pour une religion de la décroissance, un curé nous parle

Fondateur de l’association « Chrétiens et pic de pétrole » Michel Durand veut être, dans sa paroisse de Saint-Polycarpe à Lyon, un prêtre en lutte contre l’illusion de la croissance infinie. Cette position est inaudible dans une Eglise qui chante les louanges du développement économique. Il déclare à la journaliste Catherine Thumann* :

« En 2002, j’ai rencontré des paroissiens qui m’ont parlé de décroissance. J’ai vu, à travers la « simplicité volontaire », des gens qui vivaient concrètement ce que j’essaye moi-même de vivre. Je me suis dit qu’il y avait là une vérité fondamentale. C’est assez étonnant de voir que la plupart de ceux qui écrivent dans le mensuel La Décroissance se disent athées alors qu’ils sont très proches du message originel de l’Evangile. Pour moi, un objecteur de croissance, tout athée qu’il soit, véhicule l’esprit saint en me parlant de la radicalité de l’Evangile. L’importance des limites est un principe universel et il faudrait que tout le monde en reconnaisse la réalité. Mais l’Eglise, comme la société civile, a tendance à enfermer les chrétiens dans la sacristie. Au sein de l’Eglise nous, les objecteurs de croissance, nous ne sommes pas seulement minoritaires, nous sommes inexistants. Mais le disciple du Christ est quelqu’un qui espère. Il veut croire qu’un jour, l’homme saura trouver le raisonnable.

J’ai un blog, « En manque d’Eglise ». Pour moi est sage celui qui ne s’ennuie pas quand il n’a absolument plus rien à faire. Combler le vide en permanence, c’est passer à côté de la vocation humaine, de la rencontre, de la plénitude dans l’immobilité. Cela ne signifie pas ne pas sortir de chez soi, mais préférer la contemplation à l’agitation des trajets en voiture ou en avion. Aujourd’hui les enfants ont des emplois du temps très chargé, à faire de l’escrime, du judo, de la musique. Ils ont perdu la possibilité de ne rien faire. Le message que j’adresse aux catholiques, c’est qu’en tant que baptisés, nous sommes tous appelés à être sobres. Nous n’avons pas vocation à l’accroissement mais à la simplicité. C’est ce que m’a rappelé le mouvement de la décroissance en me rapprochant du cadre de l’Evangile. Les Chrétiens devraient tous être conscients d’être appelés à vivre une lutte contre l’illusion de la croissance infinie. »

* résumé d’un article du mensuel La Décroissance, novembre 2012

(page 7, dédiée à la simplicité volontaire : « Aspirant à l’ermitage »)