pour un retour des paysans contre l’agriculture industrielle

Voici deux textes de Marc Dufumier qui méritent une mise en application politique :
1) Il nous faudrait promouvoir une agriculture moins industrielle, c’est-à-dire plus artisanale, plus respectueuse de l’environnement mais aussi plus intensive en emplois. En effet la France ne peut plus être compétitive sur les marchés internationaux en tentant d’exporter des denrées standards produites à grande échelle. Les poulets nourris avec du maïs et du soja brésiliens ne peuvent être vendus plus chers que des poulets brésiliens… Beaucoup d’agriculteurs considèrent cependant qu’il leur faut poursuivre avec les formes actuelles d’agriculture industrielle, quitte à considérer les problèmes environnementaux et sanitaires engendrés par celles-ci comme étant relativement secondaires… Et nos productions exportées vers ceux des pays du Sud contribuent à ruiner définitivement les paysanneries de ces pays qui travaillent encore pour la plupart avec des outils manuels. Ce sont pour une très large part les distorsions de prix introduites par les subventions de la politique agricole européenne (PAC) qui ont été à l’origine de nos errements.
Mais pourquoi ne réorienterons-nous pas celle-ci pour que les paysans soient incités à mettre en œuvre les systèmes de culture et d’élevage les plus conformes à l’intérêt général ?
(résumé du MONDE (9 février 2016, Crise agricole : « Vive la production artisanale ! »))

2) Pas un rayon de soleil ne doit plus tomber directement à terre ; tous doivent être interceptés par des feuilles de plantes. Pas un filet d’eau ne doit ruisseler à la surface des terrains ; toute l’eau doit être retenue par l’humus et s’infiltrer dans les sols. Contrairement à des idées préconçues, l’agriculture biologique n’est pas extensive. C’est une agriculture qui fait un usage intensif de l’énergie solaire pour la convertir en énergie alimentaire par le biais de la photosynthèse. L’agriculture biologique vise à séquestrer intensément le carbone pour fabriquer les hydrates de carbone (glucides, produits amylacés, lipides, etc.) dont nous avons besoin et pour enrichir les sols en humus. Grâce aux légumineuses, cette forme d’agriculture fait aussi un usage intensif de l’azote de l’air pour la fabrication des protéines et la fertilisation des sols. L’agriculture biologique sait aussi recycler dans les couches arables les éléments minéraux libérés par l’altération des roches mères en sous-sol. Savante, mais artisanale, elle exige davantage de travail à l’hectare ; c’est donc une forme d’agriculture intensive en emplois.
Par contre l’agriculture industrielle ne fournit que très peu de travail à l’unité de surface. Il serait illusoire de penser que cette agriculture serait une agriculture à bas coûts. Les nations en concurrence sur le marché mondial seraient bien inspirées d’intégrer toutes les externalités négatives : stations d’épuration des eaux, algues vertes du littoral breton, recrudescence des cancers, etc. Les systèmes de production exagérément spécialisés ne sont pas durables. L’urgence est de mettre un plafond à la taille des unités de production agricole, comme à l’époque des lois anti-cumuls. La seule issue pour nourrir correctement l’humanité entière est de faire en sorte que prédominent des unités de production agricole familiales.
(vers une agriculture durable in Un nouveau monde en marche (vers une société non-violente, écologique et solidaire) sous la direction de Laurent Muratet et Etienne Godinot (éditions Yves Michel, 2012))