Pour Marine Le Pen, l’écologie se résume au localisme

« Localisme », l’ex-FN a définitivement trouvé son concept totem pour les Européennes. Sa tête de liste, Jordan Bardella, d’affirme qu’« on ne peut pas faire d’écologie sans frontières ». Marine Le Pen jure que le RN défend désormais « une vision totalement alternative » de l’écologie, à savoir « la protection des écosystèmes, à commencer par les écosystèmes humains que sont les nations ». Derrière la défense des circuits courts, il s’agit de promouvoir plus largement une forme d’autarcie grand-continentale dans la continuité des théories nationales-révolutionnaires. Avec le nouvel « intello écolo » du parti, Hervé Juvin, s’affiche le supposé virage vert du RN : « Tout écologue sait bien qu’un système vivant complexe ne survit pas à des espèces invasives, la finance mondialisée, les migrations de masse…  » A part le repli sur l’hexagone et le prisme anti-immigré, l’extrême droite n’a rien à dire sur l’écologie. Elle est résolument pronucléaire, opposée à la taxe carbone, pourfend les éoliennes,etc. Sans propositions concrètes pour la transition énergétique ou pour lutter contre le réchauffement, M. Juvin et le RN s’en remettent à des recettes classiques : combattre le libre-échange et encourager les échanges au niveau local. Comment mettre en œuvre une telle logique ? Hervé Juvin ne formalise pas d’autres propositions qu’une sortie partielle du marché intérieur de l’Union européenne sur certains produits, sans préciser lesquels.*

Au Grand Jury de RTL, le 25 avril 1974, cet échange prémonotoire. Serge de BEKETCH (représentant de Jean-Marie Le Pen) : « Vous proposez de demander au peuple français des sacrifices comme jamais on ne lui en a demandés. Je ne pense pas que le peuple français les acceptera de grand cœur. Par conséquent, vous vous trouverez réduit à une alternative très simple : ou céder à la pesanteur des habitudes de la société de consommation ou imposer votre vision d’une société que l’on pourra qualifier de « non-consommation ». Comment y parvenir sans faire appel à cette conséquence inéluctable des systèmes utopiques qu’est la coercition ? » René DUMONT (candidat écologiste à la présidentielle) : « La société de non-consommation est une hypothèse que nous n’avions pas envisagée. Nous préconisons une société ayant un autre genre de consommation, c’est-à-dire une consommation qui ne détruise pas le patrimoine national. Une société qui au lieu du stimulant argent qui est la base de notre société, aurait le stimulant bonheur. » Exagération par l’extrême droite des propos de l’adversaire politique avec agitation de l’épouvantail d’un « écofascisme » qui se cacherait derrière le discours écologiste. Ce procédé n’a malheureusement pas vieilli.**

