« Pour la nature », texte de Roger Ribotto

Nature ! Tu es devenue transparente, évanescente, nous ne te voyons plus dans ton authenticité. Nous, occidentaux, si ce n’est nous d’une bonne partie de la planète, en sommes séparés comme jamais dans l’histoire. Nous vivons dans des bulles plus ou moins urbaines, allons de bulles en bulles avec quelques pseudopodes  vers une nature bien « aménagée ». En dépit de réflexes venus du passé et de poésies surannées, la campagne moderne, industrielle, à rentabilité exigée à court terme, est anti-nature…

L’avenir sera pire si nous nous entêtons à rester éloignés de la nature. Le présent sera plus jouissif si nous nous en rapprochons. En dernière instance, je mesure les vivants à mon aune. Alors, pour mieux connaître, mieux se connaître, incarnons-nous en la forme vivante que nous croisons, observons. Soyons l’oiseau qui migre, ailes alourdies par des centaines de kilomètres, et passe en bandes, en V, au-dessus des têtes. Imaginons la traversée par le renard ou le scarabée d’une allée, d’une route circulée. Trottinons avec les yeux et à hauteur de lézard ou de campagnol. Etre l’arbre splendide l’été, dépouillé l’hiver ; vieillir les décennies et les siècles comme lui. Etre la branche qui ploie sous le vent, le brin d’herbe qui se redresse après qu’on lui ait marché dessus. Cela est de l’animisme. Pour Jacques Monod, l’animiste projette dans la nature son propre système nerveux ; il explique le naturel par ce qui fonde l’activité humaine…

Face à la nature, la propriété est comme un instrument féroce de consommations, de dégradations. Elle l’est comme par essence. On hait la nature dès qu’elle détraque les bénéfices. Glissez vous dans une réunion communale dont le sujet est la protection d’un milieu écologique.  Particuliers et collectivités crient à qui mieux mieux pour s’y opposer. Ils s’égosillent pour des intérêts immédiats, c’est peut-être humain. Les libéraux disent que la nature sera sauvée par la propriété : le propriétaire soigne mieux sa maison que le locataire. Je l’ai entendu : pour protéger les baleines, les vendre individuellement après les avoir baptisées. Et bien non ! C’est  la propriété qui tue. Déjà Rousseau, au nom de l’homme regrettait que nul n’ait jeté dans un trou, le premier qui voulut enclore de l’espace, disant « c’est à moi ». Le Chef indien Seattle s’est étonné de ce que l’homme blanc achetât ce qui ne s’achète pas. L’un des pères de l’écologie, Aldo Léopold, au terme d’une vie d’actions, de réflexions, déplorait l’attitude des propriétaires d’espaces. Si le propriétaire privé avait le moindre sens écologique, il serait fier d’être le gardien d’une part raisonnable de ces territoires qui ajoutent beauté et diversité à sa ferme et à sa commune. La propriété est dure, les prescriptions censées en limiter les abus molles.

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