de zéro dollar. Pour atteindre la côte historique de -37,63 dollars. Du jamais vu comme on dit. Et c’est ainsi que maintenant on va nous donner de l’argent pour aller faire le plein de carburant de la sacro-sainte Bagnole. Chouette, super chouette ! Mais bien sûr, des gens sérieux et très forts, qui peuvent expliquer une chose et son contraire, viendront nous expliquer que ce n’est pas aussi simple et simplet que ça. Que le cours est une chose, que la valeur en est une autre et patati et patata. En attendant ces marchands de salades et de tout et n’importe quoi s’agenouillent devant le sacro-saint Marché, ils tiennent pour paroles d’évangile toutes ces foutaises qui nous ont mené à cette situation ubuesque, ou shadokienne. Le jour où il faudra une brouette de biftons pour payer un rouleau de PQ, ces guignols vendront des brouettes et du papier Lotus. Le jour où tous les fidèles sujets du roi Ubu comprendront que la véritable valeur d’un baril de pétrole est de l’ordre de 1600 kWh, alors ils auront déjà fait une bonne partie du chemin. En attendant, mieux vaut en rire qu’en pleurer.

  2. Le long terme n’existe pas pour les analystes du marché, rien ne vaut pour eux le bon temps du court et moyen terme. La vérité des réalités biophysique d’une ressource non renouvelable fait en sorte que les générations futures se passeront de pétrole, l’ère de la facilité va se terminer. Comme l’écrivait Colin Campbell dans LaRevueDurable (février-mars-avril 2008) : «  Ce que fournit aujourd’hui au monde l’énergie du pétrole, c’est l’équivalent de 22 milliards d’esclaves travaillant nuit et jour. La société vit grâce au pétrole depuis plus d’un siècle et doit maintenant  réaliser qu’elle devra se débrouiller sans énergie alternative aussi pratique à utiliser et facile à extraire. Bien sûr, on peut toujours remonter à cheval… »

    1. En parlant d’esclaves, je conseille vivement de lire «Combien suis-je un esclavagiste ?» sur le site de J-M Jancovici.
      J’estime que l’énergie devrait être enseignée dès la maternelle, en plus de l’enseignement de l’esprit critique. Ah oui j’oubliais, et en plus bien sûr, du port du préservatif 🙂

  3. Et pourtant et pourtant et pourtant….Monsieur Guillaume Goubert a publié hier un article sur La Croix, intitulé « La facture du grand jeu »
    Et ce monsieur Goubert n’a toujours rien compris, voici l’introduction de son article, je cite : « Pour le commun des mortels, la chose n’est pas facile à comprendre. On entend répéter depuis des décennies que le pétrole est une ressource en voie d’épuisement. Et voici qu’elle est si abondante que certains sont prêts à payer pour en être débarrassés. Ainsi est-on tenté de résumer l’événement inouï qui s’est produit lundi à New York. » »
    Pour ce monsieur Goubert, il n’y aura pas de pénurie de pétrole….. Pour lui c’est du bidon, car ce monsieur ne sait pas faire la différence entre le pétrole en trop dans des cuves de stockage et les réserves de pétrole encore sous terre…. Bref, il n’a pas compris que ce sont les réserves sur le long terme qui sont encore enfouies dans le sous-sol qui vont s’épuiser… Les quantités en trop dans les cuves de stockage c’est juste lié au fait qu’on n’en consomme plus au même rythme qu’avant le covid19…..
    Alors évidemment, vous avez bien compris que monsieur Goubert conclus son article pour nous dire « vous voyez qu’il y en aura assez pour relancer la croissance » »
    Bref, envoyez lui Messieurs Cochet et Jancovici pour lui expliquer car des zigotos n’ont toujours pas compris

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