Post-covid, pour un Conseil de la Résistance

« Comme en 1944 avec le Conseil National de la Résistance, la conception d’un programme post-covid ne peut revenir qu’à une large coalition d’acteurs représentatifs de toute la société » écrit Méda. C’est historiquement faux, l’élaboration d’un programme de gouvernement ne se fait pas avec une coalition d’acteurs, mais par un petit nombre d’individus. Le CNR avait chargé un Comité général d’étude de préparer une plate-forme politique pour la France d’après la Libération. En novembre 1943 à Alger, le général de Gaulle entérine les points essentiels élaborés par ce Comité. De plus Dominique Méda fait une autre erreur, miser sur une coalition d’acteurs. C’est pratiquement impossible, on assiste depuis plusieurs années aux vaines tentatives de rassembler la gauche et les écologistes, c’est Sisyphe. Exemples, l’échec de l’Union à la dernière présidentielle entre le PS, EELV et Mélenchon ni sur less différentes tentatives d’Archipel et autres appels très médiatisés à l’unité !

Pourtant l’urgence écologique, éclatement partisan ou pas, Covid-19 ou pas, est toujours là. Nous avons absolument besoin d’un programme équivalent au CNR. Dominique Méda a raison de vouloir une « reconversion écologique », l’opinion publique y est d’ailleurs préparée. Mais il faudrait que l’écologie politique refuse clairement une écologie superficielle, adepte de l’écoblanchiment (greenwashing), genre croissance verte, agriculture raisonnée, moteur propre, etc. Il nous faut une écologie de rupture, et donc préciser les solutions dont parle Méda. Par exemple la notion de « planification »doit s’accompagner de la notion de taxonomie (cf définition en annexe). Pour la notion de « rendre les territoires les plus autosuffisants possible », il nous faut utiliser l’expression « communauté de résilience », bien documentées sous différentes appellations complémentaires. Pour l’idée de « rompre avec la division internationale du travail », il ne faut pas avoir peur de parler de protectionnisme ou même de démondialisation. Pour « réduire considérablement l’éventail des salaires », il faut introduire l’idée de revenu maximum, ce qui d’ailleurs devrait inclure l’ensemble des revenus et pas seulement ceux du travail. Yves Cochet a vainement tenté depuis des années d’orienter EELV vers une écologie de rupture, il est actuellement complètement désabusé et attend l’effondrement final réfugié dans sa longère. On en peut qu’espérer que la période de sobriété partagée que nous traversons en ce moment va être propice à une résurgence de ses idées programmatiques.

Dominique Méda a aussi raison sur un autre point : « Le risque est grand qu’au lieu de jouer un rôle d’alerte, la brutalité inouïe du confinement n’incite les gouvernements à pousser comme jamais les feux du productivisme et du consumérisme pour faire repartir l’économie comme avant. Le risque est réel de voir se développer des relances « brunes » massives, et du côté des consommateurs, des pulsions d’achats consolatrices qui contribueront toutes à augmenter la crise écologique. Le risque est quasi avéré de voir les légitimes appels à la post-croissance ou à la décroissance balayés d’un revers de main. » D’où l’idée de Résistance, comme pendant une guerre d’occupation. Des mouvements émergent dont nous avons déjà parlé sur ce blog biosphere :

22 février 2020, Urgence écologique, rébellion nécessaire

9 octobre 2019, Tout savoir sur Extinction Rebellion

20 avril 2019, CLIMAT : la semaine internationale de rébellion

28 août 2018, Jean-François Noblet, manuel d’éco-résistance

13 juillet 2018, Deep Green Resistance, ne nous trompons pas d’ennemi

(Commentaire d’une chronique de Dominique Méda dans LE MONDE)

3 réflexions sur “Post-covid, pour un Conseil de la Résistance”

  1. L’utopie est de penser que la croissance peut se prolonger indéfiniment. Le réalisme est d’accepter la finitude de notre monde. Il ne s’agit pas d’une simpliste option politique du type « préférez vous la croissance ou la décroissance ?  » mais plutôt de faire le choix suivant « préférez vous maintenir la croissance encore quelques années puis subir la décroissance plus tard dans un monde beaucoup plus abîmé ou voulez vous dès maintenant sauver ce qui peut l’être et nous préparer au monde à venir ? » N’oublions pas que la croissance ce n’est que l’augmentation de la consommation marchande. Fort heureusement, le bien-être des êtres humains ce n’est pas que de la consommation, le monde post- croissance pourrait donc être meilleur.