Bien plus tard l’extrême droite a essayé de récupérer les thèses écologistes. Marine Le Pen avait jugé le Pacte écologique de Nicolas Hulot était compatible avec celui de son propre parti : « On a relu avec mes conseillers le projet qu’il avait fait en 2007… Il y a énormément de choses qui sont tout à fait compatibles avec le projet du Front national. » Pourtant le programme du présidentiable Jean-Marie Le Pen en février 2007 était tout sauf écolo. On voit l’épouvantail de l’écofascisme resurgir : « La liberté de millions de Français est déjà entravée par des règlements et des politiques inspirées par les Verts. Leur autophobie révèle un esprit totalitaire. La voiture constitue en effet pour les Français un moyen d’évasion, réservé jusque dans les années 1950 aux plus fortunés. L’écologie ainsi dévoyée peut conduire à l’établissement d’un système totalitaire mondial, rationnant nos activités et nos dépenses et imposant des normes sociales contre-nature. » Jean-Marie Le Pen attaque ardemment les objecteurs de croissance : « Une autre idéologie, née en 1972 avec les thèses du Club de Rome, préconise pour sauver la planète de la surpopulation et de la surproduction, l’arrêt de la croissance. Elle considère que l’humanité constituant une espèce dangereuse pour l’environnement, il faut en réduire les activités et la population… Les plus modérés suggèrent juste un ralentissement de la croissance, les plus radicaux militent pour un retour à un âge d’or. Cette idéologie, d’apparence bucolique, est en réalité plus criminelle que celles qui ont ensanglanté le siècle dernier… Ce n’est pas en freinant la croissance économique de nos nations que nous protégerons notre environnement. » Jean-Marie Le Pen croit posséder LA solution ultime, le nationalisme : « Dans le domaine économique et social, le bon sens nous amène à penser qu’une nation dotée de frontières constitue le modèle politique le plus performant. Il en est de même dans l’ordre écologique. Les frontières, bien sûr, ne protègent pas de toutes les pollutions, notamment climatiques. Mais des frontières nous permettraient d’imposer des droits de douane spécifiques sur les marchandises produites dans les pays ne respectant pas les normes environnementales. Le rétablissement de nos frontières nous permettrait enfin de lutter contre la pollution automobile en imposant, comme le fait déjà la Suisse et comme veut le faire la Belgique, un droit de passage aux véhicules immatriculés à l’étranger » (...) Pour conclure, cette phrase d’Eva Joly, présidentiable 2012 : « Nous, les écolos, nous portons la complexité du monde, le FN porte une simplification mensongère. »

Pour en savoir plus, lire sur notre blog biosphere :

30 décembre 2016, Front National, un programme superficiellement écolo

27 décembre 2014, Le Front national écolo ? Son passé plaide contre lui

* LE MONDE du 16 avril 2019, Derrière le virage écologique de Marine Le Pen, l’obsession de l’immigration

** « L’écologie à l’épreuve du pouvoir » un livre de Michel Sourrouille

4 réflexions sur “Pour Marine Le Pen, l’écologie se résume au localisme”

  1. –  » MLP est fondamentalement de gauche « .
    Mort de rire ! N’en jetez plus je m’étouffe. Quand je dis que nous vivons dans le grand n’importe quoi, que les gens sont déboussolés, qu’ils ne savent même plus où est la droite et la gauche, qu’ils confondent les vessies et les lanternes, etc. etc. Misère misère !

    Ps : bien relire Lévi-Strauss, avant de vouloir lui faire dire n’importe quoi!

  2. MLP est fondamentalement de gauche (les muzz et les immigrés sont ses frères) : elle sert de caution au système mondialiste représenté par macrondelle et ses banques .
    Seule la droite identitaire peut se dire de droite dure antiimmigration – invasion !

  3. Eh ben voilà, enfin quelque chose de nouveau : « une vision totalement alternative » de l’écologie !
    Vraiment, on n’arrête pas le Progrès, vraiment aujourd’hui tout est permis, Marine qui veut nous révolutionner l’écologie, que dis-je, la pensée écologique ! Vraiment on vit bien dans le grand n’importe quoi.
    Et comme on sait, aujourd’hui ce qui est nouveau a tout pour séduire. Enfin, pour séduire ceux qui ne veulent que des choses simples à comprendre, les simplets et autres gogos (à ne pas confondre avec les bobos).

     » A part le repli sur l’hexagone et le prisme anti-immigré, l’extrême droite n’a rien à dire sur l’écologie. »
    En effet, c’est tout à fait ça. Et qu’est-ce qu’elle pourrait bien nous en dire puisque ça toujours été le cadet de ses soucis ? Comme tout le monde, ou presque,
    l’extrême droite se sert de l’écologie pour promouvoir ses intérêts. On peut dire que c’est de bonne guerre. Ici il s’agit de cette idéologie nationaliste et xénophobe qui ne remet nullement en question le Système, l’Ordre Etabli, la sacro-sainte Croissance, les rapports dominants-dominés etc.

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