Il y a un intérêt public à savoir comment fonctionne le monde et ce que l’on y fait en notre nom. Mais quand ministres et parlementaires s’unissent pour contourner la justice et relancer le chantier de l’autoroute A69, il y a danger en la demeure.
Matthieu Goar : Contestée par des associations de défense de l’environnement et travaux à l’arrêt depuis une décision de justice, la construction de l’A69 est défendue par l’ensemble de la majorité.Des ministres alignés et des parlementaires du « bloc central » quasiment unanimes. En février, dès la décision du tribunal administratif connue, le ministre des transports avait annoncé que l’Etat ferait appel de la décision. La ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, avait soutenu cet appel. Jeudi 15 mai, une proposition de loi dite de « validation » de ce projet a été votée par le Sénat lors de la niche parlementaire de l’Union centriste (UC). L’Assemblée nationale l’examinera le 2 juin.
« Nous pouvons contester cette décision sans remettre en cause l’indépendance de la justice, rétorque Jean Terlier, député Ensemble pour la République et fervent défenseur de ce projet. Un acte administratif peut être régularisé s’il obéit à une raison impérative d’intérêt public majeur. Et nous considérons que le désenclavement et le contexte socio-économique justifient cette démarche législative. » Le tribunal administratif avait au contraire estimé que cette autoroute ne remplissait pas les critères d’une « raison impérative d’intérêt public majeur » et ne pouvait donc déroger à l’interdiction de détruire des espèces protégées. La loi « de validation » est adoptée alors même que l’appel ne sera examiné sur le fond que dans plusieurs mois. Il y a une volonté sans précédent d’empiéter sur le travail des juges et de peser sur une décision en appel. Cela pose, plus largement, la question du respect de l’Etat de droit par les parlementaires. On pourrait arriver à une situation ubuesque où l’autoroute serait achevée, mais sur la base d’une autorisation environnementale illégale.
Le point de vue des écologistes légalistes
La question n’est pas celle du droit mais de la supériorité de l’intérêt public. Or dans une démocratie qui définit l’intérêt public ? Les élus locaux ou les juges? Il ne s’agit pas de contourner la justice ou le législatif, mais de peser l’idée qu’ils se font de l’intérêt public.
Il faut lire le texte voté par le Sénat : un seul article qui valide un arrêté préfectoral autorisant les travaux. Ce texte a pour seul objectif de contredire une décision de justice : violation de la séparation des pouvoirs législatif et judiciaire. C‘est un texte de loi qui décide que la loi ne s’applique pas à un projet particulier : le pouvoir législatif se contredit lui-même
Le Conseil Constitutionnel a développé une jurisprudence stricte concernant les lois de validation. Il considère que de telles lois ne sont constitutionnelles que si plusieurs conditions sont remplies :
* L’existence d’un motif d’intérêt général suffisant
* L’absence de violation d’un droit ou d’une liberté fondamentale
* Le respect des décisions de justice ayant force de chose jugée
* L’absence de détournement de pouvoir
* Le caractère non rétroactif d’une validation d’un acte illégal.
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NOUS, élus, pouvons faire n’importe quoi
extraits : Christophe Guilloteau (Les Républicains, LR), président du conseil départemental du Rhône, a supprimé brutalement les subventions annuelles de trois associations de défense de l’environnement. C’est sa réponse à un courrier de ces associations qui alertait sur les conséquences économiques et environnementales d’un projet de port fluvial sur la Saône. Se venger ainsi d’un courrier qui déplaît, c’est une vision de la démocratie assez inquiétante….
Combattre les GTII, Grands Travaux Inutiles et Imposés
extraits : L’enterrement de Notre-Dame-des-Landes en 2018 ne fait que préparer l‘épanouissement de la contestation de tous les GTII, Grands travaux inutiles et imposés. Partout sur le territoire, une cinquantaine de projets d’aménagement suscitent de vives oppositions locales, souvent depuis plusieurs années. Nos grands élus, épaulés (et briefés) par les grandes entreprises, se sont comportés comme Louis XIV qui a commandé son château de Versailles et les pharaons qui ont fait ériger les pyramides. Les projets pharaoniques étaient de droit divin dans l’Égypte ancienne : pour la gloire d’un seul, on exploitait tout un peuple. Aujourd’hui on fait croire au peuple qu’on construit des éléphants blancs pour son plus grand bonheur….