    1. Je pense qu’au fond de lui, personne (ou presque) ne croit encore que la croissance peut se prolonger indéfiniment. Par contre il y en a encore beaucoup trop qui pensent qu’il serait possible de conserver ce modèle de développement tout en préservant l’environnement. Pour en finir avec cette croyance, il faudrait commencer par bannir de notre vocabulaire tous ces oxymores et autres leurres, comme «développement durable ; croissance verte ; transition énergétique ; économie circulaire» ; etc.
      Bien avant cette crise, en octobre 2019, un sondage (Aviva Assurance, BFM Business et Challenges) prétendait que «54% des Français seraient favorables à la décroissance». En fait ce sondage ne faisait que révéler l’énorme confusion, si ce n’est hypocrisie, qui règne autour de cette idée de décroissance. Déjà le mot lui-même dérange. Certains lui préfèrent celui de «post-croissance», d’autres celui d’ «a-croissance». C’est quand même regrettable d’en être encore aujourd’hui avec ce genre de débat ou de querelle.
      La réflexion doit se porter sur la question : Comment faire pour que la décroissance (ou peu importe le terme) soit désirable ?
      Bien évidemment, il ne s’agit pas là de demander aux dits citoyens «préférez vous la croissance ou la décroissance ?» Ni de les mettre devant un dilemme du genre «préférez vous maintenir la croissance encore quelques années puis subir la décroissance plus tard dans un monde beaucoup plus abîmé ou voulez vous dès maintenant sauver ce qui peut l’être et nous préparer au monde à venir ?», ou «préférez vous la peste ou le choléra ?»
      Pour que cette utopie soit désirable il faut bien lui donner une consistance, il faut la dessiner. Jusqu’à présent les dits citoyens ne se sont vus proposés que des programmes (politiques), avec des promesses, qui n’engagent que ceux qui les croient, des histoires de «bout du tunnel», de «bonne voie» etc. Mais jamais la moindre ébauche de cet autre monde, jamais aucun véritable projet de société. Nous devons donc dessiner Utopia. Et là nous verrons déjà si 54% des Français sont réellement POUR (ou favorables à) la décroissance, ou pas. Si c’est le cas, alors tant mieux. 54% ce n’est certes pas l’unanimité mais c’est la majorité. Et en démocratie on n’en demande pas plus. Par contre si ce l’est pas, alors là c’est une autre affaire.

  2. J’aime bien Dominique Méda, elle est parfaite dans son rôle. Comme le sont d’ailleurs tous les acteurs, ou presque. Particulièrement aujourd’hui. Dans une carrière politico-médiatique ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance de vivre en direct une telle aventure, qu’on a une occasion comme celle-ci de laisser sa trace dans la postérité, dans l’Histoire. Tiens, imaginons ce que Cohn-Bendit serait devenu sans cette révolution manquée, en 68. On peut facilement imaginer qu’il serait alors devenu avocat, homme politique probablement, mais certainement pas maçon ni paysan. Dany dit le Rouge serait aujourd’hui un bon gros bourgeois. Et pareil pour Monsieur Hulot sans TF1, et/ou TF1 sans Hulot. Quant à la planète sans Cohn Bendit et sans Nicolas Hulot, il est facile d’imaginer qu’elle tournerait à peu près comme elle tourne aujourd’hui. Ni mieux ni plus mal.
    Et de Gaulle sans la Résistance, et la Résistance sans de Gaulle ? Ah, je crois que là c’est une autre histoire.
    Grenelle de l’environnement, Conseil de la Résistance… Le coup d’après faudra penser aux États généraux. En attendant, si rassembler la gauche et les écologistes s’avère être mission impossible, il ne reste alors que le rassemblement avec la droite. La peste brune ou les Khmers verts, choisis ton camp camarade écocitoyen.

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