En finir avec les grands travaux inutiles et imposés ?
extraits : Les actes de destruction opérés contre les GTI deviendront-ils en 2018 un impératif catégorique ? L’écrivain italien Erri De Luca avait déclaré à l’occasion du titanesque chantier du TGV Lyon-Turin : « Les actes de sabotage sont nécessaires pour faire comprendre que le TGV est un chantier inutile et nocif (1er septembre 2013 sur le Huffington Post)». Pour sa défense lors de son procès, il avait précisé : « Le sabotage est une forme de résistance politique qui ne peut s’entendre seulement au sens matériel. Ce mot a un sens plus large, un sens politique. Quand des députés s’opposent à une loi, au Parlement, ils la sabotent à leur manière. L’Italie est pleine de chantiers abandonnés, des ponts, des routes, des hôpitaux… Il y en a des centaines. D’une certaine façon, ces chantiers-là se sont autosabotés. »….
Le petit livre noir des grands travaux inutiles, 7 euros
extraits : Pour une approche plus globale, lisez « Le petit livre noir des Grands travaux inutiles ». IApprécions à sa juste valeur le dernier paragraphe de ce petit livre noir : « Les ZAD (Zones à défendre) ne sont pas seulement des lieux de contestation, elles sont aussi des lieux d’apprentissage, des agoras où renaissent l’esprit de lutte, l’envie d’échanger, le besoin de s’engager. A toutes celles et ceux qui ont osé sortir des sentiers battus et reprendre les chemins (parfois boueux) de la mobilisation, à toutes celles et ceux qui, sans renoncer à leur individualité, savent se fondre dans un collectif, nous n’avons qu’une seule chose à dire : continuez ! Continuons… »
Même les démocraties les mieux installées sont susceptibles d’être dévitalisées par un leader populiste. Donald Trump donne à voir à quelle vitesse un Etat de droit peut être déconstruit. Un gouvernement autoritaire se donne l’apparence de la démocratie et s’éloigne systématiquement de l’Etat de droit, c’est-à-dire d’un régime respectueux des libertés – la liberté d’aller et venir, la liberté d’expression, le droit à un procès équitable…Pour les populistes apparaît comme un frein à la volonté souveraine du leader, présenté comme l’incarnation de celle du peuple. Et par voie de conséquence, ils entendent dévitaliser ses gardiens que sont d’un côté les juges, de l’autre les médias indépendants.Bruno Retailleau, le ministre de l’intérieur, a été jusqu’à estimer le 8 février que l’Etat de droit n’était « pas intangible, ni sacré » et qu’il y avait des règles de droit qui « entravent » le fonctionnement de l’Etat.
Réflexion percutante, je me retrouve souvent à penser que les décisions sont prises à l’envers…
L’intérêt public passe clairement après les intérêts de marché, et ce n’est pas qu’une impression.
Merci pour ce texte qui bouscule, ça fait du bien.
De toutes façons c’est bien connu, les juges sonts TOUS des rouges.
Alors il ne manquerait plus que ça que ce soient eux qui fassent la Loi.
-« La loi « de validation » est adoptée alors même que l’appel ne sera examiné sur le fond que dans plusieurs mois. »
Est-ce pour autant que le chantier (actuellement suspendu) de l’A69 est désormais reconnu d’«utilité publique», et donc validé, et donc par conséquent que les travaux vont reprendre ?
J’ai essayé de comprendre ce qu’est exactement une loi de validation… j’ai lu que l’adoption de lois rétroactives s’est multipliée ces derniers temps, je me dis que c’est comme le fameux 49-3 (circulez il n’y a rien à voir !), j’ai vu que le Conseil constitutionnel vient là encore s’en mêler… bref, n’étant pas juriste, je vois bien mes limites en la matière. Par contre je ne vois pas, là encore, ce qui devrait nous étonner. Vu que les gros la veulent, cette put. d’autoroute, sans oublier un bon paquet de petits gros couillons… que voulez donc qu’il se passe ? D’autant plus qu’elle est bien avancée, qu’il ne lui manque plus que le goudron, alors qu’ON en finisse et puis par ici la Monnaie ! (à suivre)
(suite) Nul besoin d’avoir fait de longues études de Droit pour comprendre que “selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ”.
Mais qui donc ne connaît pas cette fable !? (Les Animaux malades de la peste – La Fontaine)
Nos deux tristement célèbres baveux (avocats) peut-être…
– Le Pen, Sarkozy… “Les mêmes qui veulent une justice dure considèrent qu’ils sont au-dessus de la loi” (telerama.fr 03 avril 2025 )
Quand les puissants sont misérables, et un paquet de petits (gros) couillons tout autant, quand par dessus le marché les Animaux malades du Consensus (Gilles Châtelet) le sont de la Peste (porcine, aviaire, brune) … alors l’intérêt public, l’intelligence collective, la justice, les vraies valeurs, l’écologie etc. etc. eh ben de tout ça ON s’en tape